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Le Monde de L'Écriture » Sous le soleil des topics » Discussions » La salle de ciné » Birdman (Alejandro Gonalez Iñarritu)

Auteur Sujet: Birdman (Alejandro Gonalez Iñarritu)  (Lu 2514 fois)

Hors ligne Champdefaye

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Birdman (Alejandro Gonalez Iñarritu)
« le: 23 février 2015 à 08:06:31 »
Critique aisée 54

Birdman   
d'Alejandro Gonalez Iñarritu, avec Michael Keaton et Edward Norton.
 Drôle de film, drôle d'oiseau.
Moi, vous savez, je n’aime pas vraiment le théâtre. Sauf si c’est pour Feydeau, Shakespeare, et parfois pour Giraudoux, je n’aime pas beaucoup traverser Paris aux heures de pointe, ne trouver à me garer qu’au sixième sous-sol d’un parking qui sera sans ascenseur et à 21 minutes de marche du théâtre, brandir mes billets que j'ai dû imprimer chez moi par-dessus les têtes de mes semblables pour obtenir enfin de la boite à sel les numéros des sièges où je serai autorisé, après avoir soudoyé une ouvreuse,  à m’asseoir de travers sur un mauvais fauteuil d’où je verrai, les genoux enfoncés dans le dos de ma voisine de devant, une  scène coupée en deux par une colonne du XIXème siècle. (Vous voudrez bien noter que je n'ai rien dit de la pièce elle-même.)
Mais le cinéma, j’aime. Et le cinéma au carré, je veux dire le cinéma dans le cinéma, encore plus. Passionnants, ces films qui vous démontrent comment se fait un film, combien de personnes il faut écraser sur Sunset Boulevard pour arriver au sommet, comment on obtient le meilleur d'une actrice, comment on dessoûle un comédien. La Nuit Américaine, un plat tout en finesse, Les Ensorcelés, un monument d'ambition, Ça tourne à Manhattan, un merveilleux tournage raté.
Un film sur le théâtre, c'est presque mieux qu'un film sur le cinéma, peut-être à cause du lieu, fermé, sombre, avec la table pour le metteur en scène au milieu de la salle, l'entrée des artistes qui donne sur l'impasse derrière le théâtre, surveillée par un concierge qui en a vu d'autres... Passionnants, ces films qui vous expliquent comment on monte une pièce de théâtre, comment on obtient le meilleur d'un comédien, comment on dessoûle une actrice, combien de personnes il faut écraser sur la 42ème pour arriver au succès. All About Eve, passionnante réflexion sur le métier de Monstre Sacré, Le Dernier Métro, belle histoire sur les difficultés accumulées contre la réalisation d'une pièce, Entrée des Artistes, dure école des comédiens.
Alors, le théâtre dans le cinéma, j'aime. Presque autant que les procès dans le cinéma (je ne vais pas vous faire une liste des grands films de procès ; une autre fois, peut-être).
Un nouveau film sur le théâtre ! Pensez si j'étais content d'aller voir Birdman !
Je n'avais jamais vu Michael Keaton dans un rôle dramatique, mais, avec les acteurs américains, on peut s'attendre à tout. Mais avec Edward Norton, je m'attendais au meilleur.
Bon, le film commence. L'ambiance y est tout de suite. On reconnaît très vite Broadway du côté de Times Square. Et si on est un peu attentif et New Yorkais, on pourra même reconnaitre le théâtre Saint James. Les murs de briques, les escaliers d'incendie, les sombres coulisses , le plateau à peine éclairé, le dédale des couloirs vers les loges poussièreuses, tout ça nous est familier. On s'installe confortablement devant un film qui s'annonce classique. Le héros est là, Keaton, fatigué, torturé par son passé de vedette de blockbuster, ravagé d'inquiétude à l'approche de la générale d'une pièce qu'il a adaptée, qu'il met en scène et dont il jouera le rôle principal. Une légère surprise mêlée d'un peu d'inquiétude pour la normalité du spectacle : le héros est doué de télékinésie, vous savez, cette faculté de déplacer les objets par la seule force de la pensée. A part ça, il a l'air normal, à cran, mais normal. Il cherche un acteur pour remplacer celui qui devait tenir le deuxième rôle masculin. Mais tous les comédiens auxquels il pense sont occupés à tourner des films de super héros. « …tous des acteurs à cape ! ». Arrive Ed Norton, en comédien intellectuel, violent, passionné, qui a besoin de vivre totalement ses rôles. Et on se dit, chouette ! Ça y est, on va assister à une lutte de géants, entre ces deux comédiens, le premier, ex-géant, ex-Batman, Spiderman, Superman, Ironman ou autre Marvel, et le second, actuel géant de la scène, caractériel, capricieux, insupportable, drôle, génial. On voit déjà la fin où, après une lutte épique qui se déroulerait sur scène, mais à l'insu du public, les deux hommes se réconcilieraient pour la Plus Grande Gloire du Théâtre.
Oui, bon. C'est effectivement un peu comme ça. Mais, après une très honnête première demi-heure, la télékinésie, qui a tendance à intervenir de plus en plus souvent, vient un peu gâcher le plaisir. Je ne vous en raconterai pas davantage, pour ne pas gâter le demi-plaisir que vous pourriez avoir à regarder ce film.
Disons quand même qu'il y a deux fins successives. La première, totalement inattendue, est très originale par son côté sarcastique. J’aurais bien vu le film s’arrêter là. Malheureusement, quelques minutes plus tard, il y a une deuxième fin, la vraie cette fois-ci, qui couronne le film en voulant lui donner un côté poétique. 
Edward Norton a quelques scènes fortes dans lesquelles il est excellent. Michael Keaton est plutôt bon, mais un peu immobile. L'ensemble est honnête, mais peu convaincant.
Surtout, n’allez pas rater l'excellente scène où Keaton dit tout le bien qu'il pense du métier de critique. Je suis tout à fait d'accord avec lui. C'est pourquoi je me tais et vais me cacher au fond du trou de souffleur le plus profond possible.

Flash info: Birdman obtient deux Oscars:
Meilleur film
Meilleur réalisateur

 
« Modifié: 23 février 2015 à 08:12:27 par Champdefaye »

World End Girlfriend

  • Invité
Re : Birdman (Alejandro Gonalez Iñarritu)
« Réponse #1 le: 01 mars 2015 à 20:01:04 »
Un bijou ce film, tout simplement magique.
Je laisserai les critiques du dimanche pinailler sur tel ou tel détail, pour ma part je retient surtout une œuvre ambitieuse qui s'en sort avec les honneurs. Le niveau de maîtrise n'atteint clairement pas celui d'un Eyes Wide Shut par exemple, mais ce côté parfois brouillon fait qu'on ne sait pas vraiment comment tout cela va finir, et rares sont les films à pouvoir s'en targuer de nos jours. L'élément de surprise est là car les personnages (le trio Stone/Keaton/Norton) sont d'une puissance et d'une complexité rare, tout ça grâce à des dialogues au poil, j'ai adoré ça.
Autres points forts : la mise en scène vertigineuse qui fait très contemporaine, à la fois crue et onirique. On est plongé à fond dedans et c'est ce qui importe. L'ost est géniale et complète bien l'image, c'est à dire sans complexe, sans artifice, juste cette énergie brute laissée telle quelle et balancée aux yeux du spectateur... comme au théâtre ?  :mrgreen:
« Modifié: 01 mars 2015 à 20:05:28 par World End Girlfriend »

Hors ligne extasy

  • Palimpseste Astral
  • Messages: 3 134
Re : Birdman (Alejandro Gonalez Iñarritu)
« Réponse #2 le: 13 juillet 2015 à 21:05:10 »
Moi j'ai une vision plutôt particulière de ce film. Ce que j'ai essentiellement retenu, c'est l'idée de la déchéance de l'art et de l'impuissance de l'artiste. L'accent a été clairement mis sur cette idée que le cinéma se meurt, avec ce besoin du sensationnel qui est quasiment devenu une condition sine qua non de succès. Il y a bien sûr la fameuse scène où Keaton se met à délirer et voit tous les personnages de Marvel s'affronter sur une scène de théâtre dans une chorégraphie savamment organisée afin d'en faire ressortir tout le ridicule. Puis le fait que Keaton utilise (ou pense utiliser) la télékinésie, comment ne pas faire le parallèle ?
Impuissance également, parce que Keaton a énormément de mal avec sa pièce, qui de plus n'est qu'une interprétation. Ce qui semble suggérer cette question : où est le temps des grands auteurs, des grands compositeurs ? Il semblerait qu'on ne soit plus capable que de réadapter, avec plus ou moins d'adresse, un classique d'une période qui n'est plus la notre. C'est d'ailleurs comme ca que je vois la fin de la générale : l'acte de Keaton est en fait un acte désespéré, car ne pouvant être authentique, il en est réduit à ce "subterfuge" si on peut appeler ça ainsi, afin de donner une impression de réel et d'authenticité. Un petit parallèle je suppose avec l'art contemporain et les excès que se permettent certains de ses partisans. Puis l'impuissance, proprement dite, de Norton, qui ne peut jouir que s'il joue...
Par contre, je suis forcé d'admettre que je n'ai pas compris la toute fin.
« Modifié: 13 juillet 2015 à 21:12:06 par extasy »

jake07

  • Invité
Re : Birdman (Alejandro Gonalez Iñarritu)
« Réponse #3 le: 13 juillet 2015 à 21:15:54 »
Je suis plutôt d'accord avec toi extasy.

Y'a aussi la scène dans la rue, quand Keaton se balade en caleçon et que ça créée le buzz.  Par contre j'ai vu son acte comme désespéré mais aussi devenant de plus en plus authentique à mesure qu'il confondait sa vie et sa pièce, confusion s'ajoutant au fait que sa vie était déjà passablement mélangée à sa fiction de super-héros. En s'appropriant à ce point l'oeuvre d'un autre, il a réussi a créer de l'art presque à son corps défendant. En s'en laissant pénétrer au point de perdre son identité, en injectant son identité au point de perdre l'oeuvre originale. 'Fin je l'ai vu un peu comme ça perso ^^ Mais sinon je partage ton avis et j'ai vraiment adoré ce film.

Hors ligne extasy

  • Palimpseste Astral
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Re : Birdman (Alejandro Gonalez Iñarritu)
« Réponse #4 le: 13 juillet 2015 à 23:41:13 »
Ouai paradoxalement je pense pareil aussi, mais je peux pas m'empêcher de croire en même temps qu'il fait ça par désespoir, parce qu'il sait qu'il n'a pas le talent de créer un truc vraiment intense et vrai par lui-même (que plus personne peut le faire). Bref j'hésite entre les deux quoi :D
Sinon j'ai repensé à la scène finale où il s'envole, et à ce truc de télékinésie en général. Je le suis dit, mais j'en suis vraiment pas sur parce que je trouve que c'est quand même un peu faiblard comme idée, que l'auteur voulant pousser sa critique plus loin lançait un genre de message mi-sérieux mi-moqueur comme celui-là : "je sais que ce qui vous intéresse dans ce film c'est le super pouvoir de Keaton, mes petits. Je le sais et c'est pourquoi je vais vous en donner du sensationnel. Voilà."
Ce qui ajouterait une dimension supplémentaire à sa critique, parce qu'il ne critiquerait plus les films dans son film seulement, mais ferait en sorte que son film même contienne ce superficiel qu'il critique. Ce qui en ferait au moins dans un sens une parodie, et du coup le message serait plus profond parce que plus subtil.
Mais j'ai quand même l'impression de délirer grave là  :D

 


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