J’ai pu voir un escalier
Et ses marches étaient nombreuses,
Tant qu’on ne pouvait les compter.
En haut, la porte victorieuse.
Et, d’en bas, on pouvait la voir,
Très bien qu’on la voyait même,
Surtout qu’autour tout était noir.
Monter, c’était le problème.
Mais tout se trouvait derrière.
Là, il y avait quelque chose,
Une vérité, une chère,
Qu'on sentait la porte étant close.
Devant, il y avait un homme,
Il était là à la garder,
Il l’a pas dit, c’était tout comme.
Et moi, moi je voulais monter.
Jusqu’à la porte pour l’ouvrir,
Cette vérité la connaître
Et entièrement la saisir
Pour la porter tout haut dans mon être
Alors, d’un coup, il me demande :
« La lueur par-delà la porte,
Est-ce l’objet de ta demande ?
Sache qu’avec ton cœur tu l’apportes »
Et sans s’arrêter il poursuit :
« Trouve-moi le nœud de tes maux,
Qui profondément s’est enfoui,
Et te pèse comme un fardeau.
Regarde-toi dans la glace
C’est nu qu’enfin tu le verras
Brandis-le haut et fais-lui face
À toi la porte s’ouvrira »
Alors en moi j’ai dû descendre,
M’arracher certains souvenirs
Remontés à l’état de cendres.
À leur vue j’ai voulu vomir.
J’ai cru qu’enfin je le tenais
Ce fruit pourri, sale et difforme
A mon retour tout était laid
J’ai couru, couru vers l’homme
« Voilà, dis-je, c’est celui-là »
Et je n’attendais qu’une chose,
Qu'il ouvre et dise « c’est par là »
Mais il a dit : « c’est autre chose »
J’ai dû replonger, plus profond,
Aller chercher, toujours plus loin,
Le mal dans ses fondations
Je l’ai saisi à pleines mains
En remontant, j’ai regardé
Derrière moi, dans mon sillage,
Les débris que j’avais laissés.
Parmi eux, au fond, un nuage.
Il était noir, privé d’espoir,
Avalant tous les alentours,
Habitant mon âme un trou noir,
Qui jamais n’a pu voir le jour.
J’étais pétrifié mais j’ai su
J’ai su alors à cet instant
Ce que voulait l’homme en tribut
Ma porte à moi, vers le néant.
Parvenu en haut tout en pleurs
De ne pas avoir su combattre
Le monstre de mes profondeurs,
Je disais : « puisse-t-on m’abattre »
L’homme m’a dit droit dans les yeux :
« Je vais te montrer la lueur,
Ce que tu rates dans les cieux
Pour t’être enfui devant ta peur »
Il fit et dès lors j’ai vu,
Dans les ténèbres illuminées,
J’ai vu ce que j’avais perdu.
Et puis l’homme a voulu fermer.
J’ai bondi vers la lumière,
J’aurais voulu qu’elle m’emporte.
Laisser le monde derrière,
Et que se referme la porte.
Trop tard, l’homme m’a rattrapé
Il m’a pris dans ses grands bras blancs
Je remuais pour m’échapper
Mais il m’a jeté en avant.
Dans ma chute je les ai vus
L'escalier qui défilait
Le nuage de mon vécu
La nuit froide qui m’aspirait
Aujourd’hui encore j’ai peur
De ce qui, loin en moi, sommeille.
Je me souviens de la lueur
Qu'un homme, quelque part, surveille.