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Auteur Sujet: Désintégration du pardon [défi tictac 12/07]  (Lu 3382 fois)

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Désintégration du pardon [défi tictac 12/07]
« le: 13 juillet 2019 à 00:09:24 »
Parce qu'il faut bien que cela commence et se finisse quelque part, à un moment, c'était un soir et nous étions à l'appartement. Nous ne faisions rien ou si peu. La fenêtre entrebaillée par notre besoin de fraicheur, qui grinçait sous le coup de brises. Qui grinçait de temps en temps comme seul réel bruit présent et ça nous faisait autant sourire que sursauter, comme si l'appartement décidait de prendre part au ménage en nous parlant. Le seul qui parlait. Dehors, les bruits d'un briquet qui ne marche pas, d'un voisin qui ne perd pas espoir. Les bruits lointains de la ville vivante et de tous ses remugles animalos-mécaniques. C'était un soir où je me suis rendu compte que j'étais devenu invisible.

Mes pas sur la moquette étaient devenus silencieux.
Mes soupirs n'avaient plus d'air, plus de brise à souffler dans ton cou.
Je n'avais plus de mots depuis longtemps et j'ai sans doute d'abord du être muet à tes yeux.

J'étais invisible à errer dans l'appartement. Je profitais de tes départs en coup de vent, me faufilant à la porte pour t'accompagner dans les rues, sans plus trouver ta main. Comme d'habitude je te laissais aller dans ton coin, voir tes quartiers et moi les miens, avec la rigueur de nos retrouvailles au soir devant la porte, la langue pleine de nos pérégriation jouarnalières à se raconter. C'est un matin après un soi comme celui-là où je me suis rendu compte que j'étais invisible aussi aux yeux des autres, comme pour confirmer mon impression de la veille. A marcher dans les rues - dix badauds portants des écouteurs aux oreilles - à prendre les trains et les bus - quatre portables sortis dans les carrés places assises - et voir dans les voitures autant de bulles uniques s'extrayant vitalement hors des autres. Reniant le principe de la vie de ville simplement pour pouvoir se sentir respirer l'air. Tous niant l'absurdité de l'entassement. Dans les rues, des centaines de gens mouvants les lèvres, se parlant à soi-même sans aucun bruit de conversation. Nulle part bruit humain, que de voitures et de scies et de talons. Alors, au milieu des murmurants fixant des projections internes et virtuelles, je me suis rendu compte que j'étais invisible. Pas de réponses dans les supérettes.

Au soir, je suis resté devant la porte de l'appartement. J'ai toujours fini ma journée avant toi. Je n'ai pas pu rentrer. J'aurais aimé, je n'ai pas pu. J'attendu alors, assis sur le pas de la porte, sans aucun regard de la part des passants. Je n'avais rien fait autre de ma journée que de penser à toi. Je n'avais rien pu faire de ma journée, j'étais invisible et il fallait que je te le dise. J'ai attendu et je me suis imaginé que tu t'inquiétais, qui tu m'en voudrais ou pire, que tu ne remarquerais pas. Je suis resté sur le parvis et puis tu es arrivée, plus tard qu'à l'accoutumée - j'ai eu l'impression que tu me regarda - tu as mis la clé dans la porte, montée les escalier et rentrée dans l'appartement et je suis resté dans le courant d'air de ton passage. Alors je t'ai vue te mouvoir dans notre espace.

C'était magnifique. De te voir. Te flirter avec les quatre coins de la pièce, disparaitre dans une autre et réapparaitre. C'était magnifique de te voir prendre des objets et les reposer à des endroits selon la logique silencieuse de ton esprit. La cartographie de ton corps donnant vie à l'appartement. C'était magnifique de te voir boire, manger, même ta façon d'aller aux toilettes, de nettoyer les miettes sur la table. Les musiques que tu mettais, que tu chantais, que tu dansais. Tu te changeais et l'ayant trop pensé j'étais alors à court de magnficience verbalisée.

Mais tu ne me voyais pas.

J'ai adoré te voir vivre comme si je n'étais pas là. Etre libre de tout échange de mots et de regard, j'ai adoré être voyeur de la plus belle chose qu'il m'ait été donné de voir.

Mais tu ne me voyais pas.

J'ai simplement voulu te dire,
que j'étais devenu insivible
inaudible,
et toi tu ne me voyais pas.

J'ai essayé de crier, j'ai essayé de l'écrire, j'ai tapé dans les murs. J'avais la vaisselle à la main quand la fenêtre a couinée et tu l'as regardée, surprise, puis avec un sourire quasi attendri. Ce sourire m'a brisé et je me suis tu. C'était trop beau pour que je m'emporte alors je me suis assis dans un coin, je t'ai regardé et je me suis tu. Tu as monté la musique et tu n'as plus chantonné : tu as chanté. Je ne t'avais jamais vu chanter et maintenant tu chantais et cette voix était celle de chanteuses, de groupes qui avaient fait battre nos coeurs et le coeur de tant d'amoureux, là même ici bas dans cette ville. C'était ce genre de voix à faire vibrer des corps, à transcander des heures bien au delà de la chair et de ta langue, comme une réalité à part. Tu as arrêtée de chanter et une fois toute la magie sortie tu as souris, pris ton sac et est sortie.

Je t'ai suivie encore, n'étant plus que l'ombre de ton chien, persuadé de pouvoir connaitre le fin mot de mon énigme au bout de tes pas. Comme il faut bien que finisse et tout commence quelque part, c'était un soir sur un toit. Nous avons monté les escalier et arrivés tout en haut, il y avait des tables et des dizaines de gens fumant, parlant, riant sous des guitares et des éventails. Je me suis arrêté devant l'assemblée - toujours invisible - ne sachant pas où aller. Le ciel était violet et les nuages en étaient baignés. Je t'ai vu aller vers des gens, dire bonjour en souriant, plaisanter avec des gens que tu ne connaissais pas. C'était magnifique. Alors j'ai compris que je n'étais pas invisible mais simplement de trop. J'ai compris que tu m'avais pardonnée et que je n'avais plus à être le fantôme de ton quotidien.
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Re : Désintégration du pardon [défi tictac 12/07]
« Réponse #1 le: 13 juillet 2019 à 01:01:05 »
C'était un soir où je me suis rendu compte que j'étais devenu invisible.
Bonne intro héhé

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Pas de réponses dans les supérettes.
ça fait partie de ces trucs de lecture que je ne sais pas expliquer mais pour une raison ou pour une autre je kiffe cette phrase

Le passage qu'occasionne le (second) couinement de la fenêtre est assez beau

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n'étant plus que l'ombre de ton chien
HAHAHA
- non mais la honte (sur moi) parce que je me suis dit "hahaha abusée, cette référence" et après dix secondes je me suis souvenu que non, c'est à Brel que je suis censé penser quand je lis ça et pas à Maitre Gims

"Ah oui c'est vrai" je me suis dit en lisant les dernières phrases, parce que j'avais oublié le titre du tictac. C'est bien construit du coup, le texte tombe bien sur ses pattes !
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Re : Désintégration du pardon [défi tictac 12/07]
« Réponse #2 le: 13 juillet 2019 à 11:51:13 »
Souvent les intro les plus simples en phrases directes fonctionnent bien ^^


Périphrase ? Vague souvenir je sais plus



Hahahaha, je me suis dit que j'abusais peut être oui avec cette référence x)



Cool ! :) Merci alors !!
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Re : Re : Désintégration du pardon [défi tictac 12/07]
« Réponse #3 le: 13 juillet 2019 à 11:54:07 »
Souvent les intro les plus simples en phrases directes fonctionnent bien ^^
C'est pas une critique dissimulée de mes tictacs j'espère :mrgreen:
Non mais en fait c'est "chien" c'est pas "iench" donc ça ne peut être que Brel.
A la prochaine, tictaqueur de la Graille !
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Re : Désintégration du pardon [défi tictac 12/07]
« Réponse #4 le: 18 juillet 2019 à 11:52:22 »
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Alors j'ai compris que je n'étais pas invisible mais simplement de trop.
ça claque bien, jolie fin de texte.

Pas joyeux cette affaire mais pas mal menée. Émouvant, avec quelques passages bien chouettes, moi aussi j'ai kiffé la phrase :
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Pas de réponses dans les supérettes.

++
Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l'inévitable ; partout les éboulements du hasard. M.Your.

 


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