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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Je peux les entendre vivre

Auteur Sujet: Je peux les entendre vivre  (Lu 1056 fois)

Hors ligne Blue-Face

  • Tabellion
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Je peux les entendre vivre
« le: 24 décembre 2015 à 15:13:58 »
Coucou,

Voilà la première petite nouvelle que je vous propose ! Du genre mystérieux/ fantastique.
Dites-moi ce que vous en pensez, ce qui est bon et surtout pas bon.

Bonne lecture !  ;)



                                                                                                 Je peux les entendre vivre

On vient juste tout juste de s'installer. Le restaurant n'est pas aussi luxueux qu'il en avait l'air, mais il n'est pas à jeter non plus. Je sens encore l'air frais sur le bout de mon nez et mes lobes d'oreilles, je commence à imprégner l'ambiance de cet endroit chaleureux et exotique. Leur musique s'adapte bien à l'atmosphère tropicale du lieu, même si elle est aussi ringarde et clichée que dans la plupart des autres.
Nous sommes confortablement assis à cette table, au-milieu d'une vingtaines d'autres peuplées. En attendant que le serveur vienne nous offrir ses services habituels, mes compagnons engagent une conversation artificielle. Toujours les mêmes...
Tandis que moi je suis assis là, à la même table, à essayer de les écouter en espérant me fondre dans leurs échanges. Parfois, je me demande pourquoi je suis avec eux.
Depuis un certain temps, je m'ennuie en leur compagnie. Jusqu'au jour où je m'effacerai en silence, ils me demanderont pourquoi je pars, je leur balancerai la vérité en plein visage.
Ces braves personnes parlent sans cesse de sujets qui ne m'intéressent pas. Ils le savent d'ailleurs j'en suis sûr, mais ils continuent. Qu'est-ce qui me retient de partir au final ?
Je pense à notre passé, aux aventures que nous avons vécus ensemble. De beaux souvenirs.
Mais quelque chose a changé.

Jim est plutôt du genre : conformiste ordinaire.
Gentil, sympathique et généreux. Il se donne parfois des airs de connards narcissiques qui m'agace très facilement. Mise à part ça, Jim n'a rien de très spécial.
Donc nous n'avons pas vraiment de discussion intéressante. Dommage.
Philip est presque pareil, sauf qu'il est plus drôle, je dirai même plus osé et détendu.
Ça reste une personne avec qui on ne peut pas parler de grand chose, mais avec qui on peut rire un minimum. Rien qu'à sa manière de s'exprimer on en rigole.
Sophie, la femme de Jim, est comme son mari au final. Elle est juste moins intéressante. Je me dis qu'ils vont bien ensemble, et que je suis bien heureux de ne pas être à la place de Jim. Je me demande encore comment il peut maintenir une relation avec si peu de conversations constructives. Un secret que je ne comprendrai probablement jamais.
Et Anna elle, n'est qu'une suiveuse à mes yeux. Un mouton de plus à cette table. Elle rit sans arrêt aux blagues de Philip, son meilleur ami. J'ai le sentiment qu'elle n'a pas de personnalité.
C'est probablement la personne que j'apprécie le moins parmi eux, et je suppose qu'elle ne m'apprécie pas non plus.
Donc voilà l'équipe avec laquelle je m'apprête à passer une soirée. Ça fait longtemps que nous avons prévu ce dîner. Personnellement, l'idée ne m'enchantait pas. Je suis venu à contre cœur. Je me demande encore ce que je fais là alors que j'aurai pu continuer mon autobiographie. Au moins j'aurai un truc à raconter.
La serveuse arrive à notre table. Nous demandant si nous avons fait notre choix.
Évidemment, c'est Jim qui se lance en premier, comme assez souvent. Ensuite sa femme, Philip, Anna et enfin moi, le larbin du groupe. Leurs menus n'ont rien d'exceptionnels, je ne m'attend pas à une explosion de saveurs. Ce sera comme 90% des restaurants que j'ai fais jusqu'à présent : sans intérêt. Le plat semble alléchant, ce qui n'est qu'une apparence malheureusement. Je me sens d'ailleurs coupable face à cette question étrange que me pose le serveur après chaque repas :

- Ça a été ?

D'un agréable ton hypocrite, je leur réponds sans arrêt la même réponse que les autres. Je ne trouverai probablement jamais le culot de leur dire :

- C'était infect, je m'en doutais un peu en fait. Un restaurant merdique de plus sur cette planète, avec des serveurs toujours aussi incapables. Pourquoi je reste ici d'ailleurs, je sais très bien comment ça se passe à chaque fois. Autant allé bouffer dans un putain de McDonald !

- Eric, magne-toi un peu

Ces paroles détestables proviennent de la bouche de Jim. Il me cause parfois de cette manière là. Durant ces instants, la seule chose que j'ai envie de faire, c'est de le l'attraper par le col et lui hurler mes violentes pensées, en espérant qu'après ça, il soit au bord des larmes.
Qu'est-ce qui me retient ?
Ah oui, le fait que ce soit un ami. Et que je suis un lâche.

- Je vais vous prendre la bavette et les pommes de terre à la vapeur

- On est dans un restaurant espagnol Eric, tu vas pas commander une bavette ?

- C'est le seul plat qui m'attire dans le menu

- C'est surtout le moins cher hein ! Dit Philip en riant. Je lui réponds d'un ton ferme.

- Peut-être, mais ce n'est pas pour ça.

- Ok Eric. Réponds Jim d'un ton neutre.

Mais qu'est-ce que je fous avec ces crétins. Je ne suis même pas un ami à leurs yeux, juste une saloperie de valet. Ils reprennent leurs conversations sans intérêts. Moi je me met à admirer l'intérieur du restaurant, m'acharnant sur des petits détails.
Comme les motifs abstraits sur les serviettes bordeaux, les tableaux d'arts contemporains chauds et paradisiaques, les chandeliers fragiles suspendus au plafond soigneusement décorés. Mais pas grand chose sur quoi s'attarder. Je jette mes yeux sur les autres gens.
La plupart n'ont rien d'exceptionnels. Vieux, moches et ordinaires. Mais une personne à une table un peu plus loin avait attirée mon attention. Une jeune femme blonde, portant un carré très glamour, est assise sur une table peuplée de minables. Le rouge de sa robe élégante s'associe à celui de ses lèvres pulpeuses. Une splendeur brille chez cette femme. Ce ne sont pas que ses yeux revolver, son sourire lumineux ou sa coiffure soignée paraissant presque artificielle, mais un visage éblouissant et angélique. Elle dégage un charme assez rare de nos jours. Je ne peux pas l'entendre parler, mais je la vois sourire à chaque fois que l'un d'eux finit de parler. Je suis hypnotisé par cette créature tandis que mes compagnons dialoguent. Elle sent le poids insistant de mon regard. Et un miracle se produit, elle détourne ses yeux vers les miens et me montre à quel point ils étaient dangereux pour un homme comme moi. Je ne me sens pas méritant de son attention, mais elle continue de me fixer et me transporte dans des pensées enviables. Puis les deux diamants rejoignent le groupe d'imbéciles. Je réalise que nous sommes, elle et moi, dans la même situation. Si seulement j'avais le courage de me lever et venir lui parler.
Tu peux toujours rêver Eric, elle est probablement déjà mariée avec l'un de ces connards armé de lourdes liasses de billets.

Le repas était comme je l'attendais : effroyablement ordinaire.
Pour les autres il était : copieux, appétissant, délicieux et frais. L'opposé de mes pensées. Je n'ai pas sorti un mot durant le dîner. Je n'ai fais qu'essayer d'échanger des regards avec la femme en rouge. Dommage qu'elle soit partie si tôt. On a plus qu'à attendre que la serveuse revienne pour nous débarrasser de nos assiettes salies par les résidus d'aliments.
Anna fait tombée sa fourchette à mes pieds, je me baisse pour la saisir. Soudain, un fracas sec et osseux perce l'atmosphère bruyante lorsque je m'exécute. Je n'ai pas entendu ce genre de son depuis des lustres, surtout pas aussi assourdissant. Je crois que ça provenait de mon dos.

- Vous avez entendu ça ? Leur ai-je demandé

- Entendu quoi ?

- Mon dos, il a craqué, c'était tellement fort, vous n'avez rien entendu ?

- Non désolé Eric. Ils continuent de parler.

Alors je poursuis mon geste entièrement. Le vacarme qui s'en suit est très désagréable et déchirant, c'est comme si toutes mes vertèbres se faisaient broyées. Mais étrangement, je ne ressens absolument rien, aucune douleur. Je ne fais qu'entendre.

- Et là, vous n'avez rien entendu ? Anna me répond d'un ton déplaisant.

- Rien du tout.

Ils me regardent comme si j'étais un enfant qui racontait des salades.
Ils sont sourds ou ils se foutent de moi ?
Ils continuent leur routine. Tandis que moi j'essaie de trouver une réponse à cette question. Je tourne la tête afin de voir si les gens ont entendus. Un enchaînement de craquements monstrueux recommence, je me suis arrêté dés que je m'en suis rendu compte. J'ai à nouveau tourné la tête vers mes superbes amis, mêmes sons, aucune réactions...Je suis le seul à les percevoir. Des intonations similaires, plus fines et grinçantes se répètent. Je baisse les yeux et me rend compte que ce ne sont pas mes doigts tapotant sur la table, mais mes phalanges remuant sous ma chair. Tout est tellement détaillé et décomposé que je peux associer un bruissement à chaque type de geste. Je commence à me faire du soucis à ce sujet. Chacun de mes mouvements produit un son sec affreusement réaliste et désagréable. C'est comme si j'entendais mes os suivre mes gestes. Le pire dans tout ça, c'est que je suis apparemment le seul à pouvoir percevoir tout ce brouhaha. Par curiosité, j'essaie des manœuvres aussi simplistes à travers d'autres parties de mon anatomie.
Je commence par lever doucement mon bras. Le résultat est malheureusement celui auquel je m'attendais. Les frottements squelettiques contre ma chair, le soulèvement saccadé de ma clavicule et les articulations creuses de mon coude et mon poignet étaient affreusement audibles. Je cesse immédiatement de m'infliger ça, alors je le ramène à sa position initiale.
Mes amis s'en fichent royalement. Anna me fusille du regard d'un air interrogateur pendant un court instant, puis les rejoint.
Quant à moi,  je retourne dans mon investigation en solitaire. Je commence vraiment à m'inquiéter. Pourquoi j'entends tout ça ? Combien de temps ça va durer ? Est-ce que je vais réussir à tenir le coup ?
Un son humide et régulier surgit progressivement. J'entends progressivement une lourde pulsation toutes les secondes. Accompagnée d'une vague de fluide se répandant à l'intérieur de mes membres et ma tête avec quelques centièmes de secondes de décalage.
Mon cœur.
J'entends cet organe et le sang qu'il fait passer à travers tous mes vaisseaux. Je perçois si nettement ces sons, que je peux sentir le sang partant de mon cœur et montant jusqu'à ma tête.
Je commence à en avoir des sueurs froides. Je ne vais pas tenir longtemps si ça continue.
Déjà que lorsque quelqu'un mêle organes, opérations ou blessures dans une conversation, je ne me sens pas bien. Cette fois c'est bien différent, c'est pire. Je les entends, de plus en plus, c'est horrible et insupportable. Il faut que j'arrive à combler ce vacarme, concentre-toi sur autre chose.
J'essaie de retourner dans la conversation, je les écoute. Ils ont changés de sujet avec le temps, qui ne m'intéresse toujours en aucun point : Les élections présidentielles à venir.
Shhhhh...Shhhhhh...Shhhhhh
Reste calme...Oublies ton corps. Ils parlent de la campagne de Bayrou.
Peng-peng...peng-peng..peng-peng.peng-peng
Je ne peux pas...Je n'y arrive pas...Ils sont toujours là.
Je peux entendre le rythme mon cœur s’accélérer. C'est horrible.
Je m'agite comme un enfant qui vient de se cogner le genou. J'entends d'ailleurs mes os craquer et se frotter à l'intérieur de tout mon corps, MON corps.
L'un d'eux grince presque comme une vieille chaise, mon genou défaillant probablement.
Je respire bruyamment. J'entends comme un sac, un sac organique se remplir et s'agiter à chaque insufflation.
Mes Poumons. J'entends mes poumons se remplir d'air chaud !
Mes oreilles commencent bourdonner. J'entends à peine la conversation et l'atmosphère autour de moi. L'ensemble est remplacé par tous ces sons organiques, liquide et osseux.
Je n'en peux plus, je ne vais pas tenir. Il faut que je leur dise.

- Je...Je me sens p...pas bien....

J'entends mes paupières se fermer en un éclair, le même son qu'une mamie qui mâche énergiquement sa nourriture. Ma mâchoire grince et craque comme un cou. J'entends à présent le suc gastrique liquéfier la bavette et les pommes de terre que j'ai dégusté il y a quelques minutes. Baignant dorénavant dans un amas d’ébullition et d'acide.

- Eric qu'est-ce qui t'arrive ?

Le poids de leur regard me met encore moins à l'aise. Ma tête se met à tourner, je ne perçois plus mes mouvements. Je suis levé mais appuyé contre quelque chose, la table probablement. J'entends les couverts se cogner contre la porcelaine. Ils commencent à se lever eux aussi.
Mes os ne cessent de grésiller dans mes tympans, comme ces vagues de sang montant dans ma tête, les pulsations ascendantes de mon cœur, mes poumons se remplissant et se vidant, mes paupières humides, ma mâchoire s'ouvrant, le repas fondant dans mon estomac.

Tout s'éteint brusquement.

À mon réveil, j'étais allongé par-terre. Le carrelage était presque chaud. Anna, Philip, Jim et quelques visages distincts étaient au-dessus de moi. Ils me fixaient comme si j'étais mort. Jim était le plus proche de moi, il me tenait plus au moins et ne cessait de répéter mon nom en espérant me réveiller. Ce qui avait marché.

- Tu nous a foutu la trouille Eric ! Qu'est-ce qui t'es arrivé ?

Je ne sais pas trop quoi répondre. J'ai que des questions flottantes dans mon esprit.
Où je suis ? Comment je suis arrivé là ? Depuis combien de temps je suis par-terre ?
Qu'est-ce qui s'est passé pour que je me retrouve comme ça ?
Je me sens encore plus confus que lorsque je me réveille d'un rêve profond. Mais après quelques secondes de constat et réflexion, j'ai fini par réussir à répondre à toutes ces questions.
Tout m'est revenu.
J'ai d'ailleurs remarqué un détail :
C'est calme.
Je n'entends plus mon corps. Mes os, mon cœur, mes poumons, mon estomac, la circulation de mon sang, mes muscles, mes paupières, ma mâchoire et tout ce qui s'en suit, sont redevenus aussi muets que dans la réalité.
Je souris inconsciemment.

- Eric ?

J'ai oublié qu'ils me parlaient. Ça me fait bizarre d'être attendu et écouté au sein de ce groupe. C'est l'une des premières fois que je suis le cœur de la conversation.

- Oui oui, ça va...ça va mieux...Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je vais me rasseoir.

- On va t'aider. Dit Philip

Les deux gars m'ont effectivement aidés à me lever et me rasseoir à cette chaise chaude. Anna me tend son verre d'eau.

- Tiens Eric, bois, ça va te faire du bien

Je le prend et le vide comme un shooter, ma gorge asséchée est à présent ravivée.

- Merci.

- Tu nous a vraiment fais peur, t'es sûr que ça va mieux ?

- Oui oui t'inquiètes. Tout va bien, j'ai dû avoir un coup de chaud ou un truc comme ça.

J'ai un mal de crâne, ce qui doit être lié au malaise.

- Il te faut une boisson sucrée, une limonade ça te va ?

Tout le monde reprend tranquillement sa routine habituelle, le restaurant se met à nouveau à vivre.

- Oui...Oui pourquoi pas

Jim s'adresse au serveur au loin, qui avait reprît le service après ce petit événement.

- Garçon ! Apportez lui une limonade s'il vous plaît !

Jim lève le bras et claque des doigts pour l'appeler.
Je peux entendre ses os se mouvoir et ses phalanges déchirer l'atmosphère du restaurant.


Nocte

  • Invité
Re : Je peux les entendre vivre
« Réponse #1 le: 24 décembre 2015 à 20:37:43 »
D'après ta présentation, tu sembles prendre l'écriture au sérieux.
Du coup, tu permettras que je retire mes gants.

Qu'est-ce qui me retient de partir au final ?
La bienséance, tout simplement ?

Au bout du premier paragraphe, je commence à développer une légère antipathie pour ton personnage. Je n'aime pas les narrateurs condescendants, vu la façon dont il parle de ses amis, je serai tenté de le placer dans cette catégorie-là.

Il se donne parfois des airs de connards narcissiques qui m'agace très facilement. Mise à part ça, Jim n'a rien de très spécial.
Mon antipathie s'aggrave.

Elle est juste moins intéressante. Je me dis qu'ils vont bien ensemble, et que je suis bien heureux de ne pas être à la place de Jim. Je me demande encore comment il peut maintenir une relation avec si peu de conversations constructives.
Elle croît encore.

Et Anna elle, n'est qu'une suiveuse à mes yeux. Un mouton de plus à cette table. Elle rit sans arrêt aux blagues de Philip, son meilleur ami. J'ai le sentiment qu'elle n'a pas de personnalité.
Et encore.

J'arrête de relever les méchancetés, il y en a trop. En tout cas, si ton but est de nous faire détester le narrateur, c'est excellemment réussi.

Mais qu'est-ce que je fous avec ces crétins. Je ne suis même pas un ami à leurs yeux, juste une saloperie de valet.
Si j'ai bien compris, le narrateur est détestable à cause d'un complexe d'infériorité.
Cela à le mérite de le rendre encore plus pathétique à mes yeux.

nous débarrasser de nos assiettes salies par les résidus d'aliments.
Assiettes sales ferait l'affaire, je pense.

j'essaie des manœuvres aussi simplistes à travers d'autres parties de mon anatomie.
Je trouve que c'est mal formulé.

Pourquoi j'entends tout ça ? Combien de temps ça va durer ? Est-ce que je vais réussir à tenir le coup ?
Il y a très peu de tension dans les passages en amont. L'effet qu'est censé produire cette suite de questionnements ne fonctionne pas.


Un son humide et régulier surgit progressivement. J'entends progressivement une lourde pulsation toutes les secondes.
Répétition.

J'entends cet organe et le sang qu'il fait passer à travers tous mes vaisseaux. Je perçois si nettement ces sons, que je peux sentir le sang partant de mon cœur et montant jusqu'à ma tête.
Je commence à en avoir des sueurs froides. Je ne vais pas tenir longtemps si ça continue.
Mal formulé, manque cruel de tension.

Déjà que lorsque quelqu'un
Je n'aime pas du tout.

C'est horrible.
Je m'agite comme un enfant qui vient de se cogner le genou.
Je vois bien que l'image de l'enfant se rapporte à son état d'agitation, mais ce choix met en totale désuétude cette situation "horrible" qu'il décrit.
Quand je pense à un enfant qui se cogne le genou, je ne suis pas réellement alarmé.

L'un d'eux grince presque comme une vieille chaise, mon genou défaillant probablement.
Je respire bruyamment. J'entends comme un sac, un sac organique se remplir et s'agiter à chaque insufflation.
Mes Poumons. J'entends mes poumons se remplir d'air chaud !
Mes oreilles commencent bourdonner. J'entends à peine la conversation et l'atmosphère autour de moi. L'ensemble est remplacé par tous ces sons organiques, liquide et osseux.
Je n'en peux plus, je ne vais pas tenir. Il faut que je leur dise.

- Je...Je me sens p...pas bien....

J'entends mes paupières se fermer en un éclair, le même son qu'une mamie qui mâche énergiquement sa nourriture. Ma mâchoire grince et craque comme un cou. J'entends à présent le suc gastrique liquéfier la bavette et les pommes de terre que j'ai dégusté il y a quelques minutes. Baignant dorénavant dans un amas d’ébullition et d'acide.

- Eric qu'est-ce qui t'arrive ?

Le poids de leur regard me met encore moins à l'aise. Ma tête se met à tourner, je ne perçois plus mes mouvements. Je suis levé mais appuyé contre quelque chose, la table probablement. J'entends les couverts se cogner contre la porcelaine. Ils commencent à se lever eux aussi.
Mes os ne cessent de grésiller dans mes tympans, comme ces vagues de sang montant dans ma tête, les pulsations ascendantes de mon cœur, mes poumons se remplissant et se vidant, mes paupières humides, ma mâchoire s'ouvrant, le repas fondant dans mon estomac.

Tout s'éteint brusquement.
J'aime bien ce passage, il est le plus réussi du texte (et le plus important, j'imagine).

il me tenait plus au moins et ne cessait de répéter mon nom en espérant me réveiller. Ce qui avait marché.
Plus ou moins.
Aussi, il me semble qu'il y a une erreur de temps dans "Ce qui avait marché".

J'ai que des questions flottantes dans mon esprit.
La négation serait plus appréciable.

Où je suis ? Comment je suis arrivé là ? Depuis combien de temps je suis par-terre ?
J'aurai préféré un "Suis-je".

Je peux entendre ses os se mouvoir et ses phalanges déchirer l'atmosphère du restaurant.
Ha ha. J'adore.


Autre remarque, parfois il manque des points et des virgules dans tes dialogues.

En résumé :
- L'idée est intéressante et plutôt bien exploitée vers la fin.
- Ton héros est détestable au départ, ce qui empêche d'avoir de l'empathie pour lui une fois que les choses vont mal (aussi connu sous le syndrome du bien-fait-pour-ta-gueule-connard)
- L'écriture manque encore de maîtrise, mais rien que la pratique ne saura combler.

Il y a du potentiel  :)

Hors ligne Blue-Face

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Re : Je peux les entendre vivre
« Réponse #2 le: 25 décembre 2015 à 23:29:55 »
Ah merci beaucoup pour ton commentaire et ton honnêteté !  ;)

à vrai dire, je ne savais pas trop comment les gens allaient voir le personnage, mais s'il paraît détestable, ainsi soit-il ! C'est bien ce qui me semblait, mon problème c'est bien l'expression et la formulation, je me complique pour a rien et je m'éloigne facilement. Merci de me l'avoir fait remarquer sincèrement !  :)
Du coup je vais essayer de corriger ces petits défauts comme je peux. Et je suis heureux que certains passages te plaisent  ;D

Encore merci pour tes conseils !

Hors ligne Alan Tréard

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Re : Je peux les entendre vivre
« Réponse #3 le: 26 décembre 2015 à 11:22:30 »
Bonjour Blue-Face,

J'ai l'impression qu'avec toi l'écriture est une tornade !!  :putainlafaute: Oui, je comprends l'utilisation du terme "antipathique" utilisé par Nocte, d'autant plus que j'adore créer des personnages antipathiques, des personnages que l'on peut détester. C'est un art à part entière. Rien de plus français que les personnages antipathiques ! Que dire de Molière qui nous faisait des "héros" faciles à détester, de Sade qui nous servait de la torture à tort et à travers, de Gainsbourg même, qui nourrissait les scandales, armé de protagonistes odieux dans ses chansons...

Pourtant, je n'emploierais pas ce mot ici, je dirais plutôt que c'est un personnage dépressif qui éprouve une profonde aversion pour son quotidien, ce personnage me fait plutôt penser à ces étranges profils qui quittent leur vie du jour au lendemain pour trouver quelque chose qui leur correspond mieux.

 :bouquine:

Ce que tu décris très bien est communément appelé une crise d'angoisse, pour ceux qui ne voient pas trop de quoi ça parle, c'est comme quand on a trop bu et qu'on perd complètement ses repères, à la limite du malaise (pour les fêtes de noël)...

Je pense que le lien entre la crise d'angoisse et le sentiment du personnage principal de ne pas être à l'aise est formel, je pense même que la réaction des convives à ignorer la détresse du personnage crée une forme de continuité dans l'intrigue, il y a de quoi nourrir un scénario complexe. Un malaise ? Bon, un verre d'eau, et on est reparti pour faire comme avant ! Rien de tel qu'une formidable dénégation pour entretenir les crises...

Oui, c'est un texte intéressant, très déprimé.
Mon carnet de bord avec un projet de fantasy.

Hors ligne Blue-Face

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Re : Je peux les entendre vivre
« Réponse #4 le: 29 décembre 2015 à 21:40:18 »
Avec quelques jours de retard, merci à toi Alan !

Je ne saisi pas en quoi l'écriture est une tornade avec moi ? Puedes explicar ?  :)
Exact, tu as raison pour l'art des personnages antipathiques, et j'aime tes comparaisons ! Cependant, ce n'était pas totalement mon intention en créant ce personnage. Je ne pensais pas que sa personnalité serait aussi importante à vos yeux à vrai dire, mais si çava dans ce sens là, tant mieux et ainsi soit-il !
J'ai toujours eu le don de faire de bonnes choses sans vraiment le vouloir  :D

Tu as presque raison sur le fait qu'il soit dépressif. À vrai dire, c'est une personne qui a souvent été un peu à part à son groupe. Arrivé là, disons qu'il ne supporte plus de traîner avec ses amis parce qu'ils le laissent souvent de côté. C'est plus au moins pour cela qu'il s'en prend à eux intérieurement.
Mais peut-être que je n'ai pas dû assez décrire leurs relations du passé et ce qui s'en suit. Ce qui fait qu'on peut avoir une image assez détestable du personnage.

Et il ne s'agit pas d'une crise d'angoisse, même si certains symptômes sont similaires. Le but était de créer comme une sorte de pathologie mystérieuse, sans aucune explication fournies. Oui, parce que j'aime laisser les lecteurs libres de penser le pourquoi du comment  :mrgreen: Comment a-t-il pu contacter ça ? Le regard de la femme ? La nourriture ? La boisson ? Le début d'un virus ? Son imagination ? Un cauchemar ?

Corrigez-moi si je me trompe mais:
le mystère accroche le spectateur

Merci beaucoup pour ton avis Alan, les informations que tu me fournies sont intéressantes !  ;)

Hors ligne Alan Tréard

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Re : Re : Je peux les entendre vivre
« Réponse #5 le: 29 décembre 2015 à 23:38:40 »
Bonsoir Blue-Face,
Le lien avec les lecteurs est très important, c'est ce qui fonde l'œuvre. Ça fait un peu peur au début, mais on se fait une raison ! Sans cet échange, pas d'efficacité à l'écriture.

 :meeting:

Je disais que l'écriture me semblait être une tornade avec toi parce que tu poses des questions humaines, décris des situations très proches de la réalité, tu nous surprends, tu nous fais douter. Après t'avoir lu, on se pose de vraies questions, on se demande si on a bien compris le texte, et ça amène de nouvelles questions.

Lorsque tu écris un tel texte, nous avons besoin de nous rattacher à la personnalité du héros pour éprouver de vraies émotions : si le héros nous plaît, nous préférons le voir réussir (créer un personnage attachant, c'est tout bénef' !!) et si le héros nous déplaît (par exemple, c'est un monstre horrible) nous préférons le voir échouer. Ainsi, le regard de ton personnage nous force à l'aimer ou non, et nous invite à apprécier notre lecture ou non.
Sans ce lien avec le personnage, on ne s'intéresserait plus à notre lecture.
Ensuite, quand tu crées un héros avec une personnalité forte, nous essayons de comprendre quelles sont ses forces, et nous voulons savoir pourquoi tu as voulu nous parler de lui : est-ce que c'est parce qu'il te ressemble ? Est-ce que c'est parce que tu veux dénoncer des choses ? Est-ce qu'il y a un propos philosophique ?

Tu as presque raison sur le fait qu'il soit dépressif.
C'est tout ce qui m'intéresse pendant ma lecture. Habituellement, des amis aussi incorrects, on n'en veut pas ! Alors qu'est-ce qui a bien pu pousser le personnage à continuer à les côtoyer ? Est-ce parce tout le monde se comporte de cette étrange manière avec lui ? Comme un pestiféré ? Est-ce parce qu'il n'est pas entendu ? Parce qu'il n'est pas considéré à sa juste valeur ? Est-ce qu'il y a une catastrophe secrète qui se déroule sous nos yeux sans que nous ne l'apercevions ? Je ressens beaucoup de détresse à découvrir ce personnage, encore plus quand il fait son malaise, et j'aimerais comprendre comment il a pu en arriver là. Ça me rappelle les pires situations, celles pendant lesquelles les repères sont brouillés ! Je me demande s'il n'y a pas un moyen pour lui de s'échapper, ou bien si c'est le trou noir à vie. Ensuite, je vais essayer de comprendre pourquoi tu as voulu aborder ce sujet, de comprendre ce qu'il y a dans ton intention. Tous les scénarios ont une intention, même quand celle-ci est implicite, complexe.

Le regard de la femme ? La nourriture ? La boisson ? Le début d'un virus ? Son imagination ? Un cauchemar ?
Une crise d'angoisse ?

Bon, après tout, ce n'est que mon interprétation de lecteur, c'est ça aussi le jeu de l'écriture.  :roidumonde:

Attention à ne pas tendre des perches à d'éventuels détracteurs qui voudraient nuire à tes textes (eh ! oui, malheureusement ça existe) et qui se serviront de tes maladresses.

le mystère accroche le spectateur
Le lecteur, mon cher ami, le mystère accroche le lecteur.
Oui, c'est bien vrai, or si tu stimules la curiosité grâce à une bonne dose de mystère, il vaut mieux ne pas décevoir tes lecteurs !! Sinon... hem, comment te dire... Il vaut mieux ne pas décevoir tes lecteurs après avoir attisé leur curiosité ! Car s'ils restent sur leur fin... déçus... tu risques de passer un mauvais quart d'heure...
Difficile de ne pas décevoir ses lecteurs !
 :aah:

Bon, je m'arrête-là pour ce soir.
Mon carnet de bord avec un projet de fantasy.

Hors ligne JigoKu Kokoro

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  • Quiche fourréé tapant n'importe quoi
Re : Je peux les entendre vivre
« Réponse #6 le: 30 décembre 2015 à 15:20:00 »
J'ai lu ton texte et le début m'a fait énormément penser à 2 jours à tuer, film de Jean Becker, dans lequel, si tu ne l'as pas vu, le personnage principal se met à parler de manière ouverte à tous le monde. Ses amis, sa famille, il dit ce qu'il pense réellement et cela décoiffe. Rien à voir en soit mais les propos m'y ont fait fortement penser (le film contient un repas entre ami pour son anniversaire justement).  :)

Bref, je trouve très original le glissement du l'ordinaire vers le mystérieux mais j'ai tout de suite reconnu le style et l'idée texte que j'avais lu sans intervenir l'autre jour Un petit saignement de nez. Je n'avais pas fait attention qu'il provenait du même auteur.   :D

Donc la mécanique est la même : un situation ordinaire avec un tableau assez noir du monde environnant, personnage un peu dépressif (je suis d'accord avec Alain Alan Tréard ^^) et puis la situation glisse, échappe à la réalité. Du coup l'effet de surprise n'y est plus pour moi et c'est dommage. Y a de l'idée en soit et je pense que la mécanique est chouette mais là c'est un autre transposition. Tu pourrais écrire 30 textes courts avec le même principe. Il manque une originalité propre à cette histoire, un truc vraiment différent.  :-\

Je m'explique :
Situation de départ : Perso en réflexion sur le monde qui l'entoure (Monde, décor, autre perso) => événement inattendu => amplification de l’événement qui prends le pas sur la situation de base => apogée => chute ou fin.

On est sur la même structure, il te faudrait peut-être la briser ou l'amener de manière différente. Commencer par l'événement inattendu, ou nous le jeter directement de manière violente au visage. Bref j'aime le principe mais moins le fait de l'avoir déjà vu.  :)

J'aime bien donc  cette transition réel-irréel dont tu sembles vouloir jouer. Je reviendrais pas en détail sur le texte, il a déjà été épluché par des lecteurs bien plus expérimentés que moi. :)

Pour la fin c'est oui et non. Relancer en suspend le phénomène c'est chouette mais je m'attendais à autre chose. Je me rapelle de la fin de ton autre texte un peu dans la même verve aussi (en gros ça va continuer).

Je serais curieux donc de te voir remanier tout cela et me surprendre  :)
« Modifié: 31 décembre 2015 à 11:37:21 par JigoKu Kokoro »
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Re : Je peux les entendre vivre
« Réponse #7 le: 31 décembre 2015 à 18:25:11 »
Yo !

Ah désolé je n'ai pas encore vu ce film, mais sûrement par la suite étant donné le sujet ;)

Eh oui ! Je suis également l'auteur de cette nouvelle !  :mrgreen: Et en effet la mécanique de ces textes sont très similaire je l'admet. Mais tous les textes que j'écris ne sont pas comme ça, c'est juste que ces deux là étaient assez courtes et que j'avais envie de critiquer l'entourage des personnages.

Tu trouve qu'il manque quelque chose à cette histoire ? Saurais-tu me dire quoi ? Enfin du moins dans quel domaine (persos, ambiance, description, trame narrative, façon de raconter, dialogues...)

Concernant la structure, tu as raison c'est vrai. Je n'ai pas pensé aux lecteurs comme toi qui connaissent déjà la procédure  :/
J'essaierai de la changer comme je peux, mais il y aura forcément des similarités avec le temps !

Mais content qu'il t'aies plu dans l'ensemble, même s'il t'a offert un air de déjà vu.


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Re : Je peux les entendre vivre
« Réponse #8 le: 01 janvier 2016 à 22:51:25 »
Citer
Tu trouve qu'il manque quelque chose à cette histoire ? Saurais-tu me dire quoi ? Enfin du moins dans quel domaine (persos, ambiance, description, trame narrative, façon de raconter, dialogues...)

Pour répondre à cette question qui se rapproche la touche d'originalité je serais tenté de te dire par exemple :

- Faire subir la crise à un autre personnage que le principal puis lui infliger quelques secondes à peine après la chute du-dit personnage
- Faire subir la crise à tous le monde Sauf au personnage principal (devient-il fou où seul rescapé ? )
- Démarré l'histoire après une première crise (comme si tu commençait à la fin de ce que tu nous a raconté) Bref on comprends qu'il s'est passé un truc et la suite nous l'explique (2ème crise avec flashback)
-Etc.

Tu vois ce ne sont que des exemples de modifications simple j'en conviens mais il change la mécanique dont je parlais. Il suffit d'un rien pour que le lecteur, qui retrouvera ton style, trouve aussi un renouveau. Ce que je veux dire c'est que tu as un goût prononcé pour le fantastique bousculant l'ordinaire mais que si effectivement tu aimes produire des histoires comme celle-ci, il te faut déjà voir large dans la façon de monter ton plan de déroulement de l'histoire.
Bousculer dès le début les habitudes de tes lecteurs sera un gros points pour susciter l'intérêt.
"Où va-t-il nous emmener" devrait être alors la première question que se poseront tes lecteurs en lisant une de tes histoires.  :)
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Re : Je peux les entendre vivre
« Réponse #9 le: 10 janvier 2016 à 12:16:16 »
Bon, encore désolé de répondre 10 jours après, comme je te l'ai dis dans "Dans l'eau": examens, pas d'internet, c'est nul.

Ok du coup, je vois ce que tu veux dire. Je pourrai utiliser tes propositions, mais je ne le ferai pas. Je n'aime pas reprendre les idées de quelqu'un, je préfère que ça vienne de moi, si tu vois ce que je veux dire.
Et le connaissant, si je le faisais ce serait peut-être un poil trop long. Oui parce que cette nouvelle est pour un concours, qui ne doit pas dépasser les 15000 signes !
Donc ma fin me convient finalement.

Concernant ton impression de déjà vu, je pense qu'elle a changée depuis ;)

Oh et du coup, j'ai retravaillé le texte, je vous met une version plus claire et corrigée (légèrement).

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Re : Je peux les entendre vivre
« Réponse #10 le: 10 janvier 2016 à 12:24:22 »
Et voilà une version améliorée (j'espère du moins !) de la nouvelle ! Bonne lecture !  ;)


Je peux les entendre vivre
[/b]

On vient juste tout juste de s'installer. Le restaurant n'est pas aussi luxueux qu'il en avait l'air, mais il n'est pas à jeter non plus. Je sens encore l'air frais sur le bout de mon nez et mes lobes d'oreilles, je commence à imprégner l'ambiance de cet endroit chaleureux et exotique. Leur musique s'adapte bien à l'atmosphère tropicale du lieu, même si elle est aussi ringarde et clichée que dans la plupart des autres.
Nous sommes confortablement assis à cette table, au-milieu d'une vingtaines d'autres peuplées. En attendant que le serveur vienne nous offrir ses services habituels, mes compagnons engagent une conversation artificielle. Toujours les mêmes...
Tandis que moi je suis assis là, à la même table, à essayer de les écouter en espérant me fondre dans leurs échanges. Parfois, je me demande pourquoi je suis avec eux. Je suis toujours ignoré quoi que je dise, alors j'arrête de parler. Je suis inutile, je m'ennuie en leurs présences et ils s'amusent entre eux. Pas très divertissant de jouer le rôle d'un objet.
Depuis un certain temps, je m'ennuie en leur compagnie. Jusqu'au jour où je m'effacerai en silence, ils me demanderont pourquoi je pars, je leur balancerai la vérité en plein visage.
Ces braves personnes parlent sans cesse de sujets qui ne m'intéressent pas. Ils le savent d'ailleurs j'en suis sûr, mais ils continuent. Qu'est-ce qui me retient de partir au final ?
Je pense à notre passé, aux aventures que nous avons vécus ensemble. De beaux souvenirs.
Mais quelque chose a changé.

Jim est plutôt du genre : conformiste ordinaire.
Gentil, sympathique et généreux. Il se donne parfois des airs de connards narcissiques qui m'agace très facilement. Mise à part ça, Jim n'a rien de très spécial.
Donc nous n'avons pas vraiment de discussion intéressante. Dommage.
Philip est presque pareil, sauf qu'il est plus drôle, je dirai même plus osé et détendu.
Ça reste une personne avec qui on ne peut pas parler de grand chose, mais avec qui on peut rire un minimum. Rien qu'à sa manière de s'exprimer on en rigole.
Sophie, la femme de Jim, est comme son mari au final. Elle est juste moins intéressante. Je me dis qu'ils vont bien ensemble, et que je suis bien heureux de ne pas être à la place de Jim. Je me demande encore comment il peut maintenir une relation avec si peu de conversations constructives. Un secret que je ne comprendrai probablement jamais.
Et Anna elle, n'est qu'une suiveuse à mes yeux. Un mouton de plus à cette table. Elle rit sans arrêt aux blagues de Philip, son meilleur ami. J'ai le sentiment qu'elle n'a pas de personnalité.
C'est probablement la personne que j'apprécie le moins parmi eux, et je suppose qu'elle ne m'apprécie pas non plus.
Donc voilà l'équipe avec laquelle je m'apprête à passer une soirée. Ça fait longtemps que nous avons prévu ce dîner. Personnellement, l'idée ne m'enchantait pas. Je suis venu à contre cœur. Je me demande encore ce que je fais là alors que j'aurai pu continuer mon autobiographie. Au moins j'aurai un truc à raconter.
La serveuse arrive à notre table. Nous demandant si nous avons fait notre choix.
Évidemment, c'est Jim qui se lance en premier, comme assez souvent. Ensuite sa femme, Philip, Anna et enfin moi, le larbin du groupe. Leurs menus n'ont rien d'exceptionnels, je ne m'attend pas à une explosion de saveurs. Ce sera comme 90% des restaurants que j'ai fais jusqu'à présent : sans intérêt. Le plat semble alléchant, ce qui n'est qu'une apparence malheureusement. Je me sens d'ailleurs coupable face à cette question étrange que me pose le serveur après chaque repas :
Ça a été ?
D'un agréable ton hypocrite, je leur réponds sans arrêt la même réponse que les autres. Je ne trouverai probablement jamais le culot de leur dire :
C'était infect, je m'en doutais un peu en fait. Un restaurant merdique de plus sur cette planète, avec des serveurs toujours aussi incapables. Pourquoi je reste ici d'ailleurs, je sais très bien comment ça se passe à chaque fois. Autant allé bouffer dans un putain de McDonald !
Eric, magne-toi un peu
Ces paroles détestables proviennent de la bouche de Jim. Il me cause parfois de cette manière là. Durant ces instants, la seule chose que j'ai envie de faire, c'est de le l'attraper par le col et lui hurler mes violentes pensées, en espérant qu'après ça, il soit au bord des larmes.
Qu'est-ce qui me retient ?
Ah oui, le fait que ce soit un ami. Et que je suis un lâche.
Je vais vous prendre la bavette et les pommes de terre à la vapeur
On est dans un restaurant espagnol Eric, tu vas pas commander une bavette ?
C'est le seul plat qui m'attire dans le menu
C'est surtout le moins cher hein ! Dit Philip en riant. Je lui réponds d'un ton ferme.
Peut-être, mais ce n'est pas pour ça.
Ok Eric. Réponds Jim d'un ton neutre.
Mais qu'est-ce que je fous avec ces crétins. Je ne suis même pas un ami à leurs yeux, juste une saloperie de valet. Ils reprennent leurs conversations sans intérêts. Moi je me met à admirer l'intérieur du restaurant, m'acharnant sur des petits détails.
Comme les motifs abstraits sur les serviettes bordeaux, les tableaux d'arts contemporains chauds et paradisiaques, les chandeliers fragiles suspendus au plafond soigneusement décorés. Mais pas grand chose sur quoi s'attarder. Je jette mes yeux sur les autres gens.
La plupart n'ont rien d'exceptionnels. Vieux, moches et ordinaires. Mais une personne à une table un peu plus loin avait attirée mon attention. Une jeune femme blonde, portant un carré très glamour, est assise sur une table peuplée de minables. Le rouge de sa robe élégante s'associe à celui de ses lèvres pulpeuses. Une splendeur brille chez cette femme. Ce ne sont pas que ses yeux revolver, son sourire lumineux ou sa coiffure soignée paraissant presque artificielle, mais un visage éblouissant et angélique. Elle dégage un charme assez rare de nos jours. Je ne peux pas l'entendre parler, mais je la vois sourire à chaque fois que l'un d'eux finit de parler. Je suis hypnotisé par cette créature tandis que mes compagnons dialoguent. Elle sent le poids insistant de mon regard. Et un miracle se produit, elle détourne ses yeux vers les miens et me montre à quel point ils étaient dangereux pour un homme comme moi. Je ne me sens pas méritant de son attention, mais elle continue de me fixer et me transporte dans des pensées enviables. Puis les deux diamants rejoignent le groupe d'hommes en costumes. Je réalise que nous sommes, elle et moi, dans la même situation. Si seulement j'avais le courage de me lever et venir lui parler.
Tu peux toujours rêver Eric, elle est probablement déjà mariée avec l'un de ces connards armé de lourdes liasses de billets.

Le repas était comme je l'attendais : effroyablement ordinaire.
Pour les autres il était : copieux, appétissant, délicieux et frais. L'opposé de mes pensées. Je n'ai pas sorti un mot durant le dîner. Je n'ai fais qu'essayer d'échanger des regards avec la femme en rouge. Dommage qu'elle soit partie si tôt. On a plus qu'à attendre que la serveuse revienne pour nous débarrasser de nos assiettes sales.
Anna fait tombée sa fourchette à mes pieds, je me baisse pour la saisir. Soudain, un fracas sec et osseux perce l'atmosphère bruyante lorsque je m'exécute. Je n'ai pas entendu ce genre de son depuis des lustres, surtout pas aussi assourdissant. Je crois que ça provenait de mon dos.
Vous avez entendu ça ? Leur ai-je demandé
Entendu quoi ?
Mon dos, il a craqué, c'était tellement bruyant. Vous n'avez rien entendu ?
Non désolé Eric. Ils continuent de parler.
Alors je poursuis mon geste entièrement. Le vacarme qui s'en suit est très désagréable et déchirant, c'est comme si toutes mes vertèbres se faisaient broyées. Mais étrangement, je ne ressens absolument rien, aucune douleur. Je ne fais qu'entendre.
Et là, vous n'avez rien entendu ? Anna me répond d'un ton déplaisant.
Rien du tout.

Ils me regardent comme si j'étais un enfant qui racontait des salades.
Ils sont sourds ou ils se foutent de moi ?
Ils continuent leur routine. Tandis que moi j'essaie de trouver une réponse à cette question. Je tourne la tête afin de voir si les gens ont entendus. Un enchaînement de craquements monstrueux recommence, je me suis arrêté dés que je m'en suis rendu compte. J'ai à nouveau tourné la tête vers mes superbes amis, mêmes sons, aucune réactions...Je suis le seul à les percevoir. Des intonations similaires, plus fines et grinçantes se répètent. Je baisse les yeux et me rend compte que ce ne sont pas mes doigts tapotant sur la table, mais mes phalanges remuant sous ma chair. Tout est tellement détaillé et décomposé que je peux associer un bruissement à chaque type de geste. Je commence à me faire du soucis à ce sujet. Chacun de mes mouvements produit un son sec affreusement réaliste et désagréable. C'est comme si j'entendais mes os suivre mes gestes. Le pire dans tout ça, c'est que je suis apparemment le seul à pouvoir percevoir tout ce brouhaha. Par curiosité, je tente discrètement d'autres mouvements.
Je commence par lever doucement mon bras. Le résultat est malheureusement celui auquel je m'attendais. Les frottements squelettiques contre ma chair, le soulèvement saccadé de ma clavicule et les articulations creuses de mon coude et mon poignet étaient affreusement audibles. Je cesse immédiatement de m'infliger ça, alors je le ramène à sa position initiale.
Mes amis s'en fichent royalement. Anna me fusille du regard d'un air interrogateur pendant un court instant, puis les rejoint.
Quant à moi,  je retourne dans mon investigation en solitaire. Je commence vraiment à m'inquiéter. Comment je peux percevoir ça ? Est-ce que je deviens fou ?
Un son humide et régulier surgit progressivement. J'entends une lourde pulsation toutes les secondes. Accompagnée d'une vague de fluide se répandant à l'intérieur de mes membres et ma tête avec quelques centièmes de secondes de décalage.
Mon cœur.
J'entends le flux qu'il fait passer à travers tous mes vaisseaux. Je perçois si nettement ces sons, que je peux sentir le sang partant de mon cœur et montant jusqu'à ma tête.
Je commence à en avoir des sueurs froides. Je ne vais pas tenir longtemps si ça continue.
Dés que quelqu'un mêle organes, opérations ou blessures lors d'une conversation, je blanchit. Cette fois c'est bien différent, c'est pire. Je les entends, de plus en plus, c'est horrible et insupportable. Il faut que j'arrive à combler ce vacarme, concentre-toi sur autre chose.
J'essaie de retourner dans la conversation, je les écoute. Ils ont changés de sujet avec le temps, qui ne m'intéresse toujours en aucun point : Les élections présidentielles à venir.
Shhhhh...Shhhhhh...Shhhhhh
Reste calme...Oublies ton corps. Ils parlent de la campagne de Bayrou.
Peng-peng...peng-peng..peng-peng.peng-peng
Je ne peux pas...Je n'y arrive pas...Ils sont toujours là.
Je peux entendre le rythme mon cœur s’accélérer. C'est horrible.
Je m'agite d'avant en arrière comme un attardé tellement je ne peux plus les supporter. J'entends d'ailleurs mes os craquer et se frotter à l'intérieur de tout mon corps, MON corps.
L'un d'eux grince presque comme une vieille chaise, mon genou défaillant probablement.
Je respire bruyamment. J'entends comme un sac, un sac organique se remplir et s'agiter à chaque insufflation.
Mes Poumons. J'entends mes poumons se remplir d'air chaud !
Mes oreilles commencent bourdonner. J'entends à peine la conversation et l'atmosphère autour de moi. L'ensemble est remplacé par tous ces sons organiques, liquide et osseux.
Je n'en peux plus, je ne vais pas tenir. Il faut que je leur dise.
Je...Je me sens p...pas bien....
J'entends mes paupières se fermer en un éclair, le même son qu'une mamie qui mâche énergiquement sa nourriture. Ma mâchoire grince et craque comme un cou. J'entends à présent le suc gastrique liquéfier la bavette et les pommes de terre que j'ai dégusté il y a quelques minutes. Baignant dorénavant dans un amas d’ébullition et d'acide.
Eric qu'est-ce qui t'arrive ?
Le poids de leur regard me met encore moins à l'aise. Ma tête se met à tourner, je ne perçois plus mes mouvements. Je suis levé mais appuyé contre quelque chose, la table probablement. J'entends les couverts se cogner contre la porcelaine. Ils commencent à se lever eux aussi.
Mes os ne cessent de grésiller dans mes tympans, comme ces vagues de sang montant dans ma tête, les pulsations ascendantes de mon cœur, mes poumons se remplissant et se vidant, mes paupières humides, ma mâchoire s'ouvrant, le repas fondant dans mon estomac.

Tout s'éteint brusquement.

À mon réveil, j'étais allongé par-terre. Le carrelage était presque chaud. Anna, Philip, Jim et quelques visages distincts étaient au-dessus de moi. Ils me fixaient comme si j'étais mort. Jim était le plus proche de moi, il me tenait plus au moins et ne cessait de répéter mon nom en espérant me réveiller. Ce qui a visiblement marché.
Tu nous a foutu la trouille Eric ! Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
Je ne sais pas trop quoi répondre. Je n'ai que des questions flottantes dans mon esprit.
Où suis-je ? Comment je suis arrivé là ? Depuis combien de temps je suis par-terre ?
Qu'est-ce qui s'est passé pour que je me retrouve comme ça ?
Je me sens encore plus confus que lorsque je me réveille d'un rêve profond. Mais après quelques secondes de constat et réflexion, j'ai fini par réussir à répondre à toutes ces questions.
Tout m'est revenu.
J'ai d'ailleurs remarqué un détail :
C'est calme.
Je n'entends plus mon corps. Mes os, mon cœur, mes poumons, mon estomac, la circulation de mon sang, mes muscles, mes paupières, ma mâchoire et tout ce qui s'en suit, sont redevenus aussi muets que dans la réalité.
Je souris inconsciemment.
Eric ?
J'ai oublié qu'ils me parlaient. Ça me fait bizarre d'être attendu et écouté au sein de ce groupe. C'est l'une des premières fois que je suis le cœur de la conversation.
Oui oui, ça va...ça va mieux...Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je vais me rasseoir.
On va t'aider. Dit Philip
Les deux gars m'ont effectivement aidés à me lever et me rasseoir à cette chaise chaude. Anna me tend son verre d'eau.
Tiens Eric, bois, ça va te faire du bien
Je le prend et le vide comme un shooter, ma gorge asséchée est à présent ravivée.
Merci.
Tu nous a vraiment fais peur, t'es sûr que ça va mieux ?
Oui oui...Tout va bien. J'ai dû avoir un coup de chaud ou un truc comme ça.
J'ai un mal de crâne, ce qui doit être lié au malaise.
Il te faut du sucre, une limonade ça te va ?
Tout le monde reprend tranquillement sa routine habituelle, le restaurant se met à nouveau à vivre.
Oui...Oui pourquoi pas
Jim s'adresse au serveur au loin, qui avait reprît le service après ce petit événement.
Garçon ! Apportez lui une limonade s'il vous plaît !
Jim lève le bras et claque des doigts pour l'appeler.
Je peux entendre ses os se mouvoir et ses phalanges déchirer l'atmosphère du restaurant.

 


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