Madame Fourchette est hésitante face à la situation qui se présente à elle. Attaquer par le haut en fonçant sur l’adversaire ? Cela ne lui semble pas à priori une bonne méthode, mais elle essaie plusieurs fois, à tout hasard ! Hélas c’est un échec cuisant car Messieurs les spaghettis inéluctablement se défilent, glissent entre ses dents comme des anguilles.
La voilà donc qui change de tactique et attaque par en-dessous afin de soulever leur écheveau gluant en espérant en conserver quelques éléments. Une fois, deux fois, trois fois…C’est encore un échec, il ne reste à ses extrémités qu’un peu de sauce grasse et de vagues grumeaux.
Alors lui vient une nouvelle idée, mais il lui faut pour cela le concours de Mademoiselle Cuillère qui sera chargée de retenir l’ennemi dans sa coupelle afin qu’elle puisse par un mouvement rotatif parvenir à les entortiller autour d’elle, il lui suffira ensuite de répéter l’opération autant de fois qu’il sera nécessaire. Elle réveille donc Mademoiselle Cuillère qui, toute proche, sommeille douillettement sur la nappe. Mais celle-ci, mal réveillée, fait la moue, lui rappelant qu'elle a déjà fait son boulot avec le potage au vermicelle et qu'elle a nulle intention d’en faire davantage… Débrouilles-toi donc toute seule ma petite !
De longues minutes passent où Madame Fourchette dépitée et rageuse, pique, soulève, tourne, s’épuise en vain, se trouvant bientôt étouffée par la masse. Encore quelques instants, quelques soubresauts, puis ce sera la fin, l’échec définitif.
Pourtant, contrairement à ce que Madame fourchette pouvait penser, Messieurs les spaghettis n’étaient pas de farouches ennemis. Bien au contraire, ils se seraient volontiers laissés saisir afin de connaître une fin glorieuse dans l’antre de leur Dieu (le client du resto) car c’était là, conformément aux lois existantes, leur plus noble destinée.
Mais hélas leur Dieu, leur pauvre Dieu découragé par son insurmontable maladresse, vient de commander à leur place une assiettée de frites.