[Murex]

    J’étais tout fier ce matin-là de présenter à mes copains mon nouveau robot-tennis. Il avait fière allure, rutilant, musclé, le regard volontaire. Je l’avais acheté en ligne (les avis des internautes étant excellents) et son prix très abordable, pliable, pouvant entrer facilement dans le coffre de ma voiture. On l’avait appelé Borg, un nom qui me rappelait vaguement un grand champion du passé. On allait voir ce que l’on allait voir. J’imaginais la dérouillée qu’il allait infliger à tous mes adversaires, lesquels, il faut le dire, me battent sans pitié. Je pensais donc tenir là une sorte de revanche. Ben oui, ils allaient voir ce qu’ils allaient voir !
    Je sors Borg du coffre, le déplie, l’active, et le voilà qui s’agite aussitôt d’un air décidé. Il était impatient d’en découdre…
   Mais un peu de patience, mon ami, faut encore que je te trouve illico un adversaire à ta hauteur…moi bien sûr, pas la peine d’y songer. Tiens, voilà justement Michel qui sirote au bar son café matinal. Le gros Michel, le frimeur du club, bon joueur certes… mais du genre : « Moi, j’ai battu untel et untel, mieux classés que moi et ça n’a pas fait un pli. » « Si j’avais commencé plus tôt le tennis j’aurais pu faire carrière. » etc. Vous voyez le genre.
— Et Michel viens donc me montrer comment tu t’en sors face à mon nouveau robot.
Michel, le sourire aux lèvres, narquois comme dab :
— Allez, programme-le au top ton tas de ferraille, si ça peut te faire plaisir.
    Un tas de ferraille mon nouveau robot, c’était bien de lui, çà !
    Borg, il a pas aimé du tout, ça s’est vu tout de suite, sans un mot, il s’est campé sur ses guiboles, l’air concentré un max, agressif, attendant de relancer les services de Michel. Ça va faire mal me dis-je, il va lui faire une série de retours gagnants à mille à l’heure…Eh bien non, mon Borg il n’a même pas touché la balle et Michel, vous pensez, de se fendre la poire. Attends mon coco ai-je pensé, il faut qu’il s’échauffe, c’est bien naturel, il est encore en rodage. Mes pauvres amis, lamentable Borg, on aurait dit un débutant, un coup bas du filet, un coup dans les bâches, et chaque fois de féliciter Michel : « Bien joué, vous êtes vraiment très fort. » « Remarquable votre revers. » « Une volée difficile, bravo. »…comme s’il avait besoin d’en rajouter cet abruti ! Même moi, c’est tout dire, je l’aurais battu Borg… un tocard, vous dis-je.
    Sous les risées de mes camarades, (qu’est-ce qu’on n’entend pas dans ces cas là !), je l’ai enfourné sans ménagements dans mon coffre et suis parti la queue basse.
    Ce n’est qu’une fois rentré chez moi que j’ai eu la curiosité de lire la notice et là surprise, désillusion, ce n’était pas un champion de tennis mais un robot-tennis programmé pour l’entretien des cours : arrosage des terres battues, passage du tapis, balayage des lignes, réglage du filet etc.
     Mais alors pourquoi donc ces crétins l’avaient-ils appelé Borg ? Borg un grand champion du passé ! Faut quand même être vicieux pour tromper le client à ce point.
     Et maintenant tous mes adversaires, pour ce foutre de ma gueule, ont pris l’habitude de m’appeler Borg moi aussi. « Allez Borg sors-le nous ton passing d’enfer. » « Hé ! Borg où que tu l’a mis ton revers dévastateur » etc.
    Mais je vais progresser, je vais m’entraîner comme une bête et un jour, un jour, je leur montrerai à tous ce que Borg est capable de faire.

[tentacule_du48]

bonjour Murex, oui ton texte m'a fait sourire, lu ton texte ce matin, juste avant d'aller en cours, et j’ai pris quelques notes sur mon appli d'enreg-sonore...  je te conseille d’écouter ma voix encore endormie, c'est à ne pas manquer, 

ç j'ai trop adorer ta manière dont tu construiss ce décalage entre les attenttes du protagoniste genre et la réalité qui est à la fois hilarante et c'est tellement subtile... genre le moment ouu bourg se dresse fièrement avant d'échouer, c'est tellement moi !!! , genre je sens l’embarras grandissant de ce personnage et qui se met à regretter son achat avant même de comprendre l’erreur... c'est simple, banale mais beau, c'est genre le quotidien, tu vois...

ma chute sera drole !!! je suis certain ! et ta chute est parfaite, genre se retrouver à être surnommé "borg" comme ça, par tout le monde, wow, quelle ironie !!! c'est un peu comme si tout son rêve de grandeur se retournait contre lui... j'aime de ouf...

j'aimerais bien te lire dans un registre similaire, mais peut-être en jouant encore plus avec la folie des objets du quotidien qui prennent des rôles inattendus...tu vois, genre que deviendrait cette histoire si d'autres machines du quotidien se rebellaient contre leur fonction ??? et un grille-pain qui refuse de griller du pain comme il le faut, genre c'est drôle... oui !!! tu peux presque réfléchir à la manière dont les hommes, aujourd’hui, placent tant d’espoir dans la technologie pour compenser leurs propres insécurités... tu vois ?

merci pour ce "Borg"  , en fait j'ai envie de lire la suite de tes ses aventures...

a+

[Murex]

  Un grand merci, tentacule-du 48 pour ton retour chaleureux. C'est très curieux mais tu dois lire dans mes pensées car je suis effectivement en train de terminer un texte tout à fait dans l'esprit que tu évoques. Il s'agit d'une lutte sans merci entre une fourchette et un plat de spaghettis !!! Oui, oui, c'est possible...mais il faudra attendre un peu car il est encore en souffrance.
   Bonne journée à toi

   Murex

[tentacule_du48]

Il s'agit d'une lutte sans merci entre une fourchette et un plat de spaghettis

oulalala  , c'est presque un truc désespérée où les objets refusent en fin de se soumettre à l'ordre établi par nos mains impatientes... c'est beau,  , genre une fourchette qui se rebelle, refusant de piquer ses spaghettis c'est comme dictéee par des siècles et des siècles de conventions culinaires… c'est poétique !!! et peut-être que c'est là le grand combat du siècle que personne n'avait encore imaginé... mesdames et messieurs, les fils des spaghettis qui s'entrelacent et la fourchette qui, elle, rêve de liberté !!!

en fait qui a décidé que la fourchette devait toujours obéir à l'assiette ???  ,

MAIS au-delà de ça, cette bataille que tu imagines ça résonne de ouf avec une autre idée???
je l'avais déjà mentionné, mais j'aimerais vraiment approfondir cette idée, ça peut t'inspirer et op pas de souffrance, genre est ce que nous ne projetons pas nos propres insécurités sur ces objets ??? j'explique; en fait comme si nous espérions secrètement qu'ils accomplissent ce que nous n’osons pas, qu'ils nous remplacent dans nos échecs les plus personnels...tu vois et bref la fourchette qui refuse d’enrouler les spaghettis, est-ce que ce n’est pas un peu l’angoisse de l’homme moderne, face à lapathie de la vie ???

ET si les objets se rebellent vraiment genre vraiment, ils vont commencer à philosopher !? , tu vois une cuillère qui a des réflexions existentielles sur le vide qu'elle ne peut jamais remplir ??? 🤔

hâte de te lire dans ce registre..

Belle journée à toi, Murex,

A+

[Murex]

  Merci pour ton retour philosophique tentacule-du48, encore un peu de patience mais je te promets que les spaghettis ne vont pas tarder à être servis.
 
 Belle journée aussi à toi

  Murex

[LOF]

 Sous le style désinvolte, il y a des idées supers.
 Comment le souvenir des champions booste le marketing.
 Comment le marketing trompe le consommateur.
 Comment l'orgueil des amateurs défient les champions, et la technologie.
 Comment notre étourderie nous expose aux quolibets.
 Comment Borg marque les générations et devient un mythe.

 Réflexion à suivre ; comment les objets sont les transferts de notre entropie ? Hâte de lire le combat de ta fourchette.   

[Murex]

  Merci LOF pour ton retour. Tu vois dans ce texte de nombreuses idées, mais à la vérité, tout cela n'est pas tellement réfléchi, je prends ma plume à  partir d'un thème (un robot tennisman) et puis les phrases s'enchaînent d'elles-mêmes.         Faire un plan, réfléchir au contenu d'un texte est à mon avis une attitude inhibante...mais bien sûr, il n'en reste pas moins que ce que l'on écrit est le  reflet de ce que l'on est.
   J'espère que tu as bien digéré mes spaghettis.

  Bien à toi

  Murex
   

[LOF]

 C'est ce qui est super, entre le texte de l'auteur et le lecteur ce sont les interprétations. Tous les textes ne sont pas sujet
 à une ouverture d'interprétation. Parfois trop anecdotique. C'est peut être ce qu'on peut appeler la poésie, cette part
 d'imaginaire possible.
 Sous le mot on véhicule plein de choses.
 L'auteur peut dire ce n'est pas ce que j'ai voulu dire... et sentir un peu qu'il a raté son coup.
 Parfois aussi content de voir que son "idée-message" est passé.
 L'essentiel c'est le mélange de tout ça, un bousculement des règles ou de l'ordre.