Bonjour tout le monde. Ci-dessous un texte que j'ai écrit il y a plusieurs mois déjà, j'ai toujours eu du mal à être suffisamment satisfait de celui-ci mais je voudrais quand même le publier pour avoir des retours. J'ai dû repasser des dizaines et des dizaines de fois dessus et je viens encore de le faire un peu avant de le poster ici. Cela fera peut-être partie d'une histoire plus large (ça pourrait être un chapitre ?)
Attention, c'est un Western alors le langage est très cru et peut être offensant (contexte).
Contes de l'Ouest : l'histoire de Wyatt Cole, dit « au chapeau blanc ».
*
Autour du feu de camp, dans une belle nuit de pleine lune au milieu des forêts du Colorado, Brown jouait doucement de son banjo. Ethan lui voulait en savoir plus sur le fameux Wyatt Cole, « au chapeau blanc » comme on le surnommait. Dont il avait déjà eu un aperçu, et dont la réputation de bandit sans foi ni loi parlait de lui comme un tueur, un violeur, un pilleur et un fou ; mais dont on disait de son regard et son sourire qu’ils étaient si perçants qu’ils en devenaient enviables. Il interrogea le vieux Pete qui, en nettoyant son colt lui dit simplement :
« Assis toi, je vais t’en parler. »
Ethan se posa, enleva son Stetson, et tel un enfant à qui l’on raconte une histoire avant de dormir, se tint prêt et écouta avec respect.
Le temps d’un instant, le vieux Pete ralentit ses mouvements, comme si quelque chose de lourd lui revenait soudain à l’esprit. Puis son regard fondit dans le feu craquelant…
« Le fait le plus lointain que nous ayons de lui date de 1869, il était encore assez jeune à cette époque. Il ne connut jamais son père, probablement mort en 1848 lors des combats avec le Mexique. Il finissait son adolescence, et en tant que jeune homme fragile à la recherche d’une certaine identité à cet âge-là, il avait une relation de plus en plus tendue avec sa mère. Ensemble, ils vivaient dans un piètre taudis en Arkansas. Petit à petit, tous deux se retrouvaient plongés dans la solitude et une extrême pauvreté ; elle sombra dans l’alcool.
“Viens là je te dis ! Maman va te montrer comment on s’y prend !
- Arrête putain laisse-moi tranquille t’es encore bourré !” Hurlait-il, ne sachant pas si une fois de plus il devait s’enfermer dans sa chambre, ou fuir dans les champs et revenir une fois sa mère calmée.Un soir, alors qu’elle lui fit une à nouveau son infecte soupe de légumes, c’est peu dire qu’il perdit ses moyens et… »
Le vieux Pete s’arrêta un instant.
« C’est difficile de savoir exactement ce qu’il s’est passé ce jour-là, mais…
“Encore cette soupe, disait-il d’un ton monotone.
- Quoi, t’aurais voulu un filet mignon ?”
Wyatt restait silencieux.
“Avec du réglisse peut-être ?”
Sa cuillère tremblait alors qu’il tentait de la tremper dans le bol, sachant à l’avance le goût de merde qu’elle aurait, puis la nuit de merde qu’il passerait, puis la journée de merde du lendemain, puis celle d’après, et celle d’après…
“Maman… pourquoi tu…”
Elle le fixa sans une once d’instinct maternelle, lui tremblait de plus en plus arrivant à peine à tenir sa cuillère. On entendait le son frénétique qu’elle faisait, tapant sur le bol de céramique.
Et dans une colère et une haine qui se libéra enfin, il sortit le revolver qu’il avait acheté en cachette avec les économies volées de sa mère, pour lui tirer en plein dans la tête, dans une explosion de sang qui se répandit sur toute la pièce, et le fracas déchirant du coup de feu et du corps avec sa chaise qui s’écroulaient trop brusquement sur le parquet.
Lui fut de même immédiatement plongé dans un silence encore plus percutant, le bras tremblant encore tendu, l’outil de sa haine en son bout, le regard cauchemardant.Se rendant compte de son acte, on dit qu’il enterra le revolver quelque part entre Hot Springs et Stillwater. Puis il fuit dans la nuit et partit vers l’Ouest y tenter sa chance comme beaucoup d’autres après la Guerre.
Le train siffla, arrivant en gare accompagné par son vacarme de vapeur. Wyatt descendit sur le quai, regardant déboussolé la vie tout autour de lui.D’abord il arriva au sud de la Californie, où il travailla en tant que cireur dans une petite ville de la frontière. Son patron, un cordonnier qui possédait la petite compagnie, était l’archétype du Mexicain moustachu :
“Plus fort W’att, ou tù ne seras jamais ún hombre cómo mí !”Les journées étaient rudes. Le soir pendant le seul temps libre qu’il avait, il tentait de se faire un nom dans les saloons, mais, entre les mineurs et les prostitués, se faisait constamment tourner en ridicule.
“Alors Sherman ! Que tous surnommaient ainsi pour se moquer de son physique en contraste avec celui du général de l’Union,
je vois qu’on commence à s’habituer à l’alcool ? Jack, tu n’oserais pas dire non hein ?”
Jacques de son vrai nom, barman venu de France, esquissait un sourire en écoutant le rire gras de son client. Wyatt le voyait chouchouté par ces filles de joie, certaines ne devaient même pas avoir 15 ans. Parmi le raffut du bistrot, il n’osa dire un mot et se posa à côté des joueurs de piano et d’harmonica. Tout le monde dans l’assemblée était presque complétement saoul, lorsqu’il évita de justesse un verre qui finit sa course sur un piètre miroir, désormais couvert de whisky. Les fragments qui avaient manqué de le trancher jonchaient par terre. De ses propres yeux, il pouvait voir sous le rire de la foule, la bêtise et la cruauté qui aurait pu mettre fin à tout il y a quelques secondes à peine, ici dans ce coin perdu.
Il fut contraint de sortir couvert de honte…
“Plus fort je te dis ! Tù les veux tes 2 dollars ou non ?” Alors il frottait plus fort.Le lendemain :
“Plus fort joder de mierda ! Plus fort !”Puis le jour d’après :
“Puta madre tù va les cirer ces chaussures sí o no ?”Plus les semaines avançaient plus il ne comprenait même plus les insultes tellement ils n’étaient plus que des empilements incompréhensibles de jurons en espagnol. Un matin s’en était trop, après une heure à lui crier dessus, son patron le vira et le jetant à la porte. Lui ne put contenir sa frustration et son sentiment d’injustice plus d’une journée. La nuit tombée, il entra discrètement dans l’atelier, et renversa une des lampes à pétrole, y mettant le feu ainsi qu’à la petite masure dans laquelle dormait son ancien patron juste à côté.
Alors qu’il fuyait paniqué, se rendant tout juste compte de ce qu’il venait de commettre, Wyatt entendait les horribles cris de douleur sortir du bourdonnement des flammes et harceler ses oreilles. Il n’osa même pas se retourner et faire face au spectacle de lumière qu’il avait créé. Marchant difficilement, il était éprouvé par son dos brûlé par la chaleur du feu atteignant des mètres de hauteur, et pouvait sentir l’odeur de chair grillée qui s’en échappait déjà.Dans une petite ville comme celle-ci, le bruit allait courir vite, alors une fois de plus, il prit rapidement ses bagages, et fuit à pied vers le Nevada.
Le climat changea légèrement, et à partir de là, il enchaîna les petits boulots, mettant les mains dans une crasse toujours plus crasseuse. Travaillant pour des salauds et des traîtres.
La caravane passa à côté d’un groupe de personnes noires vagabondant :
“Putain de nègres, on n’aurait jamais dû leur donner quoi que ce soit à ces singes, qu’est-ce que t’en dis Wyatt ?”Souvent des familles pauvres avec de jeunes enfants.
“Dis, t’en as pas marre de les voir nous envahir depuis des siècles ces animaux-là ? Non parce que si ça te dit, je fais partie de cette organisation de… chevalier, tu dois connaître ?”
Il se laissa tenter et écouta intrigué. »Brown levait la tête vers l’obscurité des bois, mais continuait à jouer de son banjo, la musique étant l’un des seuls sens qui lui restait.
Ethan ravalait sa salive mais écoutait toujours, fasciné, son regard ne se détachait pas une seconde du vieux Pete.
« C’est là qu’il rencontra une jeune adolescente, fille de bûcheron, il était surpris de la voir attendre éternellement, seul dans un trou perdu comme celui-ci.
“Alice ! Et toi ?
- Wyatt.
- Et donc, t’es vraiment parti tout seul comme ça ? Et tes parents ont pas posé problème ?
- Non euh… ils m’ont donné un peu de sous pour le voyage.
- Eh ben c’est pas mon père qui ferait ça…”
Elle tourna les yeux vers la petite lampe qui faisait office de seule source de lumière dans la pièce, puis de nouveau sur Wyatt :
“T’es un homme du Sud toi ? Un vrai ?
- Je me débrouille, répondit-il timidement.
Elle lui lança un autre regard complice, puis il comprit. Elle éteignit la lampe.Mais au petit matin, sa bourse avait disparu. Persuadé qu’elle lui avait volé, la colère monta, elle supplia de ne pas crier trop fort, de peur de réveiller son père qui ne savait toujours pas qu’il y avait un autre homme à la maison.
“Je te jure que j’ai rien fait !!” Elle hurla dans un sanglot plus fort qu’elle.Lui entrait une nouvelle fois dans une haine incontrôlable, produit d’un mélange de dégoût et de son caractère.
Wyatt levait les bras, brisait et jetait au sol tout ce qu’il trouvait.
Il savait qu’il regretterait éperdument s’il commettait quoi que ce soit d’autres, il savait qu’il se procrastinerait des heures durant dans la culpabilité et la solitude. Mais elle avait raison, un bûcheron comme lui devait sûrement avoir une ou deux winchesters cachées sous son lit. Alors pour la faire taire, il prit le premier objet tranchant qu’il trouva à sa disposition : une sorte de lame posée là, et lui planta au ventre.
Dans le silence de la surprise et de la soudaine indescriptible douleur, elle recula avant de rapidement tomber au sol. Son cœur à lui battait à une vitesse et à une puissance qu’il connaissait malheureusement déjà, mais dont aucun humain ne peut s’habituer. Son adrénaline le crispait alors qu’il la voyait agoniser par terre, tremblante comme si elle était en crise ; sa gorge montante et descendante au rythme du sang qu’elle rejetait de sa bouche sans qu’elle ne puisse en avoir le moindre contrôle ; dans le petit mais percutant bruit du liquide que l’on crache, entrecoupé de tentatives de syllabe et de son corps frappant frénétiquement contre le plancher. Ses yeux vert pomme louchaient et se tournaient vers lui alternativement, qui n’osait imaginer ce qu’elle avait à lui dire après un tel geste. Sa poitrine se soulevait anormalement vite et fortement au rythme de sa respiration paniquée. Sa main était sur son ventre, au contact de morceaux d’organes déchirés. La lame froide en métal qui avait déjà transpercé les nodules lymphoïdes était entre ses doigts, suivant son mouvement et se remplissant de sang chaud, qui dégoulinait aussi de part et d’autre de son visage. L’autre main au sol se soulevait parfois de manière compulsive. Ses fins vêtements aussi s’imbibaient rapidement. Effrayée, Alice avait remarqué tout cela, elle ne pouvait s’exprimer mais était toujours parfaitement consciente, bien que progressant dans un indescriptible état second de transition avec la mort. Il se demandait s’il devait mettre fin à ses souffrances, mais était cette fois-ci trop choqué pour oser reprendre la lame, toujours planté au niveau du nombril. En reculant instinctivement, il sortit de la pièce puis de la cabane sachant qu’il la laissait à une mort probablement lente.
J’ai tué une fille se disait-il. Mais c’était trop tard, son cœur était déjà corrompu et sa tête probablement mise à prix dans une bonne moitié des comtés de l’Ouest. Que pouvait-il faire ? Fuir à nouveau, encore plus vers l’intérieur du continent, et les territoires de l’Utah.
Les remords le rongeaient petit à petit, l’arrêtant constamment dans sa marche pour le paralyser de regrets. Il se voyait comme un incapable, qui amenait le malheur partout où il allait. Un bon à rien qui ne respectait jamais ses propres promesses. Un idiot qui n’apprenait jamais de ses erreurs. Un incontrôlable qui se laissait emporter par la folie. Toujours à fuir les problèmes ou les rejeter sur les autres.
Il rencontra bien un shérif qu’il crut l’avoir reconnu un moment sur sa route, mais celui-ci jugea inutile d’embêter un jeune homme comme lui, qui bien que correspondant aux descriptions,
ne faisait probablement que passer malencontreusement par là.
Petit à petit, les ruisseaux laissaient place aux canaux asséchés, les arbres aux arbustes, et le soleil restait plus longtemps dans le ciel. Pas de doute, il se dirigeait vers le Sud.
C’est là, alors qu’il était déjà tombé bien bas que, pendant son errance, il lui arriva l’une des pires choses qu’il puisse arriver à un blanc sur un tel territoire : être capturé par des Indiens.
À peine eut-il le temps de se rendre compte de ce qu’il s’était passé, que le voilà déjà accompagné par tous ses guerriers qu’il n’avait vu que jusque-là dans des illustrations de livres. Avec leurs parures de plumes et leurs crânes aplatis, ils paraissaient encore plus soulignés que ne le disaient les nomades qu’il avait rencontrés. Certains portaient des piercings au nez. D’autres d’impressionnantes cicatrices sur toute la peau. Leurs visages fermes n’exprimaient rien d’autre que la guerre.Totalement incapable de bouger, les Navajos l’avaient quasiment mis à nu et menacé de mort dans un anglais approximatif s’il tentait le moindre mouvement, lui n’avait aucune idée de pourquoi il était capturé et en quoi il pouvait les intéresser. Ce devait être le juste retour des choses, si c’est ici que devait s’arrêter son chemin, il ne pouvait que s’imaginer le pire.
La plus grande des douleurs, selon les rares voyageurs qu’il ait entendus pendant ses voyages depuis l’Arkansas,
c’était le scalp. Il regardait ces peaux-rouges et rien que le simple fait d’imaginer cette idée sur lui, ça lui donnait l’envie de vomir.
Des semaines durant, il resta attaché à un poteau de bois planté au sol sans jamais savoir pourquoi. Une ou deux fois par jour, une naturelle venait lui donner un bol d’eau et un épi de maïs. Dès qu’il tentait de lui parler, même en anglais simple, elle partait d’emblée sans rien dire.
Les nuits étaient longues et douloureuses, les Indiens l’avaient laissé à la merci des moustiques, dans le froid et au son des chouettes. De temps à autre, il pouvait voir ses ravisseurs en ombre chinoise dans leurs habitacles de jonc et de bouleau, et les entendait dans ce qu’il supposait être des sortes de rituels religieux.
“Shí éí tʼáá hwóláji ?
- Tʼáá hwólájiígíí”Les rongeurs commençaient à rôder autour de lui, grignotant lentement le peu de ses vêtements. Lui devenait trop faible ne fût-ce que pour supplier.
Mais au beau milieu d’une énième journée brûlante, un simple oiseau se posa près de lui.
Le réveillant d’un coup de son semi-état de somnolence, Wyatt voyait l’imposante silhouette d’un aigle lui faire face. Tout juste arrivé dans le discret bruit de l’atterrissage, il prit quelque temps à se rendre compte de sa présence, bien réelle. L’aigle, avec ses serres et ses griffes de dinosaure, son menaçant bec jaune taillé à la perfection, son plumage plus blanc qu’un nuage, regardait naïvement autour de lui par de radicaux mouvements de tête. Lorsque son regard d’acier croisa celui de Wyatt, il comprit, et tous deux se fixèrent dans un silence de mort.
Deux êtres luttant pour leur survie, un défi à relever, un duel arbitré par la Nature dont un seul ressortirait vainqueur. Le regard noir et jaune de l’aigle restait stoïque, impassible, et dévisageait plus profondément encore celui de Wyatt, révélant toujours plus de ses craintes, peurs et faiblesse.
Mais alors que ce dernier devenait trop faible pour ne serait-ce que maintenir ses yeux ouverts, le volatile se mit à tourner autour de lui et son poteau. Observant le sol dans une démarche martiale, comme surveillant si la corde d’attache tenait bien.
Il s’arrêta dans son dos. Quelques éternelles secondes s’écoulèrent durant lesquelles Wyatt ne put qu’imaginer la bête derrière lui. Que ferait bien un aigle affamé d’une proie faible et attachée ?
Puis il se mit à sentir de petits mouvements dans ses mains, accompagnés par le son de légers chocs avec le bois.
Un miracle, pensa-t-il, le rapace était en train de lentement picorer la corde.
Il ne pouvait que sentir les coups de l’aigle qui parfois ratait et écorchait douloureusement sa main, et pourtant il fut contraint de fermer les yeux, priant pour sa seule chance de s’en sortir.
Puis il sentit d’un coup la libération, les cordes lâcher son poignet, et ses mains se libérer enfin. À peine eut-il le temps de difficilement se retourner que l’aigle s’envola immédiatement, avant de se perdre dans le soleil. Laissant seulement son cri strident transpercer le ciel, comme un au revoir fraternel entre survivants.
Tellement épuisé, il ne pensa même pas à prendre quoi que ce soit des Navajos, ni même un cheval ou une arme. Il marcha simplement du plus vite qu’il put en dehors du camp avant de risquer qu’un d’entre eux ne le repère.
Ainsi reprenait sa marche du désert.
Perdu au milieu des canyons, il se retrouvait là sans savoir où il se dirigeait. Sans rien, ni arme, ni nourriture, ni une poignée de dollars, ni même un chapeau pour se protéger du soleil qui écrasait sa tête et l’assoiffait à vouloir en finir.
Pas un seul simple ruisseau, aucunes traces de la civilisation à des miles à la ronde. Aucuns chemins laissés par d’éventuelles caravanes, chevaux, ou chariots. Un horizon infiniment plat, parfois coupé par les buttes. Des buissons asséchés, des os de bisons, du sable à perte de vue, voilà ce qui constituait le paysage. Parfois se faisait sentir l’odeur putréfiée d’un rat ou d’un corbeau mort dans les environs, cuisant au sol et pourtant, comme il aurait voulu qu’il soit comestible.
Le soleil, constamment au Zénith, l’étouffait de sa chaleur. Le voilà l’Ouest, le vrai, que personne n’a encore réussi à coloniser. C’est à se demander si la vie réside vraiment en ce lieu.
Seul dans ce désert aride, il avait les pieds broyés par le sable et couverts d’ampoules. Équipé d’un pauvre vêtement en lin déchiré, les cheveux aplatis par la sueur, le front plus rouge que la terre, les mains en sang, et la gorge si sèche qu’elle en était déjà pendue. La saleté l’envahissait. La transpiration martelait sa tête, la chaleur le brûlait, la faim lui poignardait le ventre. Chaque pas était une souffrance, une épreuve de laquelle il manquait de s’effondrer.
Quel idiot il fut de ne rien prendre des Indiens, ni même de remercier l’oiseau. Le Ciel lui avait-il envoyé pour le sauver ou le faire souffrir encore plus longtemps ?
Les vautours tournaient au-dessus de lui, encerclant le soleil avec leurs cris si fourbes. Les scorpions l’observaient, bien à l’abri à l’ombre de leurs rochers. Les serpents eux aussi guettaient sa mort depuis leurs buissons. Les fourmis, elles, n’avaient même pas besoin de se cacher.
Ses remords l’épuisaient : toujours à harceler ses pensées, lui hurler au cerveau dans une langue que lui-même ne pouvait parler.
Il pouvait entendre Dieu lui murmurer son jugement à l’oreille : te voilà arrivé en Enfer.
Ainsi semblait s’achever la tragédie de Wyatt Harrison Cole.
Mais à croire qu’une fois de plus quelqu’un ou quelque chose lui offrait un peu de répit : il vit une maison de taille moyenne au loin dans les mirages, seule au milieu du désert. En s’approchant de la bâtisse en bois, il se rendit compte qu’elle était bien réelle… »
Le vieux Pete marqua une pause. Brown s’arrêta de jouer, ne laissant que les légers craquements du feu accompagner le silence.
« Et ensuite ? Dit Ethan.
Wyatt arriva près de la maison, où une femme étendait le linge.
Il tomba sur ses genoux devant elle sans dire le moindre mot, implorant sa pitié du regard.- Ensuite ? » Répondit le vieux Pete.
Il baissa la tête fondant en larmes. Toutes ces erreurs qui remontaient en lui.« Ensuite, on ne sait pas ce qu’il s’est passé… »
La femme, les cheveux au vent sifflant, le linge sur l’épaule, le fixa longtemps d’un air neutre. Elle aussi portait les cicatrices de la vie dans les canyons, son maigre visage racontait sa propre histoire.
Ses yeux étaient plissés par le sable blanc. D’un bleu pur, ils n’exprimaient rien envers les hommes comme lui.*