Quelques chapitres de mon histoire, merci pour votre feed-back 😅
Prologue - MARIA
Je l'attends dans l'incertitude de qui il pourrait être. Au cœur d'une nuit baignée d'un éclairage à la fois jaune et ambré, la porcelaine immaculée comme seul témoin, j'avais même choisi de ne pas porter de culotte.
Le bruit des passants, attablés depuis des heures aux chaises hautes du café désormais fermé, parvient à mes oreilles. Certains, adossés à leurs tables, une cigarette aux lèvres, dégagent des volutes de fumée dans l'air frisquet, semblables à des loups en quête de proie. Sont-ils, eux aussi, à l'affût ?
Vêtue de noir, j'expose mes épaules nues au monde. Mes leggings sont si bas sur mes hanches que je peux sentir le bord effleurer la fine ligne soigneusement rasée de mon pubis.
L'ascenseur des appartements gronde, s'ouvre. Je suis adossée au cadre de la porte du vestiaire de la piscine, consciente qu'il est désert à cette heure.
Il passe devant moi et s'arrête net. L'écho de son cœur résonne contre les murs. Va-t-il continuer son chemin et revenir sur ses pas ?
Il aime ce qu'il voit. Une question me taraude : la proie, est-ce lui ou moi ?"
Mes cheveux, aussi sombres que la nuit, sont tirés en un chignon serré. Mes lèvres, enduites d'un rouge profond, scintillent sous l'éclairage tamisé. Il s'approche, prend ma main. Je l'attire vers le vestiaire.
Sans perdre de temps, je m'appuie sur le banc, élève mes hanches, en équilibre sur la pointe des pieds. Au centre de la pièce, entourés de casiers vides, il fait glisser mes leggings pour découvrir ma féminité, joue avec mes lèvres pour faire briller ma mouillure. Il se déshabille, prépare son membre et s'introduit en moi. Je le sens coulisser, élargissant mes parois humides.
Il me saisit par la taille, laissant ses mains vagabonder vers mes seins, comme pour s'excuser de les avoir négligés. Il se retire pour se frotter contre mon clitoris, puis revient rapidement à la chaleur de mon intérieur.
Je me retourne pour le regarder. La lumière ne fait aucune ombre sur son corps. Je le sens durcir encore, ses yeux se ferment. Je sens son sperme couler en moi, son souffle s'échapper en cinq jets distincts. Il sort et essuie les gouttes blanches qui perlent sur les lèvres de mon sexe avec son gland.
Tentant de me redresser, je lui demande maladroitement cinq dollars pour un café de la distributrice. Il me dit d'attendre, il veut recommencer.
Je sens ses mains soulever mes hanches. Il me plie et s'arrête à l'entrée de mon intimité. Mais je relève mon bassin pour qu'il me pénètre à nouveau. Cette fois, il est plus dur et nos fluides facilitent la pénétration.
La seconde fois qu'il jouit, un long frisson parcourt ses jambes. C'est moins abondant, mais visiblement plus intense pour lui. Il se retire et reprend son souffle en caressant mon postérieur.
Je remonte mes leggings et le regarde s'éloigner, sans un mot. Mon café, alors ?
Je quitte le vestiaire quelques minutes plus tard, laissant derrière moi l'odeur sauvage du plaisir partagé. Penchée sur le balcon de la terrasse déserte, j'entends les voix des chauffeurs de taxi dans la ruelle, parlant en arabe. Je sens l'odeur de leur cigarette mélangée à l'humidité des tapis. Le vent souffle froid mais doux.
De retour dans mon appartement, j'enlève mes chaussures et me dirige vers les toilettes. Je jette un coup d'œil au crucifix qui a été redressé sur le mur de la cuisine, je vois la lueur de la bougie qui danse dans l'ombre.
Assise sur la cuvette, je sens mon corps retrouver son calme. J'entends Amal me demander si c'est moi, mais j'écris sur mon ordinateur. À défaut de se transformer en enfant, le sperme à l'intérieur de moi se transforme en mots.Chapter 1
Le Chantier - MARIA
La femme est un mal, mais un mal nécessaire. - Proverbe Latin
"Amal m’ordonne : ‘Va parler à Rima’. Un court silence, puis il ajoute, dédaigneux : ’Tu es dégoûtante. Tu ne t’es même pas parfumée ou maquillée, tu me répugnes’. Son regard m'évite depuis notre arrivée ici. Il croit que je ne remarque rien, mais cela dure depuis des mois. Il n’a plus peur d’admettre ce qu’on est maintenant, ce qu'on a toujours été. Sa vengeance ne s’exprime pas uniquement par des insultes, mais également par du dédain et des griefs.
Pour lui, contrôler est devenu vital. Il veut tout savoir, il exige mon obéissance. C’est la manifestation de sa masculinité vacillante quand l'intimité n’existe plus entre un homme et sa femme.
C’est le récit d’Amal depuis notre arrivée. L'ironie réside dans le fait que tout lui convient ici, même le froid. Mais il déteste avoir honte et je suis, à ses yeux, la source de cette honte. Sami et Rima sont importants pour lui, ils incarnent son idéal, ce qu'il a décidé de vouloir. L’homme avec une voiture flambant neuve, la femme soignée qui cuisine tout en s'occupant de ses deux enfants. Nous n’avons pas échangé un mot depuis une heure, un silence chargé de colère. Il sait que je ferai le minimum. Il se plaint pour poser les jalons, pour s’assurer que je connaisse ma place, et définir la sienne. Il a hérité cette attitude de Sami. Lui se plaint de tout, cela lui donne l'air d'être un grand patron aux yeux de mon mari, jamais satisfait. Il se moque souvent d’Amal, l’humiliant avec des mots qui lacèrent l’esprit d'un homme insécure : il s'est marié à sa cousine, elle doit être autiste ou quelque chose du genre puisqu'elle ne lui parle pas et ne sourit pas. Sami aime les femmes, il leur parle comme si il vivait toujours en Syrie ou au Liban.
Rima, sa femme, est très peu bavarde quand il est là. Elle passe son temps à dire aux enfants ce qu’ils n’ont pas le droit de faire ou ce qu’ils doivent manger. Rima est toujours impeccable et ce soir ne fait pas exception. Elle me regarde avec un grand sourire sans mépris, à ses yeux je ne suis qu'une spectatrice devant qui elle peut parler de sacs, de chaussures, de mode et des autres femmes. Celles de la garderie, de l’école, celles du travail dans son magasin. Elle rêve d'ouvrir un restaurant, de faire de la vraie cuisine avec les recettes traditionnelles. Elle veut quitter cet appartement au centre-ville et vivre dans une grande maison avec un jardin en banlieue à Pincourt ou ailleurs. Je ne lui ai jamais dit que nous vivons dans le même complexe juste parce que Amal voulait être proche de Sami, mais elle doit s'en douter, sachant que Sami peine à payer son loyer.
Elle me dit que ‘là-bas’, en Syrie, la vie était meilleure, qu'ici, tout ce qu’ils font, c’est pour les enfants, pour leur sécurité et leur avenir. Elle me demande comment va le travail d’Amal, s'il aime vendre des voitures, s'il travaille tard. Je réponds ‘oui’, elle me dit ‘c’est bien ça’. Elle me parle de regarder une maison à côté de la leur un jour, pour que les enfants que je n’ai pas puissent jouer avec les siens, dans une maison que je n’ai pas non plus. Si les enfants grandissent ensemble, ils n'oublieront pas d'où ils viennent.
Elle ne sait pas. Elle ne sait pas que je prends la pilule en secret parce que je ne veux pas d'enfant, que son mari me répugne. Que je ne veux pas vivre à côté d'elle et que je ne veux même pas vivre là où je suis.
Les Rimas, j’en vois tous les jours. Avant même de me dire bonjour lorsqu'on se rencontre, elles me demandent ‘combien j’ai d’enfants’, puis viennent le regard de souffrance comme si ma réponse les blessait personnellement.
Amal et Sami discutent dans le salon. Rami dit à Amal qu'il devrait ouvrir son propre garage, qu'il perd son temps, qu'il devrait aller à la banque ou voir un ami qu'il connaît et qui a de l'argent. Rami ne le laisse même pas parler, il lui vole la parole en disant "si j'étais à ta place" et "fais cosigner ta femme" ou "emprunte de la famille". Sami ne fait que dire "tu as raison". Au fond, le couteau ne fait que tourner.
Il n'aime pas que je prenne des cours d'anglais, il préférerait que j'arrête tout et que je travaille dans la cuisine d'un restaurant ou que je réponde au téléphone dans un centre d'appel. "Ça, ça fait rentrer de l'argent". Lui, il ne parle pas anglais et ça ne l'empêche pas de travailler, il le dit haut et fort en espérant me voir m'enfoncer un peu plus sur ma chaise.
Depuis qu'il connaît Sami, Amal divise le monde entre nous et eux. Eux, ce sont les Québécois, ceux qui ne lui achètent pas de voiture parce qu'il les pense racistes, les Juifs, comme son patron qui lui vole ses commissions en lui faisant payer des impôts. Il y a aussi les musulmans et les anglophones qui veulent nous exterminer, pour lui, le Canada n'est pas l'endroit où sa famille l'a envoyé pour échapper aux bombes d'Assad, c'est là où il est venu trouver un autre monstre qui lui plaît mieux, celui qu'il sent atteignable, qui ne peut pas le tuer ou le prendre par surprise. Il est devenu un collectionneur d'injustices car il se sent comme Rami, il ne comprend pas pourquoi il n'a pas le même compte en banque que Rami.
C'est ça la blague.
Je ne lui dis pas que Rima doit payer les courses avec 3 cartes différentes quand je suis avec elle parce qu'elle ne sait pas où Rami dépense, elle dit que c'est pour les affaires mais elle ne rentre pas dans les détails, elle dit que Sami "a des chauffeurs", c'est là où le rideau sur leur argent se ferme.
Rima finit de cuisiner, on passe à table, le silence règne entre nous, les enfants sont discrets, assis près de leur mère, le regard de leur père les transperce comme s'il ne les voit même pas, Rima répond à leurs questions avec des "mon chéri" et "mon ange". Je sens le regard de Sami, celui qu'on pose sur un chien pour savoir s'il a appris à faire ses besoins dehors. Ça commence avec une lourdeur pour l'anglais "Alors Maria, l'anglais ça avance?" Je lui réponds avec un sourire forcé, je sais ce qui s'en vient, il s'est habitué à mon silence. "Tu sais l'anglais, j'en ai jamais eu besoin, c'est curieux que tu étudies, tu as plus de 30 ans, les études c'est pour les enfants, Rima, il faut que tu lui donnes le biberon" Je sens le malaise de Rima, je ne réponds pas, il se tourne vers Amal "Bientôt, elle parlera anglais, attention les anglophones ils aiment les Libanaises". Amal sourit et répond "je lui dis, l'anglais c'est un truc de Juif, mais elle n'écoute pas, Rima devrait lui parler". Sami se met à rire, "Bientôt on va te dire 'Shalom' Maria. Rima, pour elle c'est important pour les enfants mais moi je m'en fiche, à la maison on parle arabe, c'est notre langue, je ne veux pas qu'ils soient prétentieux, d'ailleurs même la télé, on leur met les dessins animés en arabe, ça leur apprend des choses importantes sur le monde, il ne faut pas oublier d'où l'on vient.
Je ne réponds pas. Oublier d'où l'on vient? Facile quand tu as quitté enfant, est-ce que Rami se rappelle vraiment de Beyrouth ou comme tous les Libanais, en a-t-il fait une fantaisie qui n'est qu'un conte de fée que les vieux récitent aux enfants? Quand on quitte sous les bombes, pourquoi voudrait-on se rappeler d'où l'on vient? Quand un mauvais tournant ou un crucifix trop visible peut te tuer, pourquoi voudrais-tu te souvenir d'où tu viens? Quand les croyances peuvent être un couteau dans le ventre. Il devrait le savoir, combien de ses oncles sont morts? Je ne veux pas gaspiller de mots ou de pensées sur Sami, c'est le Sami-Show chez lui et le contredire serait une punition pour Amal. Je me tourne vers Rima et je lui souris, elle a le regard à moitié tourné vers la télévision qui diffuse les actualités en arabe, ses yeux sont absents. Je ne lui dis rien car je sais qu'elle ne répondra pas, poser une question à Rima, c'est Sami qui répond.
Les enfants s'excusent à la fin du repas, les garçons s'allument une cigarette, Rima et moi, c'est la vaisselle et elle m'invite à mettre les enfants au lit, leur chambre est parsemée de livres en arabe, le seul endroit de la maison avec des livres, ils implorent une histoire mais elle n'a pas la patience ce soir, elle veut faire une marche. J'hésite, je sais que ma présence empêche Sami de dépasser les limites avec Amal mais ce n'est pas ouvert à la discussion, on met les manteaux et on sort dans la rue.
Le centre-ville n'est pas très animé, elle sort une cigarette et se met à parler, c'est une longue liste de doléances et de projets, la famille de son mari qui ne les aide pas assez, les dettes et la belle-mère qui la prend pour une bonne. Il faut préparer les fêtes, elle a hâte que j'aie un bébé, quel nom on choisira, pas trop arabe pour les emplois c'est meilleur. Après une vingtaine de minutes, elle se fatigue de sa propre voix, elle se met à chanter lentement, une berceuse qu'on chante aux enfants, l'histoire d'un vendeur de raisins :
Marchand de raisins,
Annonce à ma mère, annonce à mon père
Que les gitans m'ont emportée
De notre tente Magdaléenne.
Jadis, j'apportais de l'eau à ma mère,
Je veillais sur mon neveu
Dans son berceau de bois.
Mais aujourd'hui, je dois
Surveiller l'enfant du bédouin
Dans son berceau traditionnel.
Jadis, je me nourrissais de viande grillée,
Maintenant, on me donne de la viande crue.
Je portais des vêtements cousus par ma mère,
Et aujourd'hui, je dois revêtir l'abaya.
Notre maison se dressait près de l'église
Sans aucun berger à l'horizon.
Mon père s'appelait Eissa,
Et je suis sa fille perdue,
Notre vache se nomme Khamissa,
Et notre chien s'appelle Robaya'a.
Elle sourit, il est temps de rentrer, de traverser le complexe avec Amal jusqu'à chez nous. Mais je sais déjà qu'il me demandera de rentrer seule, il a besoin de rêver avec Sami, de discuter affaires. Mais au fond, il veut écouter son professeur, car Sami est aussi une école, et l'apprentissage demande du temps si on veut obtenir le doctorat.
Nous arrivons à la porte, il est tard et je dis à Amal que je rentre, il ne répond pas. J'entends Sami parler fort, trop fort pour que mes mots pénètrent le bruit du couloir. Je m'éclipse. L’ascenseur s’ouvre sur une odeur de parfum masculin qui persiste dans le vide. J'appuie sur le bouton pour monter au 15ème étage, savourant le moment. Une fois arrivée, je redescends au rez-de-chaussée pour traverser vers notre immeuble. J'entends un homme parler en arabe sur son téléphone, demandant à sa fille de faire les courses car sa mère est trop malade. Il l'implore de venir demain matin pour qu'il puisse se reposer. Un autre homme parle en anglais, discutant avec son ami du lieu de leur rencontre dans le métro.
J'arrive chez nous, seule. Je saisis mon ordinateur, consciente que je dois étudier en répétant quelques proverbes que j'ai traduits et que je dois présenter. Mais cela peut attendre.
Je ferme les yeux et laisse mes doigts s'insinuer doucement sous ma culotte. Ils trouvent mon clitoris, se l'accaparent, puis s'immobilisent un instant, dans une sorte de délicieuse torture. La tension monte le long de mon pubis, la chaleur de mon intimité se fait de plus en plus intense, l'excitation se fait sentir jusque dans le creux de mon ventre. Mon souffle se fait plus court, plus saccadé, tandis que la chaleur envahit mes oreilles. Mes mains se font plus audacieuses, mes doigts plus fermes. Un jeu sensuel s'instaure entre rapidité et lenteur exquise. Et puis soudain, le sommet de l'intensité. Mon bassin se soulève, un orgasme traverse mon corps. Mon souffle éclate, un courant électrique parcourt chaque parcelle de ma peau, de la pointe de mes orteils à chaque mèche de mes cheveux.
J'ouvre les yeux, fixe les mots sur l'écran, puis les efface. Mon regard se pose sur la cuisine, là où le crucifix est accroché. Je me lève, le tourne vers la porte. J'allume une bougie ornée d'une image détaillée de Sainte Marie d'Egypte. Je me dirige vers mon placard. Les vêtements que je porte sont dissimulés sous une camisole. Je retire mes sous-vêtements, puis les enfile. Avant de fermer mon ordinateur, j'écris une dernière phrase. "La faim mène le loup hors des bois."Chapitre 2
Damas - MARIA
Toute lionne qui ne court pas comme un cheval meurt de faim - Proverbe Syrien
"C'est blanc, comme de la mayonnaise," déclare la femme au foulard bleu. Elle fait allusion à l'éjaculation, recourant à ces métaphores culinaires qui semblent être l'unique moyen pour ces femmes arabes d'aborder le sujet du sexe. Tout est œuf, confiture ou mayonnaise. Personne, cependant, ne songe à vous demander si vous appréciez cette fameuse mayonnaise. Autour de moi, elles semblent parler en diagonale, s'adressant à moi tout en conversant avec ma mère.
C'est une éducation étrange, sans trace tangible, sans plume ni papier. Une fois qu'elles auront quitté le salon, cela ressemblera à une réunion clandestine de dissidents politiques. Une des femmes rit alors, elles discutent d'autres mariages, de cérémonies. Ma mère répond pour moi. Même les mariages arrangés ne sont pas habituels ici, mais je suis promise à Amal car il part pour le Canada. Il a besoin d'une femme à ses côtés pour éviter de tomber dans la drogue ou de mauvaises fréquentations. Au Canada, il ne connaîtra personne, mais les membres de notre communauté l'aideront à s'installer.
On m'a présenté cette situation comme un privilège. "Tu vas épouser ton cousin, tu dois remercier tes parents pour cette bénédiction qui va entrer dans ta vie. C'est un bon garçon, il est gentil. Sèche tes larmes, tes sœurs n'ont pas le même luxe. Sais-tu combien ta famille a souffert pour arriver ici? Et maintenant, en pleine guerre civile, tu as l'opportunité de quitter avec lui. Pourquoi pleures-tu? C'est des remerciements que nous méritons, pas des cris... Vas vomir !"
Je n'oublierai jamais cette nuit où l'on m'a annoncé cela comme si je venais de remporter la loterie. Mais je savais que c'était une affaire d'immigration. Une fois la citoyenneté obtenue, nous devons faire venir le reste de la famille. C'est cette idée qui m'a fait arrêter de pleurer : le faire pour mes sœurs, pour qu'elles ne meurent pas en Syrie.
D'autres femmes viennent s'asseoir, elles parlent du Canada et de ses forêts, comme au Liban mais bien plus grand. Certaines évoquent des nièces et neveux qui s'y sont installés. J'entends une voix forte venir du couloir, c'est ma tante Nina, la femme que tout le monde déteste. Elle parle fort, elle fume, elle aime les hommes. On murmure qu'elle est devenue la maîtresse d'un ministre. Les femmes la surnomment "Celle-là".
Nina est belle, très belle. Grande avec des courbes généreuses là où il faut. Elle parle peu, mais sa voix porte. Lorsqu'on lui propose un prétendant, elle rétorque : "Amenez-moi un qui n'est pas un mouton". Elle, elle ne veut pas de mariage. Elle m'a confié une fois qu'elle est une louve, que l'amour c'est pour les agneaux. Elle me regarde, tristesse dans les yeux. Elle sait, elle comprend. Ses yeux se tournent vers la femme au foulard bleu : "Vraiment de la mayonnaise ? Peut-être que c'est pour ça que tes enfants sont si pâles ?" Un silence tombe. Nina regarde les femmes d'un air moqueur : "Bon, une chance que j'ai amené du whisky, vous avez oublié comment rire ?"
C'est pour cela qu'elles pensent que Nina ne couche qu'avec des hommes de pouvoir. Nina a toujours des choses que personne d'autre n'a : du whisky, des chocolats européens, des téléphones dernier cri. Alors que la guerre prive tout le monde, elle en a toujours plus.
"Tu respires toujours, c'est déjà ça," me dit-elle en croisant les jambes et en tirant une bouffée de sa cigarette électronique. Je la regarde avec un grand sourire. "Ça va aller, tu ne vas pas mourir. Au Canada, c'est mieux, tu verras, ils sont gentils, et les hommes là-bas aiment faire l'amour."
Feignant la stupeur, je dévisage Nina, son sourire espiègle rayonne à la lueur des néons. Elle me donne une tape amicale sur la jambe et, avec un clin d'oeil, me propose un bouffée de sa cigarette électronique. Une invitation muette à savourer l'interdit au sein d'un auditoire sclérosé par les traditions.
Puis, telle une conspiratrice, elle se penche vers moi. Ses lèvres effleurent l'arrondi de mon oreille, libérant une confidence chuchotée : "Apprends l'anglais."
Ce conseil, frugal en apparence, revêt en réalité une ampleur insoupçonnée. Nina ne suggère pas uniquement l'acquisition d'une nouvelle langue. Elle me tend une clé d'or, l'instrument de ma libération dans ce pays étranger qui m'attend, le Canada. L'anglais, c'est plus que des mots : c'est une voie vers l'intégration, l'affirmation, l'autonomie. C'est un antidote au carcan du mariage arrangé.
Je saisis alors la profondeur de son message, détournant mon regard de la fumée bleutée qui danse paresseusement vers les hauteurs. Je plonge mes yeux dans ceux de Nina, quête silencieuse d'approbation et de solidarité.
Son regard est une flamme indomptable qui me crie : "Résiste. N'accepte pas un destin tout tracé. Lutte, apprends, épanouis-toi. Tu n'es pas qu'une promise, tu es une femme, forte et indépendante."
Un sourire de gratitude éclaire mon visage. Une simple courbe des lèvres, mais qui porte en elle un océan d'émotions et de résolutions. Je ne suis pas qu'une épouse destinée à un mariage arrangé. Je suis Maria, prête à embrasser mon destin, à explorer cet univers inconnu qu'est le Canada. Et oui, j'apprendrai l'anglais.
Chapitre 3
L’École - MARIA
La femme est un mal, mais un mal nécessaire- Proverbe Syrien
Il s'interroge sur ma destination, alors que ma trajectoire est clairement établie : mes bras enlacent un panier débordant de vêtements sales. Je m'oriente vers la salle des machines, un territoire qu'il n'a jamais exploré, une enclave que j'ai revendiquée. La salle des machines est aussi le refuge de la chute à ordures. Là, je vois souvent passer un voisin ou une voisine pendant que je manœuvre le linge. Parfois, je m'installe et reste là, captive d'une attente qui paraît infinie, anticipant le grincement de la porte et l'émergence d'un visage connu.
Après quelques longues minutes, la poignée cède et une jeune fille apparaît. Une étudiante universitaire résidant dans l'immeuble, québécoise. Je la croise fréquemment dans l'ascenseur, son cartable collé à la main. Elle est venue pour les ordures. Pour l'occasion, j'ai parsemé l'air de parfum, en espérant que son intrusion mènerait à un commentaire sur l'odeur. "Ça sent bon," lance-t-elle. Je la remercie. Elle part ensuite, sans émettre un mot de plus.
De retour dans l'appartement, Amal a laissé un vide. Il est probablement sorti pour s'approvisionner en cigarettes et partager un café avec ses amis. C'est dimanche, et ils prétextent une visite à l'église pour se retrouver entre hommes.
Il me reste une demi-heure avant de m'en aller à l'école. Je m'immerge sous la douche, savourant chaque seconde. Ici, l'eau n'est pas une denrée précieuse, elle est abondante, chaude, avec un goût doux. Je laisse l'eau purifier ma bouche, mes yeux. Je la laisse masser mes seins, mon bassin. Je me rase les aisselles et le pubis. Une fois cette étape accomplie, je laisse la vapeur chaude se dissiper et tourne lentement le robinet vers l'eau froide. L'eau froide est alors comme des milliers de petites lames qui enflamment ma peau.
La piqûre de ces petites coupures m'accompagne, telle une caresse insistante, jusqu'à ce que je trouve refuge dans l'ombre anonyme du métro. Les publicités, telles des lucioles artificielles, papillonnent sur l'écran au-dessus de ma tête. Le regard de tous est accroché aux écrans hypnotiques de leurs téléphones, noyés dans une mer digitale. L'apogée de ma journée est ce jeu silencieux et furtif : capter un regard masculin qui s'attarde sur moi. Ce matin, je porte ma beauté comme une armure, à la recherche d'un regard à enlacer, mais la foule reste aveugle à mon appel.
L'école m'absorbe, les cours se déploient, et c'est le ballet des conversations qui danse autour de moi. Mon groupe est une mosaïque d'âmes, nouvelles venues d'Afrique. L'homme à côté de moi, médecin dans son pays, n'est ici qu'assistant de recherche à l'université. Il apprend l'anglais comme on apprend un code secret, pour pouvoir déchiffrer la littérature scientifique d'ici. Arrivé sur ces terres avec femme et enfants, il a troqué son Ghana natal pour la promesse d'une vie meilleure. Mais son pays résonne en lui comme un vieux refrain nostalgique.
Ici, le manque est une langue commune. Les Marocains égrènent souvent les paysages qui leur manquent : la plage, les palmiers. Mais les Africains, eux, dessinent des tableaux d'odeurs. "C'est l'odeur des gens", me confie-t-il. "Au Ghana, tu peux presque deviner d'où vient quelqu'un grâce à son odeur. Les gens de Tamale, ils abusent du parfum. Comme s'ils voulaient effacer leur nordicité, mais moi, je le sens."
Les gens d'Europe de l'Est, eux, sont avares de mots. La plupart maîtrisent l'anglais, mais s'attachent à sa prononciation. Comme s'ils étaient nés avec un "Y" superflu et passaient leur journée à décider où le placer. Au Canada, l'anglais est le rythme du quotidien, au Québec, il est comme un écho verbal qui s'atténue à mesure qu'on s'éloigne de Montréal. C'est une langue à double tranchant, qui ouvre et ferme des portes simultanément.
Le jour de mon arrivée en classe, le professeur m'a interrogée sur ma motivation à apprendre l'anglais. Face à son regard scrutateur, je n'ai su répondre que : pour me faire des amis. Il a esquissé un sourire et m'a dit que c'était bien. Pourtant, je sens que ma réponse, dans sa candeur, a résonné faussement. Ici, tout le monde apprend avec un but précis en tête. Je suis la seule à devoir dissimuler le mien : celui de me libérer de ma prison, celui de pouvoir m'enfuir d'ici.
Aujourd'hui, un étudiant hongrois présente un proverbe de son pays. Je m'égare dans son discours plat et convenu. D'un pays à l'autre, la morale demeure la même, seule la langue varie, et les leçons défilent, toutes semblables. En fait, c'est peut-être là l'essentiel. Pour un homme, un proverbe est synonyme de sagesse, pour une femme, il est censé incarner une leçon, comme si cette dichotomie réductrice ne dévoilait pas, en filigrane, le sexisme qu'elle porte.
Le cours achevé, je me retrouve dans la rue, au milieu de cette vague humaine qui déferle pour le déjeuner. Amal ne se soucie pas de l'heure de mon retour, il travaille jusqu'à 21h. Alors je décide de suivre le fil de la rue Sainte-Catherine, là où se situe le collège. L'argent me manque, alors les distractions sont rares. Mon seul passeport pour le monde est ma carte de métro. Parfois, dans ces moments d'ennui, je prends simplement le métro pour me promener dans les stations les plus éloignées, pour découvrir les différents quartiers de Montréal. Aujourd'hui, je regarde la carte et décide de m'arrêter à la station Outremont. Le long voyage n'est interrompu que par l'annonce des noms des stations, déclamés par une voix féminine.
Arrivée à destination, je déambule dans les rues animées de familles juives hassidiques. Elles sont si différentes de moi, si étrangères dans leurs vêtements et leur langue, que j'ai l'impression d'avoir atterri sur une autre planète. Soudain, une énergie rebelle m'envahit. J'aperçois une imprimerie affichant une pancarte "Help Wanted". Je sais ce que cela signifie : ils cherchent du personnel. Je m'arrête un instant, observant la façade de briques rouges.
À l'intérieur, un homme est assis, des bigoudis et une kippa noire ornent sa tête comme une perruque étrange. Il ressemble a un lapin. Je franchis la porte et l'odeur du papier fraîchement imprimé m'assaille. L'homme aux bigoudis me dévisage. Je lui demande si le poste est toujours disponible, mais il fronce les sourcils, me répond d'un ton moqueur, "désolé, seulement pour les hommes". Je fais demi-tour, riant en moi-même en retournant dans le froid. J'imagine la tête d'Amal s'il savait que j'ai postulé pour travailler avec un Juif hassidique. Je sens une chaleur grandir en moi, presque comme un feu sous mon manteau.
C'est alors que j'entends un sanglot. Ça semble provenir de l'espace étroit entre deux immeubles, d'une ruelle enneigée jonchée de cartons et de palettes pourries. Le sanglot est celui d'un enfant. Comme le chant hypnotique d'une sirène, je suis attirée par le son, un doux murmure entrecoupé de hoquets. Je suis ce son comme une chauve-souris suit un écho. Et c'est là que je la vois, assise au bas d'une spirale d'un escalier de secours. Son visage est enfoui dans sa longue robe qui descend jusqu'à ses chaussures, ses cheveux roux frisés par l'humidité. Elle ne m'a pas entendue. Je reste quelques secondes à la regarder, telle une peinture de pure misère. J'observe son visage en quête d'une pause dans ses pleurs.
Sa face se lève lentement et elle me fixe. Le visage marqué par la tristesse, les yeux d'un bleu éclatant. Sa beauté est presque féerique. J'essaie de soutenir son regard. Elle est jeune, peut-être 18 ou 19 ans. Elle est silencieuse. Je lui offre un sourire, et soudain, ses lèvres esquissent un sourire en retour. Nous éclatons de rire, deux parfaites inconnues partageant un moment d'hilarité. Je sors un mouchoir et le lui tends. Elle me remercie et me dit ‘’ My name is Lilianna’. Je lui réponds, “Maria".
Prologue - Lilianna
Assise sur un banc marqué par le temps, mes mains cherchent refuge entre mes genoux, un geste désespéré mais nécessaire, un appel silencieux à la chaleur dans le froid mordant. Mon regard se perd, s'élève puis retombe, s'accrochant à un plafond devenu une constellation d'écrans muets.
C'est le début d'un cauchemar qui prend forme : être abandonnée, perdue dans un pays qui m'est étranger. Mes pensées s'échappent momentanément du tumulte de ma panique. Le jour a-t-il cédé la place à la nuit ? Est-ce six heures du matin ou six heures du soir ? Il est impossible de le savoir, tout est si sombre. Un bleu terne et mélancolique a tâché mon nouveau monde. Les portes de l'aéroport, où j'attends ceux qui avaient promis à mes parents de venir me chercher, tournent sans fin, semblables à une horloge, moquant mon désarroi de leur danse incessante, ne déversant que des visages inconnus.
Où sont-ils donc ?
Avant de quitter New York, mon père m'a remis un bout de papier griffonné de quelques détails. Des noms, un numéro de téléphone interminable, peut-être une adresse ? Sans un sou en poche, je ne peux ni appeler ni me rendre à l'adresse, prise entre la peur d'être en danger et l'embarras d'une situation inconfortable.
Et si le chauffeur de taxi est un homme, il serait inconvenant que je sois seule avec lui.
Poussée par le désespoir, je scrute les passagers de l'avion. Certains parlaient le yiddish, d'autres l'hébreu, pourraient-ils m'aider ? Devant une boutique de fleurs, j'aperçois une femme âgée Frum, la perruque et les vêtements longs. Je rassemble mon courage et m'approche d’elle.
"S'il vous plaît Madame, j'essaie de joindre ceux qui sont censés m'accueillir, j'ai un numéro de téléphone mais il ne fonctionne pas. Pouvez-vous m'aider ?”
La femme me regarde d'un air égaré, puis se détourne pour reprendre son shopping. Mes tentatives pour obtenir de l'aide restent vaines, alors je retourne à mes bagages sur le banc et m'assieds en silence.
Mes pensées s'évadent vers ma mère, mes sœurs qui m'ont dit au revoir les larmes aux yeux. Ils me manquent, je me souviens de nos dernières nuits passées ensemble à parler de mon voyage, de mes attentes. Elles voulaient voir des photos de mon futur mari au Canada, il m'en avait envoyé une dans son imprimerie, craignant leurs moqueries. Il est tres laid mais, en tant qu'aînée, il était de mon devoir d'honorer la volonté de mes parents. Ils m'avaient annoncé la nouvelle sans avertissement, une semaine avant.
L'expression de ma colère m'humilie, comment puis-je avouer à mes parents que je ne désire pas d'homme, que je cache en moi depuis tant d'années un secret : mon attrait pour une femme plutôt qu'un homme.
Voilà mon secret, ma honte la plus indicible, celle d'un désir qui refuse l'intimité d'un homme. Celle de ne pas vouloir porter d'enfants. Celle de fuir la colère d'un Dieu qui pourrait me haïr.
Mes pensées sont un train en chute libre, me poussant vers la sortie, vers l'évasion, vers une disparition qui bataille contre mes instincts, contre ma volonté.
Je suis égarée dans la douleur, mais elle hante toujours mes pensées.
Elle qui était comme moi.
Je ferme les yeux, et je peux encore sentir ses doigts. C'était notre dernier rendez-vous avant que tout ne bascule. Le parfum du café sur son haleine tandis que deux de ses doigts exploraient mon intimité, sa langue traçant un chemin sur mon cou. Ma robe relevée dans cette salle de cinéma presque déserte, mes jus inondant le fauteuil en cuir, le rendant glissant.
Son regard lors de notre première rencontre dans la cour de l'école hante mon esprit. Toutes ces années passées à éviter l'inévitable, à bâtir notre complicité, ce souvenir d'une soirée où nous étions seules, rentrant du centre d'études. Ce moment où elle m'a poussée dans une allée, où elle m'a fixée et m'a embrassée, unissant son âme à la mienne dans un élan indescriptible. Un instant seulement. Et pourtant, en cet instant, j'étais entièrement conquise.
Et de cet amour, qui brûle dans mon cœur tel un brasier, naît une colère insurmontable. La colère du jour où elle a annoncé ses fiançailles, de ce sentiment d'inconsolable tristesse qui m'a submergée. Comment pouvait-elle être aussi joyeuse alors que j'étais assise là, la regardant célébrer, danser ? Comment ose-t-elle, alors qu'elle était censée être mienne, qu'elle m'appartenait ? La nausée et la jalousie ont pris possession de moi, telles des geôliers fiers de ma douleur.
Et me voilà, abandonnée dans un hangar, seule. Que faire maintenant ? Fuir ? Vers où ? Dans un monde si glacial et déchiré ?
Assez, je me redresse, tête baissée, et m'oriente vers la sortie, c'est alors que j'entends mon nom.
Lilianna?
Je me retourne. Un vieille homme barbu avec des lunettes épaisses se tient devant moi. Une femme en long manteau et perruque courte m'observe. "Es iz zi", dit-elle, "c'est elle" en yiddish. Aucun sourire, aucune expression. Ce n'est pas un moment de joie pour eux, c'est une corvée. Je suis simplement un bien à récupérer. L'homme prend mes valises, la femme me demande de la suivre.
À l'extérieur, une minifourgonnette rouillée m'attend. Je m'installe à l'arrière, aucun mot n'est échangé avec moi. Le téléphone de l'homme sonne, probablement mes futurs beaux-parents qui s'enquièrent de la marchandise. Mais non, c'est un client. L'homme parle fort, l'odeur de sa cigarette me monte aux narines. Il conduit vite, maladroitement. Je nourris en moi l'espoir malsain que la voiture subisse un accident, que tout finisse ici. Je lis les noms des rues qui défilent, des noms, pas des numéros. Je vois la neige entassée sur les trottoirs.
Alors que nous tournons dans une ruelle où les duplex sont entassés les uns contre les autres, la femme se tourne vers moi. "Vous avez de la chance", dit-elle, "nous avons une chambre pour vous. Vous allez être chez nous jusqu'à ce que les choses se mettent en place." La voiture s'arrête. L'homme sort, fume une cigarette, toujours scotché à son téléphone. Je récupère mes valises et monte les escaliers.
La femme m'annonce qu'elle viendra frapper à ma porte à l'heure du dîner. Je m'assieds sur le lit, observant la fenêtre. Dehors, les lumières floues de la rue se mêlent aux gouttes de condensation créées par le chauffage. J'entends l'homme qui m'a recueillie monter les escaliers. Ses pas pesants font craquer le bois vieilli. Je l'entends marcher le long du couloir, fermer une porte, le bruit de son urine qui percute l'eau du WC.
Je glisse l'oreiller sur ma tête, mon esprit rêve des lèvres qui me manquent, j'imagine sa bouche. Son visage s'impose à mon esprit. Les larmes arrivent rapidement. Elles coulent librement. J'ouvre la fenêtre, laissant le froid les cristalliser sur mes joues.