Je vois la poésie comme un rêve éveillée où comme dans le rêve l'objet rêvé n'est pas l'objet réel, le signifiant n'est pas le signifié, l'objet référent, mais en est seulement l'idée. Le signifié est dissocié de son signifiant pour permettre une nouvelle construction.
Exemple quelqu'un allant avec son ordinateur sur l'ex -Page vide- de someone verra son écran devenu vide. Il pourrait croire que l'écran est devenu vide suite à une panne d'ordi . Le vide du signifiant "page" est devenu l'idée de vide transformé par le signifiant" ordinateur" comme une panne; Car un signifiant ne l'est et ne vaut que par un autre signifiant qui lui est associé et il y en a toujours un, c'est automatique. Le signifiant "page" de la poésie a été transformé en signifié "panne" par le signifiant ordinateur.
De même dans la poésie je vois une activité mentale qui part des signifiants émotions pour les transformer . Ce qui est un moyen d'y faire face sans les supprimer.Et tout passe par une symbolisation acquise au fil du temps qui nourrit l'activité représentationnelle.
Exemple dans Demain dès l'aube, que Victor Hugo écrit sous les émotions dues à la mort de Léopoldine, le référent n'est plus le corps de l'humaine dcd , c'est autre chose né de l'idée de mort. Une sublimation en images de vie et de métaphores qui se termine sur le mot "tombe" devenu un signifié plus acceptable.
Plus les émotions seront fortes, ici tragiques, plus leur élaboration sera élevée dans et par le beau. Mais le beau de l'auteur n'est pas forcément le beau du lecteur qui devra pouvoir se l 'approprier pour les partager,les vivre à son propre compte. Faire en sorte que les signifiants soient exprimés d'une telle façon qu'ils puissent entrer en résonance avec ceux du lecteur qui en aura ses propres signifiés, identiques ou pas. D'où l'intérêt des métaphores plutôt que les descriptifs. Plus les rendus sont ceux d'émotions violentes plus la sublimation peut être belle . C'est ce que dit Musset dans Les nuits de mai "Les chants désespérés sont les chants les plus beaux et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots".
La créativité dans le domaine du beau sera aussi un moyen de défense contre le côté destructeur des émotions, un moyen de s'adapter à elles. Ma douleur ainsi exprimée devient émouvante à moi même, comme apprivoisée par la poésie. Je garde ma douleur, elle peut même être trésor mais je peux me la réciter, elle est devenue autre en devenant aussi pour les autres .
On peut aussi sublimer des douleurs que l'on se tait sans le savoir mais qui vivent dans l'inconscient, le travaillent en cachette devenus des interdits. On fait alors des chansons, des poèmes, des tableaux sombres sans les rattacher à un signifiant conscient mais il existe et se sublime malgré nous. On dit que ce sont les muses qui nous inspirent , et alors là, on ignore à quelles point elles seraient dégueux à voir, mieux vaut qu'elles restent cachées.
J'écris ça en continuité de ce qu'avait mis someone sous mon poème Faux semblant à savoir :
La poésie se nourrit de chagrin jusqu'à ce que le chagrin se nourrisse de poésie . Pour moi ce n'est pas faux mais plus complexe . le chagrin comme source de créativité la nourrit jusqu'à permettre sa sublimation dans une construction élaborée, symbolisée. Ensuite cette sublimation nourrit un chagrin devenu lisible au propre et figuré comme plus acceptable.
Je prends le mot sublimer dans le sens de rendre plus beau, d'élever à un rang supérieur . pas dans le sens de la sublimation freudienne qui sublime en amenant dans un autre domaine comme sublimer la colère dans le sport. Je sublime les émotions qui parlent en nous dans le domaine d'un autre parlé, celui du langage, de la sémantique.
Pour le rapport signifiant/signifié, c'est celui proposé par Lacan qui a tout dit la dessus à mon avis.
Rien dans ce que dit Sartre, n'en déplaise à Robert H , de sa poésie existentialiste .