Un ami d’une nuit
C’était un soir de samedi à Paris, avec ma femme deux amis Biloute et sa femme Fabienne enceinte jusqu’aux cheveux et mon cousin Serge un phare pour moi , à l’époque des grandes épopées de sixties . Nous nous étions engouffrés au Castor petit resto sympa du quartier de La Contrescarpe, bourré d’artistes et de poètes. Il faut tout de suite préciser que les temps, comme on dit, ont sacrément changé, c’était l’époque de l’amour du jazz, du rock, des papiers à fleurs, robes longues et colorées, pantalon pattes- d’eph, des soirées arrosées, avec bains de minuit. J’avais installé une estafette de baba-cool pour arpenter les routes méditerranéennes de l’Europe avec nos enfants 6 et 9 ans
Le resto était plein, nous mangions et parlions de l’art et d’autres banalités, à côté un jeune couple avec un type bizarre finissant sa troisième bouteille de rosé. Il sort du sac de sa copine une paire de ciseaux, se coupe un peu la frange, attrape l’anse du sac et la coupe tranquillement, puis une altercation, la fille lui dit adieu et elle sort du resto. Nous étions entre fou rire et stupéfaction et continuons notre soirée.
Puis Jean-Luc, car il s’appelle ainsi, nous dit tout de go -Maintenant que les cons sont partis on va être entre nous-. Il vient à notre table, mon cousin Serge était rentré pour raison de travail, puis il nous demande si on veut faire une partie de bras de fer, mon ami Biloute et moi rions et acquiesçons, et c’était parti à chaque tournoi un alcool...si bien que le resto était devenu un bateau...ivre!!! (je ne peux m’en empêcher).
Jean Luc Lacombe de son nom car l’histoire est vraie nous dit -bon maintenant on va faire le tour de La Contrescarpe et tout a changé à partir de cet instant, il avait sa guitare avec lui et quand il arrivait dans chaque bar ou boite ce fut toujours le même refrain – Salut Jean Luc, haie d’honneur, applaudissements, hourrah, c’est un phénomène ce mec (car il est toujours vivant) , la pression descendait dans les verres, les bouteilles se débouchaient, on descendait dans une cave, le champagne coulait et toujours des anecdotes . Il est de La Rochelle et a fait la transat sur Catamaran. Nous arpentions les petites rues et notre grand marin chanteur et tout juste ami marchait sa boite noire à la main comme sur son bateau en pleine mer, il s’arrêtait et haranguait la foule imaginaire -Braves gens qui dormaient , il est quatre heure et c’est Lacombe qui vous le dit tout va bien, soyez en paix Et dans une boite au sous-sol dont je ne me souviens du nom ce fut l’apothéose (Fabienne enceinte et Biloute nous avez quittés et pour cause…) , Et là Jean Luc seul sur le podium nous a fait un concert improvisé de deux heures, il avait tout à fait le style de chansons de Renaud débutant à l’époque (Si bien que quand on l’entendait à la radio ma femme et moi les confondions). Et entre deux verres il reprenait, j’imagine que seul sur son bateau il devait en faire autant, je me souviens d’un passage où il criait à un naufragé la bouteille de scotch à la main et rond comme un tonneau -Tiens bon je suis là accroche toi à la vie et il le ramenait à bord ….
Et nous sommes repartis tous trois dans l’Estafette, nous habitions à cette date à Villeneuve La Garenne, il regardait partout pour apercevoir un lièvre ou un lapin…
Nous sommes montés au neuvième (j’avais obtenu un appart par la société Peugeot ou j’ai été dessinateur industriel avant de me convertir dans le cinéma). Il avait faim, une boite de sardine et une bouteille de rouge ont fait la rue Michel. Il a dormi comme un bienheureux
Le lendemain je l’ai emmené dans son quartier à Montmartre, tous deux à huit heures du mat touillant notre petit noir et ces derniers mots furent – Quand je pense que mes potes de La Rochelle arrivent ce soir pour France Angleterre de rugby demain, on va en tenir une bonne à la troisième mi-temps !!