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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes mi-longs » Evilith

Auteur Sujet: Evilith  (Lu 1032 fois)

Hors ligne Amélie

  • Tabellion
  • Messages: 33
Evilith
« le: 31 octobre 2020 à 20:21:45 »
Précision : ce texte est un ancien texte, je l'ai écrit il y a déjà 6 ans.  Soyez indulgents sur l'orthographe s'il vous plaît ( je ne l'ai pas relu depuis :D )


Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l’amour brûlant à la terre ravie,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang ;
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Et d’amour comme dieu, de chair comme la femme,
Et qu’il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !
                                                         Cahier de Douai : « Soleil et Chair », Rimbaud

Le soleil était venu la réveiller tôt ce matin là. Au petit jour, il s’était glissé dans son lit en passant par la fenêtre pour aller prendre son visage entre ses deux mains lourdes et chaudes. Elle avait cligné lentement des paupières ; toute la maison respirait encore du souffle du rêve. Il fallait saisir l’instant. Alors, après s’être préparée en silence, elle avait refermé la porte sur le sommeil de ses parents pour aller cueillir le jour dans la hauteur des montagnes. Ni son père ni sa mère ne serait inquiet de son absence puisqu’ils connaissaient tous les deux son amour pour la liberté.
Dehors, le vent était frais. Il venait s’engouffrer dans ses jupons de mousseline et éveillait à son passage une multitude de frissons le long de ses cuisses. Elle respirait enfin.
La vallée s’ouvrait devant elle et elle s’y engageait à grandes foulées noyant sa silhouette au milieu de ce camaïeu de vert. Elle connaissait ces chemins par cœur pour les avoir arpenté de si nombreuses fois. Et les pâtures, dans leur langueur, lui traçaient des allées de fleurs ; et les pierres engourdies frémissaient sous ses pas.
Pour elle, les pissenlits n’étaient que des soleils de jardin.
Lorsqu’un obstacle se présentait à elle, elle aimait saisir à pleines mains la roche froide et coupante. Alors, elle mettait son pied sur la paroi dévoilant ainsi les muscles puissants de ses aines avant d’offrir une impulsion jusqu’au plateau suivant. Elle répétait ces ascensions promenant parfois l’une de ses mains au-dessus du vide ; le vent s’engouffrait alors dans ses cheveux et dévoilait ainsi la peau blanche et lisse de son cou. Puis elle atteignait enfin le bout de sa montée où l’attendait une clairière endormie au milieu d’un sous-bois. Un petit étang translucide s’y prélassait ostensiblement.
Elle se posait un instant sur le bord de la falaise et caressait du regard les contours des monts et des pics en contrebas.
L’effort perlait sur son front et allait se dissoudre dans l’espace lorsqu’elle penchait sa tête au-dessus du vide. Elle s’essuyait donc le visage et, sans plus attendre retirait ses vêtements pour  glisser son corps dans la fraicheur de l’eau. Elle s’immergeait entièrement et n’entendait plus que le battement sourd de son cœur résonner dans ses oreilles – ou bien était-ce celui de la montagne. Comme engloutie par le petit étang, elle disparaissait tout à fait ne laissant qu’une onde timide à la surface de l’eau. Pendant quelques instants, le Temps lui-même semblait retenir son souffle et le silence se répercutait d’échos muets. La clairière devenait un Temple ; la Nature, un peuple en attente. Puis elle ressortait pour aller se placer sans aucune pudeur au pied d’un pommier baigné de soleil. Là, il lui suffisait de lever la main pour se saisir d’un fruit dans lequel elle mordait. Mais pour la première bouchée, elle avait pris l’habitude de ne pas retirer la chair de la pomme. Elle imposait seulement la marque de ses dents laissant une plaie béante qu’elle venait laper du bout de sa langue. Puis elle croquait enfin le fruit à pleines dents avant de sombrer dans un état de semi conscience. 
Elle sentait alors soudain les insectes courir un peu partout sur son corps comme des frissons provoqués par quelque caresse. Ils grimpaient sur ses chevilles, longeaient son mollet, arrivaient au genou puis s’engageaient sur ses cuisses. Plus ils avançaient, plus elle sentait la chaleur monter.  Elle oscillait légèrement du bassin lorsqu’ils se faufilaient entre les fils de sa toile cuivrée puis ils remontaient sur son ventre qu’elle creusait de bien être. Les bras en croix, elle laissait les papillons se déposer sur la pointe de ses seins durcis et ses lèvres, encore baignées par le jus de la pomme, se voyaient assaillies par le baiser d’une dizaine d’abeilles. Le lierre lui-même sortait de terre pour lui immobiliser les poignets au sol ; il s’enroulait tout autour d’elle et parfois la mordait à même la chair. Elle sentait son pouls s’accélérer. Sa respiration était de plus en plus rapide, de plus en plus saccadée et ses soupirs devenaient désormais des cris de désir. En quelques instants, son corps, qui se démarquait au départ comme un flocon de neige au milieu de l’herbe, disparaissait sous un microcosme grouillant et palpitant…
Tout n’était que vrombissements d’ailes, agitations de mandibules, cliquetis de pattes, frottement d’antennes jusqu’à ce que… tout disparaisse d’un seul coup.
Seule au pied du pommier, elle haletait. Ses cheveux épars se mêlaient, s’emmêlaient à chaque brindille, chaque racine, chaque roseau et l’on voyait ainsi s’établir une auréole de cuivre tout autour de son visage.
 Malgré la sueur qui lui glissait le long du cou, elle avait sur la langue un goût de trop peu.
Et entre ses jambes, il y avait la mer ; entre ses jambes,  il y avait le feu.
Soudain, Il apparaissait au détour d’un nuage lui fouettant le corps de ses rayons brulants. Elle pliait alors les jambes désignant le ciel des genoux et ses ongles s’enfonçaient à même la terre. Il était conquérant puisqu’elle se voulait conquise et elle ouvrait les yeux, défiant Sa lumière : « Ose ! » criait son cœur, «  Ose ! » criait sa peau, « Ose ! » criait elle de tout son désir.
Alors, il la saisissait entre ses deux mains, passait sur ses lèvres un baume amoureux puis la pénétrait de toute sa chaleur. Il n’y avait là aucune douleur, qu’un peu de délice dans cette union de rayons solaires et de chair opaline.
Elle se cambrait ; Il était plus vif. Elle se soulevait ; Il était ardent.
Le sang affluait rapide dans ses veines puisque son cœur pulsait à une vitesse folle. Elle était alors persuadée que les insectes étaient en elle. Oui, elle les sentait dans son bas ventre de plus en plus agités, de plus en plus nombreux. Ils tendaient ses muscles, gonflaient sa gorge de soupirs qui, au sortir, venaient s’échouer d’aigus ; et le Soleil, lui, la pénétrait plus fort.
Ses rayons… 
Soudain, Il explosait. Elle avait consumé l’hydrogène de Son cœur et voila qu’il était désormais Géante rouge. Quant à elle, elle devenait un instant la terre. Son corps fondait en milles gouttelettes allant se perdre entre les racines qui l’absorbaient. Puis elle se déplaçait dans les veines de chaque arbre pour renaitre dans l’éclosion d’une fleur, dans l’arabesque d’une branche, dans le jus sucré de chaque fruit. Elle trouvait une plénitude dans le néant puisqu’elle était partout sans pour autant exister encore quelque part.
Alors, le jour décroissait. Elle ouvrait les yeux offrant sa pupille dilatée à l’obscurité. Puis elle se glissait dans sa mousseline.
 Déjà la musique nocturne s’éveillait. Sa descente allait en ponctuer les temps et les contretemps. Elle s’avançait sur le bord du précipice et saisissait la roche agressive à pleine main.
Au pied de la montagne, même les couleurs s’endormaient. La vallée semblait une Atlantide figée de bleu profond. Les pissenlits s’étaient repliés gardant jalousement leurs rayons dorés et les pierres n’étaient désormais que tâches d’ombre sur ombres.
Elle avançait, tranquille, apaisée sous la voute céleste. Ses cheveux lui caressaient le visage.
La maison était proche. Elle ouvrait la porte laissant le vent nocturne s’engouffrer dans la petite chaumière.  Sa silhouette blanche se découpait alors sur le fond de nuit qui se faufilait par l’embrasure. Puis  ses parents venaient l’embrasser. Elle les accueillait avec amour et, sur un simple sourire, s’éclipsait en silence pour rejoindre la douceur de sa chambre. Là, tel un diamant dans son écrin d’intimité, elle glissait son corps sous les couvertures et éteignait enfin la lumière. Mais, quelque chose irradiait encore les lieux.
C’était son cœur. Son cœur palpitait inondé d’un sang nouveau.
« Modifié: 31 octobre 2020 à 20:25:09 par Amélie »

Hors ligne Dieter

  • Palimpseste Astral
  • Messages: 2 789
  • Orthographe réformée = Histoire déformée
    • Dieter
Re : Evilith
« Réponse #1 le: 31 octobre 2020 à 21:02:53 »
Bonsoir Amélie,

Je suis arrivé là par hasard et j'ai failli en repartir. La poésie et moi, ça fait au moins quatre. Et puis j'ai scrollé vers le bas, et j'ai entamé la lecture de ton texte.Là, encoe, j'ai failli renoncer : ce n'est absolument pas le genre de lecture qui m'attire habituellement. Et je dois dire que jusqu'à la dernière ligne, je me suis demandé :" Mais qu'est-ce que je fous là, à lire ça ?"
Le fait est que c'est d'une rare qualité. Le sujet en lui-même ne m'a pas attiré, mais ta façon de poser les mots, la beauté des tournures et la justesse lexicale m'ont époustouflé.
Alors par curiosité, je suis allé lire tes autres textes. À chaque fois, le même constat : ce genre littéraire n'est pas ma tasse de thé, mais quel talent dans l'écriture !
Et pour rebondir sur ce que tu dis dans ta présentation, je te conseille vivement de persister. Surtout, n'abandonne pas, ce serait du gâchis. J'aimerais bien voir aussi ce que ça donnerait dans le registre des textes longs, si seulement tu pouvais gommer cette nostalgie omniprésente qui transpire dans tes écrits.

Encore une fois, bravo, et merci pour ces partages.
On n'a rien inventé de mieux que la bêtise pour se croire intelligent.
Amélie Nothomb

Hors ligne Amélie

  • Tabellion
  • Messages: 33
Re : Evilith
« Réponse #2 le: 01 novembre 2020 à 12:30:56 »
Que dire à cela ...

Je suis sincèrement touchée ♡
J'aime vraiment beaucoup l'idée que vous n'aviez qu'une envie : partir, mais que vous soyiez resté malgré tout, malgré vous ! ( un peu comme devant un tableau abstrait ;) )

Merci beaucoup !

Hors ligne Henri_Vargroas

  • Scribe
  • Messages: 93
Re : Evilith
« Réponse #3 le: 01 novembre 2020 à 15:22:57 »
Le titre m'a attiré, j'ai découvert une profonde sensualité à travers les mots.

Merci pour le partage.

Hors ligne Amélie

  • Tabellion
  • Messages: 33
Re : Re : Evilith
« Réponse #4 le: 01 novembre 2020 à 21:16:32 »
Le titre m'a attiré, j'ai découvert une profonde sensualité à travers les mots.

Merci pour le partage.

Bonsoir,
Merci. Je ne sais jamais quoi choisir comme titre mais ce "prénom", composé de celui de deux figures féminines : Eve et Lilith, s'est imposé de lui-même. Effectivement, ce texte se voulait sensuel, je suis ravie que vous l'ayez ressenti.

Bonne soirée à vous.

Hors ligne Persona

  • Calliopéen
  • Messages: 479
  • Poisson du Léthé
Re : Evilith
« Réponse #5 le: 02 novembre 2020 à 22:00:01 »
Bonsoir Amélie,

Je traînais par là et étais curieuse de découvrir tes écrits.
J'ai trouvé ton écriture sensible et les images toujours adaptées, jamais forcées avec des constructions de phrase jamais lourdes. Le tout pour faire passer un texte doux comme un nuage de coton.
Je n'ai pas relevé ligne à ligne, comme tu l'annonces il y a 2-3 fautes de phrase mais rien de grave qui fasse perdre le fil.
Si ton texte s'inscrit dans une histoire, je serais curieuse de la connaître.
Merci du partage !

Hors ligne tenilam

  • Tabellion
  • Messages: 38
    • tenilam.fr
Re : Evilith
« Réponse #6 le: 02 novembre 2020 à 23:49:33 »
Je partage l'opinion de Dieter. Tu écris très bien. Franchement, même si tu écrivais en 8 pages l'histoire d'un jeune homme qui se brosse les dents dans son jardin en regardant la lune, je pense que tu arriverais à rendre cela beau et fluide.

De tes textes, celui ci est mon préféré , devant "costume, cravate" puis le "fou philosophe". Bien qu'il soit presque sadique de nous parler de paysages si vastes en ce moment  >:D
Mon site, avec tous mes récits : tenilam.fr

Hors ligne Amélie

  • Tabellion
  • Messages: 33
Re : Re : Evilith
« Réponse #7 le: 03 novembre 2020 à 12:50:15 »
Je partage l'opinion de Dieter. Tu écris très bien. Franchement, même si tu écrivais en 8 pages l'histoire d'un jeune homme qui se brosse les dents dans son jardin en regardant la lune, je pense que tu arriverais à rendre cela beau et fluide.

De tes textes, celui ci est mon préféré , devant "costume, cravate" puis le "fou philosophe". Bien qu'il soit presque sadique de nous parler de paysages si vastes en ce moment  >:D

Merci beaucoup ! A nouveau, je suis touchée ! A tel point que j'ai presque envie de tenter le sujet que vous me proposez XD : "l'histoire d'un jeune homme qui se brosse les dents dans son jardin en regardant la lune" (Par contre c'est mort pour les huit pages XD )
Je le garde sous le coude pour mes heures perdues XD !!
Cela pourrait même être drôle  de lancer le défi à tous ;p

Merci en tout cas pour votre commentaire, et je vous souhaite une excellente journée ;)

ps : pardon pour le sadisme (involontaire sur ce coup ;) ), la liberté est quelque chose qui me tient à cœur :p

 


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