Le Monde de L'Écriture

Coin écriture => Textes mi-longs => Discussion démarrée par: Tigrani le 28 mai 2020 à 21:12:02

Titre: Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Tigrani le 28 mai 2020 à 21:12:02
Amélia



Amélia S. était une femme d'une grande courtoisie et d'une discrète mélancolie. Jamais je n'ai rencontré lectrice plus érudite, ni plus soucieuse de dissimuler son érudition, à tel point qu'il m'est arrivé de découvrir tout à fait fortuitement l'étendue de ses connaissances, dans des domaines qu'elle n'avait jusqu'alors pas mentionnés au cours de nos conversations.

En s'attardant auprès de sa bibliothèque, on pouvait remarquer sur la première rangée :
_ Grille de parole de Paul Celan ;
_ Le Nom et les symboles de Dieu dans la mystique juive de Gershom Scholem ;
_ L'anatomie de la mélancolie de Robert Burton ;
_ Histoire du tarot d'Isabelle Nadolny ;
_ Les anneaux de Saturne de W. G. Sebald ;
_ Le théâtre du monde de Dame Frances Yates ;
_ Le Journal intime de John Dee (mathématicien du XVIe siècle féru de mystique et de magie).

Amélia S. aimait se promener dans les lieux que citaient ses ouvrages favoris, croyant confusément y retrouver l'âme de leur auteur. Elle avait pris pour habitude de noter ses rêves au réveil, malgré sa conviction qu'on ne pouvait les interpréter. Elle se défendait au demeurant d'être superstitieuse.





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Fingal



C'était un homme trapu à la démarche légèrement boiteuse. Le cordon de nylon bleu qui faisait le tour de son crâne n'empêchait pas ses lunettes de glisser de son nez, ce qui provoquait soupirs, jurons et gestes agacés. Sa connaissance de la littérature contestataire étasunienne lui valait néanmoins la sympathie des jeunes révolutionnaires du club de lecture local, même s'il rappelait souvent la position somme toute modérée de beaucoup des artistes composant sa collection.

Voici quels ouvrages figuraient dans la pile la plus proche de son lit (Fingal n'avait pas à proprement de bibliothèque, mais des tas de livres) :
_ Le livre de Yaak : Chronique du Montana de Rick Bass ;
_ A Wild Patience Has Taken Me This Far d'Adrienne Rich ;
_ Mon Ántonia de Willa Cather ;
_ Dans la ville des chasseurs solitaires de Tom Spanbauer ;
_ La ballade du café triste de Carson McCullers ;
_ La fille de l'optimiste d'Eudora Welty.

Je ne peux pas oublier le regard déçu qu'il posa sur moi le jour où je renonçai à lui emprunter Les raisins de la colère de John Steinbeck, un auteur qui lui était particulièrement cher depuis sa lecture de La perle à l'âge de douze ans, un moment de la vie où la prise de conscience des injustices "vous marquent au fer rouge", comme il le disait lui-même. Il répétait ces mots avec bonhomie, leur charge émotive s'étant émoussée avec les années, si bien que pour cette révolte initiale subsistait surtout une forme de tendresse.





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Anne-Rose



Anne-Rose F. ne lisait pas de romans ni de pièces de théâtre. Quand on lui demandait pourquoi, elle répondait, après un instant de réflexion, qu'elle n'aimait pas "imaginer", ou alors très peu, ce qu'il fallait pour habiller les choses, le minimum de décors. Elle ne savait pas pourquoi la poésie faisait exception. "Peut-être parce qu'elle compose avec des vérités ?", tentait-elle avec une moue. Elle n'avançait jamais rien sans avoir l'air de douter de ce qu'elle disait. Une prudence qu'exprimait aussi son petit rire cristallin, à la fois timide et sincère, un rire qui faisait souvent office de ponctuation à ses phrases.

Anne-Rose avait caché ses recueils dans une armoire, mais sur son bureau étaient empilées diverses traductions des poèmes d'Anna Akhmatova :
_ Requiem, traduction de Paul Valet.
_ Anthologie, traduction de Jacques Burko.
_ Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, traduction de Jean-Louis Backès.
_ L'Églantier fleurit, et autres poèmes, traduction de Marion Graf et José-Flore Tappy.
_ Requiem et d'autres poèmes, traduction d'Henri Deluy.
_ Les Poésies d'amour, traduction d'Henri Abril.

Elle indiquait posséder d'autres recueils encore, ainsi que des journaux, des témoignages et des essais de contemporaines russes. Anne-Rose était dotée d'un goût pour l'abstraction qui n'excluait pas la précision ni le sens du détail. Lorsqu'elle citait des ouvrages étrangers, elle s'attachait à en déployer les interprétations multiples, mot après mot, avec un plaisir évident.





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Conversation I



Si Anne-Rose avait dû citer une lecture fondatrice ? Il aurait s'agi d'une anthologie de poèmes de langue française. Enfant, elle aimait particulièrement Marceline Desbordes-Valmore et Stéphane Mallarmé, dont les recueils furent ses premières acquisitions. Amélia, elle, aurait raconté un conte de fées : "Il était une fois un loup, une biche, une sorcière ...". Amélia ne cessait d'habiter le pays du merveilleux, parce que c'était là que "tout entière elle [se] retrouvait". "Plus les marques de fictions abondent, plus ce qui est narré m'est proche", ajouta-t-elle. Fingal acquiesça : "Il faut une grosse dose de vérité pour confectionner des mensonges". Anne-Rose aurait voulu connaître ce sentiment, mais cette contrée lui échappait comme quelque chose qu'on ignorait avoir perdu.





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Nora



De part ses airs de femme de lettres aristocrate, Nora J. en intimidait plus d'un. C'était Amélia, dont elle était la proche amie, qui l'avait présentée au club de lecture local. Nora était pétrie de culture classique, amatrice de beau style et féministe convaincue. Elle me recevait chez elle avec cette politesse pleine de décontraction qui est le signe de la plus haute distinction. Nora n'était pourtant pas issue d'un milieu aisé : elle semblait devoir ses manières à toutes les dames de la noblesse qu'elle avait lues avec passion.

Dans sa bibliothèque, Nora avait mis quelques œuvres en évidence :
_ Ourika de Claire de Duras ;
_ Les Lettres de Madame de Sévigné, Julie de Lespinasse et Madame du Deffand ;
_ L'Heptaméron de Marguerite de Navarre ;
_ Le Discours sur le bonheur d'Émilie du Châtelet ;
_ Corinne ou l'Italie de Madame de Staël ;
_ La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette ;
_ Les romans de Virginia Woolf.

Ces lectures étaient aussi bien la marque d'un engagement politique que d'un certain snobisme, d'ailleurs revendiqué avec amusement. Nora appréciait les textes rares et anciens, qu'elle citait et défendait loyalement non sans une pointe de cuistrerie.





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Iñacio



Iñacio A. fréquentait peu les librairies. Ce grand lecteur récupérait les romans que sa voisine lui donnait, et complétait ce stock par quelques achats au marché d'occasions le vendredi. Lui-même ne gardait presque rien, préférant disperser les œuvres chez les gens ou dans les "boîtes à livres" mises à disposition par la ville. Ainsi ne possédait-il pas de bibliothèque, mais des piles à la composition éphémère, à l'exception de celle qu'il avait placée sous sa table de chevet. On n'y trouvait que des romans d'Agatha Christie. Tous les ans depuis l'adolescence, il les relisait un par un.





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Conversation II



"On doit toujours ses lectures à autrui", remarqua Iñacio. "Moi, j'ai récupéré les romans de mes parents, de ma voisine ou d'inconnus". Anne-Rose partageait ce constat, en raison de ses nombreux échanges de recueils poétiques avec d'autres passionnées. Amélia en revanche n'était pas entièrement d'accord : elle passait de longues heures à flâner dans les librairies pour provoquer l'imprévu. Mais tout aussi souvent, elle se fiait à ses auteurs favoris ou à ses amies, en particulier Nora, laquelle reconnaissait du reste la réciprocité de cette influence. Cette dernière fit néanmoins valoir le poids de ses études dans la constitution de sa bibliothèque, et notamment le besoin d'être reconnue comme une personne cultivée selon les critères de la bourgeoisie élitiste. Fingal restait songeur. De son côté, c'était l'amour qui avait formé ses goûts, non tant par des discussions de couple, qu'à travers le regard imaginé d'une femme dont il n'était pas aimé en retour. "Je lisais ce qui aurait pu lui plaire, ce qu'elle aurait approuvé. Au fond, je n'en savais rien. C'est une fiction, une pure fiction, qui a donné son image à ma bibliothèque pendant plusieurs années".





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L'amour d'Amélia



"Je ne ressens d'abandon que dans une frénésie de lecture, où mes mains ouvrent, plient, caressent les pages. Ma bibliothèque me tient lieu d'amour, avec sa hâte et sa volupté, son ardeur, sa fidélité. Longtemps je me suis demandé si je saurais sortir de ce jardin des délices aux murs de papiers, trouver d'autres compagnies. Autour de moi tout n'est qu'ordre strict et lumière trop tranchante. Je préfère la nuit".





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Conversation III



Avec l'un de ses premiers salaires d'enseignante agrégée, Nora s'acheta une édition illustrée des œuvres complètes de Colette. Les dessins aux couleurs chatoyantes et les reliures ciselées dataient des années 1950, ce qui la remplissait d'admiration et de fierté. Nora n'avait alors rien d'une bibliophile, mais son attention aux objets précieux pouvait l'engager dans cette voie. Ses amis du club de lecture haussaient les épaules. "Un livre, ça se traîne, ça s'écorne, ça se tache", marmonne Fingal. L'œil rieur, Amélia la mit en garde : "La bibliophilie, c'est la maladie des gens qui ne lisent plus". Anne-Rose trouva la plaisanterie injuste, couvant du regard ses recueils aux couvertures multicolores : "Cet aspect n'est pas négligeable. La beauté matérielle fait partie de la poésie, de son rythme, de ses respirations, de sa danse aussi". "Moi, je m'en moque", rétorqua Fingal. "Quand je lis, paradoxalement, mes yeux ne voient plus le papier sur lequel les lettres sont couchées. Un second regard s'ouvre, et il est intérieur. Ça fait la nuit sur tout le reste". Possesseur temporaire de livres d'occasion destinés à d'autres mains, Iñacio ne put qu'approuver. "Je ne sais pas", finit par murmurer Amélia. "Après tout, je me souviens encore du vent qui soufflait entre les pages des Vagues de Virginia Woolf. Comme si les sensations tactiles, les odeurs et les sons s'engouffraient dans les espaces imaginaires. Comme si on ne pouvait plus jamais les détacher du souvenir qu'on en garde ... Je ne sais pas. Mais mon exemplaire est très abîmé. J'aime qu'il le soit : sa peau est ridée ainsi qu'un vieux voyageur".



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Rituel d'Anne-Rose



"Assise dans un café, j'ouvre un recueil. Je porte à mon nez les papiers imbibés de parfum que j'y avais glissés quelques temps auparavant, puis les replace sans ordre entre les pages. Cela ressemble à un acte propitiatoire, ou alors, si cette image vous paraît trop solennelle, à la mise en appétit que constitue l'apéritif. Je respire l'odeur du livre mêlée à celle des muscs, des fleurs, des ambres ... Et picore deux ou trois poèmes au hasard".





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Rachel



Elle qui avait fait de longs voyages et appris de nombreuses langues, elle conservait en matière d'art un enthousiasme de novice. Les réactions spontanées de Rachel W. à la littérature se déclinaient sous trois expressions : "très top", "fort chouette", ou un simple "super" qui faisait traîner le "u" pour donner de la force à l'exclamation. Face au déplaisir ou à la tiédeur, elle n'avait pas de mots, mais un sourire indulgent. Rachel manifestait une prédilection pour les œuvres traduites. Tous les continents et idiomes l'intéressaient sans discrimination aucune, et lorsqu'elle était en mesure de les comprendre, elle appréciait les lectures en langue étrangère. Elle recevait chez elle dans une tenue peu apprêtée, un tee-shirt trop large et un short, les pieds nus.

Sa bibliothèque croulait sous les livres. Les étagères les plus hautes s'étaient effondrées, et sur le sol gisaient une bonne quinzaine d'œuvres, parmi lesquelles :
_ Avant que le coq chante, de Cesare Pavese ;
_ Notes de chevet, de Sei Shonagon ;
_ Anthologie de la nouvelle serbe ;
_ Sentinelles de la nuit, de Silvina Ocampo ;
_ des romans étasuniens prêtés par Fingal.

Rachel papillonnait d'un livre à l'autre, s'interrompait, se raccrochait à nouveau au sujet d'origine, digressait, puis proposait de but en blanc de boire une bière. Elle s'asseyait la mine satisfaite, soupirait d'aise, et regardait sa montre : le temps était si vite passé.





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Le baptême du Groupe des Cerisiers



C'est Rachel qui la première en parla. Elle était si emportée par sa lecture qu'elle ne put s'empêcher d'en rendre compte par sms à Fingal et Amélia. Six mois plus tard, les six amis se réunissaient sous les cerisiers du jardin collectif attenant à la résidence où vivait Anne-Rose. Assis en tailleur sur des plaids, des chips et des fruits placés au centre de leur cercle, ils s'apprêtaient à partager l'un de ces moments à la fois simples et lumineux qui peu à peu les avaient liés. Fingal secouait L'accordeur de silences de Mia Couto avec ferveur, ses lunettes tressautant sur son nez : "Il faut lire ce chef-d'œuvre". Rachel fit la présentation du livre avec moults superlatifs, soutenue par les hochements de tête convaincus d'Amélia. Iñacio, Nora, et même Anne-Rose s'engagèrent à le découvrir, acceptant joyeusement cette parodie de conversion. Le roman circula de main en main. Après quoi, le petit club décida d'en faire son œuvre "culte", au nom du "Groupe des cerisiers".





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Les amulettes de Rachel



"Je ne peux pas sortir sans livres. Mes sacs et mes blousons possèdent tous assez d'espace pour en contenir au moins un. Mais la plupart du temps, j'en emporte plusieurs : un roman, un recueil de poèmes, une œuvre de sciences humaines. Une bibliothèque ambulante, mon corps chargé de pages comme un oiseau couvert de plumes. En l'absence des livres, je me sens nue, exposée, vulnérable. Ce sont mes amulettes".





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La traque : Amélia



Elle plisse ses yeux de myope, et scrute les noms des dramaturges par ordre alphabétique ... R ... S ... T ... Amélia est si souvent venue inspecter ce rayon sans y trouver ce qu'elle cherchait. Il n'est pas là, il n'est pas là : l'édition est depuis longtemps épuisée, de sorte que son espoir d'en acquérir un exemplaire d'occasion reste mince. Elle traverse plusieurs quartiers, entre dans une autre librairie, fouille des cartons, déplace des piles, monte une échelle. Il est là. Ariane, de Marina Tsvetaïeva. Elle s'exclame devant les mines éberluées des badauds : "Je l'ai !", en se laissant glisser le long des barreaux. Amélia paie la pièce de théâtre à la couverture défraîchie, emporte fébrilement son butin, et téléphone à Anne-Rose : "Je l'ai ! Le Tsvetaïeva qui nous manquait ! Je l'ai !".





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Conversation IV



"J'ai été une petite fille seule. Rêveuse, et seule. C'est peut-être pour ça que j'ai développé très tôt le goût des livres ?", s'interroge Anne-Rose autour d'un café avec ses amies du Groupe des Cerisiers. "Oh tiens, moi j'aurais dit que j'avais remporté cette solitude comme une victoire : cette sorte de tranquillité était difficile à trouver à la maison, avec mes frères et sœurs. Mais quand je me blottissait dans un coin avec un livre, j'obtenais le droit d'être seule, on murmurait "chut ! Nora lit", et alors un silence respectueux s'installait". Rachel mord pensivement dans un gâteau, puis ajoute : "C'est pareil pour moi, la lecture représente une pause dans un quotidien plein d'animation et de bruit. Toutefois ...", ses yeux se perdent vers la rue, "elle n'est pas tout à fait synonyme d'isolement. Elle est très peuplée, cette solitude, vous ne trouvez pas ?". Elle fouille dans son sac et en sort Le bel été de Cesare Pavese : "Cet auteur, c'est toi, Amélia, qui me l'a fait découvrir. Quand je le lis, je t'y sens étrangement présente, ou en tous cas je pense à toi". Anne-Rose acquiesce : "C'est ce que soutient Fingal, me semble-t-il. On ne peut se plonger dans une œuvre sans être accompagné, d'une certaine façon". "Depuis que je fréquente notre groupe, je me sens moins seule", admet Amélia.





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Poème d'Anne-Rose



J'ai gardé ce livre-là
que tu m'avais prêté, toi
qui t'en es allé depuis.

Je ne l'ai jamais lu.
Il demeure
sur une étagère, intact.

Si l'on y songe,
c'est plein de fantômes,
une bibliothèque :

ceux de nos moi passés,
ceux d'inconnus,
ceux des amis perdus.





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Matins : Amélia



"Il y a en moi une infinité de lectrices : je suis la somme d'émerveillements, de suites de mots apprises par cœur, d'ignorances et d'oublis. De lectures passées et à venir, ennuyées ou voraces, distraites ou appliquées. Si je tends le bras pour saisir un livre dans la bibliothèque qui surplombe mon lit, si je consulte une page au hasard (ce que je fais souvent), ce geste modifiera toute l'équation de mon expérience. Plus encore, je suis suprises par les appréciations diverses que je peux avoir des œuvres, comme si mon goût se reformait constamment sans que j'en aie conscience. C'est ce que je me dis le dimanche matin le dos calé sur mon traversin replié, un café refroidi posé au bord d'une étagère, la connaissance à portée de main, avec ses possibilités vertigineuses. Mes dimanches matins sont toujours très métaphysiques, nourris de bribes de phrases que mon regard attrape dans un demi-sommeil".





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Sous le lit : Fingal




L'appartement de Fingal est petit, et les livres prennent de la place, plus envahissants qu'une invasion de sauterelles, au point qu'il prétende n'être plus maître des lieux, mais habiter chez eux. "Donne-les, tu n'en reliras que très peu", lui conseille Iñacio, ce à quoi Fingal ne peut tout à fait se résoudre. Ses nouveaux achats finissent par s'entasser à l'ombre, sous son lit, en attendant d'être lus. "J'ai l'impression d'être un avare couché sur son trésor, ou une poulette couvant ses œufs", plaisante-t-il, toutefois saisi d'une pointe d'angoisse à l'idée que l'astuce ne suffise plus. "Tu te souviens du nom de ce compositeur mort écrasé sous sa bibliothèque ?", demande-t-il à Amélia. "Charles-Valentin Alkan. Mais ne t'en fais pas, ce n'est qu'une légende".






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Conversation V



"Pendant longtemps, je trouvais toutes les diversions imaginables pour ne pas parler de mes lectures, et même de littérature de manière générale", confia Nora à Fingal, Anne-Rose et Rachel, par un bel après-midi sous les cerisiers. "Je ne me croyais pas capable de commentaires intéressants. J'avais peur qu'on me réponde en citant des œuvres que je n'avais pas lues, comme ce garçon qui fourrait des vers d'Horace ou Mallarmé dans ses conversations en ne doutant pas que nous les reconnaîtrions". Nora esquissa un petit sourire. "Je ne les reconnaissais jamais. Toi, Anne-Rose, ça ne t'aurait pas posé problème". Son amie haussa les épaules : "Je ne sais pas grand chose des poèmes d'Horace". Nora la rassura : peu de gens lisaient de la poésie latine dans leur temps libre, sauf Amélia peut-être. Elle continua : "Je suis désolée de constater que je deviens comme ceux qui se présupposent une culture partagée, multipliant les clins d'œil et les sous-entendus ainsi que des signes d'appartenance à un club de personnes cultivées. Ce qui ressemble à du snobisme n'est chez moi qu'une manière de me protéger derrière une coquille de belles références, d'érudition inattaquable. Au fond, malgré mes longues études, j'ai toujours peur de parler, alors je me cache, je laisse les ouvrages s'exprimer pour moi. Je ne sais pas à quel moment on cesse d'avoir honte de ...", elle chercha ses mots. "Honte de faire intrusion dans ce petit monde clos qui n'aurait pas dû être le nôtre".





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Les comptes : Anne-Rose



Anne-Rose emporte partout un carnet où elle note des impressions, des détails de ses journées, des conseils qu'elle a reçus, des recettes de cuisine, des compositions de parfums (14/06 "Île divine", ylang-ylang, santal, agrume : néroli ?), mais aussi, quand on le retourne et l'ouvre par la fin, une liste où elle ne consigne que ses dépenses de livres. Beaucoup sont achetés d'occasion, ainsi qu'en témoigne l'abréviation "occ." à côté du prix. "Je tiens mes comptes, même si ça peut sembler très prosaïque. Les recueils représentent chaque mois un budget non négligeable", explique-t-elle comme pour s'en excuser. "Ma liste a néanmoins une autre fonction. Elle documente le moment où un livre est entré en ma possession. Elle constitue la mémoire de mes rencontres successives. Et, parfois, cette chronologie a un intérêt en soi : grâce à elle, je découvre que les lectures sont des pérégrinations aux chemins surprenants, dont la clarté et même, si j'ose dire, le sens, se révèlent après coup. C'est fascinant de comprendre quels intermédiaires nous ont menés vers des textes très aimés, quelles expériences il aura fallu faire pour y arriver, véritable initiation dont on ne s'apercevait pas alors".





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Un conte



Ce soir-là, dans une maisonnette de la lointaine banlieue parisienne, le Groupe des Cerisiers s'était réuni en étendant son cercle à des connaissances de Rachel. Les discussions des convives étaient animées, d'après les échos qui en parvenaient à Anne-Rose dissimulée derrière une porte. Sans voir ses amis, elle pouvait se figurer les gestes chaotiques ponctuant les envolées de Rachel, l'équilibre précaire des lunettes de Fingal, la courtoisie de Nora, arbitre des débats, l'ivresse mutique d'Iñacio, et l'inattention d'Amélia qui, à en juger par son silence, devait soit lire, soit rêvasser. Anne-Rose admirait sa capacité à s'absenter parmi les autres, sans avoir besoin de seuils, ni de murs, ni de distance. Elle-même n'y arrivait pas. Tout au plus faisait-elle irruption dans la pièce, tournant autour des invités comme une phalène piégée sous l'abat-jour d'une lampe, avant de s'enfuir aussi vite. Elle se souvint qu'à l'occasion de cette fête, elle avait mené l'une de ces excursions pour prendre un livre à la sauvette. La porte refermée, elle s'était approchée de la cuisine à reculons, soulagée. Mais elle n'était pas seule. Un crissement la fit sursauter. Il coupait des fruits et des légumes avec minutie, en petits dés à peu près égaux. Il paraissait jeune, plus jeune qu'elle. "Toi non plus, tu n'aimes pas discuter avec des inconnus ?", lui demanda-t-il d'un ton complice. Anne-Rose ne savait que répondre. "Si tu préfères, nous pouvons nous taire ensemble". Ils passèrent la nuit tous les deux.




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Conversation VI



"Ma bibliothèque est un acte politique", déclara calmement Nora. Fingal hocha la tête : "Tu veux dire quoi exactement par là ? C'est sûr que quelques livres ont forgé une conscience du monde à laquelle le citoyen que je suis doit beaucoup". "Il ne s'agit pas que de ça. Pour moi aussi, des œuvres ont été capitales, comme celle de Virginia Woolf". Elle adressa un clin d'œil à Amélia, qui partageait son attachement à la romancière britannique. "Mais le fait même de réunir ces livres-là, et de cette manière-là, est politique. Ces autrices que j'ai recherchées pour leur rendre justice, elles qui sont souvent malmenées par les histoires littéraires. Ces pays que j'ai mélangés pour abolir toute frontière, rapprocher les langues, créer des parentés qui ne doivent rien au sang. Tout ça est politique. Je ne suis pas à proprement parler une militante : je n'ai ni slogans, ni appartenance à une quelconque organisation, ni système de valeurs bien établi. Néanmoins, je me rends compte à quel point c'est un engagement, une implication de tous les jours, une bibliothèque. Débusquer les œuvres, les lire, les classer, rien n'est anodin".






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Autre conte



Certains soirs, le Groupe des Cerisiers se retrouve pour lire des extraits d'œuvres, soit pour en vanter les mérites, soit pour les découvrir ensemble, le partage de cette expérience augmentant leur plaisir à se laisser surprendre. Leurs voix ont chacune des inflexions différentes : celle d'Anne-Rose est feutrée et souple comme la démarche d'un chat, celle de Nora est aussi joyeuse que rauque, atteinte d'une sorte de fêlure dans son enjouement même. Un jour, elle choisit de lire La Princesse de Clèves, et plus précisément le passage de la rencontre entre l'héroîne et le Duc de Nemours. Fingal en parut d'abord amusé, mais les mots portés par cette voix chaude le touchèrent, malgré leurs dissonances, ce qu'ils suggéraient du caractère des personnages, et le ton plein de nuances de la lectrice avisée. Nora l'enregistra plus tard sur son portable, puis le lui envoya. Fingal possédait désormais ce texte immatériel, au timbre et au rythme uniques, faits d'hésitations, de sourires soupçonnés, de bruits de papier. Lorsqu'il invita Nora chez lui pour en discuter, il se trouva néanmoins confus, incapable de formuler un commentaire, et mit de la musique pour dissimuler sa gêne. C'est peut-être à cet instant-là qu'ils comprirent la signification exacte que, pour eux deux, cette lecture avait revêtue.





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Biographie d'un livre



Il l'attendait sur la table d'une librairie, revêtu d'une couverture grise et verte représentant des vagues. Il venait de Grande-Bretagne, et plus précisément de l'imprimerie "Clays Ltd, St Ives PLC". On le feuilleta rapidement et l'acheta, le nom de son autrice, dejà bien connu, inspirant confiance. Le lendemain, sa lecture commençait sur les terrasses venteuses d'une petite ville de Province, quelques jours avant l'été. On le jeta dans un sac à dos, le tacha dans un train où un billet lui servit de marque-page, le rangea dans une étagère parisienne, l'emporta dans une valise, lui fit prendre son envol dans la soute d'un avion, et le rouvrit dans la montagne calabraise. Du sable et des embruns s'y glissèrent, le parfum des citrons, un peu d'amertume aussi : on le lisait au moment d'un chagrin d'amour ; on y pensait en flottant sur la mer, les yeux embués fixés vers le ciel. Achevé, il revint à Paris, puis une seconde lecture suivit, en Allemagne cette fois-ci, dans des musées et des chambres d'hôtel. Sa couverture se déchira, son papier se défraîchit, mais ses mots conservaient leur force première pour qui les parcourait fébrilement ces vacances-là. Après quoi, on le posa en évidence dans une bibliothèque, parmi d'autres œuvres de la même romancière. On y jette un œil de temps en temps pour en raviver le pouvoir, vieux grimoire plein de soleil et de souvenirs.





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Enfance : Fingal



"Mes camardes de conte partageaient mes chagrins : erreurs, solitude, déception et rejet. Ils cassaient des objets, se faisaient berner par des animaux, s'écorchaient les genoux. Mais toujours, ils retrouvaient un foyer lumineux et chaud, une étreinte qui effaçait leurs naïves bêtises d'enfants. Rares étaient les personnages durement traités qui restaient malheureux. Et moi, avec mes doigts gourds, mes paroles hasardeuses, ce manque d'habileté qui semblait caractériser mon être entier, je cherchais aux côtés de ces amis les mots qui absoudraient ma maladresse, la feraient oublier : "Tu es venu au monde pour qu'on t'aime, et nul ne te retirera cet amour, malgré toutes tes mésaventures". Oui, je crois bien que seuls les livres m'ont pardonné d'exister".





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Ranger ses livres : Amélia



Quand Amélia déménagea, elle se préoccupa d'abord d'installer ses livres dans le nouvel appartement. Elle relut des œuvres, les tria, les classa, puis les emporta dans des sacs distincts. Une bibliothèque rudimentaire fut placée dans une pièce vide. Amélia y rangea ses ouvrages, modifiant à nouveau l'organisation établie. Elle sépara les amants, rapprocha les ennemis, associa les couleurs, fit résonner les noms, chantonnant, sifflotant, lisant des pages, parlant toute seule. Son travail achevé, elle recula de quelques pas pour constater l'harmonie qu'elle avait su créer, et qui fournissait l'unique preuve que l'espace, déjà, était habité. Trois jours plus tard, cet ordre précaire devait encore changer.





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La nostalgie : Nora



"Il en va de certains livres comme d'îles perdues, dans la mesure où même si on les relisait, ils ne seraient plus identiques à l'espace clos, au refuge que l'on a connu, un été par un temps d'orage ou en hiver un soir tranquille. Les conditions météorologiques ne se reproduiront plus, ni ce climat intérieur, celui du corps et de l'esprit, sous lequel les mots sont accueillis, glissent légèrement ou nous martèlent de leur grêle. Il en va de certains livres comme de pays dont on garde une nostalgie, je ne dirais pas amère, non, c'est une nostalgie joyeuse, douce et tenace. Ce sont des lieux de mémoire qui ont peu de pareils, et ce en dépit de l'effacement des détails, des structures ; des bribes d'histoires nous restent et de fortes impressions, mais l'incertitude l'emporte. Ce sont des lieux de mémoire de ce que nous avons senti, à ce moment de notre vie où nous ne pouvions sentir autrement, avec l'intensité d'un élan singulier. Il en va de certains livres comme de reliques, peut-être".





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Conversation VII



Pendant plusieurs mois, Nora et Fingal ne révélèrent rien de leurs sentiments mutuels au Groupe des Cerisiers, comme des écoliers qui redoutent de se trouver exposés au regard de leurs camarades. Ils étaient si étrangement assortis, se disait Nora, en tous cas du point de vue des passants, ou même des amis distraits qui ne remarquent pas les concordances secrètes. Ils avaient la honte et la révolte en partage, dissimulées derrière une assurance trompeuse. Anne-Rose le comprit intuitivement, mais eut la délicatesse de ne pas leur faire part de ses soupçons. "Je deviendrai peut-être ce modèle de vieille célibataire lettrée, entourée de ses livres et de ses plantes, tel qu'on le voit représenté dans les romans anglais. Ces institutrices pauvres qui conversent avec leurs chats et leur service à thé", dit Amélia d'un air songeur un soir où seules les filles s'étaient réunies pour discuter. "Ce cliché souvent destiné à ridiculiser les femmes indépendantes me semble pourtant une perspective sympathique. Personne pour régenter ma vie, et pour s'interposer entre mes plus chers plaisirs et moi". Ce mode d'existence convenait également à Rachel, qui ajouta cependant qu'elle aimerait alors voyager beaucoup, à la manière du personnage d'Eleanor dans les Années de Virginia Woolf, personnage qui ne correspondait d'ailleurs en rien au cliché dépréciatif de la vieille fille. "Pour ça, il faut avoir de l'argent ... Mais c'est vrai qu'on peut par divers moyens, y compris les escapades, ne pas rester confite dans ses habitudes", admit Amélia. Nora se contenta de hocher la tête, puis avoua avec un petit sourire qu'elle se croyait auparavant destinée à ce célibat heureux. "Et finalement, ce n'est pas le cas ?" demanda Anne-Rose d'un ton doux et malicieux. "Peut-être pas ...".





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Le féminin singulier : Anne-Rose



"J'ai un souvenir de ma petite enfance ... Il fallait féminiser un mot ; duquel s'agissait-il ? Un adjectif, si ma mémoire ne me fait pas défaut. Quoi qu'il en soit, je me suis rendu compte, à cet instant où j'écrivais à la première personne, que certains mots m'avaient été appris uniquement sous leur forme masculine. Je devais les traduire. Toute personne qui se présente au féminin mène un discret travail de traduction pour marquer ces nuances qui la trahissent comme autre, étrangère de sa propre langue. En étais-je attristée ? Je crois que j'en étais fière. Le "e" muet est un privilège, de même que ces sonorités, fondantes ou sonores, en "ise", "eine" et "oise". Cette légère marginalité en regard d'une norme masculine représentait une distinction, même si je n'ignorais pas que pour autrui, ce n'était qu'une variante mineure. Plus tard, les écritures au féminin ont contribué à la fascination que j'éprouvais pour les récits où elles étaient d'usages, comme si ces "e" muets m'enserraient dans leurs branches, comme si je voyais dans chaque terme un écho à ma propre différence, qui est moins biologique que purement linguistique".





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Conversation VIII



"Je ne voudrais pas remonter le temps", dit Rachel dans un soupir de contentement. "Nous avons tous et toutes changé depuis que nous nous connaissons. Anne-Rose porte des parfums plus opulents, Nora semble avoir pris dix centimètres de confiance et de bonheur ... Qui voudrait rebrousser chemin ?". Amélia ajoute : "Tu as oublié l'essentiel : nous ne lisons plus les mêmes livres". Iñacio fait un geste de protestation. "Sauf toi, bien sûr, qui restes attaché à tes Agatha Christie". Anne-Rose ne partage pas entièrement cet avis : "Tu sais, je reviens toujours à ces poétesses que j'ai découvertes très jeune femme. Rares sont les noms qui s'imiscent peu à peu dans mes habitudes, dérangent l'ordre qui a fini par se former". "Moi aussi, je relis beaucoup ; ou alors j'épuise mes auteurs préférés", reconnaît Fingal. "Sommes-nous donc si fidèles que ça ?", s'exclame Amélia en riant. "Il faut croire qu'il en va des lectures comme des vieilles amitiés, et ce malgré les méandres de nos vies respectives", conclut Nora. "On les considère avec une sorte de gratitude, cette reconnaissance de les savoir présentes, qui reste égale au cours des années, quand elle ne se renforce pas".





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Langues étrangères : Rachel



"Je possède de nombreux livres étrangers, souvenirs de voyages pour certains, à l'instar de cartes postales ou de portes-clefs, et pour d'autres, commandes par internet ou achats dans les rayons "V. O." de librairies locales. Sont représentés l'allemand, l'anglais, le japonais et l'espagnol. Je ne maîtrise pas ces langues, si tant est que cela soit possible, la maîtrise d'une matière si riche et friable. Je les comprends à peu près. Les lisant, j'entre dans un élément familier, mais aussi instable, comme on avance dans la mer sans savoir jusqu'où on aura pied. Des mots m'échappent, des impressions se mêlent, et je sens bien que je ne discernerais pas les choses de même façon sur la terre ferme de la "langue maternelle" : le regard y est plus global et plus flou à la fois. Quand je parcourais les romans de Dickens, j'étais cette invitée dans une maison faiblement éclairée qui cligne des yeux en se posant ces questions : est-ce juste, ce que j'observe ? Est-ce exact ? Ne prendrais-je pas cet objet pour un autre ? Pourtant, l'anglais m'est une seconde langue ; il m'arrive de le parler dans mes rêves, ou alors tout bas, pour émousser la dureté de mes pensées, les mettre à distance. Mais tout idiome affecte les persectives, les textures et les proportions. Je me suis créé un monde littéraire (car j'apprends les langues dans les livres) où je m'expose au trouble de mes perceptions".





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Une éducation



"Il est de coutume de dire que les romans nous éduquent, aussi peu édifiants soient-ils parfois, comme une école alternative qui changerait brusquement notre regard, ou l'aiguiserait progressivement". Rachel marqua une pause. "Mais la poésie ? Nous éduque-t-elle encore, à la manière des épopées antiques qu'on faisait apprendre aux enfants ?". Anne-Rose répondit lentement, en plissant légèrement ses yeux clairs : "Éduquer ... à quoi ?". "À l'amour, à la révolte, à la sympathie, au pardon", tenta Rachel. "Un programme chrétien", lui suggéra son amie avec amusement, "un livre peut sans doute nous transmettre n'importe quoi, l'envie, le désespoir, le ressentiment. Pour ma part, les quelques romans que j'ai lus m'ont appris à être autonome, et à interroger les menus détails qui nous entourent comme des indices, des symptômes. Ou alors ils ne m'ont rien apporté qu'une connaissance élargie d'une profession, d'un milieu, d'un pays. Une affaire d'interprétation ou d'érudition". "Mais la poésie ?", insista Rachel. "C'est plus insidieux, je crois", avança Anne-Rose. "La plupart du temps, ça s'inffuse en nous sans crier gare, puis demeure ainsi qu'une présence fantôme, un arrière-pays aux contours incertains. Et soudain, à un moment crucial, ça revient au premier plan, avec une clarté et une netteté qu'on n'aurait pas pu soupçonner. Un vers étrangement adéquat, un rythme dans lequel doit se couler une phrase, une image dont l'un des sens nous apparaît ... La poésie est une compagne qui nous veille discrètement, et qui choisit ses heures pour se manifester. Est-ce que ça nous éduque ...", Anne-Rose s'interrompit pour réfléchir. "Je pense, oui, que ça nous forme, au sens propre comme au figuré. Ça nous compose, en quelque sorte".





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Dégoût des livres : Amélia



"C'était un drôle d'hiver. Au début, j'avais ressenti un simple engourdissement, comme si le froid m'avait gagnée du bout des doigts jusqu'au cœur. J'avais du coton dans la tête, les oreilles, les yeux, de plus en plus de coton. Les livres me tombaient des mains. Je ne me rappelle pas le jour où je compris qu'un terme médical qualifiait mon état : "dépression". Ce devait être au mois de mars. Tout se résolvait dans ce nom, tout s'éclairait. Il me faudrait être patiente avant d'éprouver autre chose qu'un vague dégoût à la vue des piles d'ouvrages qui prenaient la poussière contre le mur de ma chambre. Je leur en voulais d'exister, ces milliers de pages qui narguaient les esprits fatigués, sagement pressées entre leurs reliures brillantes, nettes, définitives, quand je ne connaissais que l'informe. J'en voulais aussi à Anne-Rose, le jour où, les joues roses d'avoir arpenté les rues de la capitale, elle m'invita dans un café-bibliothèque pour le goûter. Jamais elle n'avait dû cesser de lire. Elle était sans doute de ces personnes que même la dépression n'éloigne pas de ces plaisirs essentiels qui habillent le quotidien d'une sorte d'évidence, de beauté, de sens, ce dont j'étais profondément jalouse. Ses babillages littéraires m'agaçaient. Et puis elle me proposa de me réciter un poème. Je faillis refuser, mais quelque chose me retint, et j'acceptai. Les vers semblaient venir de très loin, très lentement, de même que les sons perçus à travers la mer. La voix d'Anne-Rose émettait des phrases dont la signification globale se perdait, s'éparpillait, mais il restait ces mots qui m'atteignaient l'un après l'autre, brisaient la glace qui s'était peu à peu formée en moi. L'émotion me serrait la gorge. "Tu l'as aimé, ce poème ?", demanda mon amie. J'étais incapable de le dire. C'était moins et plus que cela".





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Dialogue : cinéma



"Anne-Rose, tu devrais écrire un poème composé de tous ces fragments de lectures que l'on parcourt, distraitement ou plus attentivement, en l'espace d'une journée", dit Rachel à son amie, un après-midi de fin d'été sous les cerisiers. "Je suis sérieuse. J'aurais bien essayé de m'y coller, mais je ne m'en sens incapable". Anne-Rose répondit entre deux légères secousses de rire gênées : "Voyons, pourquoi n'en serais-tu pas capable ? Et moi ... Comment réussirais-je, moi, mieux que toi ?". Elle plissa ses yeux un moment. "Nos lectures sont si éparses, une citation par-ci, un titre de journal par-là, quelques phrases de roman, la conclusion d'un billet de blog ... Je ne saurais pas restituer le texte décousu, sans toutefois être nécessairement incohérent, qui se tisse à partir de ces expériences aussi continues qu'éclatées". Rachel acquiesce : "Lire, pour moi, c'est essentiellement cet acte que tu décris, ce morcellement dont, malgré tout, j'ai le sentiment de me nourrir comme d'un poème formé de plusieurs matériaux, écran, papier, images, symboles, et lettres enfin, d'encre et de lumière. Peut-être un film peut-il représenter ça, lui que l'on oppose si souvent à la lecture ? Ces montages, cette succession de plans, c'est affaire de cinéma".





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Un portrait en livres : Amélia



"Sur ma bibliothèque sont posées des portes vitrées où mon corps se reflète, silhouette flottant sur les rangées d'ouvrages. Or, c'est cela que raconte mon amour des livres : des tâtonnements pour former mon portrait, pièce après pièce, à cette différence que j'ignore bien des aspects de ce visage de papier qui m'est renvoyé au gré de mes trouvailles ou des cadeaux reçus. Les différentes phases de ma bibliothèque sont un puzzle dont l'image finale, recomposée, manque toujours. Il ne peut qu'être partiel, du moins tant que je serai en vie (c'est triste, une collection vendue après des funérailles, parce que rien n'exprime mieux la fixité de la mort, son caractère définitif). Le sachant, je soigne pourtant mon portrait, je le peaufine, aussi transitoire soit-il : aucune œuvre aimée ne doit en être absente, aucune œuvre délaissée y être à l'inverse présente, pour ne pas fausser le regard qu'autrui porte sur ma personne. Car c'est moi, c'est tout moi, que sont mes livres".





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Prières : Nora



"J'aimerais qu'on me rencontre par les livres, ou qu'on m'y connaisse autrement qu'à l'ordinaire. Quand j'étais plus jeune et plus sentimentale, je formulais chaque nuit le souhait qu'un garçon ouvre tel ouvrage précisément sur tel passage, et comprenne ce que je n'osais lui souffler ; la lecture m'aurait évité un aveu. Cette idée de la bibliothèque comme main tendue, invitation, et enfin révélation ne m'a pas tout à fait quittée : je compte sur la puissance des messages détournés pour me dire, moi qui suis au fond une personne très timide. Fingal l'a compris, le jour où j'ai lu à voix haute un extrait qui, à mes yeux, était un chant ou une prière adressés à lui seul. Fingal aussi se découvre dans les livres".





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Histoires de familles : Rachel



"Mes parents viennent d'un milieu rural modeste, voire pauvre dans le cas de ma mère. Ils ont accédé à la classe moyenne grâce à l'école, en choisissant des parcours qui leur permettraient d'exercer très vite un métier stable, utile, rentable. Je suis issue de la première génération à n'avoir pas connu le manque d'argent, les restrictions, les lendemains incertains. Cela signifiait que je pourrais étudier sans me soucier de gagner ma vie à la sortie du lycée. Aller à l'université, à la bibliothèque, au musée ... Lire est un luxe, me répétait-on souvent lorsque j'étais enfant ; du reste, les livres coûtent cher, même quand on a la possibilité d'en emprunter régulièrement. Ce sont des signes d'embourgeoisement, mais encore faut-il les choisir, les réunir, les classer. Pour cela, on doit recevoir l'éducation adéquate. Cette tâche m'a été en quelque sorte échue : édifier la bibliothèque de ma famille fraîchement enrichie, lui donner ses lettres de noblesse intellectuelle. Jamais je n'ai eu l'impression que cet acte allait de soi. Les bibliothèques racontent des histoires de frustrations, d'aspirations, d'ascensions et de déchéances. On peut y déceler tout ce que des générations nous ont légué de rêves et de déceptions. Si le plaisir de la lecture m'appartient, ma collection d'ouvrages, elle, représente aussi mes parents, mes grands-parents, et les nombreuses petites gens les ont précédés".





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Dialogue : échanges



C'était l'un de ces samedis soirs où Amélia recevait Anne-Rose chez elle, un soir de pluie et de vent : "Il fait trop froid, tu ne peux pas rentrer seule". Il y avait toujours eu entre elles une amitié amoureuse, une admiration teintée d'une séduction plus ambigüe, et dont elles s'amusaient sans gêne. Amélia glissait ses doigts dans les cheveux d'Anne-Rose, qui plissait ses yeux clairs, le regard dans le vague. Aucun aveu ne franchissait leurs lèvres : c'étaient des gestes et des sourires câlins, des échanges de livres. Elles s'étaient longtemps imaginé vivre dans l'ombre l'une de l'autre, Anne-Rose effacée devant le savoir d'Amélia, et Amélia intimidée par la sagacité d'Anne-Rose. "Je ne pourrais prêter les œuvres qui me sont chères à personne, si ce n'est toi", déclara tranquillement Anne-Rose. "Elles me sont des repères. Je trouve douloureux de les voir temporairement disparaître, et en leur absence, je sais qu'elles manquent. J'ai besoin de m'en savoir entourée. Mais si elles sont entre tes mains, ça ne me dérange pas, parce que tu ...", un rire léger suspendit ses paroles, "tu es si peu distincte de moi, tout en étant si différente. Le sais-tu ?". Amélia hocha la tête et murmura : "Deux sœurs ne seraient pas plus proches".





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Vendre : Iñacio



"Il y a un local où l'on peut vendre ses livres ; et je m'y suis rendu, plusieurs fois, je l'avoue. Des manuels à moitié lus, des romans abandonnés, des revues un peu datées, ces ouvrages récupérés dans des déménagements ou des brocantes, et puis cette œuvre qu'une personne brièvement connue m'avait offerte. Sur la première page originellement nue, on pouvait lire un mot manuscrit. Son propos, je ne m'en souviens plus très bien, ni son aspect. La revendeuse un peu gênée, bien qu'elle eût déjà vécu ce type de situation, a pointé la dédicace du doigt :
_On n'accepte pas ça, est-ce que je l'arrache ? Ou je vous rends l'article ?
_ Retirez la page.
Une légère rougeur m'est montée aux joues, rien qu'une vague honte à exposer ainsi ma cruauté, mon manque d'attachement pour ces démonstrations d'amour, comme si c'était une faute. Je ne conserve pas, j'évide, afin de n'être pas retenu, empêché par le passé. On dit communément qu'il faut savoir tourner des pages : moi je les vends ou les arrache. Mes livres ne sont ni des traces sentimentales, ni des preuves, ni des témoins, leur aspect matériel ayant pour moi peu d'importance, à l'exception de certains d'entre eux qui sont une citadelle, le refuge de l'enfance".





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Enquête : Amélia



"Des cartes, anciennes, numériques, des cartes étatiques, urbaines, ferroviaires, des cartes non pour concervoir des organisations spatiales, mais pour traverser le temps. Je suis revenue sur les pas de ma famille. Leur voyage de retour, c'est moi qui l'ai accompli, dépositaire pour ainsi dire de leur propre nostalgie. J'avais dans mon sac des outils géographiques, des questionnaires, des statistiques ; des prétextes, en réalité. J'étudiais mes frontières, et celles de mes aïeules. Poreuses, dangereuses, elles se déplaçaient sans cesse, et ce avant même que je m'en sois aperçue : j'avais été formée d'un écheveau de routes. Je taillais mes crayons, affûtais mes stratagèmes, consultais les documents. Peu à peu s'est constituée la grande bibliothèque de mes recherches (articles, listes, coupons, en plus des manuels universitaires), ce grand centre d'archives que, bien malgré eux, des Petits Poucets m'avaient laissé. Ai-je fait cela pour moi ? J'ai enterré les miennes à l'aide de livres, j'ai composé un kaddish, disparate et clandestin, car qui aurait cru qu'un stage de terrain pût dissimuler telle entreprise ? Coïncidence ou non, c'est d'ailleurs durant ce voyage que je me suis mise à griffonner des poèmes, comme si une voix nous avait été rendue. Ai-je fait cela pour moi ? Quand je repense à ces années, je me revois errant de lieu en lieu, tout à la fois déterminée, hagarde, et seule, à dialoguer avec les mortes".




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Métamorphoses : Rachel



"La traduction est une métamorphose d'un texte, d'une langue à l'autre, d'un corps à l'autre (je murmure et je chante mes brouillons, j'y mets mon souffle et mon élocution), mais aussi la mise au jour une bibliothèque portative, celle des lectures inscrites en soi, mêlées, indissociables. Amélia me disait dernièrement qu'en traduisant le "Sonnet en guise de rose" de Jan Skácel sur des voleurs de roses publiques, et "l'aucune fleur" des bouquets, elle avait laissé des souvenirs d'Éluard, Pasolini, Rilke et Mallarmé affleurer à sa conscience, guidant ses propres vers. Rythmes, images, impressions, elle ne pouvait empêcher l'apposition à sa pensée de leur tamis, de leurs contraintes, de leurs tournures. Ainsi ne s'était-elle pas contenté de relever ces références : elle les avait intégrées comme par alchimie, les avait fait opérer ensemble, apprentie sorcière tenant son pouvoir de ces ingrédients disparates qu'elle emporte dans sa besace. Et je le ressens également, cet échange et cette confusion de voix qui nous ôtent tout sentiment de solitude face à l'œuvre étrangère. De fait, nous sommes plusieurs, et nous l'avons toujours été, sans même nous en apercevoir".





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Conversation IX



"Quand je songe à notre groupe, les mots des marges et de la vie souterraine me viennent à l'esprit : trafic, occulte, junkie", dit Anne-Rose d'un air amusé, auquel Fingal répond : "Tu crois que nous sommes impliqués dans des échanges interlopes ? La littérature est encore licite". "Pourquoi paraissait-elle si dangereuse aux jeunes filles d'autrefois ?", rétorque Nora du même ton joueur. "On peut être totalement dépendante de la substance livresque qui, comme chacune le sait, corrompt". Anne-Rose esquisse un sourire, puis ajoute : "Plus sérieusement, j'ai l'impression d'un décalage ... Comment exprimer ça ? Nous ne sommes pas hors du monde, bien sûr, nous y sommes engagés à un autre degré. Pas mieux, mais différemment. Et cette différence est ... Elle n'est pas ... Enfin, il n'y a que nous pour la reconnaître. Elle passe inaperçue, silencieuse, secrète. Sans doute cela nous protège-t-il, d'ailleurs. Je me sens si souvent heurtée par les choses". "Les livres génèrent néanmoins un commerce et des critiques ; ils sont mis à l'honneur par des institutions". "En faisons-nous partie ?", demande Anne-Rose. "Nous parlons le langage clandestin des passions, dans ce petit cocon que nous avons formé. Il n'y a que les toqués et les amants pour le comprendre autant que nous".





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Conversation X



"Et si nous vivions ensemble ? Si nous fondions une communauté ?", proposa Rachel un matin, après une longue nuit de lectures et de fête. "Nora serait notre enseignante, Amélia notre bibliothécaire, Anne-Rose notre poétesse nationale. Je serais traductrice. Les garçons s'occuperaient des tâches ménagères". "Ton utopie consiste à réduire les hommes en esclavage pendant que les dames tiennent salon, si j'ai bien compris", protesta Fingal en affectant un air bougon. Nora éclata de rire : "Profites-en dès maintenant pour t'entraîner à la vaisselle, mon chou". "À l'inverse, supporterions-nous de vivre éloignés ?", chuchota la voix rêveuse d'Anne-Rose. "Je ne pourrais habiter dans un autre pays que le vôtre, et je songe parfois à la grande bibliothèque qui naîtrait de la mise en commun de nos ouvrages". Amélia échangea un bref regard avec son amie : "On ne se séparera pas. Mais ici, tout est trop petit. Il nous faut une maison ailleurs". "Si nous déménagions tous ?", lança joyeusement Rachel. "Vu le temps que vous passez chaque jour à papoter par internet et autres sms, qu'est-ce qu'une communauté matérielle changerait ?". "Fingal, tu te moques de nous, mais je suis sûre que tu es emballé". Rachel déplia une carte d'Europe : "Il ne nous reste plus qu'à choisir un lieu".




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Séances de lectures



En attendant de fonder leur communauté, les membres du Groupe des Cerisiers continuaient de s'inviter les samedis après-midis pour des "séances de lectures", qu'Iñacio clôturait par des tirages de tarot. Anne-Rose picorait des poèmes de recueil en recueil, son œil clair scrutant les pages à l'instar de celui qu'on prête aux pies en quête de trésors. Amélia lisait des romans près des fenêtres ouvertes, ou bien tournait son visage vers le ciel, les paupières fermées par jour de beau temps ("Je suis un véritable tournesol", affirmait-elle souvent, "un seul rayon est capable de m'arrêter en pleine rue"). Nora restait très concentrée sur ses ouvrages, les commentant brusquement entre deux soupirs : "Ah, quelle œuvre ! Mais je préfère les chapitres moins noirs", à quoi Amélia répondait, les yeux mi-clos : "Moi non plus, je n'aime pas le cynisme". Fingal finissait par déclamer les passages de son choix, prenant plaisir à les entendre après les avoir lus. Iñacio battait ses cartes en inventant des prédictions. Il leur arrivait, par moments, de s'endormir. Après quoi, l'heure du tarot les plongeait dans d'intenses spéculations, non tant parce qu'ils y croyaient, que par désir de prolonger cette soirée en écrivant leur propre histoire : "La Tour annonce notre déménagement, ça me semble très clair", "L'impératrice nous met en garde contre une tendance au désordre". Ils s'en allaient la tête remplie de récits à venir.
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Le nuage goéland le 08 juin 2020 à 16:03:42
Bonjour. Je me suis un peu perdu dans tant d'érudition mais j'ai aimé cet hymne aux livres et à la lecture. J'aime qu'on ressente le livre comme un être vivant dont la compagnie est indispensable. J'approuve également cette suggestion qu'il se transmet entre les personnes par un bouche à oreille qui commence à le faire vivre comme un être véritable. Merci.
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Tigrani le 08 juin 2020 à 21:35:55
Merci beaucoup pour ta visite ! Je te rassure, je ne glisserai pas davantage d'érudition dans cette petite histoire. Les listes de livres sont surtout placées ici comme des énigmes dont les titres nous suggèrent des caractères ... Merci encore !
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Tigrani le 25 juin 2020 à 12:15:26
Y'a du nouveau !
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Aramatie le 15 juillet 2020 à 15:06:21
Bonjour,

J'ai bien aimé ton texte. Je le trouve poétique et j'ai aimé le fait de se retrouver plus ou moins dans les différents personnages. Et cela même si il y avait énormément de références que je n'avais pas  ::) .  Cependant, je trouve que la fin perd un peu de son rythme léger qui était présent au début.  Cette rupture de rythme rends la fin un peu plus difficile à lire.  Mais en somme, c'était un texte agréable à lire  :D :D :D
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Aléa le 15 juillet 2020 à 19:49:05
Salut

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à tel point qu'il m'est arrivé de découvrir tout à fait fortuitement l'étendue de ses connaissances dans des domaines précis qu'elle n'avait jusqu'alors pas mentionnés au cours de nos conversations.
trop long (le point de faiblesse est dans le "dans des domaines précis qu'elle n'avait juqu'alors")


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Il répète ces mots avec bonhomie, leur charge émotive s'étant émoussée avec les années, si bien que pour cette révolte initiale subsiste surtout la tendresse.
Très bien vu
(je suis triste moi aussi qui ne l'aies pas pris)


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"Je ne ressens d'abandon que dans une frénésie de lecture, où mes mains ouvrent, plient, caressent les pages. Ma bibliothèque me tient lieu d'amour, avec sa hâte et sa volupté, son ardeur, sa fidélité. Longtemps je me suis demandé si je saurais sortir de ce jardin des délices aux murs de papiers, trouver d'autres compagnies. Autour de moi tout n'est qu'ordre strict et lumière trop tranchante. Je préfère la nuit".
tellement



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"La bibliophilie, c'est la maladie des gens qui ne lisent plus"
je suis en plein dans ce dilemme haha, pas de ne pas lire, mais de la bibliothèque et l'accumulation



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L'accordeur de silences de Mia Couto
meilleur moyen de conseiller un livre hahah


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plaisante-t-il, toutefois saisi d'une pointe d'angoisse à l'idée que l'astuce ne suffise plus.
bien vu


(remarque générale, je préfère les guillemets françaises aux guillemets anglaises pour les citations de dialogues)






J'ai lu ton texte en un clin d'oeil et j'ai adoré
Forcément ça parle de bibliothèque et de lecture alors ça peut que me prendre par les sentiments haha, et le rapport des autres à la lecture et tout ça c'est quelque chose qui m'a beaucoup intéressé
J'ai pas pu m'empêcher au début d'espérer que c'était pas des bibliothèques imaginaires mais bien des gens chez qui tu étais allée pour en tirer le portrait livresque haha (et finalement, même si j'espère que ce soit en partie vraie, je veux pas savoir parce que faux ou non ça fonctionne aussi bien sur moi, preuve aussi que ton écriture, façon de présenter les choses et récit est efficace pour ce que tu souhaitais faire)

J'aime beaucoup aussi ces momnets où tu arrives à parfaitement cerner la dissonance entre ce que les gens disent et pensent, ou plutôt le moment où ils réalisent ce qu'ils viennent de dire, t'as su capter quelque chose de très humain et tout ton texte est ton en finesse de l'analyse humaine

Bravo, tu avances  bien  ;)
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Tigrani le 21 juillet 2020 à 18:43:19
Merci à vous deux, tout est bien vu, la phrase trop longue, les guillemets et les changements de rythme, qui sont voulus (les nouveaux fragments reviennent à la légèreté).

😘
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Tigrani le 01 août 2020 à 16:01:15
Du nouveau est arrivé !
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Persona le 19 août 2020 à 10:07:27
Bonjour Tigrani,

J'ai beaucoup aimé tes bibliothèques. J'ai craint une énumération à laquelle je ne puisse pas tout à fait adhérer au début puis, d'un passage à l'autre, une progression se met en place le Groupe des Cerisiers se crée, les apports de l'un sur l'autre se dessinent.
Ce que j'ai préféré, c'est le rapport de chacun aux livres qui me semble "vrai". On a chacun une histoire avec les livres, des préférences, on y cherche pas la même chose, c'est bien observé, sans jugement. Très ouvert d'esprit.
J'en retiens donc du positif, que du positif.
En plus, servi par une plume aussi jolie au vocabulaire précis... je n'ai pas relevé grand chose. Le seul petit mot qui m'a fait tiquer au dernier paragraphe
Citer
Des mots m'échappent, des impressions se mêlent, et je sens bien que je ne discernerait pas les choses de même façon sur la terre ferme de la "langue maternelle"
: discernerais

Merci pour cette agréable lecture !
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Tigrani le 04 septembre 2020 à 23:11:35
Merci beaucoup Persona ! J'ai corrigé la coquille !
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Tigrani le 17 septembre 2020 à 21:57:35
Ça continue.
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Persona le 20 septembre 2020 à 13:52:33
Bonjour Tigrani,
Je n'ai pas résisté à venir prendre connaissance de tes ajouts, toujours justes.
Je crois que la poésie forme oui, la sensibilité plus que l'intellect et les romans, parfois plutôt l'intellect.
Amélia m'a beaucoup touchée.
Et cette dernière phrase, "car c'est moi, c'est tout moi, que sont mes livres", je m'y suis beaucoup retrouvée.
Je suis impressionnée par la profondeur et la sensibilité de tes écrits :)
Merci.
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Tigrani le 23 septembre 2020 à 17:10:06
Oh merci à toi. <3
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Tigrani le 07 octobre 2020 à 22:25:17
Encore du nouveau !
Titre: Re : Les bibliothèques imaginaires
Posté par: Tigrani le 13 novembre 2020 à 21:22:50
Gros problèmes avec le site mais pour suivre l'évolution du projet :

https://laumefae.blogspot.com/2020/05/portraits-dartistes-en-bibliotheques.html?m=1