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Alex était déjà depuis plus d’une heure sur ce texte. Mais il n’y arrivait pas. Cela ne marchait pas. Rien ne collait. Il ne comprenait pas du tout ce qui pouvait bien se passer.
La plus grande angoisse de l’écrivain, c’est la page blanche, la panne, voire l’absence totale d’inspiration. Le trou.
Comme par exemple, lors de certains jeux d’écriture où on vous impose un thème à partir d’une phrase ou d’un mot. Parfois, cela ne vous parle pas du tout. Vous observez la consigne avec le regard vide de celui qui, plongé dans les abysses de son imagination, ne trouve aucune porte, aucune ouverture. Que des façades incolores et aveugles.
Certains jeux vous imposent même une image, comme une prétendue fenêtre d’inspiration…
Mais dans le cas présent, Alex avait son sujet, son histoire. Un début, une fin, un lieu, une atmosphère. Tout était bien structuré et il ne lui restait qu’à rédiger son récit en suivant son plan préétabli.
Or cela n’allait pas du tout comme il le prévoyait : Les personnages semblaient n’en faire qu’à leur tête. Même le décor changeait !
Jetant son cahier au sol, Alex décida de prendre l’air et de marcher un peu, histoire de se vider l’esprit. La marche a cela de bénéfique qu’elle occupe votre corps, le laissant vous guider de façon mécanique quelque part, sans qu’il ne vous perturbe d’innombrables sensations physiques ou physiologiques vous détournant de l’objet de votre concentration.
Ainsi, en marchant sans but, de rue en rue, Alex récapitulait son histoire, puis visualisait la version qu’il en avait écrite. Il n’était sorti que depuis quelques dizaines de minutes, mais déjà il commençait à prendre du recul sur sa dernière heure, passée vissé sur une chaise et recroquevillé à un bureau.
En fait, il était choqué par la tournure de ce qu’il avait écrit. Jamais il n’aurait osé exprimer de telles choses. Et pourtant c’était sorti. Il se sentait nu, à fleur de peau. Il avait probablement dû passer un cap, activer une connexion dans son esprit ou fait tomber quelque barrière psychologique.
« C’est donc cela, le fond de ma pensée, réalisait-il. Tout ce que j’ai écrit auparavant était de moi, sans être moi. Moi avec un filtre, avec un masque. Masque que je me suis créé seul. Pour éviter de m’exposer, d’exposer mon intimité aux autres. Mais aussi à moi, pour ne pas admettre ce que je ressens. Je sais que je manque de confiance en moi. Avoir confiance en soi, c’est s’accepter avec ses défauts, mais aussi admettre que les autres vous trouvent des qualités. J’ai eu de bons retours sur mes écrits, mais on me reprochait souvent une certaine superficialité dans le traitement de mes thèmes. C’est bien la preuve qu’il y a quelque chose à améliorer.
Les œuvres d’art les plus marquantes ont été produites par des torturés de l’esprit, des dépressifs, des génies autistes, des incompris. Ils ont su briser les règles, les cadres pour transcender leur discipline. Non, ils n’ont rien cherché à briser. Ils se sont simplement laissé aller à écouter leur âme, débarrassé du rôle qu’ils devaient jouer en famille ou en société. »
Et c’est cela que venait de comprendre Alex. Désormais, il se sentait capable de troquer la rigidité du narrateur contre la liberté du conteur.