Bon euh. Voilà.
J'ai été déconcentrée dès le début par quelqu'un qui commentait son interprétation du titre à tout va et lisait le début de ses phrases
Il marche. Il marche en regardant autour de lui, attentif. Le vocabulaire lui manque pour décrire le panorama d’émotions qu’il lit sur les visages. La panique n’envahit encore personne. Un pas de plus. Sa montre se bloque sur dix-huit heures treize. Tous les passants ne s’en sont pas encore rendus compte. L’heure n’avance plus. Ce n’est pas la foule qui les fera marcher en avant. Un tram se bloque et l’énervement gagne les passagers. Peu à peu une perplexité gagne les dessous de sourcils interloqués ; ça se regarde et se dérobe, ça manifeste une impatience mêlée de peur. Les choses sont supposées aller de l’avant et continuer leur cours.
Pourtant la routine se stoppe. Des démons invisibles refont surface.
*
Les Pénates, dieux du quotidien, se repaissent de la sueur d’amants entrêlés l’un dans l’autre par temps de forte chaleur. La fumée de cigarettes dévoile cette réalité, personne n’est dupe. Des langues luisantes lèchent incognito les corps ondulants.
Dans un boqueteau, Bonsoir et Bonne-journée se tournent les pouces. Ils n’ont plus rien à faire, leur heure ne viendra plus. Le premier se déboutonnent pour offrir son nombril au soleil fatigué, le second palpe sa calvitie naissante. Voici venue leur fériation.
La charpente des immeubles est un château de cartes. L’une d’elle s’envole, et les bâtiments s’écroulent. Des cris se promènent.
« Jamais je n’ai voulu que chacun de mes gestes ne me mènent à une aporie. Pourtant quand je te regarde, c’est tout ce que je constate ; que rien n’échappe à notre finitude quadrillée, millimétrée par les habitudes. Ça m’a donné envie de taper ta tête contre mon mur. On ne s’en sortirait pas »
Un quidam finit de manger sa pomme. Le squelette du trognon, jusqu’au pourtour du fruit, claque contre ses dents. Les pépins, de petits os, dégringolent dans le fond de son estomac. Il n’aurait jamais cru.
Elle pleure des fourmis. Elles parcheminent sur sa peau un tracé cursif qu’elle n’a jamais voulu s’avouer. Maintenant c’est trop tard.
Le conciliabule qui se déroulait dans un penthouse se clôt sur un non-dit : jamais pareille vérité n’avait jusqu’alors éclaté au grand jour.
Les allées des wagons, avec leurs rangées de sièges de part et d’autre, muent en rues dont les faces des immeubles n’osent se regarder. Les passagers tétanisés ne digèrent pas la fin du voyage.
Les masques de peau se décollent des visages ; derrière transparaissent les herbiers et les bestiaires des croyances construites depuis l’enfance. On y distingue des illustrations naturalistes, étiquettes accolées, nom latin octroyé.
Les plages horaires
Me coupent la gorge
Affluent et refluent dans ma cage thoracique
- Qui étais-je avant que les aiguilles de ma montre ne se fige ?
Les silhouettes turgides gonflent et pétouillent ça et là dans la foule. Les bulles oniriques savamment construites au fur et à mesure du joli-joli du cancan quotidien jouent à cache-cache avec les désillusions ; nul gris-gris pour s’en prémunir, et la répétition des jours heureux n’est plus à espérer.
« Mes amis sont partis, il ne me reste plus que mes fourchettes en plastique »
Les amoureuses avec leur face peinte à la manière de la lune se recroquevillent sur elles-mêmes, croissantes. Leur gestuelle sucrée n’est qu’un faux souvenir ; un soleil noir veille sur elles.
Dans les murs ruisselle un sang uval qui aurait poli nos vies si nos regards ne nous avaient pas écorché les uns les autres. Bonsoir et Bonne-journée se pourlèchent les babines.
« Moi j’avais inventé un alphabet de cendres dont j’avais farci les voyageurs en fumant sur les ponts »
Jusqu’ici personne n’avait remarqué les points de beauté qui émaillent le tarmac des routes du cœur de la ville.
Le peintre fou qui peint le ciel en fonction de ses humeurs mélancoliques a dorénavant le pinceau penché sur toutes les pupilles. Il change de toile pour se concentrer sur regard. Les nuages n’ont jamais autant pleuré.
Les éboueurs remuent rigolent et égouts avec de grandes touillettes, à la recherche des secondes poilues qui jusqu’ici couvrait la lisière des paupières : des cils, pour toujours perdus dans la crasse.
« Je décide de croire que notre vécu s’inscrit dans la chair des étoiles. Et si ce n’est pas comme ça, je m’en fous. Je le décide maintenant. Qu’importe que les feuilles chutent des arbres. Notre histoire est à l’origine d’un grand pouf-sbam géniteur d’univers immortels ».
Il dénoyaute ses avant-hier de minois convenables et se rend compte que seuls quelques actes de mauvais gout y survivent. Lui, amer.
Il pleut du gras. Des flaques visqueuses s’inventent entre les entrechocs des corps perdus. Ils se dégoutent. L’eau n’est plus, évaporée. Des ersatz d’huile de friture recouvrent toutes choses. Ils pataugent. Rien pour se débarrasser d’eux-mêmes.
Et son visage
Portraitisé par la webcam
S’érode par cercles concentriques
Dans le clip forgé par l’inertie
Les cabinets de curiosité des idées folles ferment à double tour.
Gobelets contractés par la force de poings refoulés.
Une petite chute abstraite fera l’affaire.