La pluie
Il pleut. Je marche, la tête baissée, droit devant moi. La capuche rabattue sur mon visage ne me laisse voir que le goudron à perte de vue. Une odeur humide et douce, typique des jours de pluie, m’envahit et surcharge mes sens. C’est comme si une odeur délicieuse, humide et douce, était tapie dans l’ombre, attendant le bon moment pour se révéler et montrer sa beauté. Parfois, les chaussures des passants apparaissent, salies par le sol. Certaines sont encore blanches, d’autres bleues, avec les lacets défaits ou des talons hauts, mais toutes ont un point commun : elles marchent d’un pas rapide, comme si la pluie les poussait à allonger leur foulée, comme si une force supérieure les pressait. Je me rends alors compte que mes pieds suivent la même directive. Pourquoi serais-je une personne parmi tant d’autres dans la foule ? Je m’efforce immédiatement de ralentir l’allure.
Je croise de moins en moins de chaussures et le goudron devient irrégulier, laissant peu à peu place à un sentier de terre. Le vent se lève, soufflant dans les branches. Une odeur de chêne flotte dans l’air, et des feuilles virevoltent devant mes yeux. Le chemin doit être bordé d’arbres, ou peut-être même entouré d’une forêt, mais avec ma capuche, je ne vois que mes pieds trainer sur le sol mouillé. Je continue sur ce sentier boueux, la pluie s’écrasant violemment sur le sol et éclaboussant le bas de mon pantalon. Puis, au milieu de nulle part, je m’arrête.
J’enlève ma capuche et regarde autour de moi. Je crois que j’aime bien la pluie. De grosses gouttes tombent sur mon visage, et mes cheveux mouillés se plaquent contre ma peau. Je suis effectivement dans une forêt, pas très dense, mais assez vaste pour que je m’y sente perdue, insignifiante. Ce rideau d’eau me sépare du monde ne laissant place qu’aux arbres et au chemin. Je ferme les yeux. C’est agréable que de se sentir disparaître ainsi. Le bruit de la pluie se mêle aux chants des oiseaux et aux bruissements des feuilles. Je ne ressens plus que le vent et la pluie fouettant mon visage s’infiltrant jusque dans mes os. Dans ma tête, seule cette douce mélodie résonne. Bientôt, je suis trempée, mais cela n’a pas d’importance. Seule compte la grande partition chantée par cette nature gorgée d’eau et de vie, dont les notes, transportées par le vent et la pluie, résonnent en moi.
J’aime la pluie. Cette sensation enivrante devient presque euphorique. Le bruit se fait plus intense, plus dérangeant aussi. Une voix lointaine se mêle au tumulte. Mes pensées reviennent, et le bruit devient parasite pour mon esprit, au point de me donner mal à la tête.
Il pleut. La pluie s’écrase lourdement, avec irrégularité, sur les carreaux. Le vent essaie de s’introduire dans la pièce, et le professeur doit parler plus fort pour se faire entendre. Il répète un mot en me regardant fixement, comme s’il attendait une réponse de ma part. Puis je comprends, redresse la tête et me remets à travailler.