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29 mars 2024 à 06:54:32
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Auteur Sujet: The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)  (Lu 62907 fois)

Hors ligne Maroti

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  • Traducteur de The Wanderin Inn par Piratebea
The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« le: 01 octobre 2019 à 11:01:01 »

Une auberge est un lieu de repos, un lieu où l'on peut discuter et partager des histoires. Où un lieu pour trouver l'aventure, un point de départ pour les légendes en devenir.
Du moins, c'est le cas dans ce monde. Pour Erin Solstice, une auberge est plus une relique du Moyen-Age. Mais c'est sa vie désormais, fuyant des gobelins et tentant de survivre dans un monde de monstre et de magie. Elle serait surement plus enthousiaste si tout n'essayait pas de la tuer.
Mais elle est tombée sur une auberge, alors elle doit faire avec. Devenant une aubergiste servant les aventuriers et les monstres...
Enfin surtout les monstres. Mais il faut bien gagner sa croûte, n'est-ce pas?
Ceci est l'histoire de l'Auberge Vagabonde.

Quelques informations complémentaires sur le sujet.

Ceci est la fan-traduction de the Wandering Inn, une histoire écrite par Piratebea. Toutes l'oeuvre que vous vous apprêtez à lire est donc une traduction, autorisé par l'auteur, dont le but principal est de partager ma passion pour son roman, d’entraîner mon anglais, et d'avoir un projet à présenter à la fin de mon année en tant qu'étudiant Erasmus. Ceci est un projet à but non lucratif, accessible à tous et dont le but est de vous faire découvrir la fantastique pépite de fantasy qu'est cette histoire.

Sur ceux, bonne lecture!

[Edit]: Depuis le 28/03/2020, EllieVia rejoint le projet de traduction de The Wandering Inn, elle avait aussi commencé sa traduction en parallèle, et nous avons décider de joindre nos projets! A partir d'aujourd'hui, et pour ne pas perdre une partie de l'excellent travail qu'elle a fourni, tous les chapitres existant de Ryoka seront remplacé par les siens!

De plus, plusieurs termes importants ont été revus et changés, et la liste complète sera postée sur le post du chapitre 1.28!

Un grand merci à EllieVia de me rejoindre dans ce projet! =D

OoOoOoOoOoOoO
1.00
[/b]

L’auberge était sombre et vide. Elle se dressait,  silencieuse, sur une colline recouverte de verdure entourée de ruines. La pourriture et le temps avaient abattu les autres bâtisses ; les intempéries et l’écosystème avaient réduit les fondations de pierres en miettes et les murs de bois étaient devenus un amas de planches pourries mélangées au sol. Mais l’auberge tenait toujours debout.

Elle attendait. Pas de manière consciente ou réfléchie, mais à la manière dont tous les bâtiments attendent. Elle attendait que quelqu’un la trouve.  N’était-ce pas là le but d’une auberge ? Et quelqu’un, en effet, finit par la trouver.

Une jeune femme trébucha à travers les hautes herbes, gravissant la colline. Ses jambes tremblaient et elle luttait pour respirer. Ses poumons la brûlaient. Son bras droit était brûlé, de la fumée continuait de s’échapper des restes calcinés de son épaule, et ses jambes saignaient. Plusieurs entailles, peu profondes, avaient déchiré l’arrière de son pantalon.

Mais elle continuait d’escalader la colline, parce qu’une auberge se trouvait là. Après tout, il n’y avait pas d’erreur possible. Malgré les années, le bâtiment se tenait au milieu des ruines, en majeure partie épargné par le passage du temps. La construction de l’auberge devait avoir été réalisée avec plus de soin que les autres bâtiments, ou alors quelque chose d’autre – encore – l’avait maintenue.
Dans tous les cas, ce n’était pas ce qui avait attiré la jeune femme jusqu’à l’auberge.

Ce n’était qu’une simple pensée.

Une auberge, dans tous les mondes, est comme un symbole. Elle est autant un lieu pour faire des rencontres et se reposer qu’un lieu crucial où des quêtes épiques pourraient commencer. L’âtre d’une auberge et le doux feu qui y brûlait la nuit était un phare pour les épuisés, les affamés et les désespérés. Mais cette auberge était sombre.

L’enseigne de l’auberge était vermoulue, et le temps avait effacé le nom qui s’y trouvait depuis bien des années. Les fenêtres étaient ternes et fermées, mais la jeune femme, la vagabonde, n’avait nul autre endroit où aller. Lentement, avec hésitation, elle tituba vers la porte et tira sur l’humble poignée.

Rien ne se passa.

Après un court instant, elle poussa la poignée et la porte s’ouvrit en grinçant. Prenant son courage à deux mains, la jeune femme jeta un œil dans la pièce sombre qui se trouvait devant elle. Son instinct lui disait qu’il s’agissait d’une salle commune, un lieu où les repas et les boissons étaient normalement servis. Cependant, l’auberge était déserte depuis bien longtemps et une épaisse couche de poussière s’était accumulée dans chaque recoin.

« Bien sûr qu’elle est  vide. »

L’intruse soupira et s’appuya contre l’encadrement de la porte, épuisée. Elle reposa son front contre l’un de ses bras, grimaçant alors que ses brûlures et coupures la faisaient souffrir. Elle luttait pour ne pas pleurer. Elle s’était doutée que l’auberge serait probablement déserte quand elle l’avait vue au loin. Elle s’en doutait, mais elle avait espéré que…

« Depuis que je suis arrivée dans ce monde, tout va de travers, n’est-ce pas ? »

Lentement, elle se redressa et s’aventura dans la pièce. L’auberge, imposante et lugubre, absorbait le bruit de ses pas. Elle avait été construite pour accueillir un grand nombre de personnes, et la nuit la rendait caverneuse. La jeune femme avait l’impression que le bâtiment pourrait l’avaler, mais y avait-il un autre endroit où se réfugier ?

À l’intérieur, les ténèbres. À l’extérieur, pire encore. Il y avait des choses à l’extérieur. Des monstres. Elle les avait vus. Des monstres, et un monde inconnu. Un monde qui n’était pas le sien.
Lentement, la jeune fille marcha jusqu’à une chaise et s’écroula dessus. Un nuage de fumée s’en échappa et elle commença à tousser. La poussière était omniprésente. Mais elle était fatiguée, tellement fatiguée. Et même si elle était vide,  abandonnée et déprimante, l’auberge continuait de l’appeler. Ses murs offraient un peu de sécurité. Alors la jeune femme resta assise et ferma les yeux pendant un instant.

Il commençait à pleuvoir à l’extérieur. Une forte et froide pluie qui s’écrasait contre le toit et s’immisçait à travers les fissures. Tapant, gouttant. Les yeux de la jeune femme s’ouvrirent légèrement alors que le battement se transformait en un rugissement. La pluie se changea en tempête. C’était au moins un problème d’évité.

C’était apaisant. La jeune femme s’installa et la douleur de ses blessures, l’espace d’un instant, s’amenuisa.  La pluie devint un bruit de fond alors qu’elle se détendait pour la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité. Elle décida qu’elle allait se reposer ici, au moins pour commencer. Mais une sensation commença à la déranger, Quelque chose qu’elle ne pouvait dire que maintenant, en sécurité. Alors elle ouvrit les yeux et s’adressa à la pièce vide.

« J’ai super faim. »

Et c’est ainsi que la légendaire histoire de l’Auberge Vagabonde commença.
« Modifié: 14 octobre 2020 à 18:18:19 par Maroti »

Hors ligne Maroti

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #1 le: 01 octobre 2019 à 20:11:24 »
1.01

Après quelques minutes, la vagabonde se leva. Enfin, elle n’était pas réellement une vagabonde. Elle n’avait pas prévu de voyager cette nuit. La jeune femme fronça les sourcils avant de passer une main sur son visage. Elle était sur la route des toilettes et… avait dû prendre le mauvais chemin quelque part.

Un très mauvais chemin, car elle n’avait jamais atteint le réconfortant siège de porcelaine et s’était soudainement retrouvée dans une cave, face à face avec un…

Un Dragon.

La jeune femme sursauta, son cœur battant la chamade. Elle regarda autour d’elle avant de se rappeler qu’elle était dans l’auberge. Mais le souvenir était vif, et son bras brûlé… Elle le toucha et grimaça.

« Ce n’est pas un rêve. »

Mais elle avait l’impression que c’en était un. Elle semblait être dans un rêve, car cela serait bien plus facile à expliquer que la réalité. La réticente vagabonde prit une grande inspiration, puis une  seconde, avant de tousser.

« C’est poussiéreux. Ahem ! »

Elle tentait de rationaliser ce qui était en train d’arriver. Commençons par le commencement.

« Qui suis-je ? Je suis Erin. C’est bon ! Nous sommes sur la bonne voie. »

Elle sourit de manière hésitante. Oui, son nom était Erin. Erin Solstice. Ce n’était pas un nom facile à oublier, et même si c’était son nom, elle avait quelques objections à son sujet. Par exemple, Erin pouvait être un nom de garçon, et elle était une fille. Du moins, elle avait été une fille. Erin se tâta en fronçant les sourcils.

« Ouaip, toujours une fille. Ravie de voir que cela n’a pas changé. Maintenant … Qu’est-ce que j’ai sur moi ? »

Elle touchait ses poches. Elle avait… Deux poches vides. Fantastique. Erin avait espéré que son téléphone serait avec elle, mais qui prend son portable pour aller aux  toilettes ?

« N’importe qui de sensé, faut croire que je n’en fais pas partie »

La plupart des gens commençaient leurs voyages avec une bonne préparation. Si Erin avait été mise au courant qu’elle allait se retrouver dans ce monde, elle aurait préparé un sac à dos rempli à ras bord de ce qui était essentiel. Puis elle aurait rajouté un pistolet. Pour combattre les petits hommes verts. Mais elle n’avait nullement préparé cette aventure. Elle n’avait pas eu la moindre idée de ce qui allait lui arriver.

Comment quelqu’un pouvait voyager jusqu’à un nouveau monde, jusqu’à un autre… Un autre lieu ? Erin fronçait les sourcils en pensant à sa situation. Ce n’était clairement pas une réalité virtuelle, elle n’avait aucun souvenir de s’être fait kidnapper ou d’avoir consommé de la drogue, et elle était pratiquement certaine qu’elle n’était pas folle… Même si sa situation actuelle la faisait légèrement douter. Mais si toutes les solutions logiques, dignes du monde réel, n’étaient pas applicables, la seule solution restante était…

De la magie. Erin ne croyait habituellement pas en la magie, mais sa rencontre avec un Dragon il y a moins d’une heure avait rapidement changé son regard sur l’existence du fantastique. Cependant… il n’y avait pas eu de portail pour l’invoquer, pas de rituel mystique ou d’impression de marcher dans du vide.  Bon sang, il n’y avait même pas eu de ding bruyant pour lui indiquer que quelque chose venait d’arriver.

« Je voulais juste aller aux toilettes. »

Elle n’avait pas ouvert la mauvaise porte ni n’était rentrée dans son armoire. Erin mit sa tête entre ses mains. C’était impossible. Elle était en train de devenir folle. Non, elle était déjà folle et cette auberge était l’image mentale qu’elle se faisait de la chambre capitonnée dans laquelle on l’avait enfermée. C’était aussi plausible que le reste.  

Cependant, si elle était folle, cela voulait dire qu’elle était assise dans son propre espace mental. Alors Erin regarda les alentours avec précaution. Une auberge était un endroit bien étrange. Erin n’avait jamais mis les pieds dans une auberge… Ni dans un bâtiment entièrement fait de bois. Mais elle en était là. Des murs de bois, des poutres en bois au plafond, des escaliers de bois qui menaient à l’étage…

« Est-ce que je suis dans un monde médiéval ? Ou une sorte de monde fantastique ? »

L’angoissant état d’abandon de l’auberge sauta au visage d’Erin alors qu’elle regardait autour d’elle. Au début, elle avait été pathétiquement reconnaissante d’apercevoir un bâtiment dans les prairies vallonnées dans lesquelles elle s’était retrouvée. Elle avait foncé vers l’auberge sans réfléchir. Mais maintenant qu’elle était à l’intérieur, Erin n’était pas à l’aise.

C’était tellement vide. Vide et poussiéreux. Vraiment poussiéreux.  La pièce centrale avait beau être grande et spacieuse, la présence des tables et des chaises l’étrécissait. Un long comptoir au fond de l’auberge lui donnait l’impression qu’elle était dans un bar. Elle sentait qu’un barman aurait dû se trouver derrière ce comptoir, nettoyant un verre et lui servant une délicieuse boisson rafraîchissante…

Erin soupira et se gifla doucement le visage. Elle avait soif, et faim. Il était temps de penser à autre chose. Elle prit une grande inspiration et toussa, avant d’éternuer.
« C’est dégoûtant ici ! Quelqu’un devrait passer un coup de balai ! »
Elle fit une pause, et après une poignée de secondes, Erin regarda autour d’elle.

« … Je suppose que je suis cette personne. »

Il n’y avait pas beaucoup de confiance dans ses mots. Pourquoi s’embêter à nettoyer un lieu aussi décrépit ? D’un autre côté, c’était tellement poussiéreux qu’Erin était certaine que la moindre tentative de dormir ici se solderait par sa mort via asphyxie ou par une violente crise de toux en plein milieu de la nuit. De plus, il serait appréciable de ne pas soulever un nuage de poussière à chaque fois qu’elle s’asseyait.

« Et puis, c’est un bon coin pour se reposer. S’il n’y a personne ici, je serai peut-être capable de… »

De faire quoi ? Se cacher ? Vivre ici ? Qu’est-ce qu’est ‘ici’ exactement et qu’est-ce qui se passe ?

Erin tentait de ne pas paniquer alors que l’incertitude serrait son cœur. Elle ne pouvait pas paniquer, pas maintenant.  Elle était terrifiée, c’était indéniable, mais son instinct lui disait que paniquer n’était pas une option. Il n’y avait personne pour l’aider, elle était perdue et seule… La panique était un luxe qu’elle ne pouvait pas se permettre.

Alors Erin s’accrocha à la seule vérité qui était encore indéniable.  Si une pièce était sale, c’est que cette dernière ne devrait probablement pas l’être. Elle décida alors de la nettoyer, et prit sa première décision depuis son arrivée dans ce monde. C’était une simple tâche, une humble ambition :
Trouver un chiffon.

Clairement, ce n’était pas la plus impressionnante des décisions, mais l’intégralité du plan d’Erin était basée sur cette simple tâche. Premièrement elle allait trouver un chiffon, puis elle allait trouver un seau. Et puis, s’il n’y avait pas de seau, elle pouvait toujours aller dehors et mouiller le chiffon avec la pluie. Après ça, elle pouvait nettoyer quelques tables et puis elle allait trouver une serpillière…
Le premier endroit où Erin chercha fut derrière le bar. C’était un début prometteur, mais elle ne trouva que plus de poussière et des toiles d’araignées.

« Zut. »

Puis, elle regarda derrière le bar et trouva que ce dernier donnait accès à une cuisine. Elle remarqua plusieurs poêles, vieilles et rouillées, ainsi que plusieurs casseroles et même le précieux seau, mais pas de chiffon.

« Double zut. »

Se sentant de plus en plus désespérée, Erin s’empara du seau et le posa à l’extérieur, le laissant se remplir d’eau avant de retourner dans la salle commune. Bien, il ne restait plus que l’étage.
Le très sombre escalier toisait Erin alors qu’elle posa son pied sur la première marche. La jeune femme leva la tête et déglutit. À cause de la taille du rez-de-chaussée, le premier étage était assez haut et l’escalier était… De mauvais augure.  Il ressemblait aux os d’une sorte de gigantesque monstre tapi dans les ténèbres.

Avec précaution, Erin monta les escaliers. C’était comme si chaque marche grinçait et grognait bruyamment dès qu’elle posait le pied sur l’une d’entre elles, et le bruit résonnait dans l’auberge.  Pour Erin, c’était comme marcher sur des mines… Chaque craquement était assourdissant et faisait tambouriner son cœur dans sa poitrine.

« Courage. Courage. Tu peux le faire. »

Murmurant pour elle-même, Erin  garda sa voix basse pour ne pas… Pour ne pas réveiller ce qui pouvait se trouver en haut.  Son cœur manqua un battement à cette idée, et elle s’arrêta à mi-chemin, tremblant légèrement
.
« C’est stupide. Il n’y a rien en haut. Rien ! »

Elle fit une pause.

« D’accord, peut-être qu’il y a quelque chose.  Je ne sais pas.  Il pourrait y avoir… Plus de ces Gobelins ? Mais il n’y a pas de Dragon ? Bien sûr qu’il n’y a pas de Dragon! Ne sois pas stupide. »

Une légère hésitation. Un nouveau pas.

« Mais un Dragon pourrait se cacher en haut. »

Erin fit un pas en arrière. L’escalier grinça. Elle se réprimanda alors que son cœur tambourinait douloureusement dans sa poitrine.

« Ne sois pas stupide.  Un Dragon est bien trop grand pour tenir là-haut.  Mais des Gobelins ? »

Elle s’arrêta et frissonna à cette idée. Le Dragon était une chose. Sa main toucha les brûlures sur son épaule droite et elle se mordit la lèvre pour lutter contre la douleur. Puis la douleur causée par les coupures sur l’arrière de ses jambes se fit plus sévère et elle se rappela.  Le Dragon l’avait brûlée et elle avait fui en hurlant. Elle avait couru, encore et encore,  avant d’être trouvée par les petits hommes verts qui l’avaient pourchassée.

Elle parlait de Gobelins, pas d’extra-terrestres. En fait, les extra-terrestres auraient été préférables, car ils avaient l’avantage de ne pas vous poignarder avec des couteaux.

« Ou peut-être qu’ils le font. »

Avec un rire nerveux, Erin regarda l’étage. Les ténèbres semblaient l’attendre. De longues ombres transformaient le vieux bois en quelque chose de plus sinistre. Mais ce n’était qu’une illusion, un piège de son esprit. Elle savait qu’il n’y avait probablement rien en haut. Car si c’était le cas, n’aurait-il pas déjà essayé de la manger ?

Mais c’était une peur différente qui la paralysait. La peur que tous les enfants ont, la peur du noir et de l’inconnu. Alors, Erin continua d’hésiter. Mais elle savait qu’elle devait monter.
Au bout d’une minute, elle commença doucement à se parler à elle-même.

« Chiffon.  Chiffon, chiffon, chiffon… »

Erin murmurait les mots comme un mantra. D’une certaine manière, le fait qu’elle doive absolument trouver un chiffon lui donnait la force de continuer à monter les escaliers.

Une marche. C’était la plus difficile. Puis deux marches. Le cœur d’Erin fit un bond lorsque l’escalier grinça sous ses pas, mais rien d’horrible n’arriva. Alors elle continua d’avancer.
Cependant,  si les intimidants escaliers étaient le premier obstacle de son esprit, le couloir vide et grouillant d’ombres était à un tout autre niveau d’intimidation.

C’était tellement sombre. Erin ne pouvait pas voir à plus d’un mètre devant elle, alors même que ses yeux s’étaient habitués à la pénombre. Mais après un tel effort elle ne pouvait pas s’arrêter. Alors elle continua d’avancer avec son cœur battant dans sa poitrine.

« Chiffon, chiffon, chiffon, chiffon, chiffon, chiffon, chiffon, chiffon, chiffon, chiffon, chiffon… »

La première pièce qu’elle trouva était très, très sombre. Erin se faufila à l’intérieur et resta figée sur place en entendant un bruit. Est-ce que c’était un… Froissement ?

Non, non, c’était juste son imagination. Elle pouvait entendre la tempête à l’extérieur et la pluie causer un boucan sur le toit au-dessus d’elle. C’était probablement le vent qui soufflait contre l’auberge. Voire une feuille qui…

Froisse, froisse.

Il y avait un bruit. Le cœur d’Erin jouait du tambour dans son torse. Il y avait quelque chose dans la pièce avec elle, et elle espérait de tout son être que ce n’était qu’un rat. Un truc… qui sonnait comme quelque chose en cuir, comme deux ailes qui se déployaient…

«Chiffonchiffonchiffonchiffonchiffonchiffonchiffonchif… »

La foudre tombait au loin alors que le vent soufflait contre l’auberge. Quelque chose de blanc et de pâle se déploya dans les ténèbres et vola vers Erin. Elle hurla, se protégeant de manière désespérée avec ses bras et tomba au sol, emportant la chose avec elle.

Pendant une minute, tout ne fut que confusion et tapage. Erin lutta sauvagement contre le monstre qui l’attaquait alors que la pluie commençait à assaillir son visage ; le monstre s’enroula autour de ses bras et de son visage. Elle arriva à le repousser et retrouva rapidement ses appuis pour voir qu’il était…

Un rideau.

Pendant quelques secondes,  Erin regarda le tissu délavé dans ses mains en état de choc. C’est une fois que son cœur décida d’arrêter de courir un marathon qu’elle se détendit.

« Des rideaux »

Elle ramassa le pâle morceau de tissu et l’observa. C’était… un rideau. Voilà l’étendue de ses talents de détective. C’était un rideau blanc, ou du moins il avait été blanc il y a bien longtemps. La moisissure et la terre avaient l’avaient rendu plus gris que blanc, mais au moins c’était du tissu.

« D’accord, d’accord. »

Le cœur d’Erin continuait de battre la chamade. Elle regarda autour d’elle. La pièce était toujours très sombre, et le vent venant de l’extérieur faisait trembler les fenêtres de manière très inquiétante.
Erin ferma la fenêtre, ce qui arrêta le bruit. C’était mieux que rien. Mais la pièce était toujours trop sombre pour être observée en détail. Bien, elle pourrait continuer de visiter le premier étage ; ou bien, maintenant qu’elle avait un chiffon, elle pouvait redescendre au rez-de-chaussée. Ce familier, réconfortant et poussiéreux rez-de-chaussée.

La pièce était très sombre. Erin jeta un dernier coup d’œil et se dirigea rapidement vers le rez-de-chaussée. Elle jeta le rideau sur l’une des tables à côté du seau qu’elle avait trouvé et regarda autour d’elle.

« Voyons voir. Par où devrais-je commencer ? »

En réalité, la véritable question était : par où ne pouvait-elle pas commencer. À l’exception des murs, toute la pièce était recouverte d’une épaisse couche de poussière. En fin de compte, Erin décida de commencer par la table sur laquelle elle s’était assise.

L’humide rideau… Non, le chiffon leva un nuage de poussière, surprenant Erin et la faisant reculer en toussant. Mais le nettoyage était en fait facilement réalisable.

Dans un premier temps, Erin se contentait de pousser la poussière jusqu’au bord de la table et sur le sol. Après il suffisait de passer un nouveau coup de chiffon sur la désagréable surface de la table jusqu’à ce que cette dernière soit propre. Puis, elle nettoyait le chiffon dans le seau avec un peu d’eau et passait à une autre table.

Après un certain temps, l’eau du seau commençait à devenir grise à cause de la poussière. Erin ouvrit la porte de l’auberge, jeta l’eau et s’installa sur l’une des chaises en attendant que le seau soit de nouveau plein. Puis elle recommença son ménage.

Il y avait un rythme dans cette action. En un rien de temps Erin avait nettoyé l’intégralité des tables, elle décida alors qu’il fallait nettoyer les chaises. Et puis, une fois qu’elle eut terminé, elle pensa qu’il était logique de nettoyer le comptoir.

Le long comptoir était fait d’un bois de haute qualité. Erin admira la manière avec laquelle la faible lumière de l’extérieur faisait briller le bois une fois que la poussière avait été nettoyée. Le bar était suffisamment long pour accueillir au moins vingt personnes en même temps… Ou quinze s’ils étaient pointilleux sur le fait qu’il fallait de la place pour leurs coudes.

Une fois cela terminé, Erin nettoya l’étagère du barman sous le bar et les autres surfaces de la salle commune. Le ménage fini, l’auberge semblait déjà bien plus accueillante, car les meubles nouvellement nettoyés reflétaient la lumière déclinante de l’extérieur.
Cependant, il restait encore un endroit qu’Erin avait évité depuis le début. Le sol.

C’était naturel. Erin n’avait rien qui pouvait lui servir de serpillière et elle avait poussé la poussière sur le sol depuis le début.  En conséquence, d’épais tas d’humide poussière s’étaient agglutinés par terre. Erin donna un coup de pied à l’un d’entre eux avant de hausser les épaules.
« Eh bien, quand on le compare aux tables et aux chaises… »

Elle ne pouvait que rire devant l’étrange fruit de son labeur. Des tables propres, un sol sale. Au moins il était possible de manger sur les tables. Et puis, qui prêtait attention au sol ? Le sol était juste fait pour qu’on marche dessus, pas pour dormir. Erin essuya son front et découvrit qu’elle était trempée de sueur. Et… Il faisait déjà nuit ?

Oui, alors qu’elle faisait le ménage, l’averse avait cessé et la lumière s’était amoindrie jusqu’au point où l’auberge était presque entièrement plongée dans le noir. Désormais, au lieu d’un méli-mélo d’ombres inquiétantes,  il n’y avait plus rien à voir.

« Alors ce n’est plus effrayant, c’est désormais terrifiant. Formidable. »

Au moins, le rez-de-chaussée était rassurant. Erin inspecta la pièce, ses yeux remarquèrent que la lumière de la lune se réfléchissait sur les surfaces lisses des tables et des chaises. Oui, la pièce était légèrement plus accueillante. Elle l’avait nettoyée, et d’une certaine manière, cela voulait dire que c’était désormais sa pièce. Ce qui faisait qu’elle était plus en sécurité. Du moins, elle espérait que ça marchait comme ça.

Erin s’assit de nouveau sur une chaise et réalisa qu’elle était épuisée. Elle commença à basculer la chaise contre la table et soupira. Si jamais elle avait besoin d’une preuve pour justifier qu’elle n’était pas douée dans une situation de vie ou de mort, il lui suffisait de repenser à cette journée.  La voilà, perdue dans un monde terrifiant sans la moindre idée de l’endroit où elle se trouvait, et quel était son premier réflexe ? Nettoyer la pièce.

« Au moins maman serait contente. »

Erin riait toute seule avant de fermer ses yeux, submergée par l’épuisement. C’était l’heure de se reposer. Peut-être que tout irait mieux demain. Peut-être que tout cela n’était qu’un rêve. Probablement pas, mais…

Ses paupières se firent lourdes. Sa respiration se fit plus lente. Erin était juste suffisamment éveillée pour un dernier constat.

« Maintenant j’ai vraiment, vraiment faim. »

[Classe d’Aubergiste Obtenue !]

[Aubergiste Niveau 1]

[Compétence : Récurage Élémentaire obtenue !]

[Compétence : Cuisine Élémentaire obtenue !]

« … C’était quoi ça ? »
« Modifié: 14 octobre 2020 à 17:44:45 par Maroti »

Hors ligne Maroti

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #2 le: 07 octobre 2019 à 14:42:26 »
1.02

L’auberge était sombre. Parce que le monde était sombre, du moins pour le moment. Deux lunes étaient suspendues dans le ciel, l’une bleu clair, l’autre jaune pâle. Leurs douces lumières étaient obscurcies par une instable couche de nuages. Donc, la lumière se faisait rare, ce qui avait du sens.

Il faisait nuit.

Cependant, une silhouette continuait de se mouvoir sans répit malgré l’heure tardive. C’était une jeune femme dont les pas laissaient un chemin dans la poussière alors qu’elle arpentait la pièce. Elle allait de mur en mur, se parlant à elle-même. Puis elle trébucha contre une chaise.

« Aïe. »

Erin dépoussiéra son pantalon et son t-shirt avec dégoût. Bien, ses vêtements étaient officiellement sales. Des morceaux de son t-shirt étaient noircis à cause du feu et son pantalon avait été déchiré par les couteaux des Gobelins. Mais tout ceci n’était pas important pour le moment.

« Est-ce que je viens de gagner un niveau ? »

Erin regardait le plafond, allongée sur le dos. Elle aurait pu se lever, mais cela lui aurait demandé des efforts qu’elle ne voulait pas fournir. De plus, Erin était affamée, épuisée et confuse. Rester allongée sur le sol l’aidait à se sentir un peu mieux, même si cela voulait dire qu’elle avait de la poussière dans les cheveux.

Normalement, cela aurait été dégoûtant, mais en cet instant…

« Sérieusement ? J’ai gagné un niveau ? C’est quoi ce délire, un jeu ? »

Lentement, Erin se releva en s’accroupissant avant de se mettre la tête entre les mains.

« Non. Non ce n’est pas possible. Mais un… Un dragon et des gobelins et maintenant des niveaux… C’est un autre monde, n’est-ce pas ? Un qui ressemble à Donjons & Dragons ? Ou… Ou à un jeu vidéo ? »

Elle se redressa et se releva. Le monde semblait tourner autour d’elle. Du bon sens ? Qui avait besoin de bon sens ? Nan. Donnez-lui quelques dragons cracheurs de feu et laissez-la gagner un niveau en nettoyant des tables. Ça avait du sens.

« Bien, bien. Récapitulons. Je suis dans un autre monde qui est en réalité un jeu vidéo.  Il y a des monstres dans ce monde et je peux gagner des niveaux en faisant des trucs. J’obtiens même des compétences, et j’ai une voix dans ma tête… Non, plus comme une pensée qui apparaît pour me dire que j’ai accompli certaines actions. »

Elle hocha la tête.

« Ouaip. C’est parfaitement logique. »



« Bordel ! Ça n’a pas de sens ! »

Erin hurla et donna un coup de pied dans une chaise avec suffisamment de force pour la faire voler. La chaise retomba avec un énorme, et satisfaisant, fracas. Ce qui était moins satisfaisant, c’était le pied d’Erin, qui avait tapé la chaise avec assez de force pour s’écraser les orteils.

Après avoir hurlé de douleur et sautillé, Erin s’assit à l’une des tables et pleura pendant un long moment. Ce n’était pas comme si pleurer changeait quoi que ce soit, mais cela aidait un peu.

Après une dizaine de minutes passées à sangloter, Erin parvint finalement à lutter contre les larmes en reniflant. Elle se sentait mieux, mais se heurta à un énième problème quand elle voulut essuyer les larmes et la morve avant de se rappeler qu’elle n’avait pas de mouchoir à disposition. Elle avait donc utilisé la première chose qui lui était passée sous la main. Le chiffon.

L’humide, dégoûtant chiffon. Mais au moins c’était mieux que son t-shirt. Après ça, Erin s’assit et regarda les alentours sans vraiment prêter attention à ce qui était autour d’elle alors que les ténèbres l’encerclaient petit à petit.

« J’suis fatiguée. »

Ce fut la dernière phrase qu’Erin prononça avant de s’endormir.

***

Le nouveau jour frappa Erin de plein fouet. Elle grogna et se redressa alors que sa tête la lançait. Elle avait l’impression que son cou était tordu, et elle était endolorie après avoir passé la nuit sur le sol. Elle aurait volontiers dormi plus longtemps, si ce n’étaient le soleil et son estomac.

Boitillante, Erin regardait les rayons de soleil se déversant à travers l’une des fenêtres.

« Et c’est pour ça que les rideaux ont été inventés. »

Les fenêtres n’avaient pas de vitre ou de rideau. C’étaient des trous carrés dans les murs, mais elles avaient des volets. C’était dommage qu’Erin ait choisi de faire sa sieste sous l’une des fenêtres ouvertes.

Sans réfléchir, Erin passa ses mains dans ses cheveux et remarqua qu’elle était recouverte de terre et de poussière. Oh, c’est vrai, elle avait passé la nuit sur le sol. Le sol sale où elle avait accumulé toute la poussière.

Erin s’assit sur une chaise et posa sa tête dans ses mains. Après quelques instants, son ventre gargouilla avec entrain.

« Je vois. Reçu cinq sur cinq. »

La jeune femme se leva en gémissant. Une fois debout, elle sentit son corps protester contre les lois de la gravité, et se rassit. Elle était mieux comme ça, mais son estomac protesta. Sa faim et son épuisement se firent la guerre et sa faim l’emporta. Erin se leva, sachant qu’elle devait trouver quelque chose à manger. Il n’y avait rien à manger dans l’auberge, et elle n’avait même pas tenté de chercher dans les placards, à quoi bon ? Toute nourriture présente depuis l’abandon de l’auberge avait probablement eu le temps de devenir consciente et de gagner une paire de pattes.

Cela voulait dire qu’elle devait aller à l’extérieur. Mais Erin était encore hésitante au moment où elle posa ses mains sur la porte de l’auberge.

Des monstres.

Elle frissonna. Les souvenirs de sa dernière journée l’assaillirent, frais et vifs, et ses mains commencèrent à trembler. La douleur de son bras brûlé s’intensifia alors que les coupures sur ses jambes la démangèrent et la piquèrent. Erin ferma les yeux et inspira un grand coup. Des monstres, oui, mais…

« Je vais mourir dans cette auberge si je ne trouve pas quelque chose à manger. »

Alors elle ouvrit la porte. Ce n’était pas du courage qui lui permit d’avancer, c’était juste son envie de survivre.

Le jour était si éblouissant qu’Erin fut aveuglée l’espace d’un instant. Elle marcha vers l’extérieur, protégeant ses yeux, et s’arrêta brusquement. Une réflexion venait soudainement de la frapper, quelque chose qu’elle n’avait pas vraiment assimilé avant cet instant.

« C’est… Vraiment un autre monde, pas vrai ? »

C’était une simple révélation qui lui vint alors qu’elle regardait vers le haut. Bien plus haut, à l’intérieur d’un ciel bien plus vaste que le sien. C’était difficile pour Erin de trouver les mots, elle savait simplement que l’infinité bleue qu’elle observait au-dessus de sa tête était différente du ciel qu’elle avait connu durant toute sa vie.

Les nuages étaient trop épais. Erin n’aurait jamais pu imaginer quelque chose de la sorte, et pourtant elle ne pouvait le nier. Les nuages étaient… Gigantesques. Chez elle, Erin pouvait s’allonger et regarder des centaines, des milliers de kilomètres dans le vide et voir des nuages qui flottaient incroyablement haut. Mais ici…

« Ils vont encore plus haut. C’est tellement grand. »

Erin continua d’observer le ciel et vit un nuage flotter au-dessus d’une montagne suffisamment haute pour projeter une ombre assez grande pour presque atteindre son auberge. Elle semblait gigantesque, et pourtant Erin pouvait voir des prairies, des collines et des vallées s’étendre sur d’innombrables kilomètres à sa base. Le sommet de la montagne était tellement haut qu’Erin était incapable de le voir même en inclinant sa nuque.

Et le nuage était encore plus haut que ça.

À quel point les nuages étaient larges ? Erin n’avait jamais eu à se poser cette question auparavant. Mais elle se souvenait d’avoir vu des nuages aussi larges qu’un… Qu’un petit gratte-ciel, peut-être ? Ou de la taille d’une colline ? Est-ce que les collines étaient plus grandes que les gratte-ciel ? Cela n’avait pas d’importance.

Ce nuage, ce simple nuage parmi tant d’autres, était aussi grand que la montagne qui se trouvait en dessous. Elle pouvait le voir. Erin plissa ses yeux pour voir les bords du nuage, qui avait l’air incroyablement petit depuis son point de vue, mais qui, en réalité, devait être aussi grand que des falaises.  La profondeur du nuage lui coupa le souffle.

Et ce n’était qu’une fraction du ciel. C’est lorsque Erin regarda aux alentours qu’elle réalisa à quel point ce monde était vaste. Des montagnes qui semblaient pousser à l’infini, de larges prairies épargnées par la civilisation… Et jusqu’où avait-elle couru avant d’atteindre ce point ? Au premier coup d’œil, il semblait que l’herbe s’étirait comme une seule et même surface, simple et plate, dans toutes les directions jusqu’à l’infini, mais un regard plus attentif racontait une autre histoire.

« Ce sont des collines ! Des collines et des vallées ! C’est pourquoi je n’arrêtais pas de trébucher hier ! »

En marchant sans faire attention, il était facile de se perdre et de terminer dans une vallée large de plusieurs centaines de mètres. Et tout se ressemblait, seuls quelques fleurs et cailloux brisaient cette tyrannie verte. Les plaines s’étiraient encore et encore sans s’arrêter…

Ou était-ce vraiment le cas ? Erin s’arrêta alors qu’elle commençait à discerner quelques petits détails à l’horizon. Loin, bien loin, entre la chaîne de montagne et le soleil levant, elle pouvait discerner ce qui ressemblait vaguement à des bâtiments. Est-ce qu’il y avait une bourgade là-bas ? Ou un village ? Voire une… Ville ?

C’était impossible de le savoir depuis l’endroit où elle se trouvait, mais cette idée donna à Erin l’espoir qu’elle n’était pas seule dans ce monde. Cependant, rien que l’idée de voyager aussi loin avec son estomac vide était inconcevable, alors elle continua d’observer.

« Est-ce que ce sont… Des arbres ? »

Erin plissa les yeux. Il y avait un petit groupe d’arbres au loin, nichés au creux d’une des vallées. C’était des arbres, n’est-ce pas ? Erin pensait qu’ils semblaient étranges… Jusqu’au moment où elle réalisa qu’elle était en train de les observer par le dessus, depuis son point de vue.

C’était irréel de savoir qu’elle était en train d’observer une forêt par le dessus, mais c’était la seule réponse qu’elle avait trouvée.  Il semblait qu’il y avait une petite, enfin relativement petite, vallée recouverte d’arbres vers l’est. Elle ne semblait pas être si loin que ça, et si Erin regardait avec attention elle pouvait discerner de petits points bleus et jaunes perchés dans les arbres. Des fruits, peut-être ?
Il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir. Alors elle commença à marcher en direction de la vallée, ses jambes et son estomac décidant d’abandonner la prudence conseillée par son cerveau. Elle avait besoin de nourriture. Ce n’était pas difficile de descendre les douces pentes de la colline, et même si la remontée n’allait pas être plaisante, Erin pouvait au moins faire le trajet à son rythme. L’herbe était douce sous ses chaussures et elle marchait d’un bon pas. C’était paisible… Trompeusement paisible.

Dans un coin de sa tête, Erin se souvenait des Gobelins. D’accord, peut-être qu’ils n’étaient pas vraiment des Gobelins mais qu’est-ce qu’ils pouvaient être d’autre ? Ils étaient d’étranges, difformes enfants qui ressemblaient à des parodies d’humains avec un nez pointu, des dents pointues, des petits couteaux et…

C'étaient des Gobelins. Et Erin se souvint qu’ils l’avaient trouvée alors qu’elle fuyait, encore fumante et paniquée, le Dragon.  

L’idée que ces petits monstres pouvaient l’assaillir et tenter de la réduire en charpie accéléra le rythme cardiaque d’Erin alors que ses pas faiblissaient. Mais avait-elle vraiment le choix ? Soit elle restait dans l’auberge et mourait de faim, soit elle allait à l’extérieur et trouvait quelque chose à manger. Les arbres n’étaient pas si loin que ça. Elle pouvait prendre un peu de ces étranges fruits, s’ils étaient réellement des fruits, et revenir à l’auberge en courant si quelque chose s’approchait d’elle.

C’était le plan. Et c’était un bon plan jusqu’au moment où Erin se retrouva à marcher près d’un gros caillou.

Il n’y avait rien d’important à propos de ce caillou, sauf le fait qu’il était plutôt un rocher qu’un caillou, un gigantesque monticule de pierre arrondi au sommet et ressemblant à une petite colline. Deux fois plus grand qu’une personne normale et tout aussi long. Pour faire court, c’était juste un gros caillou.

Erin l'avait d'abord ignoré, après avoir envisagé d’éventuellement l’escalader pour essayer de mieux voir les alentours. Mais elle était affamée, alors elle contourna le rocher.

C’est ce qui lui sauva la vie.

Alors que le rocher se trouvait désormais derrière elle, Erin sentit l’air se déplacer et entendit un terrible craquement juste à côté de son oreille. Elle sauta, se retourna et hurla. Elle commença à courir et la seconde pince manqua de la décapiter.

La chose qui s’était cachée en-dessous du rocher souleva ce dernier du sol et commença à se précipiter sur Erin qui fuyait en hurlant. Elle jeta un seul regard par-dessus son épaule, et ce fut suffisant. Elle redoubla sa cadence.

Deux grandes et longues pinces faites d’une chitine brun foncé sortaient de dessous le rocher alors que le monstre-crabe continuait de se précipiter sur elle. Il avait suffisamment soulevé sa gigantesque carapace creuse pour qu’Erin voie d’innombrables jambes de crabe déchirer la terre alors qu’il se propulsait sur le sol.

Oh, nonnonnonnonnonnonnonnonnon…

Faisait la voix dans la tête d’Erin. Elle ne pouvait pas gâcher sa respiration car l’intégralité de l’air se trouvant dans ses poumons était concentrée sur le fait qu’elle devait courir le plus vite possible.
Derrière elle, Erin sentit quelque chose de massif effleurer son dos. Elle accéléra, mais le monstre semblait toujours derrière elle. Le crabe géant faisait du bruit alors qu’il courait derrière elle, un bruit sec qui ressemblait à un coup de feu tiré juste à côté de sa tête.

Alors elle accéléra de nouveau.

Puis le bruit sec s’arrêta et Erin réalisa qu’elle ne pouvait plus rien entendre derrière elle. Elle s’arrêta et se retourna pour voir un rocher avec beaucoup de jambes marcher lentement dans la prairie.

« Qu’est-ce… Bon sang de… Crabe ? »

Erin se tenait les côtes, essoufflée. Elle avait l’impression que ses jambes allaient tomber et que ses poumons allaient exploser.  Sa tête n’arrêtait pas de tourner, mais elle n’était pas sûre de vouloir s’asseoir.

Elle se força à continuer de marcher. Elle avait mal. Tout lui faisait mal. Mais elle était encore vivante, crabe ou pas.

Erin tenta de sourire. Ses jambes la lançaient, mais elle arriva finalement à retrouver son souffle et mieux encore, elle était arrivée à sa destination.

« Est… Est-ce que c’est un arbre ? »

La mâchoire d’Erin se décrocha à la vue des étranges plantes qui se trouvaient devant elle. Bien, même si c’était petit pour un arbre, ce dernier faisait environ trois mètres de hauteur, mais son tronc semblait bien trop étroit pour supporter son propre poids. De plus, ses feuilles étaient énormes.

« Ça ressemble à un palmier, mais avec des branches. Et des fruits bleus. »

C’est ce qu’Erin décida après avoir essayé de déraciner l'arbre. Le bois était incroyablement solide et elle pouvait à peine tordre les petites branches pendantes à sa hauteur.

« Et c’est gris. De l’écorce grise, des feuilles vertes, des fruits bleus. Qui a fait tomber le pot de peinture sur ce truc ? »

Cela étant dit, les couleurs n’étaient pas si contradictoires entre elles. Cependant, ce qui intéressait Erin n’était pas l’esthétique mais plutôt la comestibilité des fruits, et de savoir si elle pouvait les attraper.
La plupart des fruits bleus s’amassaient autour de la cime de chaque arbre. Il y avait quelques fruits jaunes qui se trouvaient plus bas, mais ils étaient plus petits et probablement pas encore mûrs.  Avec hésitation, Erin attrapa une branche et testa si cette dernière pouvait supporter son poids avant d’essayer de grimper dessus.

« Je… Déteste…  Faire des tractions ! »

Ses bras tremblèrent lorsqu’elle lutta pour s’arracher du sol. Après une poignée de secondes, Erin arriva à soulever son menton au-dessus de la branche, mais elle n’allait pas plus loin. Elle lâcha prise une seconde plus tard.

Erin se posa sur le sol et regarda les alléchants fruits bleus, juste hors de sa portée. Si elle n’était pas aussi affamée et épuisée… Eh bien il était probable qu’elle n’arriverait jamais à grimper aussi haut.

« Est-ce que c’est comme ça que je meurs ? Affamée parce que je suis incapable de faire une traction ?»

Non ? C’était stupide. Mais plus Erin y pensait et plus…

« Non. Non ! »

Erin sauta et arriva à se hisser à moitié jusqu’à la première branche par pur désespoir. Mais ses bras l’abandonnèrent et elle tomba sur le dos avec un bruit assourdissant qui lui coupa le souffle.

« Espèce… D’arbre débile ! »

Les cris de frustrations d’Erin se réverbèrent dans la petite vallée. Elle tenta d’attraper la branche une nouvelle fois, mais elle n’arrivait même plus à se hisser. Elle hurla de frustration, attrapa ses cheveux sales et donna un coup de pied à l’arbre.

L’entièreté de l’arbre trembla légèrement sous la force du coup de pied. Les feuilles et les fruits bleus tremblèrent…

Et l’un d’eux tomba au sol.

Erin regarda le fruit bleu, rond et légèrement duveteux. Puis elle regarda l’arbre. Sans un mot, elle s’empara du fruit et regarda aux alentours avec trépidation.

« Hum,  ne devrait-il pas y avoir une sorte d’annonce ? »

Pas de réponse. Erin donna un nouveau coup de pied dans l’arbre et ramassa un autre fruit.

« [Mystérieux Fruit Bleu Acquis !] Dun dun dun dun ! »



Après quelques instants, Erin mit sa tête entre ses mains pour couvrir ses joues rougissantes.

« … Je déteste ce monde. »

Une fois cela terminé, Erin observa le fruit dans ses mains. Il n’y avait pas grand-chose à voir. Il était bleu, c’était probablement un fruit, et il était assez large. Erin avait déjà vu des grosses pommes dans des magasins, celles qui étaient étrangement chères car elles étaient trois fois plus grosses que leurs plus petites cousines. Le fruit avait environ la même taille.
Son estomac gargouilla à la vue du fruit. Erin l’approcha de sa bouche, et hésita soudainement.

« … Est-ce que je vais mourir ? »

C’était une bonne question. Erin étudia le fruit entre ses mains. Elle le renifla prudemment, il sentait légèrement… Sucré. Elle tapota dessus avec un doigt. Tendre, probablement succulent. Puis elle lécha l’extérieur.

« Pheh ! Poilu ! »

Peut-être qu’il était plus judicieux de l’éplucher pour commencer. Ou peut-être que le fruit était en réalité un monstre extra-terrestre et qu’elle s’apprêtait à mordre dans du sang et des viscères. L’idée fit hésiter Erin pendant une poignée de minutes avant qu’elle ne se décide à l’éplucher.

« C’est comme une pêche. Ce n’est pas un monstre, ce n’est pas un monstre… »

Erin termina d’éplucher l’enveloppe extérieure du fruit bleu et trouva une chair violette teintée de bleu. Du jus coula au sol, il avait une forte odeur… L’estomac d’Erin gargouilla mais autre chose attira son attention.

« C’est la plus grosse graine que j’aie jamais vue. Il y a plus de graine que de fruit ! »

Erin observa le centre du fruit bleu, composé d’un noyau qui représentait les deux tiers de l’intégralité du fruit. La carapace avait une teinte violet et marron, mais Erin sentit qu’il y avait quelque chose à l’intérieur lorsqu’elle le secoua.

« Bien, voyons ce qu’il y a à l’intérieur. »

Elle allait avoir besoin d’un caillou pour l’aider. Erin changea la graine de main et se releva, serrant légèrement le noyau.

Craquement, craquement.

Vide. La carapace marron s’ouvrit en deux et dégorgea un fatras de graines pulpeuses et de jus marron sur le pantalon d’Erin et sur le sol. Elle regarda ce mélange en silence jusqu'à ce qu'une odeur âcre attaque son nez… Une terrible odeur semblable à de l’antigel ou une espèce de produit de nettoyage.

Lentement, Erin se leva et nettoya la vomissure de graines de ses vêtements. Cependant, cela n’était pas assez pour se débarrasser de l’odeur. Puis, elle attrapa les graines et les jeta le plus fort possible contre l’un des arbres.

« Je déteste ce monde ! »

***

Après un certain temps, son estomac recommença à gargouiller alors que l’odeur des noyaux se dissipait dans l’air matinal. Avec hésitation, Erin attrapa le second fruit bleu et l’amena à ses lèvres. Cette fois elle mordit directement à travers la peau et mâcha. La texture était désagréablement caoutchouteuse et difficile à mâcher, mais heureusement c’était comestible. Plus que comestible même…

« Wow. C’est délicieux ! »

Telle était la remarque d’Erin après qu’elle eût avalé huit autres fruits bleus sans s’arrêter. Les noyaux étaient intacts et posés sur le sol, mais elle dévora joyeusement la partie extérieure, jusqu'à débarrasser l’arbre de tous ses fruits, avant d’être enfin rassasiée.

Grognant de satisfaction, elle s’appuya contre l’arbre. Elle se sentait bien. Collante et puante, c’était vrai, mais bien. La journée était belle et chaude, son estomac plein et la douceur de l’herbe sur laquelle elle était assise ne laissèrent qu’une seule envie dans son esprit.

Les toilettes.

Peut-être que c’était quelque chose dans les fruits qui avaient déclenché cette envie pressante, ou peut-être que cela aurait dû être fait il y a bien longtemps. Dans tous les cas, Erin était soudainement très consciente de son besoin pressant. Erin soupira et se releva.

« L’appel de la nature. Je déteste la nature. »

Elle marcha derrière un arbre, puis autour de ce dernier. Il n’y avait pas beaucoup… D'intimité ici, mais elle avait vraiment besoin d’y aller.

« De quoi je me cache de toute façon ? »

Erin se posa la question durant quelques instants avant de délibérément tourner autour du tronc jusqu’à ce que le soleil ne soit plus visible. Cela l’aida à se sentir mieux.

Après une poignée de secondes, Erin se sentait rafraîchie et heureuse. Son estomac était plein, d’autres parties étaient vides et mieux encore elle était en vie.

« Maintenant, comment vais-je faire pour passer ce monstrueux crabe-rocher ? »

L’estomac d’Erin se serra de manière inconfortable alors que son cœur commençait à battre dans sa poitrine à cette idée. Mais elle eut un éclair de génie en regardant les innombrables noyaux sur le sol.

***

Plus Erin l’observait, plus le gros rocher semblait louche. Si elle avait été capable de réfléchir par-delà sa faim la première fois elle se serait probablement demandé comment un si gros caillou s’était retrouvé en plein milieu de la plaine sans être touché par les éléments. Bien, il était clair que ce stupide crabe était l’un des prédateurs de ce monde.

Et il était rapide. Erin ne voulait pas courir à nouveau, donc elle espérait vraiment que son plan allait marcher. Est-ce que les crabes avaient des nez ? Probablement pas, mais elle espérait qu’ils étaient capables de sentir.

Lentement, Erin marcha vers sa cible. Le rocher resta immobile. Bien, elle n’allait pas se plaindre.
Erin attrapa une petite pierre et la jeta contre le caillou. Elle rebondit.

Elle attendit. Le rocher ne bougea pas d’un pouce.

Erin attrapa une plus grosse pierre et la jeta contre le caillou. Elle n’était pas une bonne lanceuse et la pierre ricocha contre l’un des bords. Il n’y avait toujours pas de réponse.

« Heu, est… Est-ce que c’est le bon caillou ? »

Erin observa les alentours, il n’y avait pas d’autre rocher suspect en vue. Mais celui-ci ne faisait rien.

« Est-ce que je devrais m’approcher… ? Non, c’est stupide. »

Elle jeta un coup d’œil mauvais au rocher. Bien, s’il ne bougeait pas…

Erin fit demi-tour et commença à faire le tour, prenant soin de bien contourner le rocher avant de s’éloigner.

Click.

C’était un si petit bruit. Mais c’était plus que suffisant pour la figer sur place et la faire se retourner.
Erin vit le crabe-rocher ramper silencieusement vers elle. En une poignée de secondes, ce dernier avait traversé plus de six mètres. Elle le fixait avec horreur alors qu’il se dressait.

Clickclickclickclickclickclickclick…

Le crabe-rocher commença à rapidement se carapater vers elle. Ses deux gigantesques pinces et sa paire d’antennes noires, probablement ses yeux, se déroulèrent depuis le dessous du rocher.
Erin recula, se tournant à moitié pour commencer à courir, avant de se rappeler ce qu’elle avait dans son autre main. Elle visa et jeta le noyau qu’elle avait tenu.

En plein dans le mille. Le noyau frappa directement l’une des antennes et éclata dans une douche de liquide pulpeux. Erin pouvait sentir l’odeur toxique depuis l'endroit où elle se trouvait, portée par la brise.

Pour être honnête, Erin ne savait pas ce qu’elle attendait. De la douleur, ou un crabe-rocher choqué. Elle avait réussi à bien viser directement dans l’antenne, et elle était certaine que ça avait dû lui faire mal. Mais ce n’était pas comme si le noyau était lourd. Elle s’attendait à ce que le crabe recule de surprise, et peut-être qu’il soit repoussé par l’odeur.

Ce qu’elle n’avait pas prévu était que le crabe perde complètement la boule et commence à se frapper avec l’une de ses pinces. Il était en train de paniquer, grattant frénétiquement l’endroit qu’elle avait touché avec le noyau, ignorant les dégâts qu’il faisait à sa propre antenne tout en poussant des cris de détresse.

Ses cris ressemblaient à ceux du plus gros criquet du monde, mais en plus graves et résonnant depuis le dessous de la carapace de pierre du crabe. C’était suffisant pour qu’Erin recule de nouveau jusqu’au couvert des arbres et jusqu’à ce que le crabe devienne à peine visible.

Même après avoir parcouru un bon morceau de chemin, elle pouvait encore voir le crabe faire sa danse du malheur alors qu’il essayait d’essuyer les morceaux de noyau.

« Huh. »

Erin se gratta la tête.

« C’est bon de savoir qu’ils détestent les fruits. »

En parlant de fruits… Erin décida d’aller chercher de nouveaux délicieux fruits bleus. En fait, elle allait essayer d’en prendre un maximum. Le bleu était désormais la couleur de son petit-déjeuner, de son déjeuner et de son dîner et elle aurait aimé avoir plus de mains. Est-ce qu’il y avait moyen de tisser un panier… ? Peut-être avec de l’herbe ?

Elle donna un coup de pied à une touffe qui n’avait rien demandé.

« … Quelle idée à la noix. »

Peut-être qu’elle pouvait utiliser son t-shirt ou son pantalon ? C’était légèrement… Mais il n’y avait personne autour d’elle à part les crabes-rochers, n’est-ce pas ? Enfin même…

« Dommage que je ne sois pas une exhibitionniste, n’est-ce pas ? »

Erin adressa ce commentaire à une touffe d’herbe proche. La touffe d’herbe ne fit pas de commentaire.

Avec un soupir, Erin s’éloigna. Elle escalada lentement une petite colline et se retrouva à regarder le verger depuis les hauteurs à nouveau. Elle observa aussi plusieurs petites créatures vertes. Elles étaient en train de donner des coups de pied aux arbres et ramassaient les fruits bleus qui tombaient au sol.

Pendant une petite poignée de secondes elles ne la remarquèrent pas.  Puis l’une d’entre elles leva la tête et vit l’humaine à la mâchoire décrochée qui les regardait. Elle poussa un cri perçant si bien que les autres levèrent la tête.

« D-Des Gobelins ? »

La créature la plus proche fit un pas vers elle. Le Gobelin avait l’air inoffensif… Pendant un bref instant. Puis il montra ses dents incroyablement pointues et dégaina un couteau. Tous ses amis firent de même et avancèrent vers la jeune femme.

Erin, de son côté, regarda le groupe avec horreur deux secondes de plus avant de les pointer du doigt. Elle ouvrit sa bouche et hurla.

« Gobeliiiiiiiiiiiiiiiins ! »

Les monstres à la peau verte s’arrêtèrent et observèrent la jeune femme hurler et démarrer au quart de tour. Ils la suivirent avec acharnement malgré l’incroyable vitesse avec laquelle elle sprintait. Ces Gobelins avaient appris à chasser les différentes espèces, et ils savaient que les Humains paniquaient facilement et se fatiguaient rapidement. Ils allaient la rattraper une fois qu’elle allait commencer à ralentir.

… En partant du principe qu’elle allait ralentir un jour.

***

C’était le début de la soirée. Le soleil faisait s’étirer de longues ombres sur les plaines. Tout était silencieux. Il n’y avait pas un bruit, à l’exception du crabe-rocher qui hurlait alors qu’il continuait de se frapper la tête, et de l’humaine hurlante.

Tout était calme.

Une silhouette solitaire courait à travers monts et vallées. Elle courait aussi vite que possible, poursuivie par un groupe de créatures accroupies. Il était presque l’heure de dîner.

Erin Solstice, 20 ans ? Une jeune fille, non, une jeune femme du Michigan avec un léger intérêt pour les jeux vidéos et une profonde obsession pour les jeux de stratégie. Ses hobbies incluaient le snowboard, regarder des vidéos sur YouTube, jouer aux échecs, au shôgi, au jeu de go et plus encore. Son rêve était de devenir une présentatrice de jeu de stratégie professionnelle.

Et en ce moment….

Elle courait pour sa vie.
« Modifié: 14 octobre 2020 à 17:50:42 par Maroti »

Hors ligne Maroti

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #3 le: 15 octobre 2019 à 15:40:55 »
1.03
 
Traduit par Maroti

Erin trouva un ruisseau dans le décor champêtre au pied d’une colline à quelques centaines de mètres de l’auberge. Sa position et sa taille adéquate faisaient que l’endroit était parfait pour récupérer de l’eau, voire se laver si le besoin se faisait ressentir. En y réfléchissant bien, cette découverte était une aubaine.
Elle fit trois pas, s’élança, et passa le ruisseau en l’espace d’un bond, continuant de courir dès l’instant où elle toucha le sol. Le ruisseau coulait toujours alors qu’elle le laissait derrière elle. Erin ne se retourna pas une seule fois, même si sa gorge brûlait.

Elle était pourchassée.

Par des Gobelins. Ils l’encerclaient, pataugeant à travers le ruisseau malgré le puissant courant. Malgré leur petite taille, leurs corps étaient nerveux et leurs bras sales étaient musclés. Ils étaient tous armés.
De manière générale ils avaient des dagues ou de petites épées, mais Erin avait aperçu un couperet à viande sur l’un d’entre eux. Elle était trop occupée à courir pour les étudier avec attention, mais s’ils étaient ceux qu’elle avait rencontrés la dernière fois, leurs armes étaient rouillées, recouvertes de sang séché et d’autres substances croûtées, et tranchantes.

Tout cela combiné avec le faciès des Gobelins les rendait terrifiants. Les Gobelins normaux, selon une idée reçue, étaient moches, mais pas dangereux. Les jeux vidéos les avaient toujours décrits comme de petites créatures ressemblant vaguement à un homme avec un nez crochu, des oreilles pointues et un visage hideux. Mais ces Gobelins étaient différents…

Oreilles pointues ? Oui.

Visage hideux ? Oui.

Leurs nez n’étaient pas si pointus que ça, mais ils étaient vraiment plus proches des carottes que des patates. Ce qui terrifiait Erin par dessus tout était leurs dents.

Ils avaient deux rangées de dents, comme des requins. Ils avaient des yeux rouges, comme des monstres cauchemardesques. Des yeux rouges et brillants. Ils hurlaient tandis qu’ils la pourchassaient.
Ça ne ressemblait pas à un hurlement normal. Erin était habituée à entendre des cris, mais uniquement des cris d’humains. Le son que les Gobelins produisaient n’était pas un son continu mais plutôt une sorte de bruit ondulant qui semblait devenir de plus en plus fort avec le temps.

Yiyeyiyeyiyeyiyeyiyeyiyeyiyeyiyeyiyeyiyeyiyeyiyeyiyeyi…

Cela donnait des sueurs froides à Erin et elle redoublait son pas de course pour remonter la colline. Elle se trouvait dans l’une des vallées, mais savait qu’elle se dirigeait droit vers l’auberge. Elle devait l’atteindre pour, pour…

Ils allaient la tuer là-dedans. Erin allait atteindre l’auberge, ils allaient l’encercler, trouver le moyen de rentrer et la réduire en charpie.  Mais quels étaient ses autres choix ? C’était la seule solution, elle ne pouvait pas fuir éternellement.

Erin avait déjà l’impression que quelqu’un la poignardait entre les côtes et qu’elle luttait pour respirer. Elle n’était pas une athlète. L’unique raison pour laquelle elle avait encore de l’avance sur les Gobelins était qu’ils étaient courts sur pattes. Elle avait aussi deviné qu’ils la laissaient s’épuiser pour mieux l’achever.

Erin escalada la colline, trébucha, se rattrapa, et réalisa que les murs marron de l’auberge se trouvaient à une centaine de mètres. Elle se précipita, jetant toute son énergie dans un sprint désespéré.
Les voix des Gobelins s’étaient légèrement atténuées lorsqu’elle déboula à travers la porte de l’auberge et la referma violemment. Mais elle savait qu’ils n’étaient qu’à une petite poignée de minutes de l’auberge dans le meilleur des cas, alors Erin se redressa malgré le fait que ses jambes et son torse la fissent agoniser.

La porte avait une barre en métal pour se barricader. Erin l’utilisa, et regarda autour d’elle. Les fenêtres. La salle commune avait tellement de fenêtres

« Oh vous vous fou… »

Elle ne perdit pas de temps avec le reste de sa phrase. Erin se précipita vers l’une des fenêtres et ferma violemment les volets. Elle verrouilla le volet avec maladresse. Le loquet n’était qu’un misérable bout de métal, mais il allait peut-être lui offrir quelques secondes de plus.
Erin accéléra à travers la pièce, luttant pour fermer les fenêtres alors que les cris des Gobelins étaient de plus en plus proches. Elle claqua la dernière fenêtre et un long soupir de soulagement lui échappa. Puis elle se rappela que l’auberge avait un second étage.

Les mystérieuses ténèbres du second étage qui avaient terrifié Erin la nuit précédente ne la firent même pas ralentir alors qu’elle se précipitait en haut des escaliers. Elle courait à travers chaque pièce aussi vite que possible, fermant chaque fenêtre. Même si la majorité des rideaux avaient succombé à la pourriture, tous les volets étaient en partie intacts. Au moins, elle allait pouvoir les entendre s’ils se faisaient défoncer. 

Erin courut dans la chambre au fond du couloir et s’arrêta lorsqu’elle vit un squelette dans le dernier lit. Mais même cela ne la ralentit pas vraiment et elle ferma la fenêtre juste à temps pour entendre le premier Gobelin tambouriner à la porte. 

Ils ne pouvaient passer par là. Mais alors qu’Erin accéléra en descendant les escaliers, elle entendit l’un des volets se briser, puis un autre.

Le premier Gobelin se pressa à travers la fenêtre alors qu’Erin resta pétrifiée. Le second et le troisième étaient derrière lui.

Erin recula. Le premier Gobelin s’approcha d’elle alors que ses semblables se séparèrent derrière lui. Ils étaient cinq, non, ils étaient six.

Ses jambes tremblaient. Erin tenta de retourner une table mais le Gobelin était trop rapide. Il bondit et elle tomba à la renverse avec un petit cri. Il rit et sauta vers elle, arme au clair.
Erin roula en arrière et sentit une douloureuse entaille sur sa jambe. Elle retrouva son équilibre et regarda vers le bas.

Du sang. Du sang venant d’une petite coupure sur sa jambe. Elle regarda le Gobelin et vit son visage souriant.

***

C’était presque le même rictus. Ou sourire. Ou la même mine pour être franc. Mais pour Erin, c’était le même visage. Le même que celui des humains. Moqueur. Confiant. Le type de visage que portaient les jeunes hommes…

Il lécha le sang sur son couteau et le visage d’Erin se glaça. La peur qui bouillonnait en elle se changea en colère en l’espace d’un instant. Le Gobelin ne fit pas attention, et se jeta sur elle en souriant.
La jambe d’Erin s’emballa. Elle ne donna pas un coup de pied, c’était plus un tir rapide entre les jambes. Elle aurait juré avoir entendu quelque chose craquer.

Le visage du Gobelin, qui avait été rempli d’une joie perverse, se glaça. Il devint pâle et laissa échapper un son vif et aigu avant de s’effondrer.

Les autres Gobelins regardèrent leurs amis avec stupéfaction. Erin les regarda de la même manière, mais eut l’intelligence d’attraper une chaise avant qu’ils puissent réagir. Elle leva la chaise, de manière menaçante.

« Eh bien ? Allez ! »

Erin se servit de la chaise comme d’une batte. Les Gobelins esquivèrent en passant par-dessous et avancèrent vers elle, attaquant par le bas.

Un coup chanceux entailla la jambe d’Erin et elle hurla de douleur. Par réflexe, elle leva la chaise au-dessus de sa tête et l’abattit sur un Gobelin.

Dans les films, la chaise se serait brisée, laissant Erin avec des morceaux entre les mains. En réalité, l’impact piqua ses mains mais la chaise ne laissa échapper aucun grincement. Le Gobelin, quant à lui, hurla de douleur.

Ses semblables reculèrent alors qu’Erin frappa une nouvelle fois avec la chaise. Sa jambe continuait de saigner abondamment, mais elle était désormais plus folle furieuse qu’effrayée. De plus, elle avait une chaise. La seule chose qu’ils avaient était des couteaux.
En fait, elle en avait plus d’une.

« Mange ça ! »

Erin jeta la chaise à l’un des Gobelins et le toucha à la tête alors qu’il tentait d’esquiver. Il tomba à son tour tandis qu’Erin s’était déjà emparée d’une nouvelle chaise. Elle l’utilisa comme un bouclier, donnant des coups avec les jambes pour faire reculer le Gobelin le plus proche.

Confrontés à cette menace inattendue, les autres Gobelins se séparèrent et tentèrent d’encercler Erin. Bien entendu, elle n’allait pas se laisser faire. Mais même s’ils étaient étonnamment fragiles, ils étaient rapides et difficiles à toucher. Les quatre Gobelins restants encerclèrent rapidement Erin, en se cachant sous les tables, et en feintant pour essayer de la toucher sous la chaise.

« Reculez ! »

Erin agitait sa chaise encore et encore, manquant ses cibles. Mais c’est au moment où les Gobelins esquivèrent qu’elle se retourna et pris la fuite vers les escaliers. Elle avait des jambes plus longues, mais ils étaient rapides et chargèrent derrière elle alors qu’elle montait les marches deux par deux.
Le plus rapide des Gobelins était sur ses talons, caquetant avec cet étrange rire, tout en donnant un coup de couteau à l’arrière des jambes d’Erin. Cette dernière ignora le saignement et arriva en haut des escaliers, le Gobelin à ses trousses. Il rit méchamment…

Et s’arrêta lorsqu’il réalisa qu’il était seul face à la femelle humaine en haut des escaliers. Il regarda vers le haut. La grande femelle humaine serra son poing.


***


Le quatrième Gobelin se fracassa en bas des escaliers, le visage brisé et ensanglanté. Les trois Gobelins restants regardèrent la jeune femme se tenant au-dessus d’eux et hésitèrent. Mais elle était une proie. Les proies ne luttaient pas !

L’un d’entre eux jeta un couteau. Ce dernier toucha Erin en plein estomac, la pointe en avant. Mais le lancer était faible et l’arme n’arriva pas réellement à s’enfoncer à travers sa peau. Elle attrapa le gobelin et se jeta dans les escaliers.

Deux mains sur la rambarde permirent à Erin de balancer ses jambes. Elle n’était nullement une gymnaste, mais sa rage lui donna un moment d’inspiration athlétique. Ses deux pieds s’écrasèrent contre le visage du Gobelin qui avait lancé le couteau.

Il hurla et porta sa main jusqu’à son nez cassé et ensanglanté. Ses deux amis reculèrent alors qu’Erin atterrissait sur le sol. Le Gobelin ensanglanté leva son couteau vers Erin. Elle le gifla.

Crack. C’était une bonne gifle, le type de gifle qui était assez forte pour engourdir la main d’Erin. Le Gobelin tomba au sol, étourdi, et sa main lâcha le couteau.

Erin regarda le couteau. Puis, avant que les deux autres Gobelins ne bougent, elle s’empara de l’arme. Lorsqu’elle se releva, l’expression de son visage était bien différente.

Les Gobelins restants la regardèrent. Ils n’étaient pas deux, pas réellement. Leurs amis n’étaient pas inconscients, juste blessés. Ils étaient en train de se relever en tenant leurs têtes et corps endoloris.
Cependant…

La femelle humaine leur faisant face, couteau en main. Elle n’avait pas l’air d’avoir aussi peur qu’avant. En fait, elle semblait être très en colère. Ce n’était pas bon. Soudainement, elle semblait plus grande, et les Gobelins étaient clairement au courant qu’elle était parvenue à battre deux tiers de leur groupe en quelques secondes.

Et elle avait un couteau.
Les Gobelins regardèrent Erin.  Erin les regarda en retour. Ils étaient tous réveillés et debout, mais ne semblaient pas sur le point d’attaquer. En fait, ils semblaient plutôt nerveux.

Erin les regarda. Ils la regardèrent en retour. Ses yeux commencèrent à pleurer, mais elle n’osa pas cligner des yeux. Elle devait faire quelque chose, n’est-ce pas ?

« Bouh ! »

Les Gobelins hurlèrent et prirent la fuite. Ils passèrent à travers les fenêtres cassées et coururent comme s’ils étaient pourchassés par des démons.

Erin resta immobile pendant un certain temps, ses mains toujours à moitié levées. Finalement, elle les abaissa.

Elle voulut se gratter la tête et manqua de poignarder son œil avec le couteau. Avec précaution, Erin posa le couteau sur une table et s’assit sur une chaise proche. Ses jambes n’avaient plus de force.

« Ha. Haha. »

Erin toussa et ricana de nouveau.

« Hahaha. »

Son torse, ses bras et ses jambes lui faisaient mal. En fait, tout son corps la faisait souffrir. Elle avait l’impression de mourir. Cependant…

« Je ne peux même pas rire normalement. Hahahahaha…ha ? »

Puis elle rit pour de bon. Elle commença à rire alors qu’elle s’allongeait sur l’une des tables, son sang perlant sur le sol de l’auberge. Elle riait et riait jusqu’à en avoir les larmes aux yeux. Elle les ferma et sourit. Puis elle heurta une de ses coupures et arrêta de sourire. Mais elle s’endormit tout de même.

[Aubergiste niveau 4 !]

« … Hey. Qu’est-ce qui est arrivé aux niveaux 2 et 3 ? » 


« Modifié: 14 octobre 2020 à 18:21:53 par Maroti »

Hors ligne Maroti

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #4 le: 24 octobre 2019 à 00:54:23 »
1.04

La jeune femme s’asseyait sur une chaise, pensive. Cela semblait stupide. Non, c’était stupide. Mais il n’y avait qu’une explication possible.

« Si tu gagnes un niveau dans tes rêves, tu gagnes réellement ce niveau ? »

Erin pensa à tout cela durant un certain temps.

« Huh. »

Elle resta assise sur sa chaise pendant plusieurs minutes. Ces minutes se transformèrent en une demi-heure, puis presque une heure avant que son estomac ne gargouille.

« C’est vrai, manger. »

Erin décida de se lever après une autre heure. Son corps protesta, mais son estomac guida ses jambes. Elle se leva et tituba sans enthousiasme jusqu’à la porte.

Ses jambes lui faisaient mal. Erin grimaça lorsqu’elle ressentit un éclair de douleur à l’arrière de ses jambes en posant le pied à l’extérieur. 

« C’est vrai, des coupures. »

Elle devrait les nettoyer, mais il lui fallait de l’eau. Et vu qu’elle en n’avait pas ses blessures commençaient déjà à croûter, Erin les ignora et commença à marcher. 

C’était une longue, longue route vers le verger. Erin était soulagée de se souvenir de son emplacement. Et son soulagement s’accentua au fait qu’il n’y avait pas de rochers suspicieux sur la route, même si cela la rendait encore plus méfiante. Est-ce qu’ils pouvaient s’enfouir ? Est-ce qu’il y avait des crabes-herbe ?

S’ils existaient, ils ne semblaient pas s’intéresser à elle à ce moment. Erin retrouva les étranges et chétifs arbres sans difficulté et ramassa une poignée de fruits bleus. Elle s’assit et en mangea quatorze. Elle n’avait pas si faim que ça, mais elle était vraiment assoiffée. Elle suça le plus de jus de fruits bleus possible et emporta un maximum de fruits avant de marcher vers l’auberge. Elle laissa les noyaux là où ils étaient.

… En fait, maintenant qu’elle y pensait…

Erin fit demi-tour et ramassa deux noyaux avant de délicatement les placer sur le dessus de sa pile de fruits bleus.

« Au cas où. Je devrai probablement me trouver un arc et des flèches où quelque chose du genre, pas vrai ? Dommage que je n’ai pas la moindre idée de comment tirer. Ou de comment me tailler un arc. C’est bien les arcs que l’on taille, pas vrai ? »

Erin y réfléchit en descendant la pente, faisant attention à ne pas trébucher et briser les noyaux. Et puis, comment ferait-elle pour construire quoique ce soit ?

« Hum. Est-ce que c’est trois barres de fers et deux bâtons pour une pioche ? Ou peut-être que je peux me faire une épée en bois en frappant les arbres ? Pourquoi ce monde n’est pas Minecraft ? »

Maintenant qu’elle y pensait, Erin se souvint des arbres.

« Du petit bois. Enfin, si je pouvais couper du bois. »

Elle pensa aux branches incroyablement raides.

« … Nan. Attends une petite minute. Il doit y’avoir des branches au sol ? Ou… »

Elle fit demi-tour et recommença à marcher jusqu’au verger. Une fois sur place elle ne trouva ni brindilles utiles, ni longues branches.

« Bizarre. »

Frustrée, Erin donna un coup de pied à l’un des arbres et esquiva un fruit bleu qui venait de tomber. Elle l’ajouta à sa pile et marcha de nouveau vers l’auberge.

La pièce était encore en bazar à cause du combat de la nuit dernière. Erin posa les fruits sur une table et commença à remettre les chaises et les tables à leurs places.

« Gobelins débiles. »

Elle fit une pause en y repensant. Des Gobelins. C’est vrai ça. Elle avait combattu des Gobelins.
Ses yeux retombèrent sur le couteau qu’elle avait pris à l’un d’entre eux. Lentement, Erin plia ses jambes et s’assit de nouveau sur le sol poussiéreux. Puis elle éternua.

« Poussiéreux. C’est stupide. »

Elle se releva et regarda aux alentours ? Où est-ce qu’il était ? Juste là.

« Chiffon. C’est parti. »

Erin s’agenouilla et commença à essuyer la poussière du sol. C’était difficile car elle devait pousser toutes les tables et les chaises hors de son chemin, mais ça l’occupait. Elle avait un petit chiffon sale, donc elle le faisait plus pour réfléchir. Sa bouche était terriblement sèche, mais Erin continua de travailler. Elle devait se concentrer.

« Des Gobelins. »

Erin regarda les vagues de poussière en continuant de frotter.

«Sérieusement. Des Gobelins.»

Elle décala deux tables et poussa la poussière hors de son chemin.

« … Avec des dents de requins. C’est flippant. »

Elle y pensa.

« Mais j’ai gagné. »

« De justesse. »

« Ils ne sont pas si dangereux. »

« A moins qu’ils me poignardent dans mon sommeil. Ou s’ils sont nombreux. »

« Mais je suis probablement en sécurité si je ferme les portes et les fenêtres. »

« … Probablement. »

« Et puis il y a ce crabe-rocher-machin. »

« … Est-ce que ça mange des Gobelins ? »

« Ils mangeaient des fruits bleus. Donc ils vivent dans le coin. »

« Mais je peux les fuir. »

« … Jusqu’au jour où ils me rattraperont et me submergeront et mangeront mes entrailles. »

Erin s’arrêta et mit sa tête entre ses mains. Elle le regretta immédiatement ce geste.

« Pheh !C’est poussiéreux. »

Elle soupira et attrapa le chiffon. Il était temps de continuer à… Nettoyer ?

« Heu. Qu’est-ce qui est arrivé à la poussière ? »

Le sol de l’auberge était fait de plancher. Très judicieux, et il était logique avec le reste de l’auberge qui était aussi fait de bois. Cependant, c’était la première fois qu’Erin voyait le sol. Jusqu’à ce moment ce dernier avait toujours été recouvert d’une épaisse couche de poussière.

Maintenant elle regardait le sol. Un sol propre, et sans aucune poussière. Erin regarda et regarda plus encore. Puis elle observa ses mains.

« J’ai fait ça ? »

Ça ne pouvait qu’être qu’elle, mais comment avait-elle fait ? Parmi ses nombreuses et variées…  Parmi le  peu de compétences qu’Erin possédait, le ménage n’était pas l’une d’entre elles.

Oh, bien sûr qu’elle pouvait nettoyer un verre renversé où quelques petits accidents. Tout ce qui impliquait de jeter de l’eau et de passer un coup de chiffon était faisable. Mais ça ?

« Ça fait combien de temps que je dépoussière ? Une heure ? Deux ? Et maintenant tout est propre. »

Erin traîna ses pieds sur le sol et corrigea cette pensée.

« Techniquement propre. Je suppose qu’il ne faut pas manger par terre. Mais c’est pour ça qu’on a des assiettes. »

C’était une véritable amélioration comparée à l’état du sol avant qu’elle n’intervienne. Distraite, Erin se gratta la tête et sentit la terre sèche et la poussière s’émiettant sur son visage. 

« Le sol est propre. Mais pas moi. »

Erin regarda le sol de nouveau et se sentit brûlante, trempée de sueur et très sale.

« D’accord. J’ai besoin de boire un truc. »

De l’eau, de préférence. Mais Erin aurait tué pour un rafraîchissant verre de… De n’importe quoi, en fait. Dommage qu’il n’y avait pas d’eau aux alentours.

« Il est temps d’en trouver. Ou de mourir. Ça dépend de ce qui va arriver en premier. »

Erin erra en dehors de l’auberge. Quelques minutes plus tard elle rentra de nouveau dans l’auberge, s’empara du couteau, et ferma la porte derrière elle avant de partir. Après une autre poignée de minutes elle rentra une nouvelle fois dans l’auberge et jeta le chiffon au sol. Cette fois, elle claqua la porte derrière elle. 

* * *

« Il fait vraiment chaux. »

Erin titubait à travers l’herbe, regardant autour d’elle avec un regard troublé après quelques pas. Sa bouche était sèche et pâteuse. Elle avait une migraine, et se sentait recouverte de sueur et sale. Mais ce qui la préoccupait vraiment, c’était l’eau.

« De l’eau. De l’eau c’est de l’eau. Parce que l’eau. Où est l’eau ? »

Erin continuait à marcher pendant quelques minutes dans une direction et ne trouva pas d’eau. Alors elle prit à gauche et commença à marcher dans cette direction.

« Je pourrai boire du Gatorade. Ou un Pepsi. J’aime bien le Coca aussi. Et pourquoi pas du Pepsi et du Coca et du Gatorade ? Du Gatopepcola ? Du Pegatorola ? »

Elle se rendait compte qu’elle ce qu’elle disait n’avait pas vraiment de sens. Même pour elle. Elle regarda autour d’elle pour l’eau et sentit que sa tête tournait. Sa tête commença à lui vraiment lui faire mal.

« Cogapeptorade ? »

Son pied glissa. Ou peut-être qu’elle trébucha. Mais soudainement Erin fit un faux pas et fut obligé de tourner sur elle-même pour ne pas tomber. C’était tellement drôle qu’elle commença à tourner en marchant. Elle s’arrêta au bout de quelques secondes et lutta pour ne pas vomir.

« Suis malade. »

Elle essuya son front. Au moins elle ne transpirait pas. Son front était chaud par contre, bizarre.
Elle avait vraiment besoin de s’asseoir à l’ombre. Mais elle ne trouvait pas d’ombre, du moins pas ici. Peut-être qu’en s’allongeant elle allait se sentir mieux ?

Erin se pencha. C’est à mi-chemin qu’elle s’en souvint. 

« Le ruisseau ! »

Elle tenta de se relever et manqua de tomber à la renverse.

« Où… Où est-ce qu’il était ? »

Déboussolée, Erin regarda autour d’elle. L’auberge était toujours visible.

« C’était là. Donc si je suis ici… Là-bas ? »

Tremblante, Erin commença à tituber en direction du ruisseau. Par chance, elle était plus proche qu’elle ne le pensait et trouva le ruisseau en une poignée de minutes.

* * *

Le ruisseau est vif et froid. La jeune femme s’en moque. Dès l’instant où elle le remarque elle s’élance de manière folle dans l’eau et s’effondre la tête la première.

« De l’eau ! »

Elle remplit ses mains d’eau et commença à boire l’eau aussi rapidement qu’elle le pouvait. Puis elle recracha l’eau et nettoya la terre sèche de ses mains avant de réessayer. Elle but toute l’eau dans ses paumes une première, puis une seconde fois, et puis cinq autres fois.

* * *

C’est au bout de la quatrième gorgée qu’Erin réalisa qu’elle venait de faire une erreur. L’eau était délicieuse et froide comme des glaçons, mais elle avait été tellement assoiffée qu’elle l’avait bût comme… De l’eau. Cinq minutes plus tard elle était étendue sur son flanc, luttant pour ne pas vomir.
Trop d’eau pour un corps déshydraté. Erin pouvait sentir son estomac qui essayait de se vider et était déterminé à ne pas le laisser faire.

« Ça fait… Ça fait mal. Ça fait vraiment mal… »

La douleur disparue au bout de quelques instants. Erin se redressa avec difficulté. Elle était contente de ne pas avoir vomi. Elle n’avait qu’une seule tenue après tout.
En parlant de sa tenue… Erin leva un bras et renifla.

« … C’est l’heure du bain. »

* * *

Erin s’assit dans le ruisseau et tenta de ne pas laisser ses dents claquer. C’était froid. Mais pas assez froid pour l’engourdir, ce qui n’était pas bien.

« N-Ne rien sentir serait mieux qu’être gelée comme ça. »

Mais c’était de l’eau, et ça la rendait à peu près propre. En outre, plus elle restait dans l’eau plus cette dernière se réchauffait. C’était probablement parce que son corps était en train de congelé, mais elle s’en fichait.

Erin passa une main à travers ses cheveux mouillés et soupira. Elle les avait durement frottés, mais est-ce qu’elle pouvait vraiment faire quelque chose sans savon ni shampoing ? Puis elle pensa au fait qu’elle n’avait pas utilisé une brosse à dent depuis des jours…

« Hum. Donc, [Nettoyage De Base] était vraiment une compétence après tout ? »

Erin y réfléchit. C’était mieux de penser à ça que de penser aux caries et aux gencives noircies.

« …Hourra. Quelle formidable compétence ! Je veux dire, je vais peut-être devoir affronter des crabes géants et des Gobelins mais au moins je pourrai nettoyer le sol pendant qu’ils me mangent ! »

Elle soupira et plongea sa tête sous l’eau.

« Gah !C’est froid ! »

Le ruisseau était suffisamment grand pour que l’eau arrive aux épaules d’Erin. De plus, il était assez rapide pour qu’il lui suffit de s’allonger sur le dos pour qu’elle se fasse rapidement emporter vers l’aval.

« Est-ce que je me retrouve dans l’océan si je suis le ruisseau ? Ou juste un lac ? »

C’était tentant. Pourquoi ne pas laisser l’eau la porter jusqu’à un autre endroit ? N’importe quel autre coin devait être mieux qu’ici, après tout. Elle pouvait partir, puis…

« Puis je me ferai probablement manger par quelque chose d’autre. Probablement des Gobelins Aquatiques. »

Erin donna un coup de poing dans l’eau avant de soupirer de nouveau.

« Des monstres. Il y a des monstres partout. Aucun d’entre eux à l’air comestible. Mais au moins il y a des fruits bleus qui sentant comme du détergeant, et une auberge poussiéreuse, et j’ai quatre niveaux en tant qu’aubergiste. Hourra pour moi. »

Elle s’éclaboussa, fatiguée. Elle était vraiment fatiguée. Mais être propre l’aidait beaucoup. Maintenant qu’elle avait de l’eau elle pouvait au moins boire et manger. Voir même prendre un bain.

« Un bain super froid. »

Mais c’était bien. Le soleil était chaud. Erin eut l’idée de sortir de l’eau et de s’allonger sur l’herbe alors que le soleil la sécherait. C’était une bonne idée.

« Peut-être qu’aujourd’hui ne sera pas si terrible après tout. »

Erin ria pour elle-même.

« Ou peut-être pas. Je touche du bois. »

Elle se retourna pour rechercher un morceau de bois pour la blague et la remarqua. Une énorme forme dans l’eau.

Erin s’extirpa du ruisseau à la vitesse d’un plongeon inversé. C’est à ce moment que le poisson décida de bondir. Elle sentit quelque chose frôler son nombril, quelque chose de lisse et gluant contre sa peau pendant un moment où son cœur s’arrêta.

Et puis c’était terminé. Erin était allongé sur l’herbe, respirant rapidement alors qu’elle regarda le poisson s’agiter sur l’herbe.

« Q…Qu… »

Le poisson gigota vers elle. Erin gigota en arrière et se releva. Il était peut-être sur terre mais il avait une bouche aussi grande que sa tête. En fait, un tiers du poisson était sa bouche. Une bouche contenant de très, très longues dents.

Le poisson, plat et courtaud, ressemblait à un ballon avec des dents qui continuait de s’agiter sur place. Il était difficile de déterminé si ce dernier était toujours en train d’essayer de mordre Erin ou de retourner dans l’eau. Dans tous les cas, il n’avait pas beaucoup de succès.

Erin le regarda.

« Un poisson. Un poisson avec des dents. Je déteste tellement ce monde. »

Finalement, le poisson arrêta de gigoter. Erin s’approcha doucement du poisson et l’observa. Est-ce qu’il était mort ? Il ne semblait pas respirer. Il était probablement mort.

Elle pointa un doigt tremblant vers le poisson.

« Ha ! Bien fait pour toi ! »

Le poisson resta immobile. Erin se pencha vers lui et le poussa du bout du pied.

Instantanément, le poisson sauta en l’air, se tortillant comme un serpent. Sa queue frappa Erin en plein visage alors qu’ elle se retourna pour tenter de s’enfuir. Elle avait mal.

Erin tomba juste à côté du poisson qui continuait de se tortiller. Elle s’éloigna alors que la mâchoire béante du poisson se fermait et s’ouvrait à quelques dizaines de centimètres de son visage et attendit que le poisson redevienne immobile. Cette fois, elle était pratiquement certaine qu’il était mort.
Juste au cas où, Erin se motiva, prit de l’élan, et donna un grand coup de pied dans le flanc du poisson.

»Aaaaaaaaaah !

Erin sautilla, tenant son pied agonisant.

« Est-ce que ce poisson est fait de pierres ? »

C’était comme donner un coup de pied dans un sac de farine. Erin n’avait jamais donné un coup de pied dans un sac de farine, mais elle imaginait que ça devait faire tout aussi mal. Le poisson avait à peine bougé lorsqu’elle l’avait frappé. Il était allongé sur le sol, la mâchoire grande ouverte. Désormais complètement mort.

Après un certain temps Erin arrêta de sautiller et de jurer. Elle tituba jusqu’au poisson et l’observa. Il avait… Deux yeux. Quatre, en fait. Mais deux de chaque côté. Un gros et un plus petit juste derrière.

« Beurk. Un poisson mutant avec des dents. »

Erin regarda le poisson un peu plus longtemps. Son estomac gargouilla.

« Oui. Le déjeuner. » 

Elle regarda le poisson.

« … Sushi ? »

* * *

« Découverte numéro une : Les poissons sont lourds. »

Le poisson mort était posé sur le comptoir de la cuisine. Il dégoulinait.

« Découverte numéro deux : Les cuisines ont des couteaux. »

Un couteau très aiguisé, en plus. Du moins, il semblait aiguisé. Essayer son tranchant avec son pouce semblait être un bon moyen de perdre son pouce.

« Découverte numéro trois : Le poisson ça pue. »

Elle soupira. Découvertes évidentes misent à part, elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire maintenant. Ou du moins, elle avait une vague idée de ce qu’il fallait faire.

Elle avait un poisson. Il fallait éplucher le poisson… Ou est-ce que c’était pour les oiseaux… ? Puis il fallait le manger. Elle était certaine de ce point. Du feu était probablement à inclure quelque part, mais découper le poisson semblait être un bon début. Après tout, le sashimi était du poisson cru, n’est-ce pas ? En vérité, Erin en avait mangé qu’une seule fois et s’était avec suffisamment de wasabi pour la faire pleurer, mais ça valait le coup d’essayer.

« Et puis j’ai besoin de manger. Donc il est l’heure de découper des trucs. »

Cependant, Erin hésitait. Elle n’avait jamais coupé de poisson. Comment est-ce qu’elle devait faire ? Elle n’avait pas la moindre idée.

« Hum. Je suppose que [Cuisine De Base] ne marche pas sur du poisson. »

Où peut-être pas sur ce poisson. Erin toucha délicatement les dents du poisson et frissonna. Sa peau écailleuse ne semblait pas plus facile à couper. Mais au moins elle avait un couteau.

En vérité, elle aurait pu utiliser un plus grand couteau. Heureusement, il y avait plusieurs couteaux allant de qui n’était pas plus grand qu’un doigt jusqu’au hachoir. Elle avait choisi une lame plus fine car elle ne voulait pas lutter avec quelque chose de plus gros. De plus, celle-ci était la plus tranchante et elle avait besoin de tout le tranchant possible.

Avec précaution, Erin commença à appliquer le couteau contre l’extérieur du poisson. Le couteau patina contre les écailles sans trouver de prise. Tristement, Erin tenta une nouvelle fois. Elle découpa le flanc et sentit la peau lentement se séparer.

« Beurk. Beurk. Beurk. »

Au moins elle savait que le poisson saignait rouge. En fait, cela ne la confortait pas du tout.
Erin continua de trancher et arriva à éplucher une partie de la peau. Elle regarda l’intérieur du poisson et eut un haut le cœur.

« Oh. Oh mon dieu. Pourquoi… Pourquoi est-ce que c’est jaune ? C’est quoi ça ?

Elle le toucha avec le couteau. Le truc jaune vibra. Un peu de pus jaune-blanc commença à couler…

Erin posa le couteau et marcha jusqu’à la salle commune pour reprendre son souffle. Une fois que son estomac s’arrêta de se soulever elle retourna dans la cuisine.

« Hors de question que je mange ce truc. Cru ou cuit. En fait, y’a pas moyen que je mange ce truc sans une poêle à frire. »   

Elle regarda dans la cuisine. Un poêle à frire ? Présent. Bien.

« D’accord, d’accord. Il faut… Retirer les os ? Les os et les… Trucs mous. »

Avec précaution, Erin commença à découper les morceaux facilement détachables. Ce n’était pas un travail facile. Rien ne voulait vraiment lâcher prise, et le couteau qu’elle avait choisi n’était pas vraiment un outil de précision.

« Allez. Sort de là. »

Le truc jaune était collé à l’os. Elle n’arrivait pas à le retirer.

« D’accord. Je ne peux pas aller autour. Je dois passer par-dessous. Au revoir tête, attention ventre, Monsieur Couteau arrive. »

Erin retourna le poisson et tenta de couper de l’autre côté. Une fois encore, les écailles étaient trop solides pour être découpés. De plus, tout était glissant à cause du sang et du jus de poisson.

« Allez. Coupe. Coupe ! »

Elle appuya plus fort sur le couteau, mais il ne passa pas la peau. Enervée, Erin continua d’appuyer.
Et glissa.

C’est arrivé en un instant. Sa main perdit sa traction et la lame glissa contre les écailles.

« … Hein ? »

Erin cligna des yeux et regarda sa main droite. Une ligne rouge séparait sa paume en diagonale. Il n’y avait pas de sang.

Elle plia sa main, et le sang commença à couler. Mais il n’y avait pas de douleur.

Erin regarda autour d’elle. Des bandages ? Il n’y avait pas de bandage aux alentours. Ou de vêtements

Sa main était… Engourdie. Puis elle commença à la picoter.

Des bandages ? Des vêtements ? Il y avait… Des rideaux à l’étage, n’est-ce pas ? Mais ils étaient sales et moisis.

Le sang coulait sur le poisson et sur le comptoir. Erin voulait le nettoyer, mais elle tenait encore le couteau. Et soudainement, sa main commença à lui faire mal.
« … Aie. »

Erin laissa tomber le couteau.

« Ahh. Ah. »

Elle serra son poignet aussi fort que possible, arrêtant le flux sanguin. Mais la douleur continuait de venir, encore et encore.

« Des bandages. »

Elle ne se souvenait pas d’avoir quitté la cuisine. Mais elle était de retour avec l’un des rideaux de l’étage et était en train de le couper pour en faire un bandage alors que le sang imprégnait le vêtement. C’était difficile. Elle ne pouvait utiliser qu’une seule main et l’autre la faisait souffrir.
Finalement, elle enroula fermement le tissu et serra les dents en faisant un nœud. Le sang était déjà en train de se propager, mais au moins quelque chose couvrait la blessure. Même si ça faisait toujours mal.

Elle avait mal ! Erin essaya de penser alors qu’elle tituba jusqu’à la salle commune. La blessure n’était pas profonde. Du moins, c’était profond mais elle ne voyait pas d’os. Même si elle sentait que sa coupure était profonde. 

« Ça fait mal. »

Elle n’avait pas les mots pour décrire l’agonie de sa main. Le reste du monde semblait sombre et sans importance comparé à la douleur qui se propageait depuis la paume de sa main. Tous ses sens étaient concentrés sur ce point, et tout ce qu’Erin pouvait faire était ne pas crier.

« Crier n’est pas bien. Silence. »

Elle le savait. Crier ne ferait qu’empirer les choses. Donc Erin resta assis et serra son poignet. Le sang perlait. Ça faisait mal.

Ça faisait vraiment mal.


* * *

Le soleil commença à descendre. Erin était assis dans une chaise et regarda la flaque de sang sur le sol. Elle n’était pas grande, mais une goutte de sang perlait du bandage jusqu’à la flaque dans un intervalle de quelques secondes.

Plic. Ploc.

La douleur était toujours présente. Elle ne voulait pas partir, même après tout ce temps. Mais c’était… Mieux. Au moins elle pouvait réfléchir, un peu. Elle s’était déplacée pour aller chercher un autre rideau et le déchiré pour en faire un second pansement. Mais elle ne voulait pas retirer le premier donc elle s’était juste assis.

Pour regarder son sang.

Plic.

Quelque chose sentait mauvais. Erin regarda autour d’elle. Quelle était cette odeur ? Elle voulait l’ignorer, mais après quelques minutes elle dut se lever et voir ce que c’était.

L’odeur venait de la cuisine. Erin y entra, serrant le poignet de sa mauvaise main.

« Oh. Bien sûr. »

Le poisson mort l’observait depuis la planche à découper recouverte de sang. Il puait. Au même moment, l’estomac d’Erin gargouilla. Elle n’avait pas une envie de poisson, mais elle avait faim.

Cependant, elle ne voulait pas manger. Erin retourna s’asseoir sur la chaise et se cogna l’arrière des jambes. Les blessures du couteau brûlèrent et la faisaient souffrir d’un autre type de douleur.

« J’ai compris. C’est une mauvaise journée, n’est-ce pas ? »

Erin murmura. Le fait de ne pas parler aussi fort l’aider à se sentir un peu mieux. Elle était réveillée alors lorsqu’elle était fatiguée. La douleur n’allait pas la laisser dormir et elle avait faim sans vraiment vouloir manger.

Donc elle resta assise et regarda le sang couler.
Ploc.

* * *

Il faisait nuit lorsque la flaque de sang arrêta de s’éteindre. Elle avait coulé à travers le plancher, une tache sombre dans la nuit. Erin regarda les ténèbres. Elle ne pouvait pas dormir.

« Ça fait toujours mal. »

Erin regarda la table. Elle regarda l’ancienneté du bois. Insuffisant. Elle ne pouvait pas se distraire, mais elle devait le faire.

Donc elle commença à chuchoter.

« Pion… Pion en E4. »

Elle posa sa main blessée sur la table. La douleur s’accentua avant de continuer à l’élancer. Son autre main traça un carré et ses yeux examinèrent la table vide.

« Pion en E5. Pion en F4. Pion capture F4… Gambit du Roi accepté. Fou en C4, reine en H4. Echec. Gambit du Fou. Roi en F1, pion en B5. Contre-Gambit Bryan. Fou capture B5, cavalier va en F6. Cavalier va en F3… »

Elle continuait de parler tout au long de la nuit. Mais la douleur ne s’arrêtait jamais. Elle continuait de souffrir, encore et encore.
« Modifié: 14 octobre 2020 à 18:23:44 par Maroti »

Hors ligne Maroti

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #5 le: 28 octobre 2019 à 00:03:57 »
1.05


1.05
 
Traduit par Maroti

Erin se réveilla d’un coup. Sa main était en feu.

Elle n’arrivait pas à retrouver le sommeil malgré sa tête lourde. Erin resta assise et berça sa main une nouvelle fois. Elle ne pouvait pas la bouger sans que la douleur ne s’aggrave, et dormir ou se détendre n’était pas possible. Elle ne pouvait que s’asseoir et agoniser.
La douleur s’effaça petit à petit. Peut-être parce qu’elle venait de se réveiller, ou peut-être était-elle juste engourdie.

« Dans tous les cas. »

Erin se leva. Elle tenait toujours sa main et prenait grand soin de ne pas la bouger. Sa main était… Douloureuse n’était pas un terme suffisant pour commencer à décrire ce qu’elle ressentait. Ce n’était que de la douleur jusqu’au bout de son bras, et cette douleur ne s’arrêtait pas.

Mais en même temps, elle était affamée. Suffisamment pour surpasser la douleur, ne serait-ce qu’un petit instant.

Lentement, très lentement, Erin boita dans l’auberge. Elle s’empara des fruits bleus avec sa bonne main et commença à les dévorer un par un. Elle était tellement affamée qu’elle en mangea quatre sans s’en rendre compte et en termina deux autres en s’asseyant à une table.

Elle aurait pu rester assise jusqu’à la fin des temps. Se lever ne valait pas le coup, mais une entité supérieure l’appela. Parlant avec des mots qu’elle ne pouvait pas ignorer.

Les toilettes.

Erin soupira et posa sa tête contre la table. Mais plus elle restait assise et plus sa situation devenait inconfortable. Malgré cela, le combat entre la douleur de sa blessure et son envie d’aller au petit coin dura pratiquement une heure. Quand Erin décida de finalement se lever, elle marcha jusqu’à la porte de l’auberge et donna un coup de pied pour ouvrir la porte. Elle allait faire ses besoins dans un vallon parmi tant d’autres et puis laver ses mains dans le ruisseau. Histoire de rester propre.

Erin réussit à faire cinq pas en dehors de l’auberge avant de décider de faire demi-tour et de fermer la porte derrière elle. Elle doutait que les Gobelins reviennent, mais… Elle préférait rester prudente. Une fois cela fait, elle se concentra sur son affaire.

Il fallut presque deux heures à Erin pour revenir, en partie parce qu’elle s’était perdue. Étrangement, le ruisseau semblait se trouver à un autre endroit que dans ses souvenirs et elle arriva à se perdre après être passée aux toilettes.

Erin aurait pu crier de joie lorsqu’elle retrouva, enfin, l’accueillante auberge. Tout ce qu’elle désirait était de s’asseoir et de souffrir en paix, et la porte ouverte l’accueillit en son sein.
Machinalement, Erin passa la porte et la ferma derrière elle. Puis elle alla de nouveau s’asseoir à sa table et regarda son pansement, sale et couvert de sang.

« Bon sang. »


***

« Aïe. Ouille. Aïe. »

À chaque fois qu’Erin retirait un peu de son pansement des morceaux de peau et beaucoup de sang partaient avec. Une partie de ce sang était séché, l’autre ne l’était pas.

Après avoir réussi à retirer la moitié du pansement, Erin dut s’arrêter. La douleur était insupportable et le pansement collait à sa peau. Mais avoir un pansement à moitié retiré était pire. Erin ne pouvait pas s’empêcher d’y toucher.

« Peut-être que je pourrais couper le reste ? »

Erin alla jusqu’à la cuisine qui était pleine d’objets tranchants. Comme des couteaux. 

« Pas de couteaux. »

Des ciseaux peut-être ? Une paire de ciseaux ne semblait pas très médiéval, mais qui sait ? Erin décida de fouiller les placards.

Oh, elle avait déjà ouvert un ou deux placards lors de sa recherche pour un chiffon mais cette fois elle entama une fouille méticuleuse de chaque placard et tiroir de la cuisine. La poussière qui s’en échappait la fit tousser et éternuer, mais elle arriva à trouver des ustensiles de cuisine basiques comme des spatules, un tiroir rempli de couverts sales, et même quelques assiettes. Les placards contenaient plein de choses, et il y avait beaucoup de placards, et c’était étrange.

« J’ai vu de vieilles cuisines en visitant des châteaux. Je pensais que les placards étaient des trucs qui sont apparus plus tard. Est-ce que je suis au Moyen- ge ou est-ce que je peux trouver une ampoule quelque part ? »

Erin marmonna en cherchant d’une seule main. Elle ouvrit un autre placard et s’arrêta.

« C’est quoi ce… »

De la nourriture. De la nourriture se trouvait dans le placard. Erin frotta ses yeux avec sa main valide. Puis elle se gifla pour vérifier qu’elle ne rêvait pas. Mais lorsqu’elle regarda de nouveau la nourriture était toujours présente.

« Est-ce que c’est… De la farine ? »

Erin toucha le sac et regarda les grains blancs sur son doigt. 

« Ça peut être de la farine. Ou… Autre alternative, ça peut être de la cocaïne. »

Elle essaya de sourire, mais sa main la faisait trop souffrir.

« … C’est probablement de la farine. »

Mais est-ce qu’elle était comestible ? Erin regarda le sac et tenta de se souvenir combien de temps la farine se conservait. Probablement pas longtemps, surtout lorsqu’elle était à découvert comme ça.

Elle soupira et sortit le sac. Autant vérifier.

Mais derrière le sac se trouvait une autre surprise. Erin plissa les yeux et fronça les sourcils.

« C’est du beurre. »

Il n’y avait pas d’erreur possible, et ce n’était pas que du beurre. Erin était habituée aux belles barres de beurre rectangulaires qui devenaient molles et qui s’étalaient facilement au premier rayon de soleil. Là c’était plus… Comme un bloc de beurre. Elle pouvait entendre ses artères hurler en le voyant, mais son estomac était déjà en train de gargouiller. Cependant…

« C’est pas normal. »

Erin observa le beurre, qui était d’une belle couleur dorée. Elle regarda dans la cuisine autour d’elle. De la poussière et des toiles d’araignée semblaient constituer la majorité de la pièce. Elle regarda le sol qu’elle n’avait pas encore balayé.

« Combien de temps il faut pour que la poussière dépasse les cinq centimètres ? »

Cinq mois ? Deux ans ? Cinq ans ? Dans tous les cas, Erin était presque certaine que le beurre ne se conservait pas aussi longtemps.

« Est-ce que quelqu’un se moque de moi ? »

Erin regarda autour d’elle. Est-ce que quelqu’un avait pu mettre la nourriture dans les placards ? Mais non, ses pas étaient les premiers à déranger la poussière. Donc comment était-ce possible … ?

Ses yeux retournèrent dans les placards et quelque chose de brillant attira son attention.

« Oh. Oh ! »

Une série de symboles lumineux brillaient doucement d’une lumière argentée. Erin effleura les inscriptions et remarqua qu’ils étaient autour des bords du garde-manger.

« Wow. De la magie. »

Elle observa les runes, subjuguée. Puis elle se rendit compte de quelque chose alors qu’elle ouvrait les autres placards.

« Ici. Ici…. Elles sont partout. »

Autour des bords de chaque placard se trouvait la même série de runes. Erin les traça avec ses doigts et à l’inverse des placards avec la nourriture conservée, ceux-là ne brillaient pas.

« Hum. Je suppose qu’elles se sont effacées. Ou peut-être qu’elles se sont cassées d’une manière ou d’une autre ? Je me demande en quoi elles sont faites. »

Elle gratta les runes avec l’un de ses ongles de manière expérimentale. Un petit bout pela sur son doigt.

« Argenté ? Ou quelque chose de brillant. »

Erin toucha les runes un peu plus fort. Elles étaient gravées dans le bois, mais l’âge avait rendu le bois fragile. Un bout du tiroir se décrocha, formant une ligne droite qui trancha la ligne de runes en deux.
Aussitôt, les symboles lumineux s’éteignirent. Erin regarda le bout de bois qu’elle avait retiré et les runes de manière horrifiée.

« Oh vous vous foutez de ma gu… »

Erin recula légèrement trop vite en se relevant, elle perdit son équilibre et tomba en arrière. Elle ne tomba pas sur le sol lourdement mais l’arrière de sa mauvaise main frappa le sol. Aussitôt Erin attrapa sa main et la berça, mais elle pouvait sentir le sang couler de nouveau. Elle se roula en boule et resta comme ça durant un bon moment.

« C’est pas juste. C’est pas juste. »

Erin regarda en l’air alors que la douleur s’atténuait légèrement. Elle regarda le placard sombre. Quand elle se releva, elle remarqua que la nourriture était toujours là, mais la magie avait disparu.
Sourdement, elle regarda les symboles désormais sombres. Morts, juste comme ça.

Erin frotta ses yeux, elle ne pleurait pas. Mais ses yeux piquaient légèrement, rien de plus.

Rien de plus.

***

Erin s’installa à l’une des tables de la salle commune et se parla à elle-même. Principalement pour éviter de penser à la douleur et à sa propre stupidité.

« En fait, c’est normal de laisser des trucs derrière soi avant de partir. Tu ne peux pas tout prendre. Mais il y avait encore de la nourriture comestible et bien plus dans les autres placards. Ainsi qu’une cuisine remplie d’ustensiles… Combien coûte un bon couteau bien tranchant ? »

Erin ferma sa main et grimaça. Des couteaux très tranchants.

« Personne n’abandonne quelque chose comme ça. Alors pourquoi quelqu’un… ? »

Ce n’était pas une bonne idée de penser à ça. Erin se sentit soudainement très mal à l’aise. Les poils de sa nuque se hérissèrent et son estomac se serra de manière inconfortable.

« Question. Comment M. Squelette en haut est-il mort ? »

Un frisson descendit le long de sa colonne vertébrale.

« C’est peut-être une mauvaise question. »

Mais une fois posée, il n’était pas facile de s’en débarrasser. Erin tenta de l’ignorer. Elle regarda le sang séché sur sa main, mangea un autre fruit bleu, mais la question continua de la tarauder. Évidemment, elle ne pouvait plus y tenir et se leva.

« À l’étage. D’accord. Bonjour ténèbres mon vieil ennemi. »

Ce n’était pas difficile de se rendre à l’étage. Maintenant qu’elle savait ce qui se trouvait dans chaque chambre, se rendre dans le couloir sombre n’était pas si terrifiant. Mais se rendre dans la dernière chambre ? C’était toujours aussi effrayant.

Erin prit une grande bouffée d’air avant d’ouvrir la porte. Sa main était moite sur la poignée.

« Est-ce que j’ai peur des gens morts ? Bien sûr. Mais ils ne peuvent pas me faire de mal. Les zombies peuvent, mais les gens morts normaux ne peuvent pas. C’est juste un squelette. Je vais trouver un signe de ce qui l’a tué et je vais aller me coucher. Bon plan. C’est parti. »

Elle ouvra la porte et regarda à l’intérieur. Puis elle courut dans le couloir et commença à ouvrir toutes les portes de l’étage, les claquant à chaque fois avant de passer à la suivante, mais ce qu’elle cherchait n’était pas là.

Lentement, Erin marcha jusqu’à la porte au fond du couloir et regarda de nouveau à l’intérieur. Un lit défait, une petite table, une fenêtre fermée et rien d’autre. Erin murmura dans le silence :

« Il n’est plus là. »

***

Le squelette n’était plus là. Erin en était sûre. Il n’était pas dans l’auberge alors qu’elle avait vérifié, et elle avait méticuleusement fouillé les deux étages. La pire question à se poser en parlant d’un cadavre était de se demander où il était passé.

Erin était assise dans la salle commune. En fait, elle était assise dans l’un des coins de la salle commune avec son dos collé au mur et ses yeux observant la pièce. Ce n’était pas qu’elle attendait de voir un tas d’os tomber depuis le plafond. Mais… Elle aurait préféré savoir où est-ce que les os se trouvaient.

« D’accord. D’accord. C’est quoi le problème ? C’est juste un squelette. Un truc flippant et mort. Et puis, même s’il pouvait bouger d’une manière ou d’une autre, où est-ce qu’il irait ? »

Elle ne savait pas pourquoi elle était en train de se murmurer à elle-même. Cela l’aidait juste à se sentir… Bon, pas mieux, mais adéquate. La nuit commençait à tomber et dans ces circonstances être bruyante ne semblait pas être la meilleure chose à faire.

De plus, le squelette pourrait l’entendre.

« Non, non. Ce n’est pas possible. Il n’est pas là. Il doit être quelque part. De plus, où est-ce qu’il pourrait se cacher ? J’ai vérifié toutes les chambres à l’étage. Où est-ce qu’il peut bien être ? »

Les… placards ?

Ses yeux partirent en direction de la cuisine. Non, impossible. Elle avait vérifié.

Sous le plancher ? Sur le toit ?

Erin se fit très silencieuse et écouta. Rien. C’était une bonne chose, n’est-ce pas ?

Mais les squelettes n’ont pas besoin de respirer. Ils n’ont pas besoin de bouger et attendent le moment où tu t’endors... Puis ils…

Assez. Erin secoua sa tête. Tout ça c’était dans sa tête. Il devait y avoir une explication logique pour qu’un corps disparaisse soudainement…

Et les murs ?

Erin refusa de tourner sa tête. Elle était juste paranoïaque. Ce qui était une bonne chose parce qu’il pouvait être partout.

Non, ce n’était pas ‘il’, mais ‘ils’. Peut-être que quelqu’un, ou quelque chose, avait pris le squelette. Mais pourquoi ? Et quand ?

Son esprit se remémora soudain le moment où elle était retournée à l’auberge. N’avait-elle pas fermé la porte derrière elle ? Elle n’avait pas fait attention sur l’instant mais elle se souvenait de l’avoir fermée avant de partir. Elle ne se souvenait pas de l’avoir à nouveau ouverte en revenant.

Elle frissonna. Elle se sentait tout à coup bien moins en sécurité dans l’auberge.

Mais ce n’était que son imagination. Elle avait une imagination bien trop active. Si elle allait dormir, tout allait bien se passer. Tout ce qu’elle avait à faire était de fermer les yeux et tout irait mieux à son réveil. Elle n’avait pas besoin de s’inquiéter. Erin n’entendait rien à part les battements frénétiques de son cœur et le craquement.

Craquement. Un pas.


Erin se releva en un éclair. Elle avait l’impression que son cœur allait s’arrêter à cause du stress, et ses yeux se plantèrent sur le plafond.

Quelque chose était à l’étage.

Elle pouvait l’entendre bouger. Peut-être que si elle avait été plus calme, elle n’aurait jamais remarqué les légers craquements et gémissements du plancher alors que quelque chose rampait à l’étage. Jugeant par les sons…

Erin suivit la progression de la créature. Elle était en train de se diriger vers les escaliers.

Lentement, Erin serra sa mauvaise main pour éviter de hurler. La douleur causée par sa blessure et le sang qui recommença à couler l’empêcha de paniquer. Silencieusement, elle se releva.

Le couteau était sur la table. Erin l’attrapa de sa bonne main et commença à bouger. Les escaliers étaient sur le côté droit de la pièce. Si quelque chose les descendait, ça n’allait pas pouvoir la voir si elle se cachait dans le coin le plus à droite.

Évitant les tables et les chaises Erin s’y rendit et s’agenouilla. Le manche du couteau de cuisine était glissant à cause de la sueur de ses mains. Son autre main était glissante à cause du sang. Elle regarda la lame du couteau, qui était très tranchante.

Le craquement s’arrêta durant un moment quand l’intrus arriva en haut des escaliers. Erin attendit. Il allait descendre, et quand il le ferait, elle allait avoir l’occasion d’attaquer la première.

Attaquer la première ? Suis-je une espèce de héros ?

Non. Nouveau plan. Dès l’instant où Erin saurait ce que c’était, elle allait courir pour sa vie. Mais elle devait d’abord savoir ce que c’était.

Le squelette apparut dans son esprit. Est-ce que c’était ça ? Ou peut-être que c’était une créature qui avait volé ses os ? Une sorte de créature parasite qui vivait à l’intérieur des cadavres… Ou une créature nocturne décharnée qui se nourrissait de la moelle des décédés ?

S’il vous plaît, faites que ça soit un squelette.

Le monstre commença à descendre les escaliers. Silencieusement, lentement. Même en y prêtant attention, Erin pouvait à peine entendre ses bruits de pas. Elle tenta de deviner où il se trouvait. À mi-chemin. Deux tiers. Plus que quelques marches.

La chose descendit la dernière marche et marcha dans la salle commune. Erin ne respira pas. Elle ne bougea pas, et n’osa pas cligner des yeux.

Lentement, la créature s’approcha. Erin plissa les yeux et son souffle lui échappa lorsqu’elle vit la créature. Elle se releva et soupira.

« Oh. C’était juste un Gobelin. »

La petite créature verte se retourna, surprise, au moment où Erin se releva en soupirant. Il s’abaissa immédiatement, tenant sa dague aiguisée prêt à combattre. Il montra ses dents et grogna sur Erin.

Erin grogna en retour.

***

Le reste de l’embuscade des Gobelins attendait à l’extérieur de l’auberge, leurs oreilles attentives au moindre son. Chacun d’entre eux était un combattant avéré, du moins selon les standards de leur petit clan. Ils étaient armés avec les meilleures armes disponibles. Les plus dangereux avaient des épées qui n’étaient qu’à moitié recouvertes de rouille. Ils attendaient tous le signal.
La porte de l’auberge s’ouvrit brusquement et les Gobelins levèrent la tête. Ils s’attendaient à voir la femelle humaine s’enfuir par cette porte en hurlant, plus ou moins blessée si possible. Dans le pire des cas, ils s’attendaient à voir leur camarade fuir hors de l’auberge avec elle sur ses talons. Ils préparèrent leurs armes.

Et baissèrent la tête alors qu’un corps passa au-dessus d’eux.

« Va en enfer ! »

La femelle humaine claqua la porte.

Les Gobelins regardèrent la porte fermée de l’auberge. Ils regardèrent le visage à peine reconnaissable du Gobelin inconscient et échangèrent un regard. Puis, ils prirent rapidement leur camarade inconscient et partirent dans la nuit.
« Modifié: 14 octobre 2020 à 18:01:08 par Maroti »

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #6 le: 30 octobre 2019 à 14:44:17 »
1.06
 
Traduit par Maroti

Erin se réveilla au petit matin, le dos contre la porte de l’auberge. Son cou était endolori et sa main la brûlait.

« Aïe. »

Elle tenait délicatement sa main, qui la faisait toujours souffrir…

« J’ai l’impression que c’est encore pire qu’hier. C’est probablement mon imagination. »

Elle passa une minute assise sur le sol à bercer sa main. Puis elle se rappela pourquoi elle était assise là et se releva aussitôt.

« Des squelettes ? Des Gobelins. »

Où est-ce qu’ils étaient ? Erin tituba jusqu’à une table. Juste là, deux dagues se trouvaient sur le dessus de la table.

« À ce rythme je vais commencer une collection. »

Erin grommela, plus pour elle-même que pour autre chose, et poussa le pommeau d’une des dagues du bout du doigt. Au moins cela prouvait qu’elle n’avait pas rêvé.

« Pas de squelette ? Pas de problème. J’espère. »

Elle soupira et renifla.

« C’est quoi cette odeur ? »

Il y avait quelque chose qui sentait très mauvais depuis la cuisine. Erin poussa un gémissement en ouvrant la porte.

Le poisson se trouvait sur la planche à découper, recouvert de sang séché et empestant dans la lumière du soleil. Il puait, non, en fait, c’était la pire odeur qu’Erin avait eu la malchance de sentir.

« Ce truc. Ce truc est dégoûtant. »

Erin regarda le poisson pendant quelques secondes. Elle n’avait absolument aucune envie d’y toucher mais…

Quelques bestioles noires rampèrent pour sortir de la bouche du poisson. Erin regarda les petits trucs, eut un haut-le-cœur, et courut en dehors de l’auberge pour éviter de vomir à l’intérieur. Voilà comment sa journée débuta.

* * *

Qu’est-ce qu’il fallait faire pour se débarrasser d’un poisson ? Erin le posa par terre à l’extérieur de l’auberge et l’observa.

« Je pourrais l’enterrer, si j’avais une pelle. Je pourrais le brûler, si j’avais un moyen de commencer un feu. Ou… Je pourrais le laisser là-bas. »

Elle marcha une quinzaine de minute avant d’être certaine qu’elle était suffisamment éloignée de l’auberge. Puis, Erin  laissa glisser le poisson de la planche à découper sans ménagement. Ce fut une erreur.

Au moment où le poisson toucha le sol, ce dernier explosa. Quelque chose à l’intérieur se cassa ou s’écrasa, et soudainement une nuée de petits insectes noir et vert s’échappèrent du corps du poisson par tous ses orifices. Erin se figea, hurla, et commença à courir. Elle commençait à avoir l’habitude.

* * *

Il lui fallut un bon moment avant de trouver le courage de retourner vers le poisson, et encore, c’était juste pour prendre la planche à découper et courir jusqu’au ruisseau.

« Beurk, beurk, beurk. »

Erin plongea la planche dans l’eau et regarda les viscères de poisson et les insectes se faire emporter par le courant. Ce n’était pas le poisson mort qui la dérangeait, ou du moins, il ne le dérangeait pas autant que les insectes vivants qui s’accrochaient tenacement à la planche.

« Toi. Dégage. »

La mouche, tenace, semblait avoir la force de dix insectes car elle refusait de laisser le courant l’emporter. Elle était noire avec un abdomen vert, et Erin n’avait jamais rien vu de semblable.

« Une autre créature étrange. Génial. »

Avec précaution, elle l’observa de plus près.  Connais ton ennemi, n’est-ce pas ? Elle supposait qu’elle devait aussi connaître ces insectes.

« C’est carrément un insecte, et c’est vraiment moche. »

Swish. Swish. L’insecte continua de s’accrocher au bois humide malgré les tentatives désespérées d’Erin pour le déloger.

« … Pourquoi ce truc a quatre jambes ? Je pensais que les insectes en avaient six. »

Agacée, Erin sortit la planche de l’eau. L’insecte éventa ses ailes alors qu’elle l’observait. Il ressemblait principalement à un scarabée, mais avec un derrière vert brillant. Un mélange entre une luciole flippante et un scarabée. Au moins c’était mieux qu’un cafard, et puis il n’y avait qu’un seul bon moyen de s’occuper des insectes.

Erin roula son majeur et donna une bonne pichenette à l’insecte. Il explosa.

L’abdomen vert de l’insecte éclata dans une profusion d’éclaboussures vertes alors que le reste fut projeté dans le ruisseau. Erin cligna des yeux alors que le liquide vert recouvrit la planche à découper et tomba dans l’eau.

Un peu de liquide toucha le bras d’Erin.

Ahh ! Aieaieaieaieaieaieaie !

Son bras plongea dans l’eau. Une réaction instinctive qui atténua la douleur. Erin continua quand même de frotter l’endroit où le liquide l’avait touché jusqu’à ce que la douleur disparaisse totalement.

« Des mouches acides. D’accord, c’est complètement maléfique. »

* * *

Sa peau était rouge et endolorie par le bref contact avec l’acide, mais elle allait bien. Malgré tout, elle en profita pour se laver avec la planche à découper et quitta le ruisseau à l’instant où elle se sentit totalement propre. Ce fut moins plaisant que la première fois car Erin passa son temps à surveiller s’il n’y avait pas d’ombres dans l’eau.

« Génial, maintenant ma main et mon bras me font mal. »

Erin passa devant le poisson mort sur le chemin de retour et jeta un coup d’œil à ce qui se passait. Le corps du poisson était recouvert de ces petites mouches acides. Elles étaient probablement en train de pondre dedans, voire pire.

Brièvement, Erin considéra l’option de traîner le poisson jusqu’au ruisseau pour noyer tous ces insectes. Puis elle pensa à ce qui pouvait arriver si toutes les mouches se posaient sur elle pour exploser.

« D’accord. Bien, il n’y a qu’une chose à faire dans telle situation. »

Erin leva son premier, puis son second majeur. Sa main blessée la faisait souffrir, mais elle sentait qu’elle allait déjà mieux.

« C’est pour vous tous. »

Puis elle retourna dans l’auberge.

* * *

« J’aurais vraiment dû apporter un seau. »

Erin regarda les ingrédients alignés sur le comptoir de la cuisine. Son estomac gargouillait, et elle était d’humeur à manger. Mais elle ne voulait pas d’un autre petit-déjeuner, déjeuner et dîner à base de fruits bleus. Aujourd’hui, elle était d’humeur à manger du pain. Du bon pain frais.

Malheureusement, cela impliquait qu’il fallait de l’eau. Erin n’avait pas particulièrement envie de faire l’aller-retour entre l’auberge et le ruisseau avec un seau plein d’eau. Mais elle avait besoin d’eau, elle le savait, d’une manière ou d’une autre.

Est-ce que c’était son instinct ? Erin fronça les sourcils et tapota son crâne. Elle n’avait jamais cuisiné, enfin pas vraiment. Elle s’était préparé des Mac&Cheese et des ramens instantanés mais ça ne comptait pas vraiment. Pareil pour tout ce qui demandait un micro-ondes ou un four. Donc pourquoi savait-elle que pour faire du pain, elle avait besoin de farine, de sel, de sucre, de levure et d’un peu d’eau ? Ça devait être de la magie.

Ou une compétence.

« [Cuisine Élémentaire], hum ? »

Erin regarda la planche à découper, désormais propre. Oui, tous les ingrédients étaient là, cela avait du sens, c’était une cuisine. Les cuisines avaient des ingrédients, donc elle pouvait faire du pain. Ou de la pâte. Pour faire du pain elle allait devoir le cuire dans un four. Heureusement, cette cuisine avait un vieux four et les instincts d’Erin lui disaient qu’elle pouvait l’utiliser. Mais pour utiliser ce four elle avait besoin de feu.

Elle n’avait pas la moindre idée de comment faire un feu.

Quelle que soit sa nouvelle capacité pour cuisiner, cette dernière ne comportait pas d’instruction pour faire du feu. Erin regarda le foyer vide et pensa à voix haute.

« Des brindilles. Il faut frapper des brindilles l’une contre l’autre. Ou des cailloux. »

Elle regarda autour d’elle. Elle avait du bois, il y avait beaucoup de tables et de chaises, mais ce qu’elle n’avait pas, c’étaient des allumettes, ou un briquet, ou un bidon de gazoline et un lance-flamme.

Erin retourna dans la cuisine, il devait y avoir quelque chose pour démarrer un feu quelque part. Sinon comment faire pour cuisiner ?

« Bien. C’est l’heure de farfouiller. Je sais que j’ai vu une étagère pleine de trucs bizarres quelque part… »

Elle recommença à fouiller les étagères. Dans sa première recherche à travers la cuisine elle avait déposé tout ce qui était vaguement peu utilisé ou sans rouille sur une étagère à côté de la nourriture.

« Voyons voir. Des poêles ? Non. Des pinces ? Non ? Une scie ? Pourquoi une cuisine a besoin d’une scie ? »

Erin mit la petite scie de côté et plissa les yeux. Derrière la scie se trouvait quelque chose qu’elle ne reconnaissait pas. Enfin, deux choses. C’était un caillou et un autre truc. Un truc étrange.

« Est-ce que c’est… Un fer à cheval ? »

Non, c’était bien trop petit pour être un fer à cheval et ça n’avait pas la bonne forme. Ou alors ce monde avait d’étranges petits chevaux. Quand bien même, pourquoi avoir un fer à cheval dans une cuisine ?

« Peut-être qu’il mange des chevaux ? »

Erin observa le truc ressemblant à un fer à cheval. Elle regarda le caillou. Lentement, elle glissa le caillou contre l’allume-feu et regarda les étincelles voler.

« Oh. Donc voilà à quoi ressemble une pierre à feu. Ça ressemble vraiment à Minecraft ! »

Erin s’arrêta avant de soupirer et de gentiment se donner une claque.

« Je suis une idiote. »

* * *

Le briquet à silex était réellement amusant à utiliser. Tant qu’elle ne mettait pas le feu à l’auberge en bois par accident.

Erin regarda le grand foyer et tâtonna une nouvelle fois avec le briquet à silex.

« Des herbes sèches ? C’est bon. Une chaise cassée ? C’est bon. Du feu ? »

Elle fit glisser le silex contre le briquet et recula légèrement alors que les étincelles volaient.

« Aïe. C’est chaud ! »

Les étincelles cascadèrent sur l’herbe comme un nuage de lucioles en colère, l’amadou prit feu à certains endroits, et ce feu grandit.

Erin retint sa respiration avant d’expirer, soufflant sur les petites flammes comme elle avait vu les campeurs à la télévision le faire.

« Mince. Il s’est éteint. »

Elle frappa le silex et le briquet de nouveau. Cette fois elle laissa le feu prendre plus d’ampleur et ne souffla pas dessus. Lentement, les petits feux commencèrent à grandir. Elle ajouta un peu de bois pour nourrir les flammes avant de sourire malicieusement.

« Du feu ! Appelez-moi Prometheus… Promethea »

La chaleur devant elle était désormais un peu trop vive et Erin recula. Mais elle continua de sourire. Puis s’arrêta net quand elle s’assit sur sa mauvaise main.

« D’accord. J’ai mal. Mais au moins je peux faire du pain ! J’ai tous les ingrédients, n’est-ce pas ? Oui. J’ai juste besoin de farine, de levure, de beurre, d’un peu de sel, de sucre et… »

Erin soupira.

« Et zut. De l’eau. Génial. Au moins, je peux toujours sortir et aller en chercher. Ce n’est pas comme si j’avais une limite de temps ou quelque… »

Elle regarda le feu qu’elle venait de démarrer.

« Bon sang. »

* * *

Erin décida de laisser le feu allumé pendant qu’elle allait chercher de l’eau. Le foyer et la cuisine étaient en pierre. Les chances pour qu’une étincelle fasse son bout de chemin jusqu’à la salle commune était minime, mais l’idée la dérangeait quand même.

« C’est comme ça que ça commence, n’est-ce pas ? Tu laisses le foyer allumé alors que tu pars en vacances pour quelques jours et puis on t’apprend que ton auberge a pris feu. Une histoire classique pour rendre tout le monde paranoïaque. »

Erin soupira en continuant de marcher. Elle se demanda une nouvelle fois si elle était vraiment en difficulté. Après tout, elle avait démarré un feu, certes, mais c’était la base même pour les hommes de Cro-Magnon. Qu’est-ce qui pourrait bien se…

Une parcelle de vert bougea dans l’herbe en face d’elle. Erin l’observa, est-ce que c’était une partie de l’herbe ? Quelque chose leva la tête et l’observa en retour. Ce n’était pas de l’herbe après tout, c’était…

Quelque chose se catapulta de l’herbe. Erin hurla, battant de l’air avec son seau avant de tomber. Un gigantesque oiseau avec des ailes en cuir et un bec plus long que son bras s’envola dans le ciel avec un cri perçant. 

« Oh. Oh wow. »

Erin resta assise sur le sol et regarda en l’air.

« Est-ce que c’est… Un ptérodactyle ? Vraiment ? »

Il y ressemblait, et même si Erin ne pouvait voir que son derrière qui disparaissait rapidement, l’oiseau avait un certain… Manque de plumes. Cependant, là où les anciens dinosaures-oiseaux qu’Erin avait vus sur des photos de musée étaient marron et unis, cet oiseau était d’un léger vert avec des marques rouges.

« Des dinosaures camouflés. Maintenant j’ai vraiment tout vu. »

Erin secoua la tête et se releva avant de dépoussiérer son t-shirt sale et son jean.

« Je vais devoir laver ces trucs un jour. Mais ça veut dire que je vais devoir me balader nue. Est-ce que ça va poser un problème ? Et c’est quoi cette odeur ? »

Quelque chose sentait vraiment très mauvais. Erin couvrit son nez et grimaça, elle commença à recherche la source de l’odeur. C’était quelque part au sol, et une dizaine de pas furent suffisants pour qu’elle trouve un nid.

« Huh. Je suppose que sans arbres les oiseaux deviennent fainéants. Mais c’est un gros nid, et qu’est-ce que ce que c’est à l’intérieur… »

Erin jeta un coup d’œil dans le nid et recouvrit sa bouche. Elle eut un haut-le-cœur et prit quelques grandes inspirations.

« D’accord. Au moins je sais où disparaissent les oiseaux normaux. À l’intérieur de l’oiseau-dinosaure. »

Évitant de regarder les restes, Erin se retourna pour s’en aller. Elle fit deux pas avant de trébucher.

« Ouille. »

Elle se leva, berça sa main blessée et souhaita que ce monde explose. Ou juste elle. Elle se pencha pour regarder sur quoi elle avait trébuché.

« Des œufs ? »

* * *

Les seaux pouvaient contenir plein de choses. Idéalement on y mettait de l’eau, mais ils pouvaient aussi contenir des œufs. Ils pouvaient aussi contenir des œufs dans de l’eau, ce qui lui épargnait l’effort de faire deux voyages.

C’était tout de même une corvée de porter le seau à travers la prairie. Erin souffla et lutta tout en laissant s’échapper une myriade de complaintes en traînant le seau d’eau.

« Les gens faisaient vraiment ça tous les jours ? Voilà pourquoi la plomberie a été inventée. Et puis qui a mis le ruisseau si loin de l’auberge ? Pourquoi ne pas avoir fait un bon vieux puits ? »

Elle continua de grommeler jusqu’à atteindre l’auberge. Une fois arrivée, Erin fut forcée de s’appuyer contre la porte et de respirer comme un chien pour reprendre sa respiration. Elle remarqua une pancarte pendue juste à côté de son nez et plissa les yeux pour lire les lettres effacées.

« Huh. ‘Fermé ?’ Est-ce que c’est de l’anglais ? »

Ce n’était pas de l’anglais. Les lettres ne correspondaient clairement pas à de l’anglais. Malgré tout, Erin pouvait comprendre ce qui était marqué sur la pancarte.

« Flippant. Mais pratique. Qui a besoin de Google Traduction face à une bizarrerie magique ? »

Au moins cela confirmait les doutes d’Erin.

« C’était une auberge à une époque. Mais quelqu’un l’a abandonnée. »

Elle tapota ses lèvres en y réfléchissant et plissa les yeux en regardant la pancarte. La corde qui la retenait était effilochée et usée, mais elle était encore utilisable.

« … Bon. Qui trouve, garde. »

Erin donna un coup de pied pour ouvrir la porte et traîna le seau à l’intérieur. Elle s’arrêta et sortit de nouveau pour regarder la pancarte.

C’était plus par caprice qu’autre chose, mais Erin retourna la pancarte pour que cette dernière affiche ‘Ouvert’.

« Maintenant où est-ce que je peux trouver une ardoise et inscrire ‘les Gobelins ne sont pas autorisés’ ? »

C’était une question pour plus tard. En ce moment Erin était bien plus soucieuse de sa précieuse eau. Elle avait de l’eau. Elle avait durement porté son eau jusqu’à l’auberge. Maintenant elle devait trouver un endroit où la ranger. Le seau était pratique, mais il était petit et clairement peu adéquat sur le long terme. En outre, il fuyait un peu. Où allait-elle entreposer son eau ?

Erin erra jusqu’à la cuisine.

« Bon, il y a un chaudron. »

C’était en fait une jarre, mais ça ressemblait à un chaudron. Les deux à la fois. En tout cas, il était possible d’y stocker de l’eau. Malheureusement cela voulait dire qu’elle allait devoir le nettoyer avant tout.

Erin essaya d’utiliser le moins d’eau possible, mais la jarre était large, recouverte de poussière, et le seau n’était pas très grand. Elle fut forcée de faire un nouvel aller-retour, puis un autre.

Quand le chaudron fut finalement rempli et suffisamment propre, Erin était prête à cuisiner, des œufs par exemple.

Elle retourna dans la cuisine et observa les braises grises, puis fronça les sourcils.

« Je vais m’occuper de toi plus tard. Pour l’instant j’ai besoin de pâte. »

Une pâte, ce n’était pas compliqué. Il suffisait tout mélanger. Erin eut soudain une idée en regardant les ingrédients.

La préparation du pain était longue. Il devait lever et faire plein de trucs compliqués liés à l’action des levures, du moins c’était ce que sa compétence de [Cuisine Élémentaire] lui disait. Pour être franche, c’était probablement tout ce qu’elle pouvait faire avec ce qu’elle avait sous la main. Il n’y avait pas tant de possibilités avec de la farine, n’est-ce pas ? Mais des œufs ? Les œufs venaient de tout changer.

Erin regarda la farine, puis elle regarda le beurre et le sel, avant de regarder les œufs de nouveau. Elle plissa les yeux.

« Tant pis pour le pain. C’est l’heure de faire des pâtes. »

* * *

Le bol contenait beaucoup de farine, une pincée de sel, de l’eau et du beurre. De l’huile aurait été préférable, mais Erin n’en avait pas. Le beurre allait donc faire l’affaire. Elle sourit. C’était facile. Puis elle cassa l’œuf.

Un épais jaune brillant tomba dans le bol. Les œufs du dino-oiseau géant étaient trois fois plus gros qu’un œuf normal. Elle allait pouvoir faire beaucoup de pâtes. Mais ces œufs étaient légèrement différents.

« Oh. Oh mon dieu. Pourquoi y a-t-il des lignes rouges… ? »

Erin recouvrit sa bouche.

« C’était vivant. Il y avait un bébé à l’intérieur. »

Son estomac se souleva. Mais il n’y avait rien à vomir. Erin prit plusieurs grandes inspirations et tenta de réfléchir.

« C’est vrai. Les œufs normaux éclosent. D’accord. Ce n’est pas un magasin donc évidemment qu’ils allaient être vivants… Mais ils doivent être frais. Pas de bébé poulets à moitié nés, n’est-ce pas ? »

Elle regarda le reste de ses œufs. N’est-ce pas ?

* * *

Erin essuya sa bouche alors qu’elle continuait de mélanger la pâte. Elle n’avait pas vomi, mais son estomac était toujours un peu dérangé par tout le carnage qu’elle venait de faire. Si le mot était approprié.

« Désolée, bébé dino-oiseau. Mais j’ai vraiment besoin de manger, et désormais vous avez l’air bon et pâteux. »

Elle frappa la pâte délicatement. Le mélange était terminé, il était temps de rouler le tout, et de le couper de manière à former des pâtes.

Pour sa défense, Erin n’hésita presque pas avant de reprendre le couteau. Mais elle prit le temps de nettoyer le sang avant de commencer à couper. Cela lui prit un peu plus de temps car elle découpa avec une seule main tout en prenant bien  soin de ne pas laisser ses doigts sur le chemin du couteau, mais elle parvint finalement à obtenir une pile de longues nouilles prêtes à bouillir.

Erin tenait le premier service de nouilles crues au-dessus de la casserole remplie d’eau bouillante.

« Redoublons, redoublons de travail et de soins… Et tu termines à la casserole. »

Les pâtes tombèrent en éclaboussant le foyer. Erin jappa et sauta en arrière.

« C’est chaud ! »

Après s’être traitée d’idiote, Erin s’assit et attendit. Les nouilles n’allaient pas mettre longtemps à cuire, puis elle allait pouvoir ajouter du beurre, du sel et se régaler. C’était un bon plan.

« Dommage que je n’ai rien à boire avec. Un bon verre de jus aurait été très plaisant. Mais vous savez, ce n’était pas comme si je… Pouvais… »

Erin se leva, marcha jusqu’à la salle commune et regarda autour d’elle.

La pile de fruits bleus était là où elle l’avait laissée. Erin plissa les yeux en les regardant avant de caresser son menton en réfléchissant.

« Jus bleu ? »

Elle secoua la tête.

« Nan. Jus de fruits bleus ? C’est mieux comme ça. »


* * *


Préparer le jus était salissant, elle devait éplucher chaque fruit bleu et puis réduire la pulpe en une purée. Puis vint l’obligatoire aller-retour jusqu’au ruisseau pour avoir suffisamment d’eau pour rajouter à la mixture, sans oublier le fait qu’elle devait nettoyer les verres, les assiettes et les couverts. Après son énième trajet pour aller chercher de l’eau Erin avait l’impression que ses bras allaient tomber, mais ça valait le coup car maintenant elle avait quelque chose à boire.

« Mm ! C’est sucré ! C’est comme du sirop ! Du sirop avec des morceaux ! Ou… Un smoothie. »

Erin déposa le pichet de jus de fruits bleus dans la salle commune et vérifia les nouilles.

« Hum. Moelleux. Savoureux !  Les pâtes sont le meilleur plat du monde. »

Ses yeux se remplirent légèrement de larmes. Erin les essuya rapidement et prépara une grosse assiette de pâtes.

« Hum. Une fourchette… Une fourchette ! Est-ce qu’il me manque quelque chose ? »

Elle avait l’impression qu’il lui manquait quelque chose. Mais elle apporta son assiette dans la salle commune et s’installa quand même.

« Qui aurait cru que porter autant de choses avec une seule main était douloureux à ce point ? Enfin, je veux dire que tout est douloureux. »

Les pâtes étaient chaudes et délicieuses. L’estomac d’Erin gargouilla, mais elle avait toujours l’impression qu’il lui manquait quelque chose, et la douleur était toujours présente.

« Mais c’est un jour meilleur, n’est-ce pas ? Un jour légèrement meilleur. »

Erin regarda l’assiette. Pâtes ? Présent. Fourchette ? Présent. Jus ? Présent.

Elle soupira, un sourire essayant d'apparaître sur son visage. Sa main la faisait souffrir, mais Erin continua d’essayer de sourire et leva sa fourchette. Elle allait manger jusqu’à en vomir. D’accord, peut-être pas à ce point, mais jusqu’à être rassasiée. Elle porta sa première fourchette de nouilles brillantes jusqu’à sa bouche.

Toc, toc

Sans réfléchir, Erin se leva et alla jusqu’à la porte.

« Bonjour, je peux vous aider ? »

Un insecte géant se tenait dans l’ouverture de la porte. Il leva une antenne en guise de salutation et ouvrit ses mandibules.

« Salutations. Pouvons-nous rentrer ? »
« Modifié: 14 octobre 2020 à 18:16:50 par Maroti »

Hors ligne Maroti

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #7 le: 02 novembre 2019 à 17:05:40 »
1.07

Un insecte géant se tenait dans l’embrasure de la porte. Il avait de larges yeux globuleux, un corps recouvert d’une chitine marron foncé, et une paire d’épées à la taille. Il avait aussi un grand abdomen, et deux pinces sortaient de sa bouche ; il avait aussi quatre bras.

Erin regarda la fourmi-créature. Cette dernière ouvrit la bouche et commença à parler.

« Bonsoir, Humaine. Je me demandais si mon collègue et moi-même pouvions vous déranger quelques minutes… »

Erin ferma la porte, puis la verrouilla. Où est-ce qu’elle avait mis le couteau de cuisine ?

« Espèce d’idiot. Je t’ai dit que c’est pour ça que j’aurais dû ouvrir la porte. »

Les couteaux des Gobelins se trouvaient sur la table. Elle s’empara des deux et essaya de penser clairement. Couteaux. Chaise ? Il y avait beaucoup de chaises.

« Peut-être que ce n’était pas le bon moment ? »

Ou des fenêtres. Erin regarda autour d’elle, il y avait beaucoup de fenêtres. Elle pouvait sauter d’une d’entre elles si nécessaire.

« Pousse-toi. Je vais te montrer comment il faut faire. »

Quelqu’un frappa de nouveau à la porte. Erin se figea avant d’y retourner. Très lentement, elle ouvrit à nouveau la porte .

Un lézard géant… Non, un dragon miniature qui ressemblait vaguement à un humain baissa les yeux pour regarder Erin. Il devait faire un bon mètre quatre-vingt-cinq. Ses écailles étaient vert clair et il avait des griffes très, très tranchantes sur chacun main. Lorsqu’il sourit, Erin vit ses dents, oh, et il avait une langue fourchue.

« Bonsoir mademoiselle. Nous sommes désolés de vo… »

Erin ferma la porte, la verrouilla, et traîna une table pour se barricader. Elle pouvait sentir son cœur battre la chamade alors qu’elle poussa une nouvelle table pour renforcer sa barricade. Les couteaux n’allaient pas être suffisants, elle allait devoir sauter par une fenêtre.

«Bon travail pour ne pas l’effrayer. »

« La ferme. »

Est-ce qu’ils parlaient ? Erin écoutait avec attention, ses mains tremblaient tant elle était incapable d’attraper quoi que ce soit pour se défendre.

« Et maintenant ? Je ne pense pas qu’enfoncer la porte pour rentrer soit approprié en ce moment. »

« Quoi ? Mais ça va pas la tête ? Laisse-moi parler. C’est simplement une incompréhension causée par la vue de ta tête. Je vais régler ça. »

L’une de ces voix était plus aiguë que l’autre et agrémentée d’un étrange cliquetis. Erin devina que c’était probablement la voix de l’insecte. L’autre, l’homme lézard, prononçait les mots en allongeant les s. Les deux parlaient en anglais.

« Bonsoir ? Mademoiselle ? Nous ne sommes pas dangereux. »

L’un d’entre eux frappait à la porte. Erin tentait de ne pas avoir une crise d’angoisse, ses yeux allèrent vers la fenêtre, mais elle devait demander.

« … Est-ce que vous êtes un dragon ? »

Elle entendit un rire surpris depuis l’autre côté de la porte.

« Est-ce que je suis un dragon ? Aha. Haha. Bien, c’est juste que… Pince-moi. Je veux dire, est-ce que je ressemble à un dragon ? Peut-être que oui. Qu’est-ce que tu en penses ? »

« Tu es en train de rougir. »

« Silence, je suis de bonne humeur. »

La voix de l’homme-lézard se fit entendre de nouveau.

« Excusez-moi ? Je ne suis pas un dragon, Mademoiselle Humaine. Je suis un humble Drakéide au service de la Garde locale. Mon idiot de partenaire et moi étions en train de patrouiller quand nous avons aperçu la fumée. Pouvons-nous entrer ? Je vous promets que nous ne mordons pas. »

« Et que nous n’allons pas infliger d’autre type de blessure, corporelle ou mentale. »

« La ferme. Est-ce que tu essayes de lui faire peur ? »

Erin  réfléchit. Un recoin de son esprit était en train de décider si elle devait rire ou paniquer, et s’il décidait de rire, est-ce que ça devait être un rire hystérique ou non ?

Elle n’arrivait pas à se décider, donc à la place…

« Hum. Donnez-moi un instant. Je vais ouvrir cette porte. »

« Merci beaucoup. »

Erin poussa les tables hors du chemin et déverrouilla la porte, hésitante. Elle l’ouvrit et regarda l’insecte et le lézard géant une nouvelle fois. L’insecte la regarda en retour. Le lézard, de son côté, ouvrit la bouche et remonta ses lèvres dans ce qui était peut-être un sourire.

« … Salut. »

La main d’Erin se serra sur la porte. L’homme-lézard posa sa main sur la porte et l’empêcha de la fermer.

« Désolé, désolé Mademoiselle. Nous ne sommes pas là pour vous faire du mal, c’est promis. »

Erin espérait que c’était vraiment le cas, car elle ne pouvait pas bouger la porte d’un pouce. Mais il était trop tard pour fuir, n’est-ce pas ? Elle devait changer de tactique.

« Vous voulez quelque chose à manger ? »

L’homme-lézard cligna des yeux.

« Hum, pourquoi pas. »

« D’accord. C’est bien. »

Erin ouvrit lentement la porte. L’homme-lézard sourit de nouveau et entra doucement à l’intérieur. L’insecte géant entra à son tour et la salua poliment avec un hochement de tête.

« Bonsoir. »

« … Salut. »

Les deux regardèrent l’auberge vide. Erin pointa la table du doigt sans les quitter des yeux.

« Le repas est ici. »

« Ooh ! Des pâtes ! C’est bon ! »

L’homme-lézard, le Drakéide, frotta ses mains. Le bruit que ses écailles faisaient ressemblait à du papier de verre. Il s’assit sur une chaise alors que l’homme insecte s’arrêta.

« Je participerai volontiers à ce partage de nourriture si c’est offert. Cependant, nous ne souhaitons pas vous priver de votre repas. »

« Quoi ? Non, c’est bon. J’ai beaucoup de pâte. »

Erin pointa vaguement la cuisine du doigt.

« Laissez-moi trouver une assiette et… Des fourchettes. Est-ce que, hum, vous voulez quelque chose à boire ? J’ai de l’eau. »

« Je vais prendre un verre si c’est possible. »

« Je vais aussi accepter les pâtes et l’eau. Mais puis-je savoir si vous avez des insectes ? »

« … Non. Non, je ne fais pas d’insecte. »

« C’est fort dommage. »

Erin alla chercher les assiettes, elle entendit les deux s’asseoir et discuter sans rien faire pendant qu’elle se dirigeait vers la cuisine. Une fois à l’intérieur, elle se laissa tomber au sol et se donna quelques gifles avant de prendre les assiettes.

« Voilà. Hum, j’ai aussi du jus. Vous voulez un verre ? »

« Oh, merci. C’est… Bleu. »

« Ouais. Je l’ai préparé moi-même. C’est délicieux, vraiment. »

« Bien, j’accepte volontiers. Klbkch, tu veux un verre ? »

« Je vais m’en passer pour le moment. Nous devrions commencer notre travail au lieu de dîner. »

« Dans un instant, mangeons d’abord. Ça a l’air délicieux ! »

Erin les regarda, c’était une opportunité en or. Elle avait deux créatures qui, en plus de parler anglais, n’étaient pas enclines à la tuer et étaient en train manger ses plats. Elle avait tellement de questions à poser à propos d’elle-même, à propos de l’endroit où elle était, à propos de tout et n’importe quoi en fait.

Il était possible que ses questions allaient décider de son destin. Probablement pas, mais elles allaient être importantes. Mais avant qu’Erin ne pose une de ses nombreuses questions, incluant comment un ‘Drakéide’ et une fourmi géante savaient utiliser des couverts, elle se devait de demander à nouveau.

« … Vous êtes sûr que vous n’êtes pas un dragon ? »


***

« … Donc quelqu’un sur les murs a aperçu la fumée et a alerté le reste de la Garde. Puisque ça ne ressemblait pas à un feu de brousse et que nous savions que cet endroit était abandonné depuis plusieurs années, notre Capitaine décida de nous envoyer pour voir ce qui se passait. »

« De manière succincte : nous avons vu la fumée et décidé d’enquêter. »

Le lézard géant se tourna et jeta un regard mauvais à son compagnon l’homme-fourmi.

« C’est ce que j’ai dit. »

« Tu ne t’es pas très bien exprimé. Je reformule simplement tes paroles pour le bénéfice de tous. »

« Tu vois, c’est ça. Voilà pourquoi personne d’autre ne veut être ton partenaire. »

« Tes remarques blessantes ne sont pas nécessaires. De plus, je crois que nous nous égarons. Il faut se souvenir que nous sommes en présence d’un membre du grand public. »

« Oh. C’est vrai, désolé. »

L’homme-lézard s’éclaircit la gorge ; le son que cela provoqua était étrange pour Erin, bien plus grave et semblable à une basse.

En fait, tout semblait étrange pour Erin. Mais les deux créatures assises en face d’elle n’étaient pas le bas du panier.

Quoique... ces créatures semblaient injustes. Elles étaient probablement des “humaines”. Elles agissaient comme des humains, mais elles étaient…

Erin regarda les bras de l’homme-lézard. Ils étaient énormes, elle avait vu des bodybuilders sur des premières de magazines et dans de mauvaises pubs pour des salles de gym, mais ce gars était plus musclé que 90% de la population masculine. La population masculine humaine. Puis il était vert, vert avec des écailles.

Il regarda de côté, ses yeux étaient similaires à ceux d’un serpent ou d’un lézard. Elle détourna rapidement le regard et regarda l’homme-fourmi. Du moins, elle pensait qu’il était une fourmi.

Il avait beau être juste en dessous de la moyenne au niveau taille, l’homme insecte semblait petit comparé à son partenaire. Mais il était clairement plus haut sur l’échelle de la bizarrerie.

Principalement parce qu’il était un insecte, il avait des antennes.

« Mademoiselle ? »

Erin sursauta.

« Moi ? Salut, oui, moi. »

L’homme-lézard avala un peu de jus bleu.

« Désolé, mais pouvons-nous vous poser quelques questions à propos de vos origines ? C’est plutôt étrange de trouver une Humaine ici, encore plus dans un endroit abandonné comme celui-ci. Nous ne voulons pas être indiscrets mais c’est un peu notre boulot de poser ce genre de questions. »

« Quoi ? Oh, il n’y a pas de problème. Que voulez-vous savoir ? »

L’homme insecte se pencha vers elle.

« Bien, pour commencer, pouvons-nous nous enquérir de votre provenance ? »

« Je viens du Michigan. »

Les deux échangèrent un regard alors qu’Erin se gifla intérieurement.

« Le Michigan ? Je ne suis pas familier avec ce royaume. Ou peut-être est-ce une cité ? C’est au nord d’ici ? Par-delà les montagnes, peut-être ? »

« Hum. Non. C’est un peu plus loin que ça. »

« Oh, est-ce que vous êtes… Perdue ? En voyage, peut-être ? »

Erin secoua sa tête.

« Non, en fait je me suis perdue et… C’est stupide. Pourquoi est-ce que j’essaie de trouver des excuses ? »

Une nouvelle fois, un regard fut échangé.

« Hum, je ne sais pas ? »

Erin soupira et posa ses mains sur la table.

« Ecoutez. C’est compliqué et je ne peux pas vraiment l’expliquer. Mais vous croyez en… La magie ? Comme un super, super, heu… Sort de téléportation ? »

« Oh, un sort de téléportation ? Est-ce un accident ou est-ce que quelqu’un vous a visée ? »

« Hum. Je n’ai rien vu lorsque c’est arrivé. J’ai juste tourné à un croisement et… Écoutez, je suis apparue d’un coup quelque part dans le coin. Et puis y’avait… Un dragon

« Je te l’ai déjà dit. C’est flatteur, mais je ne suis pas un drag… Oh. »

L’homme-fourmi se pencha en avant.

« Est-ce que vous voulez dire que vous avez croisé un dragon ? Quelque part dans cette région ? »

Erin cligna des yeux.

« Est-ce que… C’est une mauvaise chose ? Je veux dire, c’est un dragon oui, mais est-ce qu’il n’est pas… »

L’homme-fourmi et elle regardèrent l’homme-lézard.

« Écoute. Ça devient un peu embarrassant. Je ne suis pas un dragon, je suis un Drakéide. Et oui, nous sommes de lointains cousins avec eux mais les dragons restent de très mauvaises nouvelles. Ils mangent des gens. Et vous dites que vous en avez vu un ? »

« Il m’a soufflé dessus. Du feu. Et puis j’ai été chassée par de petits hommes verts. »

« Des Gobelins »

« Oui, eux. Et puis j’ai trouvé ce dino-oiseau géant… »

« Un quoi ? »

« Un gros… Truc tanné, avec des ailes. »

« Oh, d’accord. Ces pestes. »

« Et puis il y avait les rochers-crabes, je veux dire, les crabes-rochers, et puis j’ai trouvé des fruits bleus avant et… Je vous ai rencontrés. Un non-dragon et un insecte. Qui ne veulent pas me manger ? Ou est-ce que ça va venir après le repas ? »

L’homme-lézard semblait choqué et offusqué.

« Bien sûr qu’on ne va pas te manger ! Ça serait barbare, en plus d’être illégal. Je veux dire, bien sûr, ça arrive de temps en temps dans un village lointain mais on ne va pas faire ça. N’est-ce pas, Klbkch ? »

L’homme-lézard se tourna vers son ami.

« En effet. Nous ne violerons pas notre devoir en tant que gardes. »

« Votre devoir ? Vous… Êtes des gardes ? Et vous… Vous êtes K… Kbch ? »

L’homme insecte leva une antenne.

« Pardonnez-nous, nous ne nous sommes pas présentés. Permettez-moi de corriger cette erreur. Je suis Klbkch, Garde Senior au service de la ville. Et voici mon partenaire. »

« Relc ! »

L’homme-lézard leva son verre.

« Et ce jus bleu est délicieux ! »

« En effet. Et je vous présente une nouvelle fois mes excuses, mais le véritable but de cette visite était d’évaluer les possibles risques en provenance de ce lieu. »

Erin regarda autour d’elle.

« Quels dangers ? Moi ? »

« Pas vous en particulier. Vraiment, cela aurait pu être n’importe quoi. Nous avons pensé qu’il aurait pu s’agir d’un incendie, ou de quelques Gobelins. D’un autre côté, si la fumée avait été causée par un groupe d’enfants stupides, nous serions en train de les traîner jusqu’à la ville en cet instant même, car il est dangereux de rester ici. »

Erin rencontra son regard, alarmé. Il avait des yeux très jaunes avec des pupilles noires.

« Dangereux ? Pourquoi c’est dangereux ? Il va y avoir un problème si je reste ici ? »

« Et bien, il n’y a pas de problème si vous souhaitez rester là. Excepté votre décès, bien sûr. »

« Mon décès ? »

Relc donna un coup de pied à Klbkch sous la table.

« C’est juste une possibilité. Ce, huh, lieu n’est pas très bon. Pour votre santé. »

Erin était pâle, et Klbkch intervint.

« La peste. Ce lieu était autrefois l’endroit où vivait une petite communauté avant qu’ils ne périssent tous. De manière horrible. »

Erin mit sa tête entre ses mains.

« Donc est-ce que je vais mourir en vomissant mes entrailles ou quelque chose du genre ? »

« Actuellement, les symptômes de la peste se manifestent en tant que… »

Relc donna un nouveau coup de pied à Klbkch.

« Pourquoi tu ne la bouclerais pas pour me laisser parler ? Écoute, Mademoiselle Humaine. Tu n’es probablement pas malade si tu es toujours en train de te balader dans le coin. »

« Et que vous ne suintez pas. »

« La ferme. Ahem. Nous avons juste été envoyés ici pour nous assurer qu’il n’y avait pas de Gobelins ou autres méchantes créatures qui avaient décidé de s’installer ici. Nous n’avons pas de problème avec les Humains. Du moins, pas de problèmes avec ceux qui ne sont pas violents. »

« En effet. Il n’y a pas de lois interdisant l’occupation de ce lieu. »

Les deux la regardèrent. Erin se sentit obligée de dire quelque chose.

« Bien. Merci ? »

« De rien. »

« En effet. »

« … Vous voulez une autre assiette de pâtes ? »

« Oh, bien sûr. »

« Je voudrais aussi une autre assiette.»

Erin servit de nouvelles assiettes de pâtes. L’auberge resta silencieuse tandis que chacun avalait ses nouilles, ou dans le cas de Klbkch, effectuait une action complexe avec le trou qui lui servait de bouche. Erin ne regarda pas de plus près.

Après quelques instants, Relc déposa sa fourchette.

« C’est vraiment très bon. Comment as-tu fait pour préparer tout ça ici ? »

« Oh, j’ai trouvé un peu de farine et du beurre dans l’un des placards. Il y avait des trucs… Runiques gravés dessus. »

« Cela doit être un sortilège de conservation. C’est assez commun dans les établissements de classe supérieure. »

« Mais tu l’as cuisiné, pas vrai ? Alors tu dois avoir des niveaux dans une classe de [Chef], pas vrai ? »

Erin regarda Relc.

« Des niveaux ? Oh, non. J’ai… Des niveaux en tant qu’[Aubergiste]. »

« Oh, je vois, je vois. C’est pratique. Est-ce que tu les as obtenus ici ? »

« Hum, oui. Chaque fois que je m’endors, je monte de niveau. Je suis… Hum, niveau 4. »

« Pas mal ! Surtout si ça ne fait que quelques jours que tu es là. Est-ce que les notifications t’ont réveillée pile au moment où tu allais t’endormir ? Je déteste ça. »

« Oui. »

« C’est vraiment embêtant. »

« … »

« … »

« Donc. Des niveaux. Des Classes. »

« Qu’en est-il ? Oh, tu te demandes ma classe ? Je suis un [Maître des Lances]. Cet idiot est un [Pourfendeur]. Nous avons tous les deux des niveaux en tant que [Gardes], mais pas autant que dans nos classes principales.

« D’accord, d’accord. C’est heu… Bon à savoir. »

« Et tu es une [Aubergiste], n’est-ce pas ? Est-ce que tu as une autre classe ? »

« Hum, non. Non. »

« C’est dommage. Mais tu es jeune, gagner des niveaux prend du temps après tout. »

« D’accord. Je vois. Hum. Admettons que je n’aie pas la moindre idée de ce que c’est de gagner des niveaux et de ce que sont les classes. Je viens de, heu, très loin et nous avons de différentes… Traditions. »

Relc et Klbkch échangèrent un regard.

« … Tu veux dire que tu ne gagnes pas de niveaux dans ton Michigan ? »

« Oh non, non. On gagne des niveaux, c’est juste, heu, différent de vous. Et je n’ai jamais vraiment fait attention en cours et tout… »

« Ils éduquent les Humains sur comment gagner des niveaux ? Bizarre. »

« C’est étrange. J’avais l’impression que le gain de niveau marchait de manière uniforme chez toutes les espèces. À moins que vous fassiez référence à une différence de classe ? »

« Oui. Non. Peut-être ? Écoutez, nous gagnons des niveaux. Vous gagnez des niveaux. Tout le monde gagne des niveaux, n’est-ce pas ? Nous pouvons tous gagner des niveaux dans des, heu, classes et gagner des compétences. Est-ce que j’ai bon jusqu’à présent ? »

Relc acquiesça aimablement. Il était en train d’aspirer des nouilles avec sa longue langue. Erin était fascinée, même si elle se demandait si elle devait être dégoûtée ou non.

« C’est comme ça que ça marche. Qu’est-ce qui te dérange ? »

« Hum. J’ai gagné des niveaux en nettoyant l’auberge. Et je n’étais pas une [Aubergiste] avant. Donc pourquoi… ? »

« Oh, ça. Tu as probablement rempli toutes les exigences pour la classe, c’est tout. Je sais que c’est plutôt bizarre de soudainement gagner une nouvelle classe, mais ça arrive. Je connais un gars qui a gagné quatre niveaux en [Fermier] parce qu’il faisait pousser des carottes dans des pots à côté de sa fenêtre. Gagner des niveaux est simplement bizarre. »

« Bon… D’accord. Laissez-moi y réfléchir. »

Erin dut se masser la tête alors que les deux gardes la regardaient avec inquiétude. Enfin, elle présumait que c’était de l’inquiétude.

« C’est un monde. Tout le monde peut y gagner des niveaux. Humains, homme-lézard, insectes qui parlent, chats, chiens, Gobelins… »

« Hey comment tu viens de m’app… »

Klbkch se pencha vers elle, coupant la parole à Relc.

« En fait, j’aimerais vous corriger sur ce point. Là où les races pensantes peuvent gagner des niveaux, les animaux et les créatures tels que les Dragons sont incapables de gagner des niveaux. »

« Quoi, vraiment ? Qu’en est-il des Gobelins ? »

« Ils peuvent gagner des niveaux. Maintenant sur ce que tu viens de dire. Je ne suis pas un lézard… »

« En effet. C’est une partie de notre héritage commun. Il y a fort longtemps, toutes les races se battaient avec bec, ongles et magie, avant de se diviser. Celles qui ont décidé d’abandonner leur nature et de poursuivre une vérité différente ont reçu le don du [Gain De Niveau], alors que celles qui sont restées fidèles à leur nature ont gardé la puissance de leurs natures. »

« Vraiment ? Est-ce que ça veut dire que… »

« Hey !»

Le poing de Relc frappa contre la table. Toutes les assiettes bondirent en l’air et Erin tomba presque de sa chaise. Elle regarda Relc, qui avait l’air renfrogné, mais lorsqu’il remarqua la pâleur de son visage il s’arrêta avant de prendre un air coupable.

« Hum, désolé pour ça. Vraiment. Mais, heu, est-ce qu’on peut parler de cette insulte ? »

« I-insulte ? »

« Ouais. Tu, hum, m’as appelé un homme-lézard, pas vrai ? »

« Est-ce mal ? »

« … Oui. Oui ça l’est. Je suis un Drakéide, pas un homme-lézard. Il y a une grosse différence. »

« Désolée. Désolée pour ça. »

« Uh, ne t’excuse pas. Écoute, j’ai peut-être un peu réagi de manière excessive. Je ne suis pas, hum, en colère… »

Klbkch donna un coup de pied à Relc sous la table.

« Je crois que c’était à mon tour de faire ça. Présente ton excuse à l’Humaine pour ton impolitesse. »

« … Ouais, pardon. »

Relc inclina sa tête, jusqu’à ce que la crête piquante sur sa tête touche presque le dessus de la table. Erin secoua ses mains avec véhémence.

« Oh non, non. S’il vous plaît, ne faites pas ça. Je ne savais pas que c’était impoli. Si je l’avais su, je n’aurais jamais… Il y a une grande différence entre les hommes-lézards et les Drakéides, pas n’est-ce pas ? »

« Seulement quelques différences, mais l’animosité entre leurs deux cultures est… »

« La ferme. Je suis quand même désolé. Mais oui, il y a une grosse différence. Je veux dire, la plupart des Humains n’arrivent pas à nous différencier, mais les hommes-lézards vivent près de l’eau et peuvent aussi respirer sous l’eau, du moins certains d’entre eux. Alors que les Drakéides préfèrent les climats plus secs. Nous aimons avoir du soleil, de grands espaces ouverts… »

« Des rochers confortables pour faire la sieste en plein milieu du service. »

« Tu es juste une grosse fourmi, alors tu te tais. Dans tous les cas, nous sommes spéciaux. Ces gars sont juste des amphibiens qui ont appris à marcher sur deux pattes. Nous, en revanche, sommes de la même famille que les Dragons. Nous avons des pouvoirs spéciaux. »

« Comme ? »

« Nous pouvons cracher du feu. Ou du moins certains d’entre nous le peuvent. »

Relc s’installa confortablement sur sa chaise et croisa les bras avec un sourire triomphant. Erin et Klbkch le regardèrent en silence.

« Quoi ? C’est un grand pouvoir ! »

« Je suis certain que c’en est un ? »

« Ouais, ça a l’air incroyable. Vraiment… Vraiment cool ! »

Relc donna quelques coups de coude à Klbkch.

« Tu vois ? Elle comprend. Je te l’avais dit que c’était cool. »

« Ouais, c’est génial. »

« Je sens que je dois mentionner le fait que tu es personnellement incapable de cracher du feu, Relc. »
« La ferme, Klbkch ! »

Relc semblait à la fois agacé et gêné.

« Seule une poignée de Drakéides peut le faire, d’accord ? Ne pas pouvoir cracher du feu est parfaitement normal, et certains d’entre nous peuvent le faire, donc voilà. »

Il regarda Erin de manière anxieuse.

« On est réglo, pas vrai ? »

Erin sourit et leva le pouce en guise de confirmation. Puis elle grimaça de regret, elle venait d’utiliser sa mauvaise main.

« Oouh c’est moche. Qu’est-ce qui s’est passé ? »

« Quoi, ça ? C’est rien, c’est juste… »

Klbkch se leva brusquement, Erin sursauta, mais il leva deux de ses bras frêles.

« Pardon. Je ne souhaite pas vous faire de mal. Mais puis-je voir votre main ? »

Erin hésita, avant de lentement avancer sa main. Vu de l’extérieur, le pansement était gris et rouge de sang coagulé. Quelques gouttes tombèrent sur le sol.

Klbkch inspecta sa main avec attention avant de relever les yeux vers Erin.

« Une nouvelle fois, veuillez m’excuser. Mais puis-je vous demander de retirer le pansement ? »

Erin hésita de nouveau, mais elle commença à lentement défaire le pansement entourant sa main avant de grimacer. La douleur qui sourdait dans sa main s’aggrava soudainement, et un liquide commença à couler sur le sol.

C’était du pus jaunâtre et blanc coulant depuis la blessure. Il regarda la plaie pendant quelques secondes, ses antennes bougeant lentement, puis releva la tête.

« Ouais, hum, ouais. »

Erin tenta de respirer, sa main brûlait.

« Ce… Désolé, c’est idiot. Je me suis coupée et je suppose que ça s’est infecté, mais… »

« Ce n’est pas une infection. »

« Quoi ? »

« C’est du poison. D’une certaine manière. »

« Vous êtes certains ? Ça ne ressemble pas à... »

« Il y a un poisson, dans la rivière proche, qui sécrète un mucus qui attaque la surface touchée. Comme dans ce cas. J’ai déjà vu des blessures de ce type chez d’autres gardes. »

« Vraiment ? Je veux dire, ce n’est pas une infection ? »

Erin était en train de trembler. L’homme insecte la tenait avec délicatesse.

« S’il vous plaît, ne soyez pas alarmée. C’est soignable. Permettez-moi. »

L’un de ses bras descendit et Erin le vit sortir un objet d’une des poches de sa ceinture. Elle cligna des yeux alors qu’il lui présentait une bouteille d’un liquide vert émeraude scintillant.

« Ceci est une potion de soin de basse qualité. Si vous en versez sur une blessure, cela devrait soigner vos malheurs. »

Délicatement, Klbkch retira le bouchon de la bouteille et la tendit à Erin qui la prit précautionneusement, avant d’hésiter.

« C’est… Je veux dire, est-ce que c’est sans danger ? Même pour les humains ? »

Klbkch et Relc acquiescèrent, Relc lança un regard à son partenaire mais l’homme-fourmi était résolu.
« Croyez-moi, s’il vous plaît. Cela vous soignera. »

Erin le regarda dans les yeux. Des yeux à facettes, de larges facettes. Marron et fractales, comme chez les fourmis. Ils étaient aussi très effrayants, mais Erin décida qu’elle pouvait leur faire confiance.

Elle agrippa fermement la potion de sa main gauche et versa lentement son contenu sur sa main droite avant de laisser échapper un cri de surprise.

« Est-ce que vous allez bien ? »

« Je… Je n’ai plus mal ! »

Relc renifla doucement, ce qui ressemblait au bruit d’une souffleuse au démarrage.

« Bien sûr que ça ne fait plus mal. Qui voudrait créer une potion de soin qui blesse les gens ? Mais regarde ! »

Il pointa sa main du doigt, Erin la regarda et vit que la coupure se fermait à une vitesse incroyable. La chair se refermait et en un instant la coupure avait disparu. Erin était estomaquée.

Klbkch reprit la bouteille à moitié vide de ses mains avant qu’elle ne la fasse tomber. Elle était trop occupée à toucher sa main du doigt pour y faire attention, mais lorsqu’il eut rangé la bouteille, elle se retourna et l’enlaça.

« Merci beauc… Aïe ! »

« Mes excuses. Il n’est pas conseillé de serrer ceux qui ont un exosquelette dans les bras. Est-ce que vous allez bien ? »

Erin recula et commença à masser l’endroit où ses bouts pointus l’avaient touchée.

« Oui, oui tout va bien. Et comment puis-je… Je ne peux pas suffisamment vous remercier. C’était…C’était une potion de soin, n’est-ce pas ? Comment puis-je vous rembourser ? »

Elle commença à chercher autour d’elle pour donner quelque chose à Klbkch, mais ce dernier leva une de ses… Nombreuses mains.

« S’il vous plaît. Ce n’était rien C’était simplement une potion de basse qualité sans réelle valeur. Disons que cela servira de paiement pour le repas. À moins que vous ne soyez pas d’accord ?

« Oh non, merci. Je veux dire, c’est probablement plus que… Puis-je vous donner une autre assiette ? Ou… ou si vous revenez, je pourrai vous servir à nouveau un repas. »

« J’accepte cette offre avec plaisir. Mais je suis déjà repu, et je pense qu’il est temps pour nous de partir. Nous ne souhaitons pas abuser de votre hospitalité. »

Relc fit une pause alors qu’il venait de reprendre du jus de fruits bleu.

« Ha bon ? »

« Nous sommes toujours en service, tu te souviens ? Le Capitaine attend un rapport de notre part. Nous pourrons toujours prendre le temps de socialiser si nous revenons un jour. »

« Ou, et écoute-moi, Ou… Nous pourrions avoir plus de nourriture et rester ici plus longtemps. »

« Je suis certain que tu préférerais ça. Mais nous sommes payés pour travailler, et non pour nous amuser. De plus, tu es en train de manger tout le dîner de cette Humaine. »

Relc regarda la table et se leva immédiatement.

« D’accord. Bien, partons de ce pas. Hum, pardon Mademoiselle. Là, laisse-moi payer pour le repas… »

Erin tenta de protester mais une main écailleuse ouvrit la sienne avec délicatesse et déposa une poignée de pièces de cuivre et deux pièces d’argent dans sa paume.

« J’insiste. Et au passage, le jus bleu est vraiment bon. »

« Merci. »

« Bien, nous partons. Passez une bonne nuit. »

Les deux quittèrent l’auberge et Erin les regarda partir. Elle chercha un endroit où s’asseoir et décida que le sol allait faire l’affaire, avant de rester immobile pendant l’heure qui suivit.

***

Relc et Klbkch quittèrent l’auberge. Ils commencèrent à marcher à travers l’herbe sous le ciel étoilé. Il faisait froid, mais ils marchaient rapidement. Les deux gardes scannaient le paysage en marchant, les mains sur la lance et les épées à leurs tailles. Ils n’étaient pas nerveux, juste prudents.

Après un certain temps, Relc brisa le silence.

« Cette fille est bien seule. »

« C’est une fille ? Je n’arrive pas à faire la différence. »

« Je peux. Les glandes mammaires. »

« Les seins, du moins je crois que c’est comme ça que ça s’appelle. Ou peut-être que le mot est doudounes ? »

« Vraiment ? Je pensais que c’était un vêtement ? »

« C’est comme ça que j’ai entendu un petit humain les appeler une fois. Mais c’est une femelle, et jeune, correct ? »

« Ouaip, je parierais dessus. Mais je ne sais pas ce qu’une Humaine peut faire là-bas, encore moins dans un endroit pareil ? »

« Fouiller la vie personnelle d’autrui est une affaire pour la Garde pendant que nous sommes en service. Respecter l’espace personnel d’autrui est un principe de bienséance dans les interactions sociales. »

« La ferme, elle avait juste l’air seule, c’est tout. Sinon quelle serait la raison pour qu’une femelle Humaine décide de traîner avec un Drakéide et un gros insecte ? »

Klbkch resta silencieux quelques instants.

« Est-ce que tu penses qu’elle est une criminelle ou qu’elle craint pour sa vie ? »

« Même si elle l’était, qui se cacherait là-bas ? Il faudrait être fou, ou éventuellement être un mage ou un prêtre pour tenter le coup. »

« C’est vrai. Mais au moins nous savons qu’il n’y a pas de danger. Elle serait probablement déjà morte si l’endroit était encore dangereux. »

« Je parie qu’elle n’en savait rien. Et son expression lorsque nous sommes entrés : elle n’avait jamais vu de Drakéide ou d’Insecte de sa vie. »

« J’aimerais que tu parles de mon espèce en utilisant le bon terme. »

« Qu’est-ce que tu en penses ? Je parie qu’elle est en fuite ou quelque chose du genre, ou peut-être un enfant qui a été séparé de son clan. »

« … »

« D’accord. Antinium. Heureux ? »

« Le fait qu’elle soit en fuite est le cas le plus probable. Je trouve difficile de croire qu’un Humain décide d’errer aussi loin dans les prairies par accident et elle ne semblait pas à la recherche de direction. »

« Bâtard. »

« Tu as raison en un sens. Mais spéculer n’apportera rien d’intéressant. Nous avons enquêté sur la fumée et nous pouvons faire notre rapport. Dans tous les cas elle ne brise pas de loi étant donné que l’auberge a été abandonnée il y a presque trois ans. »

« Et il y a cette histoire de dragon, tu penses qu’elle l’a inventée ? »

« Elle ne mentait pas, du moins pas intentionnellement. Cependant… »

« Ouais. Un Dragon ? Vraiment ? »

« Il est plus probable qu’elle était victime d’hallucination. Peut-être qu’elle a rencontré une Wyverne cracheuse de feu, ou un monstre de moindre calibre. Mais je doute qu’elle ait survécu à une rencontre avec un véritable Dragon. »

« De plus, on le saurait si un Dragon vivait dans le coin. Ils sont difficiles à rater. »

« En effet. »

« Donc… Une femelle humaine apeurée ? Qui n’est pas une menace ? »

« C’est ma conclusion. »

« Bien, bien. Allons faire notre rapport au Capitaine et dormir. Enfin, je vais aller me coucher et tu vas faire ce truc flippant d’hibernation où tu te tiens debout. »

« D’accord. Et c’est très reposant. Tu devrais essayer un de ces jours. »

« Sans façon. »



Ils marchèrent en silence pendant un long moment. La route retour jusqu’à la ville était longue, et ils devaient rester sur leurs gardes pour éviter les nombreux dangers potentiels. Même si aucun des deux n’avait réellement peur des prédateurs tant qu’ils gardaient leurs yeux et leurs oreilles (ou trous) ouverts, il valait mieux prévenir que guérir.

Après un long moment, Klbkch brisa le silence.

« Donc, devrions-nous revenir demain ? »

« Oh, absolument. Directement après le boulot ? »

« Nous pourrions peut-être ajouter cette visite dans le cadre de nos fonctions, si nous réussissons à convaincre notre Capitaine que c’est nécessaire. »

Relc donna une grande tape à l’arrière de l’exosquelette de Klbkch.

« Maintenant tu penses comme un vrai Drakéide. »

« Je ferai mon possible pour que cela ne se reproduise pas. »

« Va te faire griller. »

Ils continuèrent de marcher pendant quelques minutes avant que Relc ne brise le silence de nouveau.
« Donc, une faible potion de soin sans réelle valeur, hum ? »

« Est-ce que tu aurais préféré que je lui dise sa véritable valeur ? »

« Non, non. C’est mieux comme ça. Même si je crois qu’elle a quand même compris. »

« … Peut-être »

« Comment tu vas t’expliquer auprès du Capitaine, hum ? »

« Je réduirai le prix de la potion de ma paye. De plus, elle a été utilisée pour protéger un civil. »

« Tu es un véritable saint, pas vrai ? T’essaies de gagner des niveaux dans ta classe de [Saint] ? »

« Tu sais très bien que je n’ai pas de niveau dans une classe de ce type. J’ai simplement fait preuve de générosité. »

« Ouais, ouaaaaaaaaais bien sûr que ce n’était que de la gentillesse. »

« Je n’ai pas d’attraction sexuelle envers les Humains. Contrairement à toi. »

« Moi ? J’aime pas les humains. Ils n’ont pas d’écailles, ils sont poilus et ils sentent bizarre. Je veux dire, celle-là est sympa mais je n’ai clairement pas envie de voir à quoi elle ressemble sous ses vêtements. »

« Hum. Ce n’est pas très intéressant. Ils sont très charnus. »

« Beurk. »

« En effet. »

« Donc, on revient demain ? »

« Ne travaillons-nous pas ce jour-là ? »

« Mince, c’est vrai. »

« Cependant, nous pouvons directement y aller après la fin de notre ronde. »

« Ooh, bonne idée ! Il ne fera pas encore nuit à cette heure. »

Ils marchèrent en silence, et bien évidemment, Relc rompit à nouveau le silence.

« Ce n’est pas que je ne suis pas intéressé. Je garde l’esprit ouvert ! Regarder ne me dérangerait pas. Si elle le proposait. Ça ne vaut pas les bonnes vieilles écailles, mais je pourrais voir au-delà de toute cette chair. Peut-être. »

« Déviant. »

« La ferme. »

« Dans tous les cas, elle était fort sympathique. Lui parler était plaisant. »

« Ouais. Ouais, je suis content qu’on n’ait pas eu besoin de la tuer. »

« En effet. »

***

Erin était assise contre l’un des murs. Elle était en train de s’endormir, même si elle voulait courir dans la pièce en hurlant à propos d’hommes-lézards. Non, de Drakéides, de fourmis sur deux pattes, et de ce monde fou mais cela lui semblait niais. De plus, elle l’avait déjà fait pendant quelques heures.

Son esprit était engourdi, ses paupières étaient lourdes. Erin était sur le point de de s’endormir et sa main ne lui faisait plus mal. Elle était souriante.

Finalement, son esprit succomba au sommeil. Sa respiration se fit plus régulière, ses yeux se fermèrent, et elle s’endormit.

[Aubergiste Niveau 5 !]

[Compétence – Artisanat Élémentaire obtenu !]

« … Laissez-moi dormir. »
« Modifié: 14 octobre 2020 à 18:08:47 par Maroti »

Hors ligne Maroti

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #8 le: 06 novembre 2019 à 21:03:25 »
1.08

Erin se réveilla avec un grand sourire.

En fait, elle se réveilla et se rendormit plusieurs fois avant que la lumière du soleil ne se fasse trop éblouissante pour pouvoir être ignorée. Mais lorsqu’elle décida de se lever et de prendre son petit déjeuner, elle le fit avec un grand sourire.

C’est en mangeant plusieurs fruits bleus qu’elle se rendit compte qu’elle venait d’utiliser ses deux mains. Erin dut s’arrêter pour regarder la paume de sa main droite pendant quelques instants. Elle toucha sa peau, propre, sans cicatrice et sans blessure avant de sourire.

« Les potions de soin sont géniales. »

Elle s’installa confortablement dans sa chaise, contractant ses mains. Elle n’avait pas mal, c’était incroyable à quel point elle n’avait pas mal, et elle le devait à un homme fourmi géant et à un homme léz… À un Drakéide. Comment s’appelaient-ils déjà ?

« Klbkch et… Le gars Drakéide. »

Erin soupira en se remémorant, difficilement, leur rencontre.

« Vraiment. Ils étaient tellement normaux. Mais apparemment je suis aussi normale. Au moins, je sais qu’il y a d’autres humains dans le coin. Mais du gain de niveau ? Des Classes ? Suis-je une Aubergiste ? Comment puis-je diriger une auberge ? Comment ça marche ? »

Puis elle se souvint d’autre chose.

« J’ai encore gagné un niveau. »

Erin tapota son torse. Elle avait l’impression qu’elle devait ressentir une sorte de fierté, mais tout ce qu’elle ressentait était la satiété. Puis elle se souvint.

« [Artisanat De Base]. Autant essayer, en plus j’ai plus de fruits. »


***


Son voyage jusqu’au verger d’arbres à fruits bleus se déroula sans encombre. Alors qu’Erin regardait les fruits bleus, elle se demanda pour la première fois combien elle pouvait encore en manger avant de les compter.

« … J’ai encore quelques semaines avant d’être à court. Mais beurk, manger des fruits bleus durant tout ce temps serait écœurant. Au moins j’ai encore quelques ingrédients pour faire des pâtes si j’arrive à trouver des œufs. »

Mais que se passerait-il lorsque son petit placard s’épuiserait ?

Erin mit la main dans la poche de son jean et entendit le clink des pièces. C’est vrai, elle avait un peu d’argent. Mais combien cela représentait-il ? Plus important encore, comment allait-elle le dépenser ? Ce n’est pas comme si elle pouvait manger du métal.

Se plaignant à elle-même, Erin continua de cueillir des fruits bleus. Devoir les porter à la main devenait de plus en plus pénible car elle en faisait souvent tomber quelques-uns qui s’abîmaient, s’amollissaient et perdaient de leur goût. Pourquoi ne pas chercher une solution ?

Erin regarda le sol, elle vit de… L’herbe. Elle regarda les arbres, elle vit du bois mais rien pour le couper, donc ça ne l’avançait pas. Elle regarda l’herbe et quelque chose dans son cerveau s’éclaira.

« Voyons voir. Si je prends ce long brin d’herbe et que je fais un nœud ici… »

Erin s’agenouilla et commença à prendre de plus longs brins d’herbe avant de tester leur résistance. Elle commença à faire des nœuds et à couper l’herbe avec son couteau. Elle remarqua qu’elle devait rester concentrée sur son travail, elle ne pouvait pas passer en pilotage automatique, mais en même temps ses gestes semblaient sûrs. Et après moins de vingt minutes, elle se releva et regarda un panier en brins d’herbe.

« Wow. »

Erin leva le panier et l’observa, il était léger mais solide. Elle déposa les fruits bleus dedans et le souleva pour voir s’il allait résister. L’herbe se courba vers le bas, mais l’anse d’herbe tressée ne céda pas. C’était un véritable panier, mais fait d’herbe.

Était-ce un vulgaire panier ? Absolument. Avait-elle envie de danser avec des pompons sur une île déserte ? Bien sûr. Est-ce que cela donnerait une piètre image d’elle ? Probablement. Devrait-elle avoir honte d’elle-même ? C’était déjà le cas. Mais elle avait un panier.

Plus important encore, elle avait un plan.

Que pouvait-on faire avec un panier ? On pouvait manger et marcher en même temps car le panier libérait une main. Erin mangea quelques fruits bleus et garda les noyaux, puis elle alla chercher des œufs.

Il lui fallut une heure avant qu’elle tombe sur un autre nid. C’est lorsqu’Erin remarqua la présence révélatrice d’une forme marron tapie dans l’herbe haute qu’elle décida d’aller vers le nid en tapant du pied et en faisant le plus de bruit possible.

Cette fois, la créature qui émergea de l’herbe ne s’échappa pas immédiatement. À la place, l’oiseau-dino poussa un cri perçant et plongea vers elle. Erin ne recula pas, mettant une main à son panier avant de lui jeter un noyau.

Elle le manqua.

Mais l’objet volant effraya le ptérodactyle géant, qui hésita avant de s’envoler au loin pendant qu’Erin continuait de lui lancer des noyaux. Elle rit de manière triomphante et se précipita pour s’emparer des œufs. C’est à ce moment que l’oiseau décida de faire demi-tour et plongea droit sur elle, la piquant et essayant de la mordre. Il n’avait pas peur des noyaux après tout.


***


C’est uniquement après le départ du dino-oiseau qu’Erin arrêta de courir et découvrit l’une des nombreuses morsures ensanglantées de son bras et de son dos tout en essayant de ne pas crier.

« Truc débile. »

Au moins il n’avait pas été trop gros. Erin avait réussi à le frapper quelques fois avant qu’il n’arrête d’essayer de lui manger le visage. Mais cela ne voulait pas dire qu’elle s’en était sortie indemne.
Erin siffla de douleur en appuyant sur une autre blessure. Elle ne voulait rien d’autre que mettre de l’eau fraîche sur ses plaies, malheureusement il y avait de nombreux rochers suspects en chemin. En fait, il y en avait six, dispersés à travers la plaine. Bien, son tour de passe-passe avait beau ne pas marcher sur les oiseaux, les crabes-rochers étaient une autre histoire.   

Sur le chemin du retour, Erin lança des noyaux dégoulinants sur deux des crabes-rochers lorsqu'ils s’approchèrent d’elle. Ils n’apprécièrent pas le liquide nocif sur leurs carapaces et s’enfuirent avec des cliquetis bruyants. Erin essuya le liquide puant de ses mains et dépassa le groupe de manière triomphante.


***


Erin arriva à l’auberge en début d’après-midi, et la bonne nouvelle fut qu’elle avait arrêté de saigner sur le chemin du retour. La mauvaise nouvelle fut qu’à peine la porte de l’auberge passée, Erin cligna des yeux puis vomit.

Après quelques minutes, elle arrêta de tousser et d’avoir des hauts-le-cœur suffisamment longtemps pour observer la flaque de liquide bleu avec horreur. Puis elle vomit de nouveau, et encore une fois.

D’une quelconque manière, Erin arriva à atteindre le ruisseau. Ce fut une combinaison de marche rapide et de pauses régulières pour vomir qui l’amenèrent jusque-là. Elle ne se jeta pas dans l’eau glacée, son mouvement était plus proche de la chute involontaire, et commença à trembler lorsque ce qui la rendait malade devint plus sérieux.


***


L’heure suivante fut passée à être accroupie dans le ruisseau à avaler de l’eau et à la vomir tout en surveillant le cours d’eau pour éviter les poissons fous. Heureusement, ils ne semblaient pas enclins à s’approcher d’elle. En fait, elle vit l’un d’entre eux nager vers elle et manger le contenu de son estomac qui avait été porté par le courant. C’était dégoûtant.

Erin lava sa bouche et ses mains pour la dixième fois et sentit le tremblement et la nausée s’amoindrir pendant un instant.

« C’était… C’était quoi ça ? »

Erin ne pouvait que marmonner en regardant l’eau. Elle bougea la tête, non par choix mais pour surveiller l’eau en guettant l’arrivée des dangereux poissons plats.

Le poisson qui avait avalé son vomi flottait à présent, le ventre en l’air. Erin vit les autres poissons l’éviter tout comme ils l’évitaient elle.

« … Du poison. Ça doit être du poison. »

Mais est-ce que c’était une simple intoxication alimentaire où rendre son repas était suffisant, ou un autre type d’empoisonnement où elle allait devenir verte et mourir ?

« Dans tous les cas, je me sens un peu mieux, et je verrai tout ça plus tard. »

Erin marcha jusqu’à l’auberge alors que les dernières nausées disparaissaient. Elle supposa qu’elle était chanceuse, elle ne s’était sentie mal que pendant une heure seulement. Si cela avait été sérieux…

Erin s’arrêta et sourit. Sérieux ? Elle pouvait se rappeler un temps où elle n’avait pas à lutter pour sa vie, oh, il y a trois jours environ, être malade à ce point l’aurait empêchée de quitter son lit pendant toute une semaine.

« Et j’aurais eu une équipe de docteurs me donnant des médicaments par dizaines. »

Elle rit doucement, puis son sourire disparut, Erin posa ses mains sur son visage.

Elle trembla.

Mais continua d’avancer, la nuit commençait à tomber et elle ne pouvait pas s’arrêter.

C’était trop dangereux pour elle.


***


La clef pour se distraire était le mouvement. Erin bougea dans l’auberge et s’occupa, elle nettoya le vomi sur le sol, fit la vaisselle du mieux possible avec un peu d’eau, prit un maigre repas de pâtes et apporta plus d’assiettes et de couverts dans la salle commune. Puis elle stocka les œufs et les fruits bleus dans un placard, alla à l’étage et nettoya quelques chambres. Si elle bougeait, c’était principalement pour patienter.

« Ils ont dit qu’ils allaient me rendre visite. Mais est-ce qu’ils le pensaient vraiment ou est-ce qu’ils sont occupés ? Dans tous les cas, je peux toujours faire plus de pâtes et garder les restes pour plus tard, pas vrai ? »

Elle avait une casserole remplie à ras-bord de pâtes chaudes dans la cuisine et elle s’était déjà servi une assiette pour la manger avec un peu de jus de fruits bleus avant de réaliser qu’il faisait nuit. Erin regarda par la fenêtre, espérant trouver deux silhouettes s’approchant, mais la prairie était vide. Le ciel était incroyablement large, les étoiles tellement nombreuses. C’était magnifique, terrifiant. Erin aurait adoré les regarder si elle avait été chez elle, malheureusement les deux silhouettes ne paraissaient jamais.

« Ils doivent être occupés. »

Erin soupira, la nuit ne faisait que commencer, elle pouvait attendre.

La jeune femme s’assit à une table, son estomac était plein, ses vêtements déchirés et sales, ses paupières de plus en plus lourdes. Mais toutes les minutes, ses yeux se tournaient en direction de la solide porte de bois, elle attendait.


***


Relc s’étira sur sa chaise dans la caserne. Cette dernière était plutôt vide : en début de soirée, la plupart des gardes avaient déjà terminé leur service ou avaient commencé leurs tours de garde pour la soirée. Ceux qui restaient encore dans le bâtiment étaient presque tous des Drakéides, à l’exception de quelques grands [Gardes] humanoïdes poilus. Tous étaient occupés à leurs propres affaires.

Le Garde Sénior jeta un regard irrité vers le large insecte penché au-dessus d’une table à côté de lui.

« Est-ce que tu as enfin fini de t’enregistrer pour finir ta journée ? »

« Presque. »

Klbkch fit une notation précise avec une plume au bas d’un parchemin.

« Voilà. J’ai officiellement marqué que cette journée était terminée pour nous deux. Une nouvelle fois. »

« Super. Merci. Est-ce que tu veux aller voir cette Humaine ? J’ai entendu… »

Une Drakéide appela Relc depuis l’autre bout de la salle. Elle n’était nullement aussi large que lui, mais elle portait une cotte de maille et une épée à la taille, et elle avança rapidement vers lui.

« Il y a une bagarre sur la place du marché. Vas-y et arrête-moi ce grabuge ! »

« Quoi ? Un abruti devait vraiment commencer une bagarre maintenant ? On allait partir et.. »

« Tu la fermes et tu bouges ! »

« … Idiote. »

« Fort dommage. Ne traînons pas. »

« C’est agaçant. Bon, on va rapidement frapper quelques cerveaux-écailleux. Peut-être qu’on aura toujours le temps d’aller à l’auberge après. »

« Tu sais que nous allons devoir poursuivre ceux qui vont s’enfuir. Et puis, il faut vérifier l’étendue des dégâts, les interrogations, ainsi qu’enquêter s’il y a eu des vols durant la bagarre. »

« Aw. »

« Ne t’inquiète pas. L’humaine n’ira nulle part. »

« Je sais, je sais. Mais je voulais manger plus de pâtes et… »

« Relc ! »

Le cri d’énervement fit grimacer Relc et il recouvrit les deux trous de chaque côté de sa tête.

« D’accord, on y va. Bon sang, je déteste vraiment la Capitaine. »

« Ne l’insulte pas alors qu’elle peut t’entendre. »

« Elle peut s’étouffer sur mes écailles. Allons-y et réglons cette histoire presto. »

« Après toi. »


***


Erin était assise au comptoir de son bar et attendait, tout était parfait.

Enfin, c’était presque parfait. C’était acceptable. Elle avait un panier de fruits bleus, il y avait encore des pâtes dans une grosse casserole, et elle avait même de l’eau fraîche en provenance du ruisseau. La vaisselle était presque entièrement propre, et au fond, elle était prête à accueillir quelques clients.
S’ils décidaient d’arriver un jour.

Évidemment ses paupières s’alourdirent, sa respiration ralentit, et elle s’endormit en rêvant qu’elle était toujours éveillée.


***


Boom. Boom

Erin se réveilla, elle leva la tête et regarda autour d’elle avec des yeux encore engourdis par le sommeil, il faisait nuit.

Boom. Boom

Quelque chose frappait à la porte. Erin essuya la bave qui avait coulé sur son menton et se leva de la table. Elle avait dû s’endormir en attendant, mais ils étaient là. Elle tituba jusqu’à la porte et frissonna. Il faisait froid, en fait, plus que froid. C’était… glacial ?

La poignée de porte était recouverte d’une fine couche de gel. Par-delà la porte, Erin pouvait sentir quelque chose de terriblement froid, et un courant d’air glacé soufflait en-dessous de la porte. Ou était-ce le frisson causé par la peur le long de sa colonne vertébrale ?

Boom.

Erin recula promptement de la porte, ce n’était pas quelqu’un qui toquait à la porte. On la frappait violemment.

« Hey. Qui est là ? »

Elle aurait aimé que sa voix ne soit pas si tremblante.

« Un visiteur. »

Est-ce que c’était un murmure ? Non, c’était plus proche d’un écho. Ça sonnait comme une forte voix qui parlait depuis des milliers de kilomètres, une voix qui n’avait rien d’humain. Une voix ne pouvait pas être aussi profonde et aussi terrifiante. 

« Hum. Nous sommes fermés. D-désolée. »

La chose de l’autre côté de la porte… Ricana. C’était probablement un ricanement. C’était humide et gargouillant.

« Cela n’a pas d’importance. J’ai besoin de me sustenter. De me nourrir. Donne-moi de quoi me nourrir et je te laisserai en paix. »

À manger ? Comme, manger de la chair ? Erin frissonna.

« J’ai rien. Va-t’en ! »

« Tu ne me refuseras pas. Ouvre cette porte ou fais face à ma colère. »

Ce fut la goutte d’eau pour Erin. Elle s’éloigna de la porte.

« Je te préviens ! Si tu rentres, je vais, je vais… »

Elle regarda autour d’elle de manière désespérée. Il faisait trop sombre et elle ne se souvenait pas de l’endroit où elle avait rangé les couteaux des Gobelins. Une arme, elle avait besoin d’une arme.

« Ne m’énerve pas plus que cela. Si tu refuses ma simple requête, je vais… »

Elle n’attendit pas de savoir ce que la voix allait faire, elle pouvait le deviner. Erin préféra courir dans la cuisine, elle avait besoin d’une arme. Un couteau, un bout de bois, une spatule, n’importe quoi.
La main d’Erin trouva le manche d’une casserole quand un bruit de grattement dans le bois stoppa sa respiration. Elle avait oublié, elle attendait Klbkch et son ami, ce qui voulait dire que…

La porte n’était pas verrouillée.

Quelque chose était en train d’ouvrir la porte. Erin courut jusqu’à cette dernière et jeta son corps contre elle. Elle repoussa la chose qui était de l’autre côté, mais ne parvint pas à fermer complètement la porte, la chose était presque entrée.

« C’est imprudent. Ton insolence ne fait qu’aggraver ton cas. »

La créature siffla en direction d’Erin. Elle pouvait l’entendre à travers la porte, elle poussait pour essayer d’ouvrir la porte. Mais Erin était motivée par la peur et parvint à retenir la porte.
« Madame. Je ne souhaite qu’un humble repas. Nourris-moi et je reprendrai mon chemin. »

La créature squelettique passa une main dans l’ouverture de la porte. Quelque chose de noir gouttait depuis ses os, le liquide éclaboussa le bois avant de disparaître.

« Je ne souhaite pas m’énerver. »

Sa main tenait la casserole, son cœur était silencieux dans sa poitrine.

« Non. »

« Non ? »

La créature monstrueuse sembla reculer, surprise. Cette dernière entrouvrit un peu plus la porte et quelque chose de nocif s’y engouffra.

« Quel dommage. Mais tu vas me sustenter que tu le souhaites ou non. »

Erin tenta de maintenir la porte fermée mais la créature l’ouvrit brusquement. Elle tomba en arrière et regarda avec horreur.

Une chose qui avait beaucoup plus d’os que la normale et des bouts de chair qui pendaient de manière hasardeuse baissa les yeux vers elle. Elle avait une odeur épouvantable, et une lumière pourpre jaillissait de ses orbites.

« Donne-moi ce que je désire. Ou je vais… »

Erin hurla et lança la casserole.
« Modifié: 14 octobre 2020 à 18:14:29 par Maroti »

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #9 le: 09 novembre 2019 à 20:05:35 »
1.09

C’était instinctif, la casserole en métal vola vers la créature avant que cette dernière n’ait le temps de finir sa phrase.

« Bordel de… » 

Avant que la casserole n’atteigne la créature, cette dernière fit un bruit différent des murmures et grognements, c’était très humain et très surpris. Puis après s’être prit la casserole la créature ne fit plus de bruit.

L’image du gigantesque squelette recouvert de ténèbres dégoulinantes disparue en un instant. Erin regarda l’individu, bien plus normal et complètement inconscient et portant une robe grise, qui était étendu sur le sol. Une grosse bosse commençait déjà à apparaître sur son front. Erin l’observa de nouveau, avant de concentrer sur son regard sur ses robes.

« … Et bien. »

***

Le jeune homme était en train de rêver. Peut-être qu’il était en train de rêver à quelque chose de confortable, ou peut-être qu’il était en train de réfléchir au chemin qu’avait pris sa vie dans l’un de ces rêve qui pouvait servir de révélation.  Dans tous les cas, le seau d’eau était suffisant pour le réveiller.

« Quoi… Qui ose… ? »

Le jeune homme se leva, se frottant la tête. Erin le regarda, il n’avait pas l’air très magique, ou très impressionnant pour être franc. Sa peau était pale, ses cheveux bruns étaient en bataille et il sentait mauvais. En fait, l’odeur venait probablement de ses vêtements qui donnaient l’impression qu’ils n’avaient jamais été lavés.

Le mage regarda Erin et cligna des yeux, Erin lui retourna son regard.

« Donc. Tu vas me faire du mal si je ne te donne pas à manger, hum ? »

Erin se releva et craqua ses doigts pour paraître menaçante. Ça lui faisait mal, mais elle essaya de ne pas le montrer. Le jeune leva un doigt, tremblant légèrement, et le pointa vers elle.

« Sache que je suis un mage de grande puissance et que je ne serai pas… »

Le mage se tût rapidement alors qu’Erin souleva la casserole en acier avec une main.

« Ceci. Ceci est une poêle à frire. »

Erin agita la casserole devant le visage du jeune homme, elle le vit suivre la casserole des yeux et rougit en réalisant son erreur.

« En réalité Maîtresse, c’est une casserole… »

« Si je dis que c’est une poêle, c’est une poêle. La partie importante c’est que je vais te frapper avec si tu essayes quoique ce soit. »

« Oh, vraiment ? »

Le mage lui ricana au nez avant de disparaître. Ses yeux étaient braqués sur la casserole, avant de retomber vers une ceinture à sa taille.

« Hey, Arrête ! »

Il l’ignora et marmonna quelque chose avant de disparaître. Un profond écho se réverbéra à travers la pièce.

« Sois témoin de mon po… »

Erin donna un coup de casserole à l’endroit où le mage venait de disparaître.

Clong.

« Aie ! »

Le mage réapparu, tenant le côté de son visage qui venait de recevoir le coup. Erin leva une nouvelle fois la casserole et le mage leva ses mains pour se défendre.

« Réessaye et je te frapperai plus fort. »

« Calmons-nous, il n’y a pas besoin de recourir à l’usage de violence. Je peux voir que tu n’es pas une plébéienne ordinaire, mais une extraordinaire plébéienne. Et crois-moi, c’est un grand compliment venant de la part d’un praticien des arcanes tel que moi. »

Erin le regarda.

« Je sais ce que plébéien veut dire. »

« Oh. »

« Une autre insulte ou un sort d’invisibilité débile et je casse quelque chose. »

Le mage semblait surpris.

« Tu… Comment sais-tu que c’était un sort d’invisibilité ? »

Erin leva les yeux au ciel.

« Est-ce que ça pourrait être autre chose ? »

Le mage cligna des yeux en la regardant avant de murmurer sans réel effort pour cacher ses paroles.
« Malin. Elle est très intelligente pour une aubergiste. »

Erin continua de le regarder. Il toussa en évitant son regard.

« Ahem. Bien, je m’en vais. »

Il se leva et essuya ses robes de manière dramatique, de la terre et de la crasse tombèrent sur le sol en grande quantité sur le sol de l’auberge. Erin regarda son sol et le fusilla du regard. Il s’inclina en lui faisant une courbette et lui fit un sourire charmant. Ou du moins il devait penser que son sourire était charmant.

« Mes excuses, chère Aubergiste, pour tous ces malentendus. J’espère que tu accepteras cette récompense pour le temps que je vous ai fait perdre. »

Il mit la main à sa poche et retira quelques pièces de bronze. Il les offrit à Erin, mais elle ne bougea pas quand il les déposa sur la table.

« Donc tu me payes pour m’avoir fait peur et pour avoir tenté de me voler de la nourriture. »

Le mage lui fit un sourire de vainqueur, ce qui ne fit pas partir la mine renfrogné d’Erin.

« Des mots durs, Maîtresse. Mais oui, j’aimerai faire amende, et je suppose que ce payement est acceptable, n’est-ce pas ? »

Erin regarda les quatre morceaux de bronze avant d’observer son visage, impassible et ne trahissant pas le moindre signe d’émotion.

« Tu transpires. »

Il tamponna son front avec sa robe.

« Vraiment ? Je suis terriblement désolé. Juste laisse-moi, ah… »

Trois autres pièces apparurent dans le creux de sa paume avec un mouvement de son poignet, donnant l’impression qu’il venait de faire un tour de passe-passe, mais il n’était pas doué.

« Certaines personnes n’aiment pas être menacées par un monstre squelettique géant venant des enfers. »

« Je vois ? »

Le nombre de pièce dans sa paume ne changea pas, Erin le fusilla du regard.

« Certaines personnes s’offusqueraient du fait que quelqu’un vient d’essayer de les escroquer. »

Il cligna des yeux.

« Traditionnellement ceux qui pratiquent la magie sont des êtres d’une grande puissance qui ne devraient pas être menacé. »

« Ouaip, et ils sont des os très fragiles. Je suis certaine que les mages sont terrifiants lorsqu’ils sont loin, mais les baguettes ne sont très efficaces quand il s’agit de bloquer des poêles à… Des casseroles. »

Il lécha ses lèvres mais son visage resta placide.

« C’est un bon point. Laisse-moi corriger ma dette. »

Une pièce d’argent apparue au creux de sa paume. Erin fronça les sourcils sans rien dire. Une seconde pièce d’argent apparue, suivi pas une troisième.

Elle croisa les bras.

Trois nouvelles pièces d’argent se joignirent à la petite pille, il était définitivement en train de transpirer.

« Je, hum, j’espère que ceci est suffisant, Maîtresse. Je suis parfaitement prêt à payer le prix nécessaire pour… Pour effacer ma dette, mais je suis légèrement sans le sous en ce moment. »

Erin continua de le regarder.

A contrecœur, il mit la main à sa ceinture et en sortit une pièce d’or avant de lui la présenter.

« Est-ce que, hum, cela est suffisant ? »

Erin céda légèrement, elle s’empara des pièces dans sa main sans prendre la pièce d’or. Elle eut l’impression de l’entendre soupirer de soulagement, mais son visage resta passif. Même s’il était toujours en train de transpirer.

« Tu sais, je voulais juste savoir ce qui allait de passer si je continuais de te regarder. »

« Ah. Bien sûr. Et bien, en tant que praticien des arts mystiques je sens qu’il était toujours sage de se montrer… Généreux. »

« C’est certainement plus pratique. Et tu sais, si tu payerais tout ce que tu achètes, tu n’aurais pas à essayer de faire peur aux gens pour obtenir ce que tu veux. »

« Ah, mais l’argent est tellement… Mondain. Ou serait le plaisir de la vie sans un peu de variété ? »

« D’accord, et tu trouves cette variété en terrifiant les gens avec des illusions ? »

« Seulement pour certaine occasion. Et je comprends parfaitement votre agacement. Cependant, je pense que notre désaccord est réglé et je vais… »

Il commença à s’éloigner d’elle pour aller en direction de la porte. Sur le chemin son estomac gargouilla et il devint rouge, mais continua de marcher. Erin soupira avant de rapidement prendre une décision.

« Où est-ce que tu vas ? »

Il pencha ses épaules et Erin vit sa main se resserrer sur la poignée de porte.

« Et bien, si tu n’as plus besoin de moi… Après tout, j’ai payé. Donc je ne souhaite pas te déranger plus que né… »

« Reviens ici et je te donnerai à manger. »

Il se retourna avant de cligner des yeux, mais Erin était déjà dans la cuisine à la recherche d’une assiette et d’un verre.

« Tiens. Du jus bleu et quelque fruit bleu. J’ai aussi des pâtes dans une casserole, mais je vais devoir les réchauffer. »

Erin posa le verre et l’assiette et ajouta trois fruits. Elle s’attendait à voir le mage commencer à manger sans hésitation ou faire une remarque désobligeante, mais il devint plus pale.

« Ah. Est-ce que je dois manger ça ? »

« Ouaip, c’est le repas. »

« Et, je suppose que si je ne le fais pas, tu vas me frapper avec cette casserole, n’est-ce pas ? »
Il la regarda de manière méfiante, Erin lui rendit son regard.

« Mais de quoi tu parles ? Je te donne à manger. Est-ce que tu es allergique à la couleur bleue ou quelque chose genre ? »

Une nouvelle fois, le visage de son invité semblait être prit entre l’envie de dire quelque chose et l’envie de s’enfuir en courant. Il pointa le fruit bleu d’un doigt hésitant.

« Est-ce que tu, hum, est au courant que ce fruit est vénéneux? »

Erin s’arrêta, le fruit qu’elle venait de prendre se trouvant à quelques centimètres de sa bouche.

« Vénéneux ? »

Il lui sourit, son visage encore plus pale qu’auparavant.

« Extrêmement. Le noyau du fruit d’Amentus cause une mort douloureuse en quelque heure si ingéré. Même si la partie extérieure est comestible, les graines sont très toxiques, tu es au courant n’est-ce pas ? »

« Hum. Je le suis désormais ? »

« Je vois. »

« … Tu en veux un ? »

Il regarda le fruit bleu avec appréhension.

« Est-ce que j’ai l’option de refuser ? »

« Écoutes, c’est sans risque. J’en ai déjà mangé plein, il suffit de manger autour du noyau et tout va bien se passer, d’accord ? »

Il ne fit aucun mouvement en direction de l’assiette.
« Imaginons que j’accepte vos mots. Je n’oserai pas remettre en question votre connaissance du sujet Maîtresse, c’est juste que… »

« Mais bon sang. »

Erin se rendit jusque dans la cuisine, agacée, avant de s’emparer d’un couteau. Le mage eut un mouvement de recul en la voyant, mais elle attrapa l’un des fruits et commença à couper l’extérieur du fruit. Elle laissa le noyau sur le comptoir et mit les morceaux de fruits directement dans l’assiette. Deux autres fruits subirent le même sort avant de servir abruptement l’assiette devant le mage.

« Voilà. De la nourriture entièrement non vénéneuse prête à être mangé. Heureux ? »

Elle le fusilla du regard. Il s’empara précautionneusement d’une part et la regarda avec appréhension.
 
« Je suppose que la toxicité est acceptable si ce n’est que le fruit, bien. »

Il mordit dans le fruit avec précaution, après quelques secondes et prit une autre bouchée. En moins d’une minute l’assiette était vide et il essuya quelques gouttes de jeu bleu au coin de sa bouche avec sa robe.

Erin déposa une assiette de pâte fumante devant lui.

« Tu as faim, pas vrai ? Tiens c’est pour toi. »

« Mes remerciements. »

Et ça semblait être de véritables remerciements. Erin devina qu’il devait vraiment avoir faim. En fait, et maintenant qu’elle l’observait d’un peu plus prêt, elle se rendait compte que sa robe semblait trop grande son maigre gabarit. De plus, en prenant en compte l’état de son habit et l’odeur qui s’en échappait, elle devait qu’il devait être dans un sale état.

Cependant, il mangea avec la vigueur et l’appétit de deux hommes, donc elle supposait qu’il était toujours en forme. Il ralentit uniquement quand elle remplit son assiette pour la deuxième fois, avant de s’arrêter, probablement pour digérer, et la regarda.

« Donc, si je peux être curieux, qu’est-ce qu’une délicate fleur d’effervescence fait dans un tel endroit ? »
Erin le regarda.

« Est-ce que tu essayes d’être impressionnant, ou est-ce que tu parles vraiment comme ça ? »

Il se redressa et prit un air offusqué.

« Quelle impolitesse. Mon lexique et ma diction sont juste un résultat de mon éducation, et nullement une façade qui… »

« Arrête. Tu passes pour un idiot. »

Il regarda Erin d’un œil mauvais, mais le regard d’Erin se montra plus puissant.

« D’accord, je suppose que ce n’est pas la peine d’essayer d’impressionner quelqu’un possédant les rudiments d’une éducation. Mais ma question se tient : qu’est-ce qu’une jeune fil…Femme comme toi fait ici ? »

Sa voix était toujours aussi hautaine et condescendante qu’auparavant, mais au moins il avait arrêté de dire des mots à sept lettres comme un joueur de scrabble. Erin décida qu’il venait de gagner quelques secondes de patience supplémentaire, mais cela ne voulait pas dire qu’elle devait se montrer aimable.

« Je me suis perdue. »

Il leva un sourcil dubitatif.

« Perdue ? Il faut un certain talent pour se perdre dans les Plaines Inondées. Est-ce que vous êtes une locale ? Même si je doute sincèrement que vous en êtes une.»

« Les Plaines Inondées ?  Mais de quoi tu parles ? »

Le mage secoua sa main autour de manière désintéressé.

« Cette région est connue sous le nom de Plaines Inondées de par le fait qu’un adorable phénomène climatique lié à la géographie locale fait que… Mais qu’importe, tu ne peux pas être du coin si tu ne connais rien à son propos. Mais j’aurai pu le deviner au fait que tu sembles être humaine au premier regard. »

« Je suis complètement, à 100% humaine, merci. Et pourquoi cela ferait une différence. »
« Les locaux n’aiment pas trop les humains. »

Il avala une autre fourchette de pâte en continuant de l’observer.

« C’est une autre chose que tu ignorais, n’est-ce pas ? Bien, bien. Une voyageuse qui ignore tout de l’endroit où elle se trouve… Un sort de téléportation peut-être ? »

Erin le regarda de manière incrédule.

« Comment tu as deviné ? En fait, c’est à moitié vrai, mais comment tu as deviné ? »

Il haussa les épaules.

« C’est commun. En fait, ce n’est pas réellement commun mais c’est la seule explication que j’ai trouvé. Je suppose que tu aurai pu être emporté par une des espèces aviennes locales, mais elles ont tendances à laisser tomber leurs proies pour manger leurs os. »

Erin frissonna.

« Ils deviennent aussi gros ? Non, ne me dit rien, je n’ai pas envie de savoir. Mais j’ai l’impression que tu as raison, c’était un sort de téléportation ou quelque chose du genre. Ca ne semblait pas être un sort mais… »

« Et tu es une experte en sort de téléportation peut-être ? Je vois. »

Cette fois le ton hautain se fit plus prononcé et la main d’Erin hésita en direction de la casserole.
« Non, mais je paris que ce type de sort créé un grand flash lumineux ou un bruit bizarre, pas vrai ? »

Il semblait réticent.

« … Peut-être. »

« Dans tous les cas, je n’ai pas vu un idiot en robes agiter une baguette en hurlant ‘abracadabra’. De plus il n’y a pas de magiciens de là ou je… Enfin, je veux dire, je suis certain qu’il n’y avait pas de… j’ai pris une intersection et me voilà. »

Erin hésita, mais les yeux du mage étaient soudainement remplis d’intérêt. Il se pencha dans sa chaise.

« Vraiment ? Tu as simplement prit une intersection et tu t’es retrouvé dans un lieu totalement différent ? »

« Ouaip. Puis je n’ai fait que m’amuser depuis mon arrivée. »

Il s’assit de nouveau.

« Fascinant. »

« Fascinant comme ‘je sais quel sort c’était ?’ »

Il secoua sa tête.

« Non, non. Je n’ai pas la moindre idée de quel type de magie est capable d’avoir ce résultat, voir même si un sort est capable d’avoir un tel effet. Cela semble être un sort qui… Et bien, il, disons que seul quelques rares mages vivants ont potentiellement le pouvoir de réaliser un tel exploit. De plus, le fait que tu en sois la cible ne fait aucun sens. Pourquoi quelqu’un gâcherait un sort aussi puissant pour quelqu’un d’aussi commun que… Que… »

« Moi ? »

Il évita son regard.

« Oui, en effet.  Mais je vois que vous êtes bien installé. C’est… C’est un charmant établissement que tu as là. Très pittoresque. »

« Ce n’est pas à moi. Je l’ai juste trouvé et je suis devenu une [Aubergiste] en passant un coup de chiffon. »

« En effet, c’est souvent le cas. Cependant tu sembles t’être bien adaptée. Ce lieu n’est pas hospitalier pour la plupart des hommes. »

« Merci, je suppose. Mais si c’est si inhospitalier, et crois moi je sais à quel point il l’est, pourquoi est-ce que tu es là ? »

Il cligna des yeux.

« Moi ? »

« Oui, toi. Je t’ai dit pourquoi j’étais là. Alors pourquoi en mage débraillé fait ici à effrayer les gens pour un repas ? »

Il dépoussiéra ses robes de manière défensive.

« Mon apparence physique n’a aucun lien avec… »

« Répond à la question. »

Il semblait inconfortable.

« Je, ah, suis ici pour étendre mes horizons. Cette nation, enfin, cette collection de cité-état est hospitalière pour les gens qui essayent d’éviter d’attirer l’attention sur eux. De plus, il y a de quoi se nourrir si quelqu’un à les bonnes capacités. »

« Comme prétendre d’être un horrible monstre ? »

Il évita son regard.

« Certain doivent faire le nécessaire pour survivre. »

Elle le regarda.

« Je suppose que c’est vrai. Est-ce que tu te sens bien, à voler des gens innocents ? »

Il devint rouge à ces mots, il posa sa fourchette et poussa son assiette vide.

« Tu ne serais pas aussi rapide à me juger si tu en savais plus sur les gens que tu défends. »

« Peut-être, peut-être pas. Mais les deux que j’ai rencontré étaient plutôt polis, ont payés pour le repas, et n’ont pas essayé de me menacer lors de notre première rencontre. Alors que tu es le premier humain que je croise. »

Une nouvelle fois, Erin et son invité se regardèrent droit dans les yeux. Cette fois, il détourna le regard en premier avant de se lever.

« Je vois que je ne suis plus la bienvenue. Soit, ton repas était adéquat, Maîtresse. Je te prie d’accepter ma sincère gratitude. »

Son plan était probablement de s’en aller mais Erin lui barra le passage.

« Tiens. »

Elle lui offrit deux fruits bleus, il hésita.

« Prend-les, tu as l’air maigre, et si tu les manges peut-être que ça t’évitera de déranger d’autre personne. Merci d’avoir été un client, reviens et je te redonnerai à manger. Réessaye de me faire peur et je te frapperai plus fort. »

Il la regarda de manière incrédule, mais accepta quand même les fruits.

« Hum. Merci. »

Les deux se tinrent de manière gênante durant quelques instants.

« Je viens de me rendre compte que je n’ai jamais demandé ton nom. »

« Moi ? Oh, je suis Erin. Erin Solstice. Et tu es ? »

Le mage fit un pas en arrière avant de lui faire une courbette distinguée. Erin regarda la tache bleue sur la manche de sa robe.

« Pisces, praticien de magie, étudiant de l’Académie de Wistram, spécialisé dans les écoles magiques d’Illusion et de magie Élémentaire avec des compétences additionnelles dans de nombreux autres écoles de magie. »

Erin leva un sourcil dubitatif.

« C’est bien pour toi, tu as un passe-temps ? »

Il hésita.

« … La Nécromancie. »

La porte se referma, et Erin resta figer devant cette dernière.

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #10 le: 09 novembre 2019 à 20:08:08 »
Dix chapitres en un peu plus d'un mois! C'est un rythme que j'espère pouvoir continuer de suivre, avec un chapitre le mercredi et un chapitre le samedi.

Je vois que ce projet à prit un d'ampleur, et je remercie tout ceux qui suivent cette traduction! Mais encore une fois je vous conseilles aussi de supporter l'auteur original de cette oeuvre, Piratebea, en se rendant sur le site officiel de l'oeuvre.

Une petite précision par rapport au dernier chapitre, notre nouvel ami (*tousse*) le mage surnomme Erin 'Maîtresse' dans le sens 'Maître d’Hôte', mais je n'ai pas trouvé une traduction plus adéquate qui collait toujours à son tutoiement. Les malheurs de la traduction!

Si vous avez des commentaires ou des questions, le sujet est là pour ça, sinon je me contenterai de poster un autre message pour fêter le vingtième chapitre!

Hors ligne Maroti

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #11 le: 14 novembre 2019 à 01:19:22 »
Le temps passa et Erin trouva le sommeil.  Le temps continua de passer jusqu’au moment où Erin se réveilla. Tout cela n’était que de mineurs détails, l’important était le bruit.

Toc. Toc

Après un certain temps, le bruit se fit trop bruyant pour l’ignorer. Erin ouvrit les yeux et se redressa, le monde était bien trop lumineux et bruyant.

Quelqu’un était en train de frapper à la porte. Erin hésita à retourner se coucher, mais la personne continuait de frappe. Exaspérée, elle se leva et alla ouvrir la porte.

« Qu’est-ce que tu veux ? »

Pisces, le magicien amical, sourit de toutes ses belles dents.

« Bonjour Maitresse. Je me demandais si mon humble personne pouvait s’inviter dans… »

Erin ferma la porte, avant de la rouvrir quelques secondes plus tard.

« Moins de mots. Va droit au but. »

« Hum, soit. Est-ce que tu es ouvert aujourd’hui ? »

Erin regarda autour d’elle.

« Moi ? »

« Toi. Cet établissement. »

« Ici ? »

Pisces cligna des yeux plusieurs fois, avant de parler très lentement.

« Est-ce que cette auberge est ouverte ? Est-ce que tu sers de quoi me susten… De quoi me nourrir ? Je paye, je mange ? »

Erin le regarda d’un mauvais œil.

« Il était tôt. Oui, je suppose que je suis ouvert. Tu peux rentrer. »

Elle retourna à l’intérieur avec le pas lourd, avant d’être suivi par Pisces.

« J’aimerai consulter le menu si po… »

Erin posa une assiette sur la table avant de partir et de revenir avec quatre fruits bleus qui rejoignirent l’assiette sans délicatesse. Pisces regarda les fruits et ouvrit la bouche, puis il vit l’expression sur le visage d’Erin et décida de garder ce qu’il allait dire pour lui.

« Si je peux te déranger et demander un couteau et une fourchette… »

Elle claqua les couverts sur la table et s’en alla. Elle aurait aimé pouvoir retourner se coucher, mais le bruit que faisait Pisces en frappant ses couverts contre l’assiette était trop distrayant. A la place, elle prit un fruit bleu pour elle et alluma un feu pour réchauffer les pâtes. Elle mangea son fruit dans un amer silence.

A l’extérieur, il commença à pleuvoir.

***

La pluie tomba depuis les cieux comme une tempête de grêlons. Enfin, elle tombait comme de la pluie, mais les gouttes étaient bien plus grosses et tombaient bien plus lourdement que d’habitude. Le battement de la pluie contre le toit était presque assourdissant.

Presque, derrière elle Pisces déposa ses couverts et soupira bruyamment. Erin souhaitait pour qu’il ne soit pas là, ce n’était pas qu’elle n’aimait pas un peu de compagnie, elle se sentait terriblement seule après tout, mais elle aurait aimé avoir quelqu’un d’autre pour lui tenir compagnie.

« C'est une sacrée averse. »

Elle parlait toute seule, mais il prit cela comme une invitation pour parler.

« Cela arrive souvent. Un phénomène météorologique naturel, comme il en arrive tant. »

Erin se retourna et lui lança un regard mauvais, ses deux sourcils se dressèrent et il leva son verre.

« Un autre verre s’il te plait, ce dernier est vide. »

« Ou est-ce que tu as… Reste en dehors de ma cuisine. »

« Et c’est tout ce que je souhaite, mais je crois que j’avais terriblement soif et j’aimerais en avoir un autre, si possible… »

Les deux d’Erin tremblèrent d’agacement, mais elle en profita prendre un verre. Elle ne lui servit pas sa boisson, mais posa le pichet à l’autre bout de la table, là où il allait devoir tendre le bras pour l’attraper. 

« Est-ce qu’il pleut comme ça souvent ? »

« Rarement, c’est simplement de saison. Pour être franc, c’est une aberration, normalement il pleut bien plus longtemps, mais quelqu’un est probablement en train de jouer avec la météo. Je suppose que nous allons avoir une petite tempête, et rien de plus. »

Elle le regarda d’un air curieux.

« Jouer avec la météo ? Comment ? »

Il lui fit un sourire narquois. Elle nota, à son grand mécontentement, qu’il était déjà à son deuxième verre de jus bleu.

« Avec de la magie, c’est la seule solution. Un idiot incapable de voir plus loin que le bout de son nez a probablement lancé un sort de contrôle météorologique. Impressionnant, je suppose, mais bâclé dans son exécution. »

Erin jeta un coup d’œil à t’extérieur.

« C’est impressionnant pour moi. Je veux dire, c’est une sacrée tempête, ne faut-il pas être un puissant sorcier pour réussir quelque chose du genre ? »

« Le terme correct est mage, Maîtresse »

« Mon nom est Erin, idiot. »

« Aha. Accepte mes excuses, mais si tu fais référence à l’un de mes collègues exaltés, le bon terme est mage. »

Erin lui lança un nouveau regard, et il ne semblait pas être dérangé.

« Vous n’avez pas de sorcier, d’ensorceleur, ou de… Démonistes ? Des sorcières ? Tout le monde est un mage ? »

« Comment dire… Ce sont des titres pour les mages qui ont atteint certaines conditions? Un sorcier est un chercheur en arcane et un véritable étudiant des arts arcaniques. Ce sont des individus proches de ce que je suis, mais qui préfère étudier des branches de magie plus communes. D’un autre côté, les ensorceleurs sont simples et ceux que l’on prénomme ainsi sont ceux qui se sont instruit dans les arts magiques et qui eut peu de véritables éducations. Les Démonistes sont ceux qui obtiennent leurs pouvoirs via d’autres sources comme les invocations, alors que les sorcières pratiquent de l’alchimie lié à des écoles magiques spécifiques. Donc, mage reste le terme généralement accepté pour parler d’une personne pratiquant la magie »

Il s’arrêta, Erin continua de le dévisager.

« D’accord, je n’avais pas besoin de savoir tout ça. »

Pisces hocha les épaules.

« Tu as demandé, je ne faisais que remplir mon rôle en tant qu’invité. »

« C’est bien. Bien pour toi. Donc, c’est un… Mage qui a fait ça ? »

« Oui. Et ce n’est pas particulièrement difficile, je suppose que pour une non initiée cela peut paraître impressionnant, mais un mage de niveau 30 pourrait facilement lancer ce sort. Voir moins, si l’individu en question est spécialisé. »

« Donc… »

« Comme je viens de le dire, ce n’est pas très impressionnant, n’importe quel mage pourrait lancer un sort de ce type. »

« Est-ce que tu peux ? »

Pisces s’arrêta.

« Ma spécialisation se trouve dans un différend domaine. »

« Comme les cadavres. »

Il évita son regard et vida son verre.

« Ce n’est qu’une autre branche magique, Maîtresse Erin. »

Erin le regarda et s’apprêtait à ajouter quelque chose quand la porte s’ouvrit violemment.  Erin et Pisces se tournèrent pour voir une sombre silhouette trempée rentrer dans l’auberge avant d’ouvrir ses bras en grand.

« Bien le bonjour gens à sang froid, Humain à sang chaud et… Oh. »

Relc s’arrêta et regarda Pisces, Klbkch ferma la porte et s’inclina légèrement.

« Pardonnez notre intrusion. Est-ce que cet établissement est ouvert ? »

« Quoi ? Oh, oui. »

Erin chercha ses mots, Relc continua de regarder Pisces qui faisait particulièrement attention à l’ignorer en se resservant un verre.

« Ça fait un bout de temps, je suppose. Mais entrez, ou installez-vous. Prenez un siège. Vous voulez quelque chose à manger ? »

« Si vous le voulez bien. »

Klbkch essuya ses pieds et s’installa à une table, Relc était toujours en train d’observer Pisces.
« Tu t’es multiplié ? Est-ce que les Humains peuvent faire ça ? »

« Quoi ? Oh non, c’est juste Pisces. Il est agaçant donc il vaut mieux l’ignorer. »

Erin fit signe à Relc de s’asseoir  avant d’aller chercher de nouvelles assiettes.

Relc continua de regarder Pisces jusqu’à ce que Klbkch lui donne un coup de pied et le fasse s’asseoir.
« Je crois que regarder quelqu’un est considéré comme malpoli dans la plupart des cultures. Assied-toi et arrête d’être malpoli. »

Relc continua de regarder Pisces en s’asseyant. Klbkch se tourna vers ce dernier et hocha la tête.
« Veuillez excuser l’impolitesse de mon compagnon. »

Pisces agita sa fourchette de manière désinvolte.

« Je n’y prête pas attention. La masse plébéienne est un fardeau qui doit être enduré ; je n’ai pas de mauvaise volonté envers l’impolitesse des ignorants et des mal informés. »

Klbkch et Relc échangèrent un regard.

« En effet. C’est un plaisir de faire votre connaissance. »

« Les Humains. Ils sont tellement… »

« Vous voulez des pâtes ou des fruits bleus ? »

Erin émergea de la cuisine, essayant de porter une casserole de pâtes fraîches et plusieurs assiettes avec deux mains.

« Ah. Heu. Hm, ce que je voulais dire est que… »

« Cela serait un plaisir d’essayer les fruits bleus. Je crois que mon partenaire, actuellement en train de perdre ses mots, prendra la même chose. »

« Ouais. De la bouffe. Je vais en prendre. »

« De même. Une deuxième assiette et de quoi remplir mon verre, s’il te plait. »

Pisces lui fit signe avec sa fourchette, Erin lui lança un nouveau regard mauvais.

« Tu veux des pâtes ? C’est dans la cuisine. Va te servir. »

Lui tournant le dos, Erin sourit à Relc et Klbkch.

« Donc, heu, re-bonjour. Ça fait un bail, Klbkch et… ? »

Klbkch hocha la tête alors que Relc semblait attendre quelque chose.

« Hum. Heu… »

« Relc. »

Klbkch murmura doucement.

« Relc ! C’est vrai, c’est vrai. »

« Quoi ? Comment ça se fait que tu te souviens du nom de cet idiot et pas du mien. »

Relc semblait blessé et Erin pouvait sentir le rouge monter à ses joues.

« Hum, désolé. »

« Je suis le plus beau de nous deux, alors pourquoi ? »

« Désolé. C’est juste que… Heu… Tu vois. J’ai une mauvaise mémoire. »

« Vraiment ? »

« … Non, désolé. C’est juste que mes deux derniers jours ont été agités. »

« Oh. »

Il semblait déçu, alors Erin essaya de lui remonter le moral.

« J’ai fait plus de pâte. Enfin, ce sont des pâtes d’hier mais elles sont toujours bonnes ! Et j’ai aussi plus de jus bleu, et de fruits bleus ! C’est, hum, pas vénéneux, il suffit juste de manger la partie extérieure. »

« Ooh, des pâtes ! »

Relc regagna aussitôt le sourire. Erin alla chercher les pâtes et déposa deux assiettes fumantes devant ses deux nouveaux clients.

« Mes remerciements. »

Klbkch haussa la tête en direction d’Erin et ils commencèrent à manger. Après quelques bouchées, Relc regarda Erin avant de retourner son regard vers Pisces.

« Donc, comment ça va ? Tu as gagné des niveaux depuis ? »

« Oui, en effet. Directement après que vous soyez partie. »

« Ooh, félicitations ! Est-ce que tu as obtenu une nouvelle compétence ? »

« [Artisanat De Base]. J’ai pu me faire un panier en herbe avec l’aide de cette compétence. »

« C’est pratique ! La majorité des artisans et des ouvriers obtiennent cette compétence après avoir commencé. Je suppose que les aubergistes ne sont un peu dans cette catégorie, pas vrai ? Faut s’occuper de l’auberge après tout, réparé les fenêtres et les tables, ce genre de truc. »

« Je suppose. Je n’ai pas encore essayé et, de plus, je n’ai pas de marteau. En fait, je n’ai jamais utilisé de marteau de ma vie. »

« Dans tous les cas, tu as une compétence pour ça maintenant, donc ça va passer crème. Et puis tu peux t’acheter un marteau sans problème, tu n’as qu’à te rendre dans la ville et tu peux en trouver un de bonne qualité pour une ou deux pièces d’argent. Tu sais quoi, si tu viens dans le coin je t’aiderai à avoir une réduction. »

« Vraiment ? C’est très généreux. Merci. »

Erin sourit de manière hésitante à Relc qui lui rendit son sourire sans hésitation tout en continuant d’aspirer une nouille. Klbkch posa sa fourchette avant de hocher la tête en direction de son compagnon.

« Pas totalement. Je crois savoir que mon compagnon reçoit une petite partie de la somme pour avoir dirigé un nouveau client vers l’un de ses associés. »

Relc lança un regard mauvais à Klbkch.

« La ferme. Est-ce que tu dois ruiner tout ce que je dis ? »

« Je ne fais que souligner la vérité. »

« Et bien… Arrête. »

 Erin sourit en regardant les deux se chamailler. Cependant, elle était la seule amusée. De l’autre côté de l’auberge Pisces vida son verre et l’abattit lourdement sur la table.

« Si cette charmante discussion est terminée, mon verre est vide. Est-ce que prêter attention au client ne fait pas partie de tes services ? »

Erin lui lança un regard noir, Relc lui lança un regard noir à son tour. Klbkch… Elle ne pouvait pas vraiment lire l’expression de l’homme fourmi, mais il avait clairement un air silencieux et désapprobateur.

« Super client que tu as là. »

« Ouaip. Hey, la ferme ! »

Pisces leva un sourcil.

« Quel manque de courtoisie. La prochaine fois, je dépenserai mon argent ailleurs. »

« Je ne veux pas de ton argent. En plus, tu as tenté de me voler la dernière fois. Tu es ici malgré ça, et parce que je me sens mal pour toi. »

Il soupira et leva les yeux au ciel. Erin renifla avant de débattre pour savoir si elle devait remplir son verre ou non, mais quelque chose de tranchant lui toucha la taille, elle hurla et sursauta.

« Désolé »

« Ne… ne fait pas ça ! »

Erin mit la main à l’endroit où la griffe de Relc l’avait touché.

« Désolé de nouveau mais… Tu as dit voler ? Du genre, ce type là-bas a tenté de te voler ? »

La voix de Relc était un sifflement bas alors qu’il jeta un regard discret vers Pisces. La discrétion n’était pas de mise, car Pisces était toujours trop concentré à regarder son verre vide. Erin sourit de manière malicieuse avant de lui murmurer.

« Ouais. Hier soir j’ai été visité par un monstre terrifiant. Mais quand je lui ai donné un coup de poê… De casserole, c’était juste lui. Donc je lui aie fait payer pour m’avoir fait peur et pour la nourriture. »

« Tu m’as extorqué. »

« La ferme ! Tu es chanceux que je ne t’ai pas balancé dans le ruisseau pour laisser les poissons te manger ! »

« Et… Tu l’as laissé revenir pour le petit-déjeuner ? »

« Et bien, il n’est pas vraiment dangereux, juste agaçant. »

« Et tu n’as pas à le reporter à qui que ce soit ? »

« Reporter à qui ? »

Erin regarda Relc sans comprendre. Relc lui rendit son regard. Klbkch termina son assiette de pâte et déposa sa fourchette, puis il regarda Erin à son tour.

« Oh.Oh. J’ai oublié. Et puis, vous n’étiez pas là hier. »

Klbkch acquiesça.

« C’est vrai. Notre absence était plus que déplorable, mais nous pouvons désormais faire notre devoir. Pour changer de sujet, Mademoiselle Solstice, les pâtes étaient délicieuses. »

« Ouais, elles sont bonnes ! Une petite minute. »

Relc attrapa sa fourchette et avala de grandes cuillerées de pâtes. Il arriva à avaler la moitié de son assiette sans grand effort, et dévora le reste en une poignée de secondes. Erin le regarda de manière terrifiée, fascinée et légèrement jalouse à la fois.

Une fois cet exploit réalisé, Relc échangea un regard avec Klbkch avant de se tourner vers Pisces.

« Hey toi ! »

Pisces releva la tête en fronçant les sourcils. Il regarda Relc et laissa échapper un râle irrité.

« Est-ce que je peux vous aider ? Je ne fais pas de la magie sur demande. Si vous recherchez un sort particulier je serais heureux de discuter prix avec vous… Plus tard. »

Relc sourit depuis sa chaise.

« Pourquoi pas un sort qui te change en monstre ? J’adorerai voir ça. Ou mieux encore, est-ce que tu as un sort pour te sortir du pétrin ? Parce que tu vas en avoir rapidement besoin. »

Le visage de Pisces perdit ses couleurs, ses yeux allèrent vers Erin avant de retourner vers Relc et Klbkch.

« Ah. Je vois que notre chère aubergiste est rancunière. Bien, je ne sais pas si elle vous l’a dit, mais je vous assure que je l’ai largement dédommagé pour mon… Erreur. Ce n’est pas la peine que deux soldats comme vous s’en mêlent. »

« Oh, mais bien sûr que ça vaut la peine ! Et au fait tu as tort. »

« A quel propos ? »

Relc échangea un regard avec Klbkch. Il sourit, ou plutôt, sa bouche s’ouvrit et il montra ses dents à Pisces.

« On n’est pas des soldats. On est des gardes. »

« Ah. »

Pendant une seconde, Pisces resta totalement immobile. Puis il sauta de sa chaise avec un surprenant éclair de vitesse et courut vers la porte.

Le bras de Relc bougea. Erin ne vit qu’un geste flou et son bras partit vers l’avant. Elle hurla alors que sa lance frôla son oreille, mais l’arme ne toucha pas Pisces. La lance vola entre les jambes de ce dernier, le faisant trébucher alors qu’il tentait de prendre la fuite. Il s’étala sur le sol alors que Relc se leva de sa chaise, Klbkch était déjà débout.

« Ne bouge pas. Tu es en état d’arrestation pour intimidation et tentative de vol. Restes immobiles. Tout mouvement brusque résultera à des blessures physiques. »

D’un seul bras, Klbkch releva Pisces. Ce dernier ne résistait pas alors que Klbkch le déposa dans sa chaise. Relc sourit à Erin.

« Joli lancer, pas vrai ? »

Elle tenta de répondre et sa voix se brisa.

« O-ouais. »

Les yeux de Relc s’ouvrirent légèrement, trahissant son inquiétude.

« Oups. Désolé, est-ce que je t’ai fait peur ? J’oublie que les gens normaux n’ont pas l’habitude. Ne t’inquiète pas, je ne rate jamais un de mes lancers. »

« J’en suis certaine, j’en suis certaine. Et je n’ai pas peur. J’ai juste été… Surprise. »

« D’accord, d’accord. »

Relc tapota gentiment le dos d’Erin. Elle manqua de tomber de sa chaise mais se rattrapa sur la table, il ne le remarqua pas. Relc se rendit joyeusement vers Pisces et sourit en le regardant de toute sa hauteur.

« En plein dans le mille. Tu as vraiment essayé de fuir ? Personne ne m’échappe. »

Il regarda son compagnon.

« Klbkch, est-ce que tu as quelque chose pour l’attacher ? »

Klbkch secoua sa tête.

« Je suis sans menotte ou corde anti-magie. Nous allons devoir être attentif, à moins que Mademoiselle Solstice possède quelque chose pour l’attacher ? »

Klbkch regarda Erin.

« Heu, non. Non, désolé. »

« Fort dommage. Mais nous allons devoir nous débrouiller. »

« Tu ne vas pas te dérouiller, tu ne vas rien faire. C’est un affront ! »

Pisces essaya de pousser Klbkch, son visage était pale et il transpirait, mais il continua de garder son ton hautain, même si ce dernier était bien moins prononcé.

« Je suis totalement innocent ! Ces accusations infondées sont fausses et… »

« Tu mens. »

La réponse de Klbkch fut monotone, et sans l’ombre d’un doute.

« [Détection De Culpabilité] est une compétence basique que tous les gardes obtiennent au niveau 15. Je peux sentir ta culpabilité, ce qui est assez pour justifier ton arrestation. »

« De plus, on te connait déjà toi et tes crimes. »

Relc croisa ses bras et son sourire s’élargit, ses dents étaient jaunes et très, très pointues.

« Ça fait un bout de temps qu’on te cherche, Monsieur Mage. Ou plutôt, la créature terrifiante qui menace les voyageurs et les gens vivants seuls ? Cela fait presque un mois que tu voles de la nourriture et de l’argent, il y a une récompense sur ta tête, et j’aimerai bien l’obtenir. »

Erin regarda Pisces, qui venait de prendre une teinte plus pale de blanc, mais Relc n’avait pas terminé.

« D’accord, voilà à quoi je pense. Moi et mon ami on va te sortir de l’auberge, te frapper avec des bâtons et des rochers pendant un petit bout de temps, et te traîner jusqu’à la ville pour la récompense. Puis on en donnera la moitié à notre charmante aubergiste ici présente, c’est un bon plan, hein ? »

« En fait, j’aimerai que… »

« C’est dommage ! »

Relc craqua ses doigts. Erin, qui avait regardé la scène avec fascination, leva la main.

« Hum… Mais ce n’est pas bien ça ? »

« Pas bien ? Pourquoi ça ne serait pas bien ? »

Erin chercha ses mots alors que Relc la regarda de manière incrédule.

« Est-ce qu’il n’y a pas de règles ? Comme, une règle qui empêche la police, heu, qui empêche les gardes de blesser les gens après leurs captures ? Comme… Interdiction de frapper quelqu’un une fois qu’il est au sol ? »

Relc la regarda avant de se tourner vers Klbkch.

« On a des règles comme ça ? »

« Je crois que c’est un standard Humain. »

« Oh, ouf. Je me suis inquiété pendant quelques secondes. »

« Oui, nous ne voudrions pas ruiner l’amusement de brutes sans cervelle telle que toi. »

La voix de Pisces dégoulinait de mépris, il semblait que Pisces était incapable de se taire pour son propre bien. Relc fit un poing avec sa main et Pisces tressaillit.

« Un instant, un instant. »

Erin attrapa le bras de Relc. C’était instinctif, mais dès l’instant où elle toucha les écailles de ce dernier elle faillit lâcher prise. Sa peau, ou plutôt, ses écailles étaient étonnamment froides et faciles à attraper. Elles dérangeaient Erin car elles rendaient toute la scène plus réelle que nécessaire.

Relc regarda Erin et la décrocha avec délicatesse, il était tellement fort qu’il brisa son attache avec deux de ses doigts.

« Ne t’en fais pas, Mademoiselle. On va le cogner à l’extérieur comme ça tu n’auras pas à le voir. »

« Ou ! Ou pourquoi ne pas éviter ça ? Ce n’est pas ce que les gentils gardes font ? L’arrêter et passer la partie où vous le frapper ? »

« Ouais, mais il m’a traité de brute sans cervelle, et j’ai envie de le cogner pour ça. »

« Alors…  C’est un crétin. Mais je veux dire, tu es un garde. Tu as surement été insulté par la moitié du dictionnaire. »

« La moitié d’un quoi ? »

« Je crois qu’elle insinue que les insultes sont courantes dans notre métier. »

 Klbkch expliqua avant de regarder Erin qui haussa les épaules de manière gênée en lui faisant un sourire hésitant.

« Quoi ? »

Relc semblait légèrement blessé, il regarde Erin et fronça légèrement les sourcils. Mais plutôt que d’avoir l’air en colère, son visage semblait triste.

« Les gens nous aiment. Tout le monde nous aime. Notre boulot est spécial. »

« Mais c’est un travail pour lequel tu as signé ? Je veux dire, c’est un super boulot mais… Ce n’est qu’un boulot, pas vrai ? »

Erin hésita, Relc la regarda de manière incrédule.

« Ce n’est pas qu’un boulot. C’est un travail prestigieux ! Tout le monde ne peut pas faire partie de la garde, et encore moins être un Garde Senior ! »

Erin cligna des yeux.

« Vraiment ? Je pensais qu’il fallait… Signer et c’est tout. »

Relc la regarda avec outrage avec de se tourner vers Klbkch.

« Signer ? Est-ce que tu peux y croire ? Les Humains »

Klbkch n’était pas impressionné, il continua de mâcher méticuleusement des morceaux de fruit bleu.
« Peut-être que si tu expliquais notre fonction plus précisément tu n’aurais pas besoin de te sentir outrager. Clairement, le rôle de gardes varie selon les cultures. »

« D’accord, et bien. Ce n’est toujours pas… D’accord. »

Erin croisa les bras, Pisces grimaça et prit une autre gorgée de jus bleu. Il commença à marmonner quelque chose, mais Erin, Relc et Klbkch l’ignorèrent.

Relc soupira avant de se gratter les pics qu’il avait sur le dessus de sa tête.

« Écoutes, je ne sais pas comment les Humains font, mais dans nos villes, la garde n’est pas constituée de mercenaires ou de garde du corps. C’est impossible de signer pour y rentrer. Il faut y être voté. »

« Vraiment ? »

« Vraiment. Tu vois, il faut au moins cinquante citoyens ordinaires qui doivent te supporter avant de pouvoir rejoindre la garde. Et pour devenir un Garde Senior, il faut au moins quatre cents personnes, impressionnant, pas vrai ? »

Relc sourit et sortit quelque chose de sa ceinture, il montra un badge pourpre cerclé d’or avec deux bandes violettes. C’était brillant.

« Pas mal. C’est ton badge officiel ? »

« Ouaip. On doit le garder sur soit à tout moment. Certains gars le brode à leur poitrine mais il peut s’arracher, et en plus… »

Il tapa son torse nu.

« Ça ne colle pas bien aux écailles. Dans tous les cas, on doit payer une amende si on le perd alors pourquoi prendre le risque, pas vrai ? J’en ai juste besoin quand je dois prouver mon identité ou mon rang. »

« Fascinant. Mais au fond c’est juste la version mieux gradé d’un homme de main basique, n’est-ce pas ? »

Pisces se moqua de Relc, il semblait avoir soudainement avoir retrouvé sa confiance.

Relc le regarda.

« Tu es toujours en état d’arrestation, et je peux te frapper. C’est uniquement parce que je suis gentil avec Miss Solstice que ce n’est pas encore arrivé. Mais ça va arriver. Si tu ne la fermes pas. »

Levant les yeux au ciel, Pisces mit doigt sur ses lèvres.

« Pardonnez-moi. Je n’oserai pas interrompre un personnage aussi majestueux que vous, je vous en prie, continuez. »

Erin soupira et Klbkch fit un son qui semblait s’en rapprocher. Relc, de son côté, se gratta la tête.
« D’accord. C’est bien. Dans tous les cas, nous sommes ceux qui ont des armes et tu n’es qu’un mage. Même pas de haut niveau, où tu serais déjà en train de te téléporter pour fuir. »

Klbkch acquiesça.

« Où tu nous aurais détruit d’une manière ou d’une autre. Le manque de foudre nous tombant dessus et de boule de feu confirmer ce fait. »
Erin se décala derrière une table.

« Vous en êtes certains ? Vraiment certains ? »

Relc lui sourit avec confiance. C’était un sourire qui avait bien trop de dent.

« Ne t’en fais pas, Mademoiselle. Il n’est pas une menace où il se serait chargé de nous au moment où nous nous sommes rendu compte de qui il était.  Les deux d’entre nous savent si nous sommes en danger ou si l’ennemi est fort. »

« Vraiment ? Comment ? »

Pisces ricana dans son verre.

« Un observateur attentif aurait observé les forces et les faiblesses de son adversaire en se basant sur les actions et talents. Ces deux-là sont en train d’utiliser une compétence. »

Relc lui lança un regard mauvais, Klbkch fit de même mais il était plus subtil.

« Il a raison. Nous deux avons des compétences. C’est une partie intégrante de nos classes, même si dans mon cas j’ai [Instinct De Survie] et Klbkch a appris [Évaluation d’Ennemi]. Mes écailles ne sont pas en train de paniquer, donc ton ami Humain n’est pas un très bon mage. »

« Il n’est pas mon ami. »

« Mais il est Humain. »

« Cela n’a… »

Erin lutta pour trouver les bons mots, pendant ce temps la grimace sur le visage de Pisces s’accentua et il ouvrit de nouveau la bouche, ignorant le danger.

« De véritables mots d’imbéciles ignorants. Qu’est-ce que tu y connais en maîtrise de la magie ? Mes pouvoirs ne résident pas dans une simple confrontation, mais je t’assure, j’ai plus de pouvoir dans l’un de mes ongles que dans l’intégralité de ton corps de brute. »

Relc se releva brusquement.

« Ca suffit. Fermes tes yeux Ma… »

Pendant un instant Erin n’était pas sûr de si elle voulait se mettre entre Pisces et Relc ou sortir du chemin. Klbkch décida à sa place, il attrapa Relc et le fit recula, non pas sans difficulté mais il devait être plus fort qu’il ne le laissait paraître.

« Du calme. J’aimerais ne pas voir cet établissement abîme, ni la propriétaire, et toi-même tu n’aimerais pas voir ça. »

Relc hésita. Il regarda Erin, qui décida d’ajouter son grain de grain sel pour calmer la situation.
« Oui, calmons-nous avant que quelqu’un ne se blesse, comme moi par exemple. »

Erin attrapa le pichet de jus bleu et commença à remplir de nouveau les verres. Relc accepta le sien, le termina en une gorgée, avant de prendre son temps avec le second verre.

Erin s’apprêtait à remplir le verre de Pisces quand ce dernier l’arrêta en mettant une main dans le chemin.

« Non, ce n’est pas la peine, Maîtresse Solstice. Je suis satisfait pour le moment. »

Relc était toujours en train de fusiller Pisces du regard.

« Tch, tu devrais boire. C’est la dernière bonne chose que tu vas manger avant un bon bout de temps.  En fait, pourquoi je te dis ça ? C’est bien trop bon pour toi, tu auras qu’à t’en souvenir une fois qu’on t’aura mis derrière les barreaux. »

« Si vous y arriver. »

Erin étudia Pisces, il avait toujours son air confiant, et elle ne savait pas trop pourquoi, surtout quand elle avait l’impression que Relc était à deux doigts de changer son visage en viande hachée.

Relc fronça les sourcils. Il ferma sa main et Erin vit l’intégralité du son bras se contracter. Elle avait déjà vu des gars musclés auparavant, et ils n’avaient pas été très impressionnant, mais Relc…

« Depuis la dernière fois que j’ai vérifié, tu es toujours à porter de coup de main. Ce qui veut dire que tous tes jolis sorts ne vont pas changer quoi que ce soit une fois que je t’aurai frappé avec assez de force pour faire sortir ta cervelle de ta boite crânienne. Et crois-moi, je l’ai déjà fait. »

Une nouvelle fois, Pisces ne semblait pas affecté par la menace de Relc.

« Je suis un puissant mage, bien au-delà de vos capacités. Même si vos tours de passe-passe ne peuvent pas détecter mes capacités, il serait prudent que vous soyez méfiants de mes talents cachés ? »

Klbkch bougea légèrement la tête, son expression ne changea pas, mais c’est parce qu’il n’y avait pas grand-chose à changer.

« Comme ? »

Pisces se redressa légèrement sur sa chaise.

« J’ai étudié un nombre incalculable d’écoles magiques. Vous avez devant vous un praticien de magie élémentaire, un tisseur d’illusion, un incantateur raffiné, un monstre de l’alchimie, de la pyromancie, de la géomancie… »

« Et de la nécromancie. »

Erin ajouta de manière guillerette. Pisces s’étouffa sur ses prochains mots et la regarda d’un œil mauvais. Elle haussa les épaules.

« Quoi ? Tu me l’as dit hier. Oh, et est-ce que c’est toi qui a volé le squelette à l’étage ? Je viens de me rendre compte que c’est probablement toi. »

Pisces perdit son air hautain et semblait troublé, Relc de son côté, se contant de sourire une nouvelle fois.

« Et bien. Vol de cadavre et réanimation, sans aucun doute. C’est un nouveau point sur la liste des inculpations. Mais de la nécromancie, et bien, ça veut aussi dire que nous n’avons pas besoin de te ramener vivant. »

Erin ouvrit la bouche et Relc l’interrompit en levant sa main.

« Oui, oui. On va juste te frapper et te traîner pour que Mademoiselle Erin n’ai pas à voir quelque chose de moche. Mais tu es dans de beaux draps, Monsieur Nécromancien. »

« Oh, vraiment ? »

Pisces s’installa confortablement dans sa chaise, il était toujours pâle, mais il semblait plus confiant que nécessaire.

« Que vous connaissez mon identité ou non, vous allez rapidement vous rendre compte que me capturer n’est pas tâche facile. »

Relc cligna des yeux avant de se gratter les pics qu’il avait sur le dessus de la tête et de soupirer de manière exaspéré.

« Les Humains. Fous et arrogants. S’en est presque drôle. Si tu es si plein de talent magique, esquive ça. »

Il donna un coup de sa lance, pommeau en avant, mais au moment où la lance aurait dû fracturer le crâne de Pisces, cette dernière ne rencontra que le vide. Pisces avait disparu.

« C’est quoi ce bor… »

Relc cligna des yeux, Erin laissa échapper un cri de surprise, Klbkch dégaina ses épées et fit un arc de cercle, tranchant l’air autour de la chaise, mais ne rencontra que le vide.

« Disparu. »

Relc donna des coups de lance à l’endroit où Pisces s’était trouvé et grogna, profondément, Erin le regarda.

« Il n’est pas invisible ? Il a déjà fait quelque chose du genre. »

 Relc secoua sa tête, énervé.

« Non, je serais capable de le sentir s’il était encore à quelques mètres de moi. Non, c’était un sort d’illusion. Un sort très malin en plus, il nous a fait croire qu’il était là et s’en est allé alors que nous discutions. »

Klbkch regarda en direction de la porte.

« Je ne sais pas quand est-ce qu’il est parti.  Il s’est peut-être échappé il y a quelques minutes seulement, nous pouvons peut-être le rattraper si nous nous dépêchons. »

« D’accord, d’accord. »

Relc jura et fit tourner sa lance de manière agacé, cette dernière fendit l’air en créant un son terrifiant et Erin retint sa respiration de peur que l’arme lui échappe et qu’elle termine blessé.
Klbkch se tourna vers elle et inclina sa tête.

« Merci de nous avoir informé de sa classe, Mademoiselle Erin. Même s’il n’est pas une menace pour Relc ou moi, il est bien plus dangereux que nous avons cru. »

« Vraiment ? Je pensais… Il n’avait pas vraiment l’air dangereux. Je veux dire, je l’ai frappé avec une casserole et il était KO. »

« Oh, il est probablement aussi dangereuse qu’une grenouille en tant que combattant, ce n’est pas ça le problème. »

Relc secoua sa tête.

« Nous pensions qu’il était qu’un simple illusionniste. C’est ennuyeux, mais la seule chose qu’il peut faire c’est effrayé les gens pour un peu d’argent. Mais un nécromancien est pire, bien pire. On pourrait le laisser partir si c’était un mage normal, mais maintenant ont doit le trouver et il le sait. »

« Pourquoi ? »

Relc murmura quelque chose pour lui, il était toujours en train de regarder autour de lui et sa langue sortait et rentrait dans sa bouche, comme s’il goûtait l’air. C’était la première fois qu’il ressemblait véritablement à un lézard du monde d’Erin.

« Un nécromancien en fuite fait des choses terribles. Même un nécromancien de bas niveau peut raser un village s’il a accès a suffisamment de cadavres, et ils gagnent rapidement des niveaux quand ça arrive. On va devoir chasser ce gars, et si on ne l’attrape pas aujourd’hui je vais devoir prévenir la Capitaine pour qu’elle envoie des patrouilles une fois de retour en ville. »

Erin hocha la tête avant d’hésiter.

« Donc. Est-ce… Que ça veut dire que vous allez bientôt être de retour ? »

Relc hocha la tête.

« Dans moins d’une heure, mais nous n’allons pas pouvoir rester. Désolé. Je vais faire mon possible pour que la patrouille soit rapidement mise en place, mais tu sais comment c’est. On va devoir changer des plannings, rajouter des gardes, s’armer en conséquence, etc. »

« Oh. D’accord. Mais heu… Est-ce que ça veut dire… Combien de temps cela va vous prendre pour faire l’aller-retour ? »

« Nous devrions être capable de franchir la distance en approximativement dix minutes en courant. »
Relc hocha la tête.

« Donc on doit partir. Pourquoi ? Tu as peur qu’il ne t’attaque ? »

« Non, c’est pas ça. C’est juste que… La ville. »

« La ville ? Qu’est-ce qu’elle a la ville ? »

« Hum… Elle est où ? »

Relc et Klbkch la regardèrent en silence avant d’échanger un regard.

« … Tu veux dire, que tu ne sais pas ? »

« Non. Je devrai ? Ce n’est pas comme si y’avais un signe ou quelque chose du genre. »

Relc semblait amusé.

« Ne sois pas sur la défense, c’est facile à repérer. Regarde, tu peux même la voir depuis cette fenêtre.»

 Il marcha jusqu’à la fenêtre et pointa du doigt, Erin plissa les yeux.

« … C’est le point noir au fond ? »

« Bah, oui. C’est clair pourtant. »

« Non, non ça ne l’est pas. Ça pourrait être un rocher. »

« Ce n’est pas un rocher. Pourquoi est-ce que tu as du mal à me croire ? Tu ne peux pas voir les bâtiments ? »

« Non, je ne peux pas »

« Je pense qu’elle ne peut vraiment pas, un exemple. »

Relc et Erin se tournèrent pour regarder Klbkch. Il l’étudia et rapprocha son visage du sien, Erin eut un mouvement de recul alors que son visage était proche du sien.

« Ne soyez pas alarmé, je ne vous veux aucun mal. »

« Désolé… Désolé. C’est les pinces. Et les yeux. C’est juste que… Désolé. »

Relc laissa échapper un grand rire.

« Ne t’en fais pas pour Klbkch, il est moche même pour une fourmi. Mais tu ne peux vraiment pas voir la ville d’ici ? »

Klbkch hocha la tête, il semblait concentrer sur les yeux d’Erin.

« Je crois que les Humains ont une vue moins développer que toi ou moi. »

« Quoi ? C’est débile. »

Relc murmura pour lui-même avant de pointer le point noir du doigt depuis la fenêtre.

« Ecoutes, la ville est de ce côté. C’est environ à 20 minutes de marche et il n’y a pas trop de monstres sur le chemin. De plus, une fois dans les dernières centaines de mètres la zone est régulièrement patrouillée donc tu n’auras pas de problèmes. Et si ces idiots t’arrêtent à la porte, ce qu’ils ne vont pas faire, tu n’as qu’à leur dire que tu me connais. »

Klbkch hocha de la tête.

« Ou moi. Cependant, tu ne devrais pas rencontrer de problèmes. Seul ceux qui ont un passé criminel ne sont pas acceptés dans l’enceinte de Liscor. »

« En parlant de ça… On doit partir. C’est mon jour de repos, mais nous devons faire un rapport sur cet agaçant cafard de mage au poste. Si on se dépêche on pourra l’attraper avant qu’il n’aille trop loin. »

Relc était déjà debout, il avait bougé tellement vite qu’Erin fut sous le choc. Il était assis, et l’instant d’après il était déjà à la porte.

« Dit Klbkch, tu viens ? »

D’un seul coup, Klbkch était à ses côtés. Si Erin n’avait pas vu la tâche noire qui l’avait frôlé et sentit le courant d’air juste après, elle aurait juré qu’il s’était téléporté.

« En effet. C’est infortuné que nous devions partir si tôt. Nos excuses, Mademoiselle Solstice. »

« Pas… Pas de problèmes. »

« Fort bien. »

Klbkch hocha la tête, Relc la salua de sa main, et les deux disparurent en un instant. Erin resta seule, assis à une table recouverte de vaisselle sale et légèrement en état de choc.

Elle venait de prendre la première assiette quand la porte s’ouvrit de nouveau en claquant, elle sursauta, mais Relc la salua d’un mouvement de la main.

« Oh, désolé mais nous avons oublié de payer ! On doit se dépêcher donc… Met ça sur notre ardoise ! »

La porte se referma, Erin la regarda avec espoir, mais elle resta fermer.

« … Quelle ardoise ? »

Hors ligne Maroti

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #12 le: 16 novembre 2019 à 16:53:49 »
1.11

Erin se tenait devant les placards et soupira lourdement.

«Les hommes.

Erin s’arrêta avant de réfléchir à ce qu’elle venait de dire.

« Les mâles. Ils mangent, mangent encore et mangent un peu plus. Et c’est à moi de faire la vaisselle. Typique. »   

Certes, elle était aubergiste, ou du moins elle gardait l’auberge relativement propre. Mais cela ne l’aidait pas à se sentir mieux.

« Le garde-manger ? Le garde-manger est vide. La nourriture ? Il n’y a pas de nourriture. Et l’argent… »

Erin regarda la pile de pièce qui se trouvait sur le comptoir de la cuisine.

« L’argent brille. Mais elle est, heu, pas comestible. C’est bien d’avoir de l’argent, mais je ne veux pas mourir de faim. »

Erin regarda le garde-manger vide, mourir de faim pouvait être un vrai problème.

« Est-ce qu’il ne me reste pas quelques fruits bleus dans le coin ? Ici peut-être ? No… Ici ? Ouaip. Juteux et ridé, charmant. »

Elle pouvait toujours aller chercher d’autres fruits bleus, bien sûr, mais elle allait être limitée par le nombre d’arbres restants. Il y avait aussi une limite liée au nombre qu’Erin était prête à continuer de ramener.

« En plus je n’ai plus d’ingrédient. »   

Il n’y avait plus de farine et de beurre. Le sel… D’accord il lui restait un peu de sel, et même du sucre, mais leurs stocks commençaient à diminués et avec le charmant sort-enchantement-truc de préservation brisé il n’allait pas tarder à pourrir.

« Donc je suis dans la mouise. » 

« Cela semble être le cas. »

Erin était certaine que son cœur venait d’arrêter de battre pendant plusieurs secondes, elle se retourna et tomba sur Pisces.

« Si j’avais un couteau dans la main, je serai en train de te poignarder. »

Il sourit de manière narquoise, ce qui semblait être le mode par défaut de son visage.

« Ah, mais quel aubergiste digne de ce nom se priverait d’un invité de renom tel que moi ? »

La main d’Erin se dirigea vers un couteau.

« Calmons-nous ! Calmons-nous Maîtresse, ne nous précipitons pas ! »

Pisces leva rapidement ses mains avant de reculer de quelques pas. Erin le regarda d’un œil mauvais, il était recouvert de poussière, et sale, et en sueur.

« D’où est-ce que tu viens ? Je ne t’ai pas entendu passer par la porte. »

« J’étais, en réalité, à l’étage durant tout ce temps. C’était la solution la plus évidente étant donné l’intelligence de ses deux brutes de gardes. »

Erin cligna des yeux.

« Beau boulot, je suppose. Mais ils sont toujours à ta recherche, tu es un criminel et tu n’as pas d’endroit ou te cacher. »

« A l’exception d’ici. »

Il leva une main avant qu’Erin ne puisse dire quoique ce soit.

« S’il te plait, écoutes moi. Soit rassuré, je ne t’en veux pas d’avoir rapporté mes actions aux gardes. Je connais pleinement la sévérité de mes crimes, cependant… »

« Tu veux quelque chose. Comme quoi ? Rester ici. Non, jamais, même pas en rêve. »

« Je t’assure que je serai un invité très convivial, et je ne demanderai pas beaucoup de ta part. En réalité, tu seras peut-être intéressé de savoir que je suis compétent dans de nombreuses écoles de sort. La Nécromancie est… une de mes passions, mais j’ai aussi étudié pour devenir un praticien de la magie élémentaire, un alchimiste et un enchanteur. Mon niveau est au-dessus de vingt dans la classe de [Mage] et, même parmi mes collègues étudiants, il est difficile de trouver un lanceur de sort aussi polyvalent que moi. Je peux aider de bien des manières pour améliorer votre auberge, et j’ai de l’argent. »

Les deux sourcils d’Erin se haussèrent, car un seul n’était pas suffisant.

« Et tu me dis tout ça parce que… Pourquoi tu me dis tout ça ? »

Il lécha ses lèvres.

«Le point est que, je me demandai s’il y existait une possibilité de te convaincre de me fournir le gite et le couvert pendant cette période troublé. Je peux fournir une récompense adéquate je te l’assure… »

Erin renifla grossièrement

« Pour combien de temps ? Des jours ? Des semaines ? Des mois ? Et je dois te nourrir, m’assurer que personne ne te trouves, et faire le ménage après toi ? Je le répète : c’est non. »

« Est-ce que tu vas vraiment laisser un innocent… »

« Innocent ? Toi ? Tu n’es rien d’autre qu’un voyou avec une baguette magique. Tu te souviens de notre première rencontre ? Tu as essayé de me faire peur pour avoir de la nourriture, et maintenant tu veux que je te protège alors que les conséquences de tes actes te rattrapent? Non. Non, il serait mieux pour toi que tu sois loin d’ici une fois que je revois Relc. Et si tu ne pars pas d’ici maintenant, je vais te sortir d’ici à coup de pied. »

Erin termina sa tirade en croisant les bras en dessous de son buste. Pisces était devenu blanc comme un linge, cependant il ne semblait pas honteux ou effrayé, il semblait être…

En colère.

Il murmura un sort, Erin sentit l’air autour d’elle devenir plus froide, et elle vit que les ombres se distordent autour des mains de Pisces. Les ténèbres l’enveloppèrent comme un manteau, c’était le même sort qu’auparavant, ou quelque chose proche.

Pisces fit un pas vers elle.

« Je suis un homme dans une situation désespérée. Tu ferais mieux de ne pas sous-estimé ce dont je suis capable. »

Le cœur d’Erin battait la chamade, elle fit deux pas en arrière et il la suivi.

« Contrarier l’un de mes pouvoirs est imprudent. Si tu n’es pas dénuée de raison, tu accepteras ma requête, ou tu en subiras les conséquences. »

Sa bouche était sèche, mais elle savait que ce n’était qu’une illusion. Alors Erin se força à répondre avec plus de courage qu’elle avait réellement.

« Et quoi ? Qu’est-ce que tu vas faire si je refuse de t’aider, est-ce que tu vas me faire du mal ? Éclater ma cervelle ? Ou est-ce que tu vas arracher mes vêtements et tenter de me violer ? »

Il semblait choquer.

«Bien sûr que non, je ne ferai jamais quelque chose comme ça. Je ne suis pas un barbare… »

« Tant mieux. »

La main d’Erin bougea en un flash, Pisces baissa les yeux et déglutit, un couteau était en train d’appuyer contre son estomac.

Son cœur battait la chamade, elle pouvait sentir une remontée de bile dans sa bouche, mais sa main était très, très immobile. Elle n’était pas certaine de ce qui se passait dans sa vie en ce moment. Monstres et magie, tout cela lui donnait le vertige, mais certaines choses ne changeaient pas. Elle refusait d’être la victime dans cette situation, surtout que personne n’allait l’entendre crier en ces lieux.

Son couteau eut l’effet escompté sur le mage. Il lécha ses lèvres et leva ses mains, devenant encore plus pâle que d’habitude.

« Allons, allons. Ne nous précipitons pas, Maîtresse. Je disais simplement que… »

« Bouge et je te poignarde. »

Ce n’était pas une menace, c’était une promesse, et à son honneur, Pisces fut assez intelligent pour savoir qu’elle était sérieuse.

« … Laisse-moi te présenter des excuses. Si je peux dire quelques mots… »

 « Non. Dehors. »

Erin avança et Pisces fut forcer de reculer ou d’être poignardé au ralenti. Elle le força hors de la cuisine et jusque dans la salle commune en le poussant vers la porte.

« S’il te plait. S’il te plait reconsidère ton choix. »

« Non, pourquoi est-ce que je devrai le faire ? »

Pisces s’arrêta à la porte, Erin avança de nouveau le couteau vers lui mais il refusa de reculer plus loin. Il leva ses mains plus haut et parla encore plus rapidement, sa voix teintée de désespoir.

« Si je me fais attraper, ils vont m’emmener jusqu’à la ville. Ou je serais jugé et exécuté, c’est une certitude, Maitresse Erin. »

Erin le regarda, incertaine.

« Relc n’a jamais dit que… »

Il ne voulait pas te dire la vérité ! Mais il sait, et je sais aussi, ce qui arrive aux nécromanciens. Nous, n’importe quel mage possédant ne serait-ce qu’un seul niveau dans cette classe, sommes exécutés à vue dans cette région du monde. Il n’y a pas de pitié pour quelqu’un comme moi ici. »

« Et bien… Et bien pas de chance. »

La bouche d’Erin était en auto-pilote. Pisces tenta de rentrer de nouveau dans l’auberge en la contournant, mais elle lui bloqua le chemin.

« Même si tu es en danger, je serais aussi en danger si je te cache. Je ne ferai pas ça. Va-t-en. Enfuit toi et va-t-en. Maintenant. »

« Ils vont patrouiller autour de la ville, ils vont parcourir la plaine à ma recherche. S’il te plait, si je me cache ici je suis certain de pouvoir survivre. »

« Non. Pars. »

Erin pointa la porte du doigt, il vacilla, mais fit une dernière supplique.

« S’il te plait, je t’en supplie. Rien qu’une nuit. Protégez-moi rien qu’une nuit et je jure que j’aurai disparu au petit matin. La mort m’attend sans votre aide. Me tuerais-tu ? Je te le demande, d’un humain à l’autre. S’il te plait. »

« Je… »

Le couteau commença à trembler entre ses mains. Pisces se saisit de l’instant et fit un pas en avant, les mains tendues, suppliant.

« S’il te plait, épargnes ma vie. Si tu as une once de pitié dans ton âme… »

Boomboomboomboomboom.

Les deux humains se tournèrent et regardèrent la porte.

«Trouvé ! »

 Ce fut rapide. Un instant Erin était en train de pointer son doigt à la porte en regardant Pisces, et l’instant d’après quelque chose la frôla et il avait disparu. Deux silhouettes s’écrasèrent dans une table et ses chaises. Erin resta bouche bée.

« Je te tiens ! »

La plus grande des silhouettes laissa échapper un rire triomphant en balançant Pisces autour de lui, le frappant violemment contre le parquet. C’était Relc.

« Mademoiselle Solstice. »

Klbkch apparu à ses côtés. Erin sursauta mais l’homme-fourmi plaça une… Main réconfortante sur son épaule.

« Veuillez pardonner mon impolitesse. Est-ce que vous allez bien ? Nous sommes revenus le plus rapidement possible une fois que nous avons réalisé que le mage n’était pas fui l’auberge. Est-ce que vous êtes blessé ou avez besoin d’assistance ? »

« Quoi ? »

Erin le regarda.

« Est-ce que vous… qu’est-ce que… Je vais bien. Bien. »

« C’est une bonne nouvelle. Alors veuillez rester en dehors de tout cela, s’il vous plait. Nous allons continuer notre travail et je n’aimerai pas vous voir blesser. »

Une fois cela dit, Klbkch guida gentiment Erin dans l’un des coins de l’auberge. Le combat entre Relc et Pisces étaient en train de renverser les tables et les chaises alors que le Drakéide tentait de faire passer l’Humain à travers toutes les pièces de mobiliers existantes alors que l’Humain faisait son possible pour éviter Relc.

Relc rugit depuis le sol.

« Klb ! Vas là-bas et aide-moi ! Ce type est plus glissant que prévu ! »

Klb fit un mouvement de la tête en direction d’Erin et se précipita dans le combat. Elle regarda avec stupéfaction les deux tenter de clouer Pisces au sol. Étonnamment, ce n’était pas si facile que ça. Malgré son avantage au niveau de la taille et des muscles, Pisces parvenait à repousser les deux gardes. Erin se demandait comment jusqu’au moment où elle le vit pousser l’air autour de Relc et d’envoyer le lézard volé, le libérant.

Pisces se remit sur pied de manière paniquée, et bondit vers la porte. Mais Klbkch l’attrapa par le pied et tenta de lui passer un morceau de corde de cuir autour des mains. Pisces hurla… quelque chose et la corde de cuir prit soudainement feu.

C’était un combat rapide et sans honneur qui vit les trois combattants se trainer au sol durant la totalité du combat. Mais Erin n’avait qu’un œil sur le combat, car son second était en train d’observer tout le mobilier de l’auberge était réduit en miettes par le combat.

« Arrêtes de vous battre ! Stop! »

« Cesse de résister ou… »

Les doigts de Pisces firent des étincelles. Une petite explosion de foudre envoya Klbkch voler contre un mur que Relc se baissa. Erin fit de même. Caché derrière une table elle pouvait voir Klbkch fait un inquiétant bourdonnement .

« Espèce de… »

Le bruit sourd de quelque chose frappant quelque chose d’autre résonna dans l’auberge. Mais il fit ponctuer par un autre craquement d’électricité et le cri de douleur de Relc.

Erin quitta la bagarre des yeux et courut dans la cuisine. Elle émergea avec une casserole juste à temps pour voir Relc être projeté contre un mur par ce qui semblait être une explosion d’air.

Pisces s’éloigna du Drakéide, respirant lourdement. Son visage était recouvert de bleu et il saignait du nez et de la bouche, mais ses doigts étaient toujours en train de craquer, remplis d’énergie magique. Il se retourna pour fuir, mais s’arrêta.

Klbkch était déjà sur pied, enfin, sur jambes. L’homme-fourmi se tenait dans l’ouverture de la porte, épée au clair. Il en tenait deux, un pour chaque bras, alors que ses deux autres bras tenaient deux petites dagues. Erin vit Pisces déglutir, et elle ne pouvait qu’être d’accord avec lui. Klbkch semblait être un mur constitué d’épées.

« Je… je ne cherche aucune dispute avec vous. Je suis un étudiant de l’Académie de Wistram et un mage pratiquant. Vous me retenez à vos risques et périls. »

Pisces pointa un doigt tremblant vers Klbkch, le bout de ce dernier craquait d’énergie, mais c’était soudainement moins impressionnant comparé à l’arsenal complet que Klbkch portait sur lui.

« Qu’importe votre affiliation à une académie, vous êtes toujours en état d’arrestation. Rendez-vous maintenant, s’il vous plait, ou je serais dans l’obligation de faire usage de force létale. »

Pisces hésita.

« Ma magie… »

« Est inutile. Rendez-vous. »

« Se rendre ? »

Erin sursauta. Elle vit Relc se relever. Les yeux du Drakéide étaient plissés et sa main tenait sa lance. Elle n’était pas très longue, mais elle semblait extrêmement aiguisée, et rien qu’en voyant la manière dont il tenait son arme, Erin savait instinctivement qu’il était prêt à l’utiliser pour tuer.

Pisces jeta un coup d’œil à la lance et leva les mains en l’air.

« J’… J’abandonne. »

Relc cracha par terre.

« Peu probable. Je vais t’étriper comme un poisson ici et maintenant. »

Erin regarda Relc avec horreur, mais il n’y avait pas la moindre trace de plaisanterie dans son regard. Il était pratiquement en train de trembler de rage, mais ses bras, toujours sur sa lance, étaient fermes et immobile.

« Étriper ? Hey, c’est… »

« Ne nous précipitons pas ! »

Pisces s’éloigna de Relc, parlant rapidement.

« Je vous assure que je vaux bien plus en vie que mort. Nous pouvons régler cela de manière amicale. Je vais entièrement coopéré… »

« Coopérer ? »

Relc s’avança et Pisces pressa ses deux doigts l’un contre l’autre. Un fort coup de vent passa à travers l’auberge alors qu’une barrière de vent apparu devant Relc.

« Je cesserai toutes formes de magie et partirait sans faire d’histoire avec vous si vous me promettez de me garder en vie. Je ne souhaitais pas vous blesser, ou blesser votre compagnon. Mais nous sommes dans une impasse tant que vous refusez de discuter. »

Les yeux de Relc se rétrécirent sous la méfiance.

« Par ça ? Tu penses qu’un misérable petit Mur De Vent va m’arrêter ? »

Le corps du grand Drakéide se tendit. Il s’agenouilla légèrement, avant de se précipiter vers le mur de vent. Le corps massif de Relc s’écrasa contre la barrière semi-transparente de vent et s’enfonça dans la barrière alors que les vents poussèrent en retour.

Malgré la distance Erin sentit la gigantesque force du sort et vit les tables et les chaises s’envoler. Pendant un instant, elle crut que Relc allait s’envoler à son tour, mais elle vit ses griffes s’enfoncer dans le parquet alors que le vent hurla…

Et les tourbillons de vents éclatèrent avec un petit claquement d’air qui envoya les chaises les plus proches s’envoler. Pisces recula en perdant l’équilibre, le visage choqué et pale. Erin regarda la scène.
Relc, de son côté, fit tournoyer sa lance dans sa main avant de cracher dédaigneusement sur le sol.

« Voilà ce que je pense de tes sorts. Je suis un ancien soldat de la 1ere compagnie des Ailes de l’Armée de Liscor. J’ai tué plus de mages que tu as de niveaux. Maintenant, est-ce que va mourir en silence ou est-ce que je vais devoir payer pour repeindre les murs en vert pour cacher ton sang? »

Pisces recula, trébucha contre une chaise renversé, et tomba sur son derrière. Il leva ses mains et hurla d’une voix stridente.

« Je peux être rançonné. A bon prix ! Mon école payera dix… Trente pièces d’or en dénomination de votre choix pour me racheter ! »

Relc leva sa lance.

« J’en ai toujours rien à battre. Je n’ai pas besoin d’argent venant d’un singe puant comme toi. »

Erin leva sa voix avec horreur.

« Quoi ? Non ! Pas de meurtre ! Vous m’entendez? »

Mais personne ne l’entendait. Klbkch se rapprochait, épées et dagues au clair. Relc leva sa lance un peu plus haute.

« Des derniers mots, mage ? »

« Je… je… »

Relc sourit de toutes ses dents, sa lance au clair. Klbkch regarda la scène de manière impassible. Pisces cria et protégea son visage de manière inefficace. Et Erin…

« Hey ! »

Erin claqua la casserole de toutes ses forces sur le dessus d’une table. Relc, Klbkch et Pisces s’arrêtèrent et se retournèrent vers elle d’un seul homme. Elle pointa un doigt tremblant vers eux.

« Pas de combat. Pas ici. Et pas de meurtre ! »

Relc cligna des yeux, sa lance s’abaissa légèrement. Le doigt d’Erin se pointa vers lui.

« Tu arrêtes ! Tu lâches ton arme et tu sors ! »

« Mais il est… »

« Je m’en fiche ! Tu ne tues pas les gens parce qu’ils pratiquent une magie débile ! Et tu ne tues pas les gens parce que tu ne les aimes pas ! Et tu ne tues pas les gens parce que tuer les gens c’est mal ! »

« Quoi ? »

Relc pointa Pisces d’un doigt colérique.

« C’est un criminel. »

« Non, c’est un imbécile. Mais il n’a pas fait quelque chose d’assez pour mériter de mourir, tout ce qu’il a fait c’est essayer de me faire peur. »

« Il m’a attaqué avec de la foudre ! »

« Tu lui as cassé le nez ! Ce n’est pas suffisant pour le tuer ! »

Le Drakéide abaissa sa lance.

« Je n’y crois pas. Tu le défends ? Parce qu’il est Humain ? Ou parce que tu ne veux pas de sang dans l’auberge ? Dans ce cas je vais le sortir et… »

« Non ! »

Erin cria sur Relc.

« Est-ce que tu es débile ? Je ne veux pas que quelqu’un meurt ! Tu ne peux pas faire ça ! Je l’interdis ! Ce n’est pas bien ! C’est illégal. »

« Dans cette situation, les actions de mon camarade ne sont… »

Erin se retourna brusquement vers Klbkch et le pointa du doigt.

« Je m’en fiche ! Pas de meurtre, vous m’entendez ? »

Relc siffla de manière colérique.

« Donc je vais l’arrêter et il sera exécuté demain. Heureuse ? »

Pisces regagna sa teinte pale, Erin ouvrit la bouche de nouveau avant que son cerveau ne la rattrape.

« Je retire mon témoignage. »

« Tu quoi ? »

« Je le retire. Tout ce que j’ai dit. Il ne m’a jamais attaqué hier. Ce mage n’a jamais visité cette auberge, et je ne l’ai jamais vu avant aujourd’hui. Donc vous n’avez pas de raison de l’arrêter. »

« Tu ne peux pas faire ça ! »

Relc se tourna vers Klbkch et le regarda.

« Est-ce qu’elle peut ? »

L’homme-fourmi acquiesça avec réticence.

« Elle est correcte. Sans son témoignage nous ne pouvons pas l’arrêter. »

Relc chancela, il regarda Pisces avec incertitude avant de se souvenir de quelque chose.

« Mais il est toujours un [Nécromancien] ! C’est un crime quel que soit ce qu’il fait ! »

Erin croisa ses bras.

« Prouve-le. »

« Quoi ? »

« Prouve. Le. Est-ce que tu peux ? Est-ce qu’il y a un moyen de vérifier ses, heu, classes ? »

Relc serra les dents.

« … Non. Pas sans un artefact. »

« Alors tu sors. Maintenant. »

Relc regarda Erin, bouche bée. Il abaissa sa lance, attrapa les pics sur sa tête et siffla. Il pointa Pisces du doigt.

« Tu fais un pas dans la ville et je vais… je vais… Tu fais un peu dans la ville et je ferai quelque chose. »

Pisces était toujours allongé au sol, il leva faiblement sa main.

« Je vous assure que… »

Une veine apparue sur le front de Relc.

« La ferme. »

Il sortit de l’auberge d’un pas colérique.

« Les Humains ! »

Relc ouvrit la porte d’un coup de pied et Erin grimaça en entendant le bois craqué. Puis, il disparut.

Klbkch passa Erin et lui fit un mouvement poli de la tête.

« Ne faites pas attention à lui. C’est dans vos droits d’appliquer votre loi dans votre établissement. Veuillez accepter nos excuses pour le désordre. »

Il s’en alla à son tour. Erin resta debout dans la pièce, regarda les chaises cassées, les tables renversée, et le carnage fait de bois qui l’entourait. Derrière elle, Pisces se releva. Il était toujours tremblant, pâle et en sueur.

« Je ne sais pas comment je peux vous remercier m… Madame Erin. S’il vous plait, veuillez accepter mes humbles… »

Bonk

Erin frappa sa tête avec sa casserole. Violemment.

« Dehors. »

« Quoi ? »

Pisces la regarda avec incompréhension. Erin leva la casserole de nouveau.

« Dehors. »

Il sortit en titubant. Erin continua de regarder le chaos dans la pièce. Il fallait le dire, et le répéter encore.

« Les mâles »

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #13 le: 20 novembre 2019 à 21:05:49 »
Interlude 1

Nettoyer l’intégralité du bois cassé dans la pièce lui prit du temps. C’était une bonne chose qu’elle avait besoin de bois pour le feu de la cuisine, mais toutes les petites échardes étaient agaçantes, encore plus quand elles rentraient dans sa main. Mais elle venait de terminer cette tâche, et maintenant il était tard.

La nuit était fraîche. Dans son auberge, Erin Solstice s’endors.

Aujourd’hui n’avait pas été un jour facile. Elle rêva de squelettes disparus et de mages ennuyeux. Elle rêva de dragons cracheurs de feu et de Gobelins, et de lézards géants mangeant des pâtes. Elle continua de dormir.

Cependant, à une infinité de kilomètres plus loin, quelque chose était en train de se produire.

***

C’était le début de l’aube dans cette partie du monde. Malgré cela, beaucoup restèrent éveillés. Cela faisait des heures qu’ils n’avaient pas dormis, et certains restèrent debout malgré la fatigue. Leurs places sont fixées. Leurs énergies sont nécessaires pour alimenter les innombrables diagrammes lumineux brûlant au sol.

Les spectateurs attendent en silence alors que l’homme au centre continu son chant. Sa voix est vacillante, fatigué après des heures de dialogue. Mais ses mots vacillants sont imbus avec un écho plus profond qui parle de magie et de pouvoir au-delà de la mortalité. Il est épuisant, mais son travail touche à sa fin.

Le sort est terminé.

Ce n’est pas le craquement de la foudre. Ce n’est pas le boom de l’espace-temps qui vient d’être loué. C’est plutôt un murmure, et de la même manière, la lumière n’est pas éblouissante. Mais une brise invisible souffle, et soudainement ils sont là.

Des humains.

De jeunes hommes et femmes. Ils apparaissent en plein mouvement, certains sont assis, d’autre sont allongés. Beaucoup apparaissent en marchant ou regardant leurs téléphones numériques, perplexité. Mais une fois que cette perplexité disparaît, seule la surprise reste.

« Quoi ? »

« Ou-suis-je ? »

« Qu’est-ce qui se passe ? »

Certains des humains invoqués crient de peur. D’autres essayent de fuir, paniqués, mais voient que leurs jambes refusent de les écouter. Peu d’entre eux regardent la pièce autour d’eux, les hommes en robes et les mages rassemblés au même endroit, et les aristocrates qui les regardent. Ils observent en silence.

Le chef en robes leva ses bras et tomba sur ses genoux. Il regarde les cieux avec un visage recouvert de larme et s’écria.

« Les Grands Héros de la Prophétie sont là ! Nous sommes sauvés ! »

Les autres hommes en robes lèvent leurs voix à leurs tours dans un concert de soulagement alors que les mages s’effondrent, épuisés, au sol. Pendant ce temps, la noblesse murmure et regarde les invoqué avec des yeux calculateurs.

Les humains se regroupent dans leurs peurs. Mais il n’y a pas d’échappatoire pour eux, et pas de menaces vers eux. Du moins, pour le moment. Ils sont confus, élus, invoqués, piégés. Ils ne sont pas les seuls.

***

La nuit est dans sa dernière heure. La campagne est pleine du chant des criquets et des chouettes, du bruit des insectes, et de plein d’autres sons mystérieux. Ou du moins, la nuit devrait être comme cela. Pour le moment tout est silencieux. Anormalement silencieux.

Un vieil homme se tient en dehors de sa maison, épée au clair. La nuit est sombre, et il devrait être chez lui à profiter de son dîner. Mais il a entendu quelque chose dehors et il est parti enquêter. Aussi profondément à la campagne il ne peut pas compter sur les patrouilles de ma milice pour rester en sécurité.

Si c’est un monstre il prendra la fuite. D’un autre côté si c’est un Gobelin solitaire ou un voleur discret tentant de lui voler quelque chose il les fera fuir. Le niveau du vieil homme dans sa classe d’[Épéiste] n’est pas élevé, mais il est assez fort pour se défendre. Cependant, il n’est pas un imbécile. Il sait que si le danger est réel la meilleure chose à faire est de se cacher et de prévenir la guilde des aventuriers le lendemain.

« Qui va là ? »

Il appel dans la nuit et espère ne pas avoir de réponse. Mais il peut le sentir… Les sentir. Quelque chose se cache juste en dehors de sa vision. Il resserre sa main autour du pommeau de son épée.
Lentement, ils s’approchent.

Des enfants. C’est la première chose à laquelle le vieil homme pense. Ce sont des enfants.

Il a beau être vieux, ils sont jeunes, c’est vrai, mais ce ne sont plus des enfants. Tout de même, il ne peut s’empêcher de les voir comme des enfants à cause de leurs apparences. Perdus, effrayé, et seuls malgré leurs nombres.

Dans tous les cas, ils étaient humains et ne représentaient clairement pas une menace, il se détendit et les appela.

« Oh, est-ce que vous vous êtes perdus les petiaux? Entrez, entrez. La temps est bien trop mauvais pour rester à l’extérieur comme ça. »

Le vieil homme rengaine son épée et les invites en ouvrant sa porte. Mais aucun des enfants ne bougent, ils le regardent. Lentement, il se rend compte que quelque chose ne va pas.

Leurs vêtements sont étranges. De toutes ses années le vieil homme n’avais jamais vu des habits aussi bizarres. Mais plus encore, ils semblent… Différents. Il regrette d’avoir rengainé son épée, est-ce qu’ils sont des créatures se déguisant en humain ? Non, ils sont humains, il peut instinctivement le sentir. Alors pourquoi est-ce qu’ils ne bougent pas ?

Leurs expressions sont tellement terrifiées que le vieil homme sait que quelque chose n’est pas normal. Les cheveux essayent de se dresser le long de sa nuque. Est-ce que ce sont des démons ? Des monstres ? Mais ils le regardent. Est-ce que quelque chose ne va pas chez lui ?

 L’un d’entre eux pointe un doigt tremblant dans sa direction. Non ; à sa ceinture.

« Est-ce que c’est une épée ? »

***

Quelques-uns, juste quelques-uns, errent sans prêter attention.

***

Une jeune femme s’arrête d’un coup. Ses cheveux sont recouverts de sueur et attaché dans une queue de cheval. Son Ipod est dans sa main, mais elle arrête la musique pour regarder autour d’elle. Une quinzaine d’hommes armés et un démon recouvert de flammes arrêtent leurs combats et la regardent à leurs tours.

***

Deux jumeaux rires et passent une intersection. Le garçon envoie son téléphone numérique en l’air et le rattrape alors que sa jumelle le réprimande ou cas où il le fasse tomber. Sa main s’arrête. Le téléphone est réduit en miette en tombant sur le sol de marbre de la salle du trône. Un roi lève la tête. Il fronce les sourcils. Les gardes royaux positionnés dans la pièce dégainent leurs épées d’un seul mouvement et charge le duo désorienté.

***

Une fille rit alors qu’ils la traînent en dehors de sa cellule. Elle est poussée en avant, et elle trébuche sur quelque chose de dur et plat. Elle regarde en l’air et vois un aventurier le regarder. Il bouge son corps recouvert d’armure et l’aide à se relever. Une femme se penche au-dessus du comptoir de la guilde des aventuriers et regarde autour. Certains sont des héros, d’autre recherche des héros. Ses gardiens ont disparus. Elle est libre.

***

Il pleut sur le monde. Durant un bref instant. Une averse d’âmes éphémères. Mais leurs impacts provoquent des vagues. Ils ne sont pas des légendes, et ils n’ont pas de pouvoirs spéciaux à l’exception de ceux que les humains possèdent. Mais ils vivent. Ils sont vivants. Et avec leurs arrivées, le monde change.

La nuit est noire. Erin dort. Elle repose sa tête sur une lisse table de bois dans une auberge se trouvant sur une colline dans une prairie recouverte d’herbe. Le silence est sa seul compagnie. Dans ses rêves elle bave un peu et murmure quelque chose à propos de pâte.

Elle est isolée, mais elle n’est plus seule.

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Re : The Wandering Inn de Piratebea (Anglais => Français)
« Réponse #14 le: 23 novembre 2019 à 21:20:32 »
1.12

Pour Erin, se lever était un calvaire, mais pas aujourd’hui. C’était parce que le véritable calvaire était pour plus tard.

Juste après le petit-déjeuner, en fait. Erin regarda sombrement les trois fruits bleus flétris qui se trouvaient sur son assiette. Elle mordit l’un d’entre eux de manière expérimentale avant de mâcher, et de mâcher, et de continuer de mâcher.

« Caoutchouteux. »

Les fruits étaient presque impossibles à mâcher. La peau de ses fruits était tellement dure qu’Erin avait l’impression de manger du caoutchouc. Enfin, c’était l’impression qu’elle se faisait du caoutchouc, la dernière fois qu’elle en avait mangée avait dû être dans sa tendre enfance.

De plus, les fruits avaient perdu leurs délicieux jus et avait un gout… Plat. Il n’y avait plus de douceur, et ils n’étaient pas appétissants du tout. Mais Erin les mangea quand même, principalement car elle n’avait rien d‘autre à manger.

« Je suis dans la mouise. Ouaip, ouaip. »

Ce n’était pas qu’elle était à cours de fruits bleus. Loin de là, il lui en restait encore beaucoup dans le verger. Enfin, pas beaucoup, mais suffisamment. Mais ils étaient, comme toute nourriture, présent en quantité limitée. De plus, le problème n’était pas avec elle, mais avec ses clients.

« Qui veut manger des fruits bleus tous les jours ? Levé la main si vous trouvez ça fun. »

Erin ne leva pas la main. Elle devait l’admettre, ils étaient goûtus et faisaient du bon jus de fruit, mais au bout du compte, ils étaient toujours des fruits.

« Et je veux un repas. Un vrai repas. Pas de fruits. Je veux du pain ! Je veux des pâtes ! Je veux une pizza et du soda et une salade et une glace ! Quoique… Non, la glace n’en vaut pas la peine. J’ai besoin de viande. Ou d’un poisson qui ne va pas me mordre en retour ! Je veux des sushis, des cheeseburgers avec des frites, des toasts, des waffles… Des céréales… »

Erin pressa les mains contre son estomac gargouillant et tenta de ne pas pleurer.

« Même des ramens instantanés seraient sympa. Est-ce que c’est vraiment trop demandé ? »

C’était trop demandé. Elle le savait. Mais la simple pensée d’un vrai repas lui mettait la larme à l’œil.

Elle pouvait gérer des Gobelins ou des Nécromanciens malpoli, voir même combattre des crabe-rochers maléfiques. Elle avait même réussi à s’occuper d’un poisson géant qui avait essayé de la manger pendant son bain. Mais elle voulait un repas.

« En plus, j’ai besoin de nourrir mes clients. »

Erin hocha la tête, les mathématiques étaient simples. Pas de nourriture = pas de clients = pas d’argent = mort de faim. L’erreur dans l’équation était que pour avoir de la nourriture, elle devait dépenser de l’argent, et elle n’avait pas moyen de le faire.

« A moins que j’aille dans la ville. »

C’était un véritable plan, elle n’était pas certaine que c’était un bon plan, mais c’était la seule option qu’elle avait. La ville. Erin se rendit à la fenêtre, cherchant l’endroit que Relc lui avait montré.

« Là-bas. »

Erin regarda les lointains bâtiments, ils semblaient se trouver loin, même si tout semblait se trouver loin dans ce monde. Une ville allait avoir des choses, comme de la nourriture, des vêtements et des brosses à dent. Cependant, Erin ne voulait toujours pas partir.

« C’est loin. Mais je dois partir. Peut-être ? Oui… Non. Non ? Oui. J’ai besoin de nourriture. Et j’ai besoin de nourrir mes clients. C’est mon devoir en tant qu’aubergiste. »

Elle s’arrêta et repensa à ce qu’elle venait de dire. Erin s’effondra dans une chaise et berça sa tête entre ses mains.

« Suis-je une aubergiste ? Est-ce que c’est ce que le monde est en train de me faire ? »

Peut-être. C’était probablement la classe d’[Aubergiste].

« Dans pas longtemps je vais avoir un gros ventre à bière et je vais commencer à porter des tonneaux de boisson. C’est ce que font les aubergistes, pas vrai ? »

Elle ne le savait vraiment. Elle n’avait jamais vraiment prêté attention à l’histoire médiévale, au du moins des parties qui étaient réellement historiques.

« Ils n’ont jamais mentionnés d’aubergiste dans les légendes du Roi Arthur. Ou peut-être que oui ? »

Il n’y avait pas de Google disponible pour l’aider donc Erin laissa tomber cette réflexion. En fait, c’était plus une distraction qu’autre chose. Le problème qui se trouvait en face d’elle était simple.

« Se rendre ou ne pas se rendre dans la ville, telle est la question. En fait, il n’y a pas de question. J’ai besoin d’aller en ville. J’ai besoin de… faire les magasins. »

Faire les magasins. Cela serait probablement plus intéressant si elle ne s’y rendait pas pour acheter de quoi survivre. Mais elle devait le faire, elle le savait.

Cependant, Erin n’aimait vraiment, vraiment pas cette idée. Elle aimait les gens, elle les aimait du fond du cœur. Mais elle avait une réaction négative quand il s’agissait de, grand A : Quitter son auberge sûre, et grand B : Voyager jusqu’à une ville lointaine qui était probablement remplie de lézards géants et d’insectes qui marchaient sur deux pattes.

Sombrement, Erin regarda de nouveau les trois fruits bleus sur son assiette. Elle sortit de l’auberge et les laissa le plus loin possible. Le jus avait laissé une désagréable sensation collante sur ses mains, mais elle ne pouvait pas y faire grand-chose.

« Je suppose que je dois me rendre jusqu’au ruisseau maintenant. Qui aurait cru que se laver les mains demandait tellement de travail ? »

Erin grommela en nettoyant ses mains contre son pantalon avant de s’arrêter de regarder ce qu’elle venait de faire.

Son pantalon était bleu, le jus de fruit était bleu. Mais contre toute attente, les tâches bleues étaient facilement visibles sur son vêtement. Ou plutôt, les tâches causées par le fruit bleu était facilement visibles, et elles n’étaient pas que sur son pantalon.

Le t-shirt d’Erin était un simple vêtement commercial avec un charmant logo d’une corporation sur l’avant et l’arrière. En vrai, elle n’y était pas réellement attachée, mais c’était le vêtement parfait à porter quand elle restait chez elle. Il ne représentait pas ses goûts en matière de vêtement.

… Ce qui était une bonne chose, parce qu’Erin aurait pleuré si elle avait abîmé un de ses-t-shirt préféré à ce point. Elle regarda les tâches bleues, toucha les coupures sur les manches et les marques de brûlure qui se trouvaient d’un côté. Elle leva son t-shirt, le renifla, et manqua de vomir.

Pour la première fois Erin toucha ses cheveux, elle mit la main à sa bouche et sentit sa respiration avant de penser à la dernière fois qu’elle s’était brossé les dents, ou qu’elle avait pris un bain avec du savon. Puis, elle écrasa cette pensée.

« Bien, c’est décidé. Je vais me rendre en ville. »

***

Erin marcha à travers la plaine. Elle aurait souhaité avoir une véritable route à suivre, mais les gens ne pouvaient pas se daigner à faire une route pavée en pleine nature. En y repensant, elle se demandait pourquoi quelqu’un avait décidé de construire une auberge au milieu de nulle part.

Peut-être que des gens avaient vécus dans le coin, ou peut-être que c’était un idiot qui avait pensé percer dans un marché encore inexploré. Dans tous les cas, Erin était reconnaissante pour l’auberge.
« Mais pourquoi devait-elle se trouver aussi loin de tout ? »

Erin descendit la pente, il fallait voir le bon côté des choses, au moins l’auberge se trouvait sur une inclinaison. Pas une véritable colline, mais une longue pente qui s’accentuait de plus en plus alors qu’elle continuait de marcher. Tout allait pour le mieux, puis Erin se rendit compte qu’elle allait devoir remonter la colline.

« Wouah. C’est une grosse colline. »

Elle continua de l’observer pendant quelque temps avant de reprendre sa marche. Relc et Klbkch lui avaient dit que la route jusqu’à la ville durait environ une vingtaine de minutes.

« Ils m’ont menti. »

Ou peut-être qu’ils marchaient vite. Erin pouvait désormais voir ce que Klbkch avait appelé Liscor au loin. La ville était encore petite, mais elle semblait bien plus proche que le reste du paysage.

Maintenant, en calculant la distance qu’elle avait parcourue et en multipliant par la vélocité de ses jambes avant de diviser par son envie de continuer de marcher…

« Trente minutes. Non ; probablement une heure. Ouais, une heure semble juste. »

Erin soupira. L’exercice allait lui faire du bien, pas vrai ? Ça forgeait le caractère ou un truc du genre.

« Donc, de quoi ai-je besoin ? »

Elle fit une rapide vérification de ce qu’elle avait sur elle. Ses pièces étaient en sécurité au fond de l’une de ses poches. Elles étaient lourdes. Elle portait ses vêtements, ce qui était important, et donnait l’impression d’être… Et bien, d’être une sans-abri. Mais elle avait de l’argent, donc qu’est-ce qu’elle allait pouvoir s’acheter avec cet argent ?

« Hum. Des vêtements. Bien sûr. Et du savon. Et une brosse à dent, s’ils ont des brosses à dent. Et du dentifrice… Qu’ils n’ont probablement pas. Mais quelque chose. J’ai besoin de nourriture, évidemment, de savon, de serviette, de lessive en… De plus de savon, et d’un peigne. »

Erin continua de marcher.

« Et une épée. J’ai besoin d’une épée. Et d’un bouclier ? D’une armure ? Et de, heu, d’un spray anti-Gobelin ? Oh, et des livres ! Des tonnes de livres. Des cartes, des livres d’histoires… Est-ce que je vais pouvoir les lire ? Quoique Relc et Klbkch parlent Anglais. Ça aussi c’est bizarre. J’ai aussi besoin de pansements, d’une aiguille et de quelqu’un pour m’apprendre à coudre… »

Erin mit la main à sa poche et ses pièces tintèrent, elle aurait aimé faire tinter plus de pièces.

« Et j’ai besoin de braquer une banque. »

D’accord. Erin recommença sa liste.

« Qu’est-ce qui est essentiel ? »

Elle compta sur ses doigts.

« Des vêtements. De la nourriture. Une brosse a dent. Du savon et une lampe. »

Elle claqua des doigts.

« Oui. Une lampe ! Et une épée. »

Elle toucha de nouveau sa poche.

« … Juste la lampe. »

***

« De l’herbe plate, de l’herbe plate, tout ce que je vois c’est de l’herbe plate. »
Erin chantonna en continuant de marcher. Elle n’était pas certaine d’avoir une véritable mélodie, mais au moins la chanson lui tenait compagnie.

« Les chevaux mangent de l’herbe, mais pas de la bombe, je vais à la ville en trombe. Ou je vais mourir de faim ! Une fois sur place je mangerai dix poires et… Hey, est-ce que c’est un Gobelin ? »

Erin tourna rapidement la tête et la petite tête du Gobelin s’abaissa brusquement. Elle plissa les yeux, oui, c’était clairement un Gobelin. Il était en train de se cacher sur une petite colline, mais elle savait qu’il était toujours là, à l’observer.

Bien. Elle est suivie. Erin ne savait pas trop quoi faire de cette révélation. Elle regarda autour d’elle et deux autres têtes disparurent alors que leurs propriétaires se cachèrent. Ils ne semblaient pas vouloir lui tendre un piège, ils étaient juste en train de la suivre.

« Hum. »

Erin s’abaissa et chercha quelque chose dans l’herbe. Éventuellement, elle trouva ce qu’elle cherchait et attendit qu’un Gobelin décide qu’elle les avait probablement oublié et sortit la tête de sa cachette. Erin se retourna brusquement en criant.

« Ouste ! »

Erin lança le caillou, ce dernier manqua la tête du Gobelin et la colline qui se trouvait derrière. Mais le nain vert comprit le message et disparu en un instant. Erin soupira.

« Super. Ils sont comme des cafards. De gros cafards verts et méchants. Avec des dents. Et des couteaux. Et des yeux rouges. »

Elle se demanda ce qu’elle devrait faire. Puis elle pensa à ce qu’elle pouvait faire.

Erin continua de marcher.

La ville continua de s’agrandir au cours de sa marche. Elle avait l’impression qu’elle n’allait pas arrêter de grandir, mais les bâtiments commencèrent à prendre de plus en plus de place dans son champ de vision. Ils n’étaient pas des gratte-ciels, mais Erin avait l’impression qu’ils étaient trop grands pour des bâtiments médiévaux. Cependant, la ville était encore loin, alors elle continua de marcher.

Et elle était toujours observée. De multiples paires d’yeux regardèrent la jeune femme alors qu’elle continua de marcher dans l’herbe. Ils l’observèrent en attendant un signe de faiblesse, quelque chose qui pouvait être exploité. Elle était observée.

De temps en temps, elle se retourna et lança une pierre.

***

Une fois devant les portes, Erin s’arrêta un long moment pour regarder la ville.

« C’est un grand mur. »

C’était un sacré euphémisme. Le mur était grand, même en le comparant aux murs normaux. Il faisait presque treize mètres de hauteur, mais Erin n’avait aucun moyen de savoir que c’était parfaitement normal pour un mur, ou que le mur en question faisait treize mètres. Pour elle, c’était un gros mur.
Mais il y avait quelque chose de particulier avec ce mur, et ce qu’Erin remarqua était la manière dont les portes avaient été bâties. Ce n’était pas une grille de fer ou une herse avec des trous bien pratique quand il fallait tirer sur un ennemi, mais deux solides portes de fers. Erin se demanda pourquoi, car les portes semblaient solides et difficiles à bouger. Elles l’étaient, et pour une bonne raison. Mais Erin n’allait pas comprendre cette raison avant un bon bout de temps.

Erin s’approcha des portes. Personne ne semblait prendre la porte en ce moment, et donc elle se sentit très seule et petite en si dirigeant vers elles. Elle s’arrêta en voyant le garde.

Il était grand, avec une armure. Il était un Drakéide avec des écailles jaunes au lieu de vertes. Jaune pâle, Erin trouvait qu’il faisait très pop-corn. Il avait aussi une épée courbée, et elle s’approcha de lui avec trépidation.
« … Salut. »

Le Drakéide baissa les yeux vers Erin avant de continuer de regarder au loin. Il avait une lance à ses côtes et un bouclier en métal sur son bras gauche. Vu qu’il n’était pas en train d’utiliser ce bouclier pour la battre à mort, Erin considéra que c’était un bon début.

« Hum. Il fait beau aujourd’hui, n’est-ce pas ? »

Une nouvelle fois, le garde lui lança un regard. Une nouvelle fois, il ne lui répondit pas.

« … D’accord. C’est juste que je suis nouvelle ici. Et une Humaine. Ravi de vous rencontrer. Mon nom est Erin. Je, heu, connais un autre type qui travaille avec vous. Relc ? Et Klb… Klb… Le type insecte ? Donc ouais. Ils me connaissent. Je ne suis pas une menace. Et, heu, j’ai vu quelques Gobelins sur la route y’a pas longtemps. Ils ne sont pas là maintenant, mais j’ai pensé qu’il valait mieux vous prévenir.»

Le Drakéide soupira de manière audible, à haute voix.

« Tu peux rentrer, Humain. Tout le monde peut rentrer dans la ville. »

« D’accord. Merci. Hum, passez une bonne journée ! »

Erin sourit. Il ne lui rendit pas son sourire.

« Je vais m’en aller. Maintenant. »

Elle dépassa le garde, et alors qu’elle venait de passer les portes de fer elle l’entendit murmurer.

« Les Humains.

Le sourire d’Erin se figea légèrement sur son visage mais elle continua d’avance jusqu’à ne plus rien entendre. Tout le monde était de mauvaise humeur quand il s’agissait de s’occuper de touristes embêtants. De plus, il était juste un garde. Elle avait passé les imposantes portes de la ville, et elle dût s’arrêter.

Car elle venait d’entrer dans Liscor. Une ville de Drakéides fougueux, construit avec l’aide des laborieux Antinium. Foyer des fiers Gnolls  et des occasionnels Homme-Bêtes, qu’il ne fallait pas confondre. Visitée par de nombreuses races et foyer de plus encore. Acceptant désormais en son sein…

Une Humaine.

 


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