Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

14 octobre 2024 à 01:12:28
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Auteur Sujet: Soirée d'ouverture (explicite : drogue)  (Lu 236 fois)

Hors ligne Esmée

  • Tabellion
  • Messages: 54
Soirée d'ouverture (explicite : drogue)
« le: 04 septembre 2024 à 11:12:56 »
Bonjour,

Un petit texte sorti comme une trombe pendant l'été mais j'ai été tenue loin de l'ordi quelques semaines.

Je n'ai pas l'habitude de ce ton un peu familier et direct que j'ai voulu donner au personnage principal et j'aimerais avoir si cela vous parait cohérent.
Tout retour sur la structure et la crédibilité de l'histoire sont également bienvenus !

Bonne lecture



SOIRÉE D'OUVERTURE

Il faut que j’le fasse ce soir, tant que j'ai encore un peu de force. Je sais où j’dois aller et avec toute cette agitation dans le quartier, personne ne fera attention à moi. C’est le moment où jamais.

J'attends depuis au moins 2 heures, sous cette flotte qui s'arrête pas, mais la vieille n'est toujours pas revenue. Qu'est-ce qu'elle fout ? Ça fait trois jours que je l'ai repérée, avec ses grosses bagues à chaque doigt, ses robes bien mises, son petit sac tout contre elle. Sûr qu'elle va me rapporter un paquet de fric. Les deux premières, j'avais pas bien préparé mon coup. J'étais grisé par mon idée, je me suis précipité. Du coup, j'ai dû les cogner fort sur la tête, les deux, pour ramasser un pactole ridicule. Je sais pas si elles se sont réveillées, j’ai quitté leur appartement à toute vitesse..
J'ai fui dans la cage d'escalier, comme une ombre. C'est mon seul avantage à faire ces coups. Personne me repère, je suis invisible, je pourrais être là, pas là, personne s'en rend compte. Et personne pourrait dire à quoi je ressemble, si mon t-shirt est noir ou vert, mes cheveux bruns ou blonds. Je suis transparent, un individu lambda dans les rues parisiennes.

Mais cette fois-ci, j'ai bien observé ma proie. Ses habitudes dans le quartier, les magasins où elle va, les heures auxquelles elle rentre et sort. Aucun doute qu'elle est blindée et que je vais pouvoir faire jackpot. Rien que son quartier, son immeuble, tout propre là, avec ses portes immenses, les poignées toutes dorées qu'un mec s'amuse à astiquer tous les trois jours. Et l'interphone ! Un joli petit interphone en fer forgé, avec des plaques dorées toutes pareilles et des jolis noms plein de particules. Pas comme chez moi, où y'a des noms écrits au marqueur, par-dessus des morceaux de papier raturés. Ça en jette, pareil interphone. Sûr que quand on peut payer un gars pour astiquer la poignée et faire des jolies petites plaques à son nom, on doit être pété de fric.

Voilà ma vieille. Elle marche toute droite, décidée, quelques livres ou magazines sous le bras. Je traverse la rue pour être de son côté. Je reste à bonne distance pour pas qu'elle me repère. Elle ouvre la porte, pénètre dans le hall. J'attends le dernier moment, juste avant que la porte ne se referme, et la bloque avec mon pied. Je rentre pas immédiatement, je m'assure d'un regard qu'elle prend l'ascenseur puis je passe la porte à mon tour.
Le hall est comme je m'y attendais, aussi luxueux que le laisse présager la façade. Les boîtes aux lettres bien nettes et alignées, les carreaux de ciment au sol, le plafond à au moins 5 mètres et les escaliers recouverts d'un tapis si moelleux que je pourrais m'y endormir.
Mais faut pas que je traîne, la vieille habite au quatrième, je dois la rattraper avant qu’elle referme la porte de son appartement. Je me mets à grimper les marches aussi vite que possible. J'ai vraiment un coeur en vrac, putain. C'est dur ! En plus, j'essaie de pas faire trop de bruit pour ne pas rameuter tous les habitants. Heureusement, y'a un tel boucan dehors que ça couvre ma course.

J'atteins les dernières marches quand la vieille glisse la clé dans sa serrure. Encore une fois, j'attends qu'elle rentre puis arrête la porte juste au dernier moment. Mon cœur bat à toute vitesse, pas tant à cause de l'effort que je viens de faire que du mélange de peur et d’excitation qui me traverse.

Je passe la porte de l'appartement, il faut que je trouve vite la vieille puis son sac, son porte-monnaie et la chambre avec les bijoux. Pas le temps de faire plus. Il y a un petit vestibule richement décoré avec des tableaux colorés, un buffet qui a l'air vieux, dessus un vase chinois, une grande lampe et deux petits plateaux remplis de courrier, de clés, de quelques euros et d'une pile probablement oubliée depuis longtemps. Et en plein milieu, le sac à main.
J'avance à pas de loup pour m'en saisir, quand j'entends une voix :
« Entrez, jeune homme. Ne vous cachez pas.»
Mon cœur s'arrête. Merde, je suis repéré.
A ce moment-là, je devrais attraper le sac, sortir de l'appartement et dévaler l'escalier quatre à quatre. Mais non, au lieu de ça, je me dirige vers la voix qui m'appelle et entre dans le salon. La vieille est là, debout au milieu de la pièce, toujours aussi droite, les mains dans le dos. Elle me regarde fixement, dure et déterminée.
« Je vous attendais. »  annonce-t-elle.

Putain.

En une seconde, mes yeux parcourent le salon. Un canapé de velours vert pomme, des fauteuils en face, à droite l’ouverture vers la salle à manger, et au centre de la pièce entre les deux grandes fenêtres, le piano. Le capot est fermé, deux ou trois exemplaires de journal sont posés dessus. Une des fenêtres est ouverte et j’entends dehors la pluie qui se mêle aux clameurs de la liesse populaire. La vieille m’observe observer son intérieur. Je me sens comme un con d’avoir été surpris si vite, mais surtout surpris de l’entendre dire qu’elle m’attendait. Mon plan vient de tomber à l’eau et je réalise que je suis dans une merde noire.
    « Que voulez-vous ? demande-t-elle en connaissant très bien la réponse
  —   Vous… vous saviez que j’allais venir ?
  —   Les nouvelles vont vite, jeune homme. Vous avez agressé deux personnes âgées dans le quartier, dont une qui a dû être hospitalisée. Mon médecin, mes petits enfants et même cette vieille pie de Claudine de Vennoy m’ont mise en garde. Ma petite-fille Caroline voulait même venir s’installer là le temps qu’on vous coffre. J’ai refusé, évidemment.

Mais pour qui elle se prend cette vieille greluche, à démonter mon plan et à sous-entendre qu’elle a pas peur de moi ? Je pourrais la cogner elle-aussi, la laisser par terre au milieu du salon comme ses deux copines. Je commence à trembler. Je tente de me ressaisir.
   —   Fermez votre gueule et donnez-moi tout ce que vous avez, sinon, vous allez finir comme les deux autres.
   — Que ferez-vous de ce que je pourrais vous donner, jeune homme ? Payer votre loyer et votre abonnement de transport pour continuer à travailler       et essayer de vous en sortir ? Ou plutôt tout dilapider dans vos doses d’héroïne comme l’accro que vous êtes ?
   — J’suis pas un accro, vous dites n’importe quoi.
   — Ne me mentez pas. Je vois que vous tremblez, vous avez le bras tout abîmé et je distingue dans la poche de votre jean sale votre dernière boîte de Subutex.

Merde, grillé. Je comprends pas. Je tremble de plus en plus. Mes yeux se brouillent. Dehors, des lumières, des fumées bleu blanc rouge, de la musique remonte de la Seine toute proche. Je sens la panique arriver.
   — Écoutez, je ne vais pas appeler la police. Je ne vais pas non plus vous faire de discours de morale pendant des heures, je n’ai pas que ça à faire et vous avez déjà entendu cela mille fois de la bouche de votre assistante sociale ou du pharmacien  qui vous fournit vos substituts. Alors, vous allez faire demi-tour, quitter cet appartement et cesser d’importuner les plus faibles que vous, si cela existe.

Elle s’approche de moi pour me raccompagner vers la porte. A cet instant, je voudrais faire demi-tour, attraper le sac à main dans l’entrée et détaler comme un lapin. Mais un bruit tonitruant se fait entendre. Des avions de chasse qui tracent je ne sais quoi dans le ciel. Je sens mes jambes me lâcher, je tombe à genoux devant elle. Des larmes commencent à monter. La vieille lève les yeux au ciel.

   — Bon, je vois que la crise de manque est bien avancée. Je ne peux pas vous laisser partir comme ça, vous allez tomber dès la première marche. Allez, relevez-vous, je vais vous faire un thé.

Alors, elle se penche vers moi, m’attrape un bras et, une fois debout, m'entraîne vers la cuisine. Elle m’assied à table puis commence à s’activer. Elle fait chauffer la bouilloire sur le feu, ouvre les placards pour attraper le thé puis la théière et le filtre en métal. Elle prend soin de verser un nombre calculé de cuillères de thé puis sort deux tasses de porcelaine assorties qu’elle pose devant moi en attendant que l’eau bout. Je la regarde faire, hypnotisé par chacun de ses gestes, répété des centaines de fois sans aucun doute et je me demande si elle a déjà fait ça pour un inconnu, drogué et misérable, qui venait la voler.
La bouilloire émet un son strident qui me sort un gémissement involontaire. Elle me regarde enfin, apitoyée.

   — Vous devez avoir faim aussi, j’imagine, devine-t-elle en soupirant.

Elle remplit la théière, la place au centre de la table et entame la préparation d’un sandwich. Plus je l’observe, plus ces gestes me paraissent attentionnés. Peu à peu, ils me rappellent ma maman, quand elle s’occupait de moi dans notre petit appartement à Pantin, quand la vie était encore douce avant…avant... Je veux pas me rappeler. Les larmes me montent aux yeux, je fais tout mon possible pour ne pas sangloter. La vieille dame pose devant moi une assiette bien garnie puis elle s’assied face à moi.
 
  — Mangez, cela vous fera du bien.

Je regarde l’assiette, sans pouvoir me rappeler la dernière fois qu’un repas m’a fait autant envie. Pourtant je n’arrive pas à manger.
  — Pourquoi vous faites tout ça pour moi ? Vous voulez m’aider ou quoi ?
  — Je n’ai aucune envie de vous aider. Mais vous êtes incapable de repartir, je le vois bien. Et puis, tout Paris se gargarise pour cette cérémonie de lancement des Jeux Olympiques, ce qui m’ennuie au plus haut point. Je n’ai pas envie de me réjouir faussement à mon balcon en écoutant ces musiques débraillées et tous ces gens qui hurlent faux la Marseillaise. Alors si vous pouvez occuper une partie de ma soirée, après tout, pourquoi pas.
  — Vous habitez toute seule ici ? Vous vous appelez comment ?
  — Effectivement, j’habite seule ici depuis longtemps. Je m’appelle Jacqueline Jayet mais je doute que ce nom vous évoque quelque chose.

C’est seulement quand elle me dit son nom que je vois l’affiche accrochée au mur au-dessus d’elle, à côté de la fenêtre. Une affiche très élégante pour un concert de piano donné par Jacqueline Jayet. Les lettres dorées annoncent des dates qui remontent au siècle dernière et la femme dessinée devant son piano pourrait bien être la vieille dame face à moi. Mes yeux alternent entre elle et l’affiche, elle a compris qu’elle avait piqué ma curiosité.

  — Je suis née il y a près de 85 ans et j’ai grandi entre l’Indochine et l’Afrique, en suivant les nominations de mon père, ambassadeur de France. D’aussi loin que je me souvienne, il y a toujours eu un piano autour de moi. J’ai commencé très jeune, mes parents disaient que je savais lire des notes avant de lire des livres. Nous déménagions de pays en pays, le piano représentait un phare dans cette agitation permanente, un repère sécurisant, un refuge. J’étais douée, et j’ai eu très jeune l’occasion de donner des concerts. La position de mon père facilitait grandement ces opportunités mais mon talent ne démentait pas. A l’occasion d’un retour en France, mes parents m’ont laissé à Paris où j’ai intégré le conservatoire, à 14 ans à peine. J’y ai rencontré mon mari, Albert, et j’en suis sortie brillamment quelques années plus tard. Je me suis mariée très jeune aussi, alors que ma renommée ne faisait que croître et que je multipliais les concerts. Albert était  également musicien, premier violon de l’orchestre symphonique de Paris. Au milieu des années 60, nous vivions essentiellement la nuit et sans horaire, au rythme des concerts aux quatre coins du monde. La maternité n’a pas entravé cette vie de musique. J’ai eu deux enfants, Catherine et Baptiste, qui ont suivi pendant des années, trimballés avec leurs nounous d’hôtels en hôtels. Aujourd’hui, je me rends compte qu’ils vivaient, de manière bien plus intense, ce que j’avais vécu dans mon enfance, une vie sans attache, sans autre point fixe que la musique classique. A leur entrée au collège, ils ont tour à tour intégré le meilleur internat de Paris, et ont vécu une adolescence détachés de leurs parents. Nous les voyions le week-end quand nous n’étions pas l’un et l’autre en concert à New-York ou Buenos Aires. Nous nous retrouvions tous les quatre, tous les ans, pour deux semaines de vacances sur la côte Basque mais ils évoluaient de leur côté, sans nous. Nous ne nous en rendions pas compte évidemment. Nos vies, à Albert et moi, étaient toutes entières dédiées à la musique, aux concerts, aux voyages. »

J’écoute Jacqueline, puisque c’est son nom à priori, sans ciller. Sa voix m’enveloppe, j’ai l’impression qu'un film se déroule sous mes yeux. Par la fenêtre ouverte, la pluie tombe sans cesse, le bruit des gouttes que le rebord métallique sonne comme la mélodie qui accompagne son histoire.

  — C’est quand Catherine, notre aînée, a décidé de faire médecine, que nous avons compris qu’elle détestait l’idée de faire carrière dans la musique. Tous deux avaient bien sûr suivi des cours au conservatoire, Catherine à la harpe et Baptiste au piano comme moi. Mais notre fille a décidé brutalement de sortir la musique de sa vie quand elle a eu son bac et qu’elle a commencé ses études. Que pouvions-nous lui reprocher ? La musique lui avait pris ses parents, il nous semblait compréhensible qu’elle envisage une autre tournure pour la famille qu’elle construirait un jour. C’est quelques années après que les choses se sont gâtées pour nous, quand Baptiste a quitté l’internat à son tour pour entamer des études de philosophie et d’histoire de l’art. A l’inverse de sa sœur, il vouait une passion folle son instrument, mais il n’avait aucun talent. Seules des heures acharnées de travail lui permettaient d’obtenir des résultats passables et il comprit à la fin de son année de terminale qu’il ne pourrait envisager une carrière de musicien. »

A ce moment, le récit s’arrête, les yeux de Jacqueline semblent se brouiller. On dirait qu’elle n’a plus envie de raconter son histoire, comme si quelque chose de grave allait arriver, quelque chose dont elle voudrait pas se rappeler, elle non plus. Pendant qu’elle racontait, j’ai mangé toute mon assiette, pendue à ses lèvres. On a fini le thé aussi alors elle se  lève et remet de l’eau à chauffer. Elle garde les mains posées sur la cuisinière, pour trouver le soutien dont elle a besoin pour continuer.
 
  — Les quatre années qui ont suivi ont été quatre années d’enfer. Lors des fêtes de fin d’année, au moment de nous retrouver tous les quatre, Baptiste était dévasté. Maigre, sans envie, cherchant l’isolement en permanence. Pendant la quinzaine que nous avons passée ensemble, il ne s’est pas approché du piano une seule fois. Un soir, en entrant dans sa chambre pour lui demander de nous rejoindre à table, je l’ai trouvé étendu, inconscient dans son lit, un garrot autour du bras et une seringue tombée sur le tapis. Ma vie a basculé à cette seconde. Bien sûr, il y avait dans mon entourage plusieurs musiciens drogués, qui avaient besoin de stimulants pour rester performant sur scène. Mais l’héroïne ! Mon fils ! Je tremblais en l’attrapant et en le secouant pour le réveiller. Je ne pouvais pas y croire. J’ai été assaillie par toute la culpabilité qu’une mère peut ressentir en élevant ses enfants, que je n’avais jamais ressenti jusque-là. J’avais élevé mes enfants avec détachement, je n'avais jamais été inquiète pour eux ou à l'inverse gaga devant leurs réussites comme le sont les mères d'aujourd'hui. J'avais élevé mes enfants comme il se devait, de la bonne façon pensai-je mais sans y mettre d'attachement. Ce soir-là, dans cette chambre, avec mon fils dans les vapes, je comprenais tout ce que cela signifiait.

Elle marque une pause mais je vois bien qu’elle doit aller au bout, qu’elle veut vider tout son sac. Mon cœur bat à tout rompre. Je pense à maman.

 
  — Nous avons tout tenté pour le sortir de cet enfer. Nous avons payé un nombre incalculable de cures, de psys, de médicaments. Nous avons hurlé, coupé les vivres, parlé, tenté d’écouter, cajolé, enfermé. Mais c’était en vain. Elle reprenait toujours le dessus, il retombait encore et encore, toujours plus bas, toujours plus mal. Mon fils est décédé d’une overdose à 22 ans, le 2 décembre 1998. Son corps a été retrouvé dans un hôtel miteux du 18ème arrondissement, cinq jours après sa mort.

Elle plonge ses yeux brûlants dans les miens. Je passe une main sur mes paupières et soutient ce regard dur et triste. Est-ce que maman a le même quand elle parle de moi ? Jacqueline se rassied et finit son histoire.

  — A partir de là, les propositions de concert ont ralenti, les invitations également. Les amis ne savaient quoi nous dire, nous ne savions pas de quoi parler d'autre. Le piano s'est fait de moins en moins présent dans ma vie. Sans concert, je me suis mise à donner quelques cours mais sans envie. Albert est mort d'un ulcère à l'estomac deux ans après le décès de notre fils. Catherine a cessé de me parler pendant près de 10 ans. C'est quand elle devenue mère à son tour qu'elle a accepté de me revoir de temps en temps. Peu à peu, je suis devenue cette vieille femme solitaire et pincée à qui vous avez voulu prendre un peu de son argent. Mon fils  est mort depuis 25 ans. J'ai cessé de me faire des reproches. Longtemps, je me suis rejouée une infinité de scénarios sur la façon dont j'aurais dû agir. Mais après toutes ces années, j’ai compris que ce n'était pas de moi que la solution devait venir. Seul Baptiste avait en lui la façon de s'en sortir. Et c'est pareil pour vous, jeune homme. Seul vous pouvez trouver les ressources pour vous libérer.

Je pleure à chaudes larmes en l'écoutant. J'ai mal au bras, mal au ventre, j'ai des fourmis dans les pieds. Au loin, je vois des tas de faisceaux laser faire une robe stroboscopique à la tour Eiffel. Je prends ma tête dans mes mains tandis que les larmes coulent, coulent.
Jacqueline se lève et s'approche.

  — Vous êtes à bout de force, jeune homme. Vous allez dormir sur le canapé cette nuit. Vous repartirez demain matin. Et vous prendrez la route que vous aurez choisi de prendre.

Elle m'aide à me mettre debout, m'accompagne jusqu'au grand salon puis m’allonge sur le sofa. Elle ôte mes chaussures, déplie un plaid jusqu'à mes épaules et vient poser une bassine au pied du canapé. C'est si doux, quelqu'un qui prend soin de moi comme ça. Je me dis qu'elle a dû faire ça pour son Baptiste plus d'une fois et que, malgré ce qu'elle dit, peut-être qu'elle aimerait bien me sauver en fait.
La couverture est soyeuse, le canapé moelleux. Tout est joli et précieux autour de moi. Je pensais pas que des gens pouvaient avoir autant d'argent que ça, vivre vraiment comme ça, comme dans les films. Comment on fait pour sombrer dans l'héro quand on a autant de fric autour de soi ? J'lui aurais bien posé la question, à son gosse. C'est ce que je me dis en m'endormant au son de la clameur de la foule.


C'est un air de piano, frais et entraînant, qui me réveille. J'ai dormi très longtemps, le jour est bien levé et la pluie a cessé. J'observe le dos de Jacqueline assise au piano. Ses bras, ses épaules, son corps entier bougent avec la musique. J'écoute en somnolant sur l'oreiller. Quand la musique s'arrête, elle se retourne et me demande :
  — Comment avez-vous dormi?
  — Bien, je crois, dis-je en me redressant. Je frotte mon visage. Mon corps est encore endolori mais j'ai moins mal au bras et j'ai moins de fourmis.
  — Vous pouvez prendre une douche si vous voulez avant de repartir.
  — Merci. Je crois que ça me ferait du bien.

Quand je sors de la salle de bains, propre, avec les habits qu'elle m'a donné, Jacqueline m'attend dans le salon.

  — Merci pour la compagnie hier soir. Ce n'est pas exactement comme cela que j'imaginais éviter la cérémonie de lancement de ces satanés JO. Mais cela m'a fait du bien de vous raconter tout cela. Je ne sais pas ce que vous en ferez mais c'est à vous d'avancer désormais. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je dois appeler ma fille.

Je la regarde une dernière fois tandis qu'elle ouvre la porte. Je suis pas bon pour les grands discours mais je murmure un “merci” en sortant.

J'ai repris l'escalier de velours rouge. Je ne pensais pas repartir si longtemps après en gravissant ces marches hier soir.
Je marche dans le soleil du matin parisien. La ferveur de la veille est retombée. Les confettis et les drapeaux bleu blanc rouge flottent dans les flaques d'eau. Les rues sont vides.

Mais il y a dans l'air comme une saveur particulière, comme un air de victoire à prendre.

Hors ligne Basic

  • Modo
  • Palimpseste Astral
  • Messages: 3 307
Re : Soirée d'ouverture (explicite : drogue)
« Réponse #1 le: 04 septembre 2024 à 14:44:14 »
Bonjour

la rencontre entre ces deux persos est un peu surprenante, mais justement, je m'attendais  peut-être à plus de surprise.

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.


B
Tout a déjà été raconté, alors recommençons.

Page perso ( sommaire des textes sur le forum) : https://monde-ecriture.com/forum/index.php?topic=42205.0

blog d'écriture : https://terredegorve.blogspot.com/

Hors ligne Esmée

  • Tabellion
  • Messages: 54
Re : Soirée d'ouverture (explicite : drogue)
« Réponse #2 le: 06 septembre 2024 à 10:38:07 »
Merci Basic pour les retours !

Pas facile de tenir le ton d'un personnage sur toute la longueur du texte. Je vais essayer de pister au mieux les mots trop décalés par rapport au vocabulaire du perso.

Et merci pour les fautes d'accord.


A bientôt

Hors ligne Impa Dhacor

  • Scribe
  • Messages: 62
Re : Soirée d'ouverture (explicite : drogue)
« Réponse #3 le: 06 septembre 2024 à 21:53:22 »
Bonjour Esmée,
J'ai lu la nouvelle avec plaisir.
Pour le côté rédactionnel, je partage les remarques de Basic. 
" le bruit des gouttes que le rebord métallique sonne comme la mélodie qui accompagne son histoire." Il me semble qu'il manque un mot ou il faudrait remplacer "que" par "sur" ?
Et j'ai vérifié, car j'ai toujours un doute moi aussi sur ce verbe bizarre : "en attendant que l'eau "bouille".
J'ai aimé le retournement de situation et la note d'optimisme à la fin.
Par ailleurs, je comprends la dame, moi aussi j'ai boudé la cérémonie d'ouverture. Heureusement, je ne suis pas parisienne.
Bonne soirée.

Hors ligne tentacule_du48

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  • Messages: 87
  • I didn't meet my witch in a karate club
    • my ig
Re : Soirée d'ouverture (explicite : drogue)
« Réponse #4 le: 07 septembre 2024 à 20:53:39 »

 :noange: question en fait, la vieille dame est-elle le fantôme d'un Noël passé, qui cherche à corriger les erreurs jeunesse d’un voleur en manque de sucre dans son thé ???

ow coup de théâtre !!! cette vieille dame qui fait non seulement un thé mais aussi une confession de vie entière en une soirée, c'est beau en fait,  c'est genre un chef-d'œuvre de comédie noire !!! je me demande presque si la théière est remplie de souvenirs amers plutôt que d'eau chaude... et wow, genre comment transformer une scène de vol en un instant de révélation et de vulnérabilité,,, magnfique, ce qui est aussi inattendu qu’un violoniste en pleine rue chantant du heavy metal... haha  8)

et une AUTRE QUESTION, La vieille dame est-elle une sorte de muse mystérieuse, ou un ange gardien aux méthodes peu conventionnelles ??? et ce voleur, est-il un véritable jeune voyou, ou une âme perdue cherchant un sens à sa vie au travers d’une performance de grand-mère ???

j'aime aussi cette symphonie de paradoxes,,, genre la froideur du crime face à la chaleur inattendue d’un thé fait maison...  et genre un wow, comment manipuler les attentes, créant une scène où la pluie devient une mélodie et un simple vol se transforme en une exploration des regrets et des rédemptions... bravo en fait, pour cette danse macabre entre drame et humour noir !!!

Ah oui, je suis curieux de savoir si Jacqueline Jayet est une compositrice dans votre univers ou si elle est la clé d’une symphonie encore plus grande à venir...???

ça m'intéresse tes mains de maître pour transformer les scènes ordinaires en œuvres d'art...

bonsoir!!!

Comment sacrifier un organe pour que mon écriture soit mature ?

Hors ligne Lune

  • Aède
  • Messages: 210
    • Conquête de l'espace
Re : Soirée d'ouverture (explicite : drogue)
« Réponse #5 le: 09 septembre 2024 à 20:02:28 »
Bonjour,

Merci pour ton texte bien écrit  ;)
Par contre la victoire me semble un peu facile, à cause de la dépendance ...
Ecoute le vent, il chante
Ecoute le silence, il parle
Ecoute ton coeur, il sait
Proverbe Amérindien

Hors ligne Esmée

  • Tabellion
  • Messages: 54
Re : Soirée d'ouverture (explicite : drogue)
« Réponse #6 le: 10 septembre 2024 à 11:50:54 »
Bonjour à tous et merci pour vos retours amicaux et constructifs sur ce texte.

Impa Dhacor, merci pour les retours sur la rédaction. "Bouille", je me m'y fais jamais, merci d'avoir vérifié  ;).  Je ferai les corrections et améliorations à ce texte rapidement. J'avoue, j'ai aimé suivre par bouts cette cérémonie mais il est probable que tout le monde n'ait pas apprécié !

Tentacule du 48, j'adore ton commentaire exalté et plein de questions... que je ne me suis pas posée moi-même à vrai dire ! J'ai essayé de briser la froideur de la vieille femme et le détachement du perso principal au fur et à mesure. Un thé, ça aide toujours !!

Lune, je te rejoins sur la victoire qui ne viendra pas d'un coup. Mais tenter d'en prendre le chemin est une première étape, reste à savoir si le héros le prendra après cette nuit.

Encore merci, c'est toujours enrichissant de savoir comment un texte est perçu par d'autres !


 


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