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Auteur Sujet: La malédiction du robinet  (Lu 2518 fois)

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La malédiction du robinet
« le: 23 août 2019 à 20:39:05 »
Francisco VARGA

LA MALÉDICTION DU ROBINET

Nouvelle


Une prostituée chinoise passionnée de Salsa, un plombier alcoolique impuissant. Deux êtres brisés se rencontrent. L’amour en enfer.

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Mon premier cours de salsa cubaine venait tout juste de commencer, déjà je regrettais le chèque que j’avais dû signer pour y assister.
Nous étions une vingtaine de participants d’un groupe composé à parité d’hommes et de femmes, tous plus ou moins débutants, empruntés, les yeux rivés sur les pieds du prof, essayant de déchiffrer les obscurs enchaînements qu’il décrivait en comptant et en criant les figures qu’il exécutait… un — deux-trois… Cinq — six-sept…… Et rumba et salsa et mambo… Et souriez, ne regardez pas vos pieds… caliente… la salsa, c’est la danse de l’amour, la danse des machos… Allez-y… Bordel, je n’avais jamais dansé de ma vie… même dans les boîtes de ma jeunesse, je m’étais toujours débrouillé pour accaparer les tabourets du bar, fumant cigarette sur cigarette en affichant un air faussement détaché. Je n’osais pas, je ne savais pas… pourtant, je voyais bien que les plus séduisants des garçons étaient ceux qui ne se posaient pas de questions. Ceux-là étaient constamment entourés d’une nuée de jolies filles qu’ils savaient faire rire. Non, je ne savais pas y faire et aujourd’hui, je me retrouvais dans la même situation que trente ans plus tôt, mais cette fois je devais me lancer. C’est fou comme le fait de simplement bouger en rythme peut être compliqué pour celui qui ne sait plus marcher dès lors qu’il se sait regardé.
Les femmes ne me disaient pas trop non plus et la danse ne les rendait pas plus gracieuses. Le visage de certaines était fermé  par leur inhibition ou leur timidité. Quelques unes avaient dépassé la quarantaine et s’étaient inscrites à ce cours avec leur compagnon ou leur époux. Je ne m’étais pas préoccupé de les détailler, absorbé comme je l’étais à imiter le mouvement des pieds du moniteur ou de ceux de mes voisins.
Rapidement, le groupe a formé un cercle. Je me suis retrouvé prendre la main en serrant la taille d’une femme qui sans ses talons m’aurait déjà dominé d’une tête. Je ne suis pas particulièrement petit, mais celle-là faisait partie de la race des géantes. L’exercice était simple, enfin simple pour le prof… Il consistait juste à danser quelques mesures de salsa en duo et gracieusement passer à la suivante après avoir enroulé de son bras la précédente, sans bien sûr oublier de la regarder dans les yeux en souriant, le regard chargé de promesses caliente…
Je me suis vite fait repérer. J’étais non seulement débutant, mais de la catégorie des pas doués, de celle dont on se doute qu’ils auront au mieux abandonné d’ici quelques semaines. Je sentais que je n’étais pas le partenaire du cours le plus recherché et les quelques instants passés avec chacune devaient leur sembler une éternité. Le prof comptait les pas ; un deux trois – cinq six sept…. Caliente, ne regardez pas vos pieds… Et messieurs, dites-vous que les femmes savent que vous dansez comme vous faites l’amour, alors donnez leur envie. Chacune de ces remarques était accueillie d’un grand éclat de rire… on était là pour s’amuser. Moi, je souffrais et me sentais personnellement visé par chacune de ses critiques.
La Rueda a repris, et j’ai changé de cavalière. Celle-ci était différente des autres, elle bougeait vraiment bien et me regardait en souriant. Je crois bien que de toutes, c’était la seule à ne pas avoir les mains moites… C’est comme cela que j’ai rencontré Suzy. Une Chinoise danseuse de salsa qui m’aidait à compter les pas et m’obligeait à fixer ses yeux.
Le cours s’était achevé sur une salve d’applaudissements en faveur de l’enseignant. Nous rangions à présent nos affaires en nous désaltérant. Je ne connaissais personne et honteux de ma prestation, j’entendais discrètement quitter cette joyeuse assemblée de collègues et de connaissances dont je ne faisais pas partie.
― Bonjour, nous ne nous sommes pas présentés, je suis arrivée en retard, moi c’est Suzy.
― Bonsoir, Suzy, moi c’est Paco.
― Hi hi, j’avais vu votre nom sur la liste, mais je ne savais pas que c’était vous. Vous avez un bon prénom pour danser la salsa.
― Je ne suis pas cubain d’origine, juste argentin. Mais je suis aussi nul en tango qu’en salsa. Vous avez le plus mauvais danseur du monde devant vous, et j’ai fait des efforts aujourd’hui, vos deux pieds sont encore intacts.
― Tout s’apprend Paco. Si vous avez envie, vous y arriverez. Je vous montrerai, vous verrez, c’est très facile, mais c’est comme tout, il faut prendre le temps d’apprendre le début.
― Je suis ravi d’avoir fait votre connaissance Suzy.
― Moi aussi Paco, et je veux vous voir au cours la semaine prochaine, mais vous devez vous entraîner un peu…. OK ?
― Oui, je sais, un deux trois… cinq six sept.
― C’est bien… C’est un bon début…
― Et caliente… ça va être commode de m’entraîner tout seul.
― Tenez, c’est mon numéro, on trouvera un moment dans la semaine pour répéter, ici, la salle est ouverte jusqu’à 20 h. Vous m’appelez hein.
Je prenais le carton que Suzy me tendait et le rangeait dans mon portefeuille au milieu des tickets de caisse et de carte bleue.
― Vous me téléphonez. Il faut qu’on danse si vous voulez apprendre.
― Promis mademoiselle.
Tournant ses talons sur un dernier sourire, Suzy s’éclipsa de la salle d’un pas dansant.
Quand je raconterai ça aux copains me dis-je, la regardant s’éloigner. C’est qu’elle est plutôt bien roulée la poupée. Je n’ai pas le souvenir de n’avoir jamais parlé avec une Chinoise avant ce moment. Je n’imaginais pas me faire brancher aussi directement en m’inscrivant à un cours de salsa, et en plus la fille était assez mignonne.
― Alors Paco, tu as fait la connaissance de Suzy ? me dit le prof en me posant une main sur l’épaule. C’est une très gentille fille, tu verras, elle me donne un coup de main de temps en temps pour faire démarrer les cours débutants.
― Oui, elle n’a pas vraiment l’air de débuter.
― Non, Suzy c’est un cas. Elle a débarqué comme ça il y a trois ans, un peu comme toi, elle ne connaissait pas le moindre pas, mais depuis elle a mis les bouchées doubles. Elle en veut vraiment, c’est une vraie passionnée. Elle est devenue une super danseuse, vraiment gentille et pas bêcheuse pour un rond. Et en gala, une Chinoise qui danse bien le latino ça fait toujours son petit effet, tu vois….
― Elle m’a promis de m’entraîner.
― C’est un sacré honneur qu’elle te fait la princesse. Elle est toujours sympa, mais discrète aussi. C’est pas fréquent de la voir parler à des gens qu’elle ne connaît pas depuis longtemps. Je crois que tu as un bon ticket avec elle mon ami.
Je rentrais seul dans mon petit studio du XX°. Il faisait froid ce soir-là, et je n’avais pas envie de me retrouver face à ma bouteille de scotch, à jouer toute la soirée avec ce téléphone qui ne sonnait jamais.
Je ne fumais plus depuis dix ans, mais j’avais envie de penser à Suzie en me grillant un petit cigarillo. Je tentais de me souvenir de son visage, mais chaque verre estompait le souvenir de ses traits. Je fermais les yeux et seules dansaient derrière mes paupières closes, ses petites fesses moulées dans sa jupe portefeuille bleu-marine.
Je ne sais pas si j’avais un ticket avec cette fille, mais pour ma part, j’étais accroché. Je me sentais de toute façon si seul que, j’étais prêt à tomber amoureux de la première frangine qui me parlerait en me souriant sans chercher à me vendre un téléphone. Cette fois, c’était différent, je sentais que quelque chose était sur le point d’advenir.
J’étais trop saoul à présent pour réfléchir. Comme tous les soirs, je laissais l’alcool embrumer les images que même en me concentrant je ne parvenais plus à fixer. Inlassablement, je me répétais les mêmes mots : elle est trop jolie pour moi, trop propre. Elle ressemble trop à une femme. Je dois arrêter d’y penser.
Je me levais très tôt le lendemain. Je devais me rendre en voiture sur un chantier dans la banlieue nord, près de Roissy. Une journée entière à installer des baignoires et des bacs de douches pour un gars qui rénovait un immeuble miteux destiné à loger à prix d’or tous ceux qui ne trouvaient nulle part où habiter.
J’étais plombier depuis cinq ans, je détestais ce boulot qui me cassait le dos. Mon patron n’était pas trop regardant. Seuls lui importaient les délais. J’avais un avantage sur les autres, je parlais français, je savais lire, écrire et compter. Dans ce milieu, tout le monde fait semblant. Beaucoup sont illettrés, et les autres de toute façon ne comprennent pas la langue. Moi, ça ne me dérangeait pas. J’aurais pu vider des poubelles, ou livrer des pizzas. Tout ce que je voulais c’était payer mon loyer et surtout ne pas trop penser. Je suis devenu chef de chantier sans le vouloir ; on ne m’a pas laissé le choix. C’était ça ou la porte. Alors, j’ai accepté. Je me suis retrouvé à la tête d’une petite équipe d’estropiés de l’existence, m’assurant qu’ils montaient bien au bon étage les baignoires que nous déchargions de bon matin. Le soir, je faisais le tour du chantier, je m’assurais que tout était en ordre et je passais mes commandes pour le lendemain. Je détestais ce job.
Onze heures, c’était l’heure de déjeuner. Depuis bientôt quatre heures je montais et descendais les étages de cette ruine. Mokhtar était entré dans la boîte avant moi. Lui, c’est un vrai plombier. Il connaît vraiment son travail. Son problème, c’est la lecture. Il a su lire l’arabe et a un peu appris de français, mais il a tout oublié. J’ai tout de suite sympathisé avec ce type. J’ai rapidement compris qu’il ne savait que lire les emballages et les consignes qu’il connaissait déjà et qu’il était perdu dès lors qu’on lui mettait un peu de nouveauté devant les yeux. On n’en a jamais parlé. Mais bon, je l’ai aidé en faisant comme s’il ne voyait pas très bien.
Mokhtar et moi sommes à peu près du même âge, mais c’est un père pour moi. Chaque jour, il s’assure que je me nourrisse correctement. C’est lui qui me ramène ma gamelle et s’occupe de me la faire réchauffer sur le réchaud du chantier. Je crois que depuis trois ans, à ce régime-là je n’ai plus jamais mangé que du mouton ou du poulet. C’est notre accord à tous les deux. Le matin, je passe le prendre chez lui, dans son foyer, et le soir je le ramène. En échange, il s’occupe un peu de moi et m’empêche de boire durant la journée.
― He Paco. Tu n’es pas comme d’habitude, je t’ai vu sourire aujourd’hui… Tu as mal aux dents ou c’est autre chose ?
― Non pourquoi ? Ça va…
― Ça a l’air d’aller pour toi chef…
― Et toi Mokhtar. Raconte-moi un peu.
― Moi chef, qu’est-ce tu veux je te raconte….
― Je sais pas moi… T’as baisé hier soir ?
― C’est pas la paye encore, et faut que j’en garde pour envoyer au bled. Mais quand je touche l’enveloppe, faut que j’men trouve une petite pas chère…. Toi chef, t’es blanc, t’as la femme gratuite… tous les soirs si tu veux…
― Tu as vu ma gueule…
― Mais non chef, les femmes elles s’en foutent de ta gueule. Ce qui les intéresse c’est ce que tu as dans le portefeuille et dans le pantalon.
― Je ne suis pas sûr que ce soit aussi simple, Mokhtar.
― Si chef, c’est toi qui te prends la tête. C’est très simple au contraire.
― J’ai rencontré une fille hier soir… une Chinoise…
― Ah bon… Et tu l’as ramenée chez toi ?
― Mais non, c’est une fille bien, je l’ai rencontrée au cours de danse… j’ai juste son numéro de téléphone.
― Méfie-toi des chinoises chef… je les connais bien moi. On peut pas leur faire confiance. Elles pensent qu’à l’argent.
― On verra Mokhtar.
― Tu as sa photo ?
― Non, je viens juste de la rencontrer.
L’après-midi se passait comme la matinée. Ce n’était pas passionnant, mais on avait la satisfaction d’avancer. À quatre heures, je faisais le tour du chantier avec Mokhtar ; bien sûr, c’est lui qui voyait tout ce qui n’allait pas. Je notais toutes ses remarques dans mon carnet puis, je passais la commande des matériaux du lendemain et après un coup de fil avec le patron, nous nous retrouvions dans la voiture direction Aubervilliers.
J’allumais mon mobile personnel. Il était muet. Je n’avais pas reçu de message ni d’appel. J’étais déçu et ça se voyait.
― Alors chef, elle t’a pas téléphoné ta chérie.
― C’est pas ma chérie, je viens juste de faire sa connaissance. Mais non, elle ne m’a pas appelé.
― Peut-être elle attend que c’est toi.
― Oui, c’est toujours comme ça.
― Mais non chef… tu l’appelles et puis c’est tout…
C’est vrai que Suzie m’avait laissé son téléphone et demandé de l’appeler. Elle ne m’avait jamais promis que ce serait elle qui reviendrait vers moi… et de toute façon, c’était juste pour répéter quelques pas de salsa, pas autre chose. Non, vraiment, j’étais seul depuis trop longtemps. Le simple fait qu’une jeune femme me sourit et m’adresse la parole m’avait rendu la niaiserie de mon adolescence.
Chez moi, après avoir pris ma douche, seul, allongé sur mon lit, je repensais à Suzie en jouant avec mon téléphone. Je n’avais pas encore trop bu et je faisais de très gros scores au casse-briques. La dernière femme que j’avais appelée était… non, je ne m’en souvenais pas.
Je vivais comme ça, au jour le jour depuis près de dix ans. Depuis ce moment où j’avais dit adieu à mon existence passée. En fait, c’était plutôt elle qui m’avait dégagé, faisant de moi un clochard en suspens, obsédé par la seule volonté d’oublier qui j’étais. Question oubli, j’avais bien réussi mon coup. J’avais entrepris un suicide lent, une sorte de dissolution personnelle où le but de chacune de mes journées était ce moment où je me retrouvais allongé à descendre méthodiquement ma bouteille de whisky quotidienne. J’ai si bien réussi à vider mon existence de tout sens, qu’il ne me restait plus de place pour le désespoir.
Les jours se sont enchaînés, de la même façon, dans une monotonie rassurante. Peu à peu, je ne pensais plus à Suzie et Mokhtar ne m’en parlait pas non plus. Nos conversations se limitaient au chantier, au patron, au bled. Il me disait qu’il avait toujours honte quand il allait voir une fille, mais qu’il était un homme et qu’il ne pouvait pas faire autrement. Je le comprenais, même si pour ma part, depuis longtemps, je ne ressentais plus ce genre de pulsions. Je n’avais pas quarante ans et le souvenir de ma dernière érection datait depuis plus de douze ans. Ça ne me gênait pas, au contraire, je prenais cela comme un avantage sur les autres. Je n’avais pas besoin de me vider les couilles, elles étaient de toute façon vides et comme je vivais seul, personne ne me le rappelait jamais.
Dimanche, avec mon petit panier j’ai fait le tour des commerçants du quartier pour me réapprovisionner. C’est un moment que j’aimais bien. Acheter des œufs, du fromage, quelques légumes, refaire le plein de mon congélateur me rappelait vaguement mon existence passée, celle où la normalité et la performance étaient mes seules obsessions. À l’époque, je m’habillais et passais beaucoup de temps à choisir des chaussures que je voulais originales, élégantes et confortables. Je lisais beaucoup également. Dans la file d’attente de la boucherie, je tombais nez à nez avec Philippe, le prof de salsa.
― Ho Paco… t’as une sale tête, tu sais… on te voit demain ?
― Euh… oui bien sûr.
― J’avais fini par oublier ce foutu cours de salsa.
― Tu vas te faire engueuler par Suzie.
― Comment ça ?
― Tu l’as pas appelée, elle est vraiment pas contente. T’as intérêt à assurer demain ;
Si j’avais eu besoin d’un prétexte pour abandonner la danse, c’était bien celui-ci. Me retrouver avec une nana qui allait me demander de me justifier et me mettre la pression.
Je rentrais chez moi. J’étais content, j’avais pour une fois réussi à trouver des œufs d’oie et m’étais promis de les cuisiner brouillés avec un bon morceau de conté du fromager, pas celui merdique du supermarché.
Je remuais méthodiquement mon brouillis d’œufs quand le téléphone sonna. Je n’ai pas l’habitude qu’on m’appelle et le dimanche, je bois du vin, pas du whisky. Peu après quatorze heures, j’entamais ma seconde bouteille de bordeaux. J’ai toujours réussi à dissimuler mon ivrognerie, je savais qu’il ne valait mieux pas que je réponde. Si c’était Mokhtar, j’aurais droit à sa leçon de morale habituelle. Il m’avait plusieurs fois surpris dans un état de semi-conscience. À présent, je faisais attention à couper les communications et ne croiser personne. Mon ivresse m’appartenait, je ne voulais pas que l’on me rappelle ce que j’étais en train de devenir. Je laissais le téléphone sonner, me disant que si c’était important, on me laisserait un message ; sinon, tant pis.
Je descendais lentement ma troisième bouteille en appréciant mes œufs d’oie brouillés tout en écoutant les programmes de FIP et m’endormais d’un profond sommeil alcoolique.
Je me réveillais dans la nuit en sueur, je devais vomir, vite… une fois de plus, je me promettais de ne plus toucher au vin. Le whisky m’assomme, mais le vin me rend malade et c’est tous les dimanches comme cela, mais cette fois, j’étais vraiment défoncé. Je rendais longuement mon repas de l’après-midi, chaque spasme était plus douloureux que le précédent. L’estomac vide, je sentais mes tripes se contracter par réflexe, cherchant à expulser une nourriture dont je n’avais plus que le souvenir dans le bide. J’en pleurais de douleur. J’aime être saoul, mais je déteste me sentir malade à cause de l’alcool.
Le réveil fut douloureux. Je m’étais rendormi comme une masse, le ventre vide, bourré de doliprane. Je n’avais pas entendu le réveil. Peu importe, je ne travaillais pas aujourd’hui. Je rangeais mon studio et nettoyais mes vomissures. Je tentais de retrouver un espace de normalité en donnant une apparence de propreté à mon intérieur de célibataire.
Ce jour-là, le ciel était gris sombre, le jour ressemblait à une nuit de tristesse. Je détestais cette saison ou même à midi, à paris, du réveil au coucher on ne peut vivre que lumières allumées . L’alcool me rend toujours dépressif et je savais que j’allais passer un sale moment.
J’avais retrouvé apparence humaine, mon studio ressemblait désormais plus à un appartement qu’a une sombre caverne. Soignant le mal par le mal, je me servais un whisky et me sentais retapé. Je sais bien que ça me tuera. Mais je suis déjà mort.
À la radio, Fip passait du Mahler. Mécaniquement, je prenais en mains mon téléphone. J’avais oublié le coup de fil de la veille. L’icône du répondeur, clignotant, m’avertissait d’un nouveau message. Je l’interrogeais.
― Bonjour, Paco, c’est Suzy, on s’est croisés au cours de danse la semaine dernière… pourquoi tu ne m’as pas appelée ? Tu viens demain ?
J’entendais sa jolie voix sucrée, réécoutais plusieurs fois son message, tout en me maudissant. Je regardais l’heure, j’avais encore le temps. Si je prenais une bonne douche et me bourrait de bombons à la menthe, je pouvais encore me présenter au cours sans trop empester.
J’avais peur que Suzy me prenne en grippe ou plutôt me fasse la gueule. Après tout, à sa place, c’est ce que j’aurais fait. Mais non, elle était première arrivée dans la salle de danse et m’accueillit comme si nous étions déjà intimes.
― Paco, comment vas-tu ? Philippe m’a dit que tu avais une sale tête, mais ça à l’air d’aller. Tu es très élégant aujourd’hui.
Pour le cours, j’avais fait l’effort de m’habiller d’un costume que je conservais dans ma penderie au cas où. Il n’était plus à la mode depuis longtemps, mais me donnait une apparence de normalité. J’avais besoin que Suzy me voie autrement que celui que j’étais devenu. Elle, chaussée d’escarpins et d’une jupe courte semblait encore plus jeune et plus sexy que dans mes souvenirs.
― Ça va bien Suzy, excuse-moi, je ne t’ai pas appelée, je ne voulais pas te déranger.
― C’est bête, j’attendais vraiment moi. Et tu t’es entraîné un peu au moins ?
À ma tête, elle comprit tout de suite que mon dernier cinq six sept datait d’une semaine.
― Tu sais Paco, si tu veux y arriver, tu dois danser… Ça marchera pas sinon. Viens on a dix minutes avant qu’ils arrivent, je vais te montrer.
― Toi, tu aimes vraiment la salsa…
― Ouiii. Pas toi ?
Elle me prenait en mains, elle me guidait avec assurance. C’était une bonne prof, avec elle je comprenais mieux comment je devais diriger mes pieds qu’en écoutant Philippe. Elle ne me lâchait pas. Normalement, dans un cours de salsa, on est tenu de fréquemment changer de cavalière, mais Suzy ne l’entendait pas ainsi. Elle avait décidé qu’elle danserait avec moi tout le cours et personne ne l’en empêcherait. Moi, je me laissais faire et quand une autre femme se retrouvait face à moi, je sentais le bras de Suzy qui toujours me ramenait à elle. J’ai adoré cette seconde leçon. En fait, je n’ai vu personne à part elle, et je n’avais pas envie de la quitter. Depuis douze ans, je ne m’étais pas senti aussi proche d’une femme.
Le cours s’achevait, et Suzy voulait encore me montrer comment réussir les passes que je devais absolument maîtriser pour l’emmener danser en soirée. Tout le monde était parti, et nous continuions tous les deux, guidés par les enregistrements de musique cubaine qu’elle gardait sur son téléphone portable.
― Je suis fatigué Suzy. Il est tard.
― C’est de ta faute, si tu m’avais appelée on se serait entraînés et on n’aurait pas tout ça à faire…
― Je sais, mais, si on sortait ?
― Ok. Mais tu me fais plus le coup…
― Tu es sûre que c’est avec moi que tu veux danser ?
― Pourquoi, tu ne veux pas toi ?
― Si bien sûr, mais regarde-moi. Allez, je te raccompagne chez toi.
― Non, c’est bon Paco. On se verra dans la semaine… jeudi, si tu m’appelles pas, c’est moi.
C’est fou ce que cette fille sentait bon. Sa transpiration avait une odeur de jasmin et après deux heures de danse intensives pour moi, pas une goutte ne perlait de son front.
Nous nous sommes quittés sur le trottoir en nous serrant la main. Nous promettant de recommencer dans la semaine.
Je rentrais seul chez moi, il faisait froid et la bouteille que j’avais à peine entamée m’attendait.
Au bout de deux mois, sous la surveillance de Suzy, je dois avouer que j’avais beaucoup progressé. Je prenais à présent du plaisir à danser et les autres femmes du cours m’envisageaient désormais comme un cavalier potentiel. Suzy ne les laissait pas m’approcher. Elle me gardait pour elle, sans jamais dire un mot, mais par sa maîtrise de la danse se débrouillait pour toujours être face à moi. Le prof avait quelques fois élevé la voix, toujours contre moi, jamais envers Suzy, me demandant de faire tourner les danseuses, mais rien ne changeait, alors il n’insistait pas.
Cela faisait bientôt près de trois mois que nous nous connaissions et nous ne nous étions jamais vus hors du cours de salsa ou de nos entraînements solitaires. Je l’appelais désormais tous les jours et mon téléphone était plein de ses messages et de ses textos. Je buvais toujours autant, mais j’avais abandonné le vin du dimanche, me réservant cette journée pour répéter mes pas avec ma cavalière préférée. Je me sentais de plus en plus proche d’elle et j’avais désormais besoin d’autre chose dans notre relation.
C’est moi qui le premier pris l’initiative.
― Suzy, j’ai envie de te voir.
―,     Mais on se voit tout le temps.
― Oui, mais pas comme ça. J’ai envie de te voir en dehors de la salsa.
― Pourquoi, Paco. On est bien comme ça non ?
― Oui, mais….
― Tu sais Paco, je me sens bien avec toi, j’ai pas envie qu’on gâche tout.
― J’ai entendu ça trop souvent dans ma vie. J’ai vraiment envie de toi autrement.
― Paco… non, on danse, c’est beau, c’est bien… moi aussi j’ai envie, mais c’est bien comme ça. Et tu danses de mieux en mieux, je te l’avais dit… et tu es vraiment caliente… ce mot, dans sa bouche, avec son accent avait une saveur toute particulière.
― Tu es Suzy, mais tu es aussi ma Suzy. Tu n’es pas que ma cavalière.
À ce moment, je la sentis se refermer. Et me prenant la main me dit :
― Tu sais, tous les deux on est des danseurs. Et je ne pense pas qu’on ait d’avenir en dehors de ça. Je n’ai pas envie de savoir qui tu es et toi tu ne sais rien de moi. Et je n’aime pas le sexe.
―,     Mais il n’est pas question de sexe, on peut juste se voir, se connaître, s’apprécier. On peut déjà essayer d’être amis.
―,     Mais tu es mon ami Paco. Et tous les hommes qui veulent être amis, en fait, ils veulent aussi coucher. Si on le fait, ils s’en vont et sinon, ils s’en vont aussi. Non, ne gâche pas tout.
Des larmes coulaient sur la joue de Suzy, je m’en voulais, ça ne lui ressemblait pas d’être triste. Je ne comprenais pas cette réaction. Je voulais simplement la connaître hors du contexte de la danse, mais elle m’énervait aussi. Pourquoi dois-je être voué à ne jamais vivre d’histoire simple ? Je ne suis pas homme à insister. Quand une femme me dit non, je ne cherche pas à la convaincre ou la persuader du contraire. Je sentais Suzy déterminée à ce que notre relation ne franchisse pas le stade que nous avions atteint tous les deux. Nous ne serions que de gentils partenaires de salsa et je ne me sentais plus du tout motivé par mes progrès en tant que danseur.
― C’est comme tu voudras Suzy. Bon, il faut que j’y aille, je me lève tôt demain.
― On s’appelle Paco.
― Oui, bien sûr, on s’appelle.
Cette fois, c’est moi qui tournais les talons et m’éclipsais sur-le-champ, sans même prendre la peine de prendre congé. Je partais comme un rustre, j’en étais conscient. Je respectais la volonté de Suzy. Je n’avais pas le choix, mais je voulais aussi qu’elle comprenne que je n’étais pas d’accord. Je ne voulais pas endosser auprès d’elle le rôle de l’ami fidèle, du confesseur ou du simple partenaire latino danseur. Je lui avais proposé mon amitié, mais je n’y croyais pas une seconde. J’étais simplement tombé amoureux de cette fille et j’avais cru que je l’attirais et que ce serait facile. Je m’en voulais de m’être si facilement laissé berner. Comment pouvais-je attirer une femme, a fortiori aussi séduisante que celle-ci ? Tout en elle respirait la joie de vivre, le raffinement et la sensualité. Le contact de son corps quand nous dansions éveillait en moi des sensations que je croyais éteintes. Si j’avais été normal, j’aurais eu envie de la prendre, de la caresser, de la posséder. Je me sentais bien incapable de tout cela, le désir que j’éprouvais pour Suzy était celui de son être tout entier, pas juste de son corps. Je n’avais pas non plus envie d’une fastidieuse séance qui se serait encore une fois résolue par un nouveau constat de flaccidité humiliante. Je n’étais pas prêt non plus à voir Suzy tomber amoureuse d’un autre, qui aurait investi sa vie et son sexe me faisant comprendre que pour elle je n’étais qu’une gentille distraction. Bon sang, Suzy, je sais bien que ce n’est pas simple, que rien ne peut être facile à notre âge, mais pourquoi en rajoutes-tu comme ça ? Je ne savais même pas ce qu’elle faisait en dehors de la danse.
Suzy m’avait rendu vivant, et avait apporté aussi la tristesse au sein de mon existence. Je décidais de m’éloigner. Je n’ai plus répondu à ses appels, ni retourné ses textos, j’ai aussi déserté les cours hebdomadaires du lundi soir. À force d’indifférence, au fil des jours, mon téléphone s’est endormi et est redevenu muet comme il l’avait toujours été. Je retournais à ma monotonie, j’avais vécu un instant de rêve, comme une parenthèse dans ma normalité. Je n’avais pas d’autre solution que m’en débarrasser.
Trois mois plus tard, l’été approchant, j’avais presque réussi à effacer Suzy de ma mémoire. En fait, j’étais assez content de moi d’être parvenu à ne plus y penser quotidiennement. C’était une toute petite victoire, mais son absence n’envahissait plus ma solitude. Je n’étais pas heureux, mais je ne souffrais pas non plus. L’équilibre poisseux dans lequel j’avais su me réinstaller me convenait sans pour autant me satisfaire. J’étais prêt à laisser s’écouler les jours attendant que le vide de mon existence redevienne mon ordinaire.
C’est un 20 juin, veille de la fête de la musique, que mon téléphone a une nouvelle fois sonné. Comme à mon habitude, j’étais ivre et ne prenais pas l’appel. Personne n’avait laissé de message, mais j’avais reconnu le numéro de Suzy. Quelques instants plus tard, je recevais une photo d’elle, avec quelques mots – demain, Max Dormoy, je veux que tu sois la, viens.
Cela avait suffi pour que je replonge. Je passais la soirée en regardant son visage. Bon Dieu qu’elle était belle. J’étais bien conscient qu’elle n’était pas la plus jolie fille de la terre, mais tout en elle m’émouvait. Je ne savais pas la regarder sans ressentir une boule au fond de ma gorge. J’étais perdu, j’aurais dû changer de numéro, faire pour une fois les choses jusqu’au bout et disparaître vraiment. Au lieu de ça, je me demandais comment je devais m’habiller pour revoir Suzy.
J’attendais depuis une demi-heure près de l’escalier du métro le long du Macdonald guettant son arrivée. Elle ne m’avait pas précisé d’horaire. Je m’étais dit que 20 h était ce qui allait pour un rendez-vous. Je m’attendais à ce qu’elle ne vienne pas. Ce ne serait pas mon premier lapin, et pour elle c’était une petite vengeance qui ne lui coûterait pas trop cher. J’étais prêt à repartir quand je l’ai sentie se coller contre mon dos plaquant ses mains sur mon ventre. Je me retournais, c’était bien elle.
― Paco. Pourquoi ?
― Je sais, c’est idiot.
― Tu m’as trop manquée.
― C’est moi ou le danseur qui t’a manqué.
― Viens.
Elle avait pris ma main, je me laissais guider vers un café qui pour la circonstance s’était improvisé en bar latino.
Je retrouvais Suzy, nous avons dansé, bu, parlé. J’ai appris qu’elle avait enseigné le français en chine, et que depuis la réforme sociale de 2003, après son divorce, elle avait dû partir, laissant sa fille à ses parents et sa sœur. La France n’était pas vraiment le rêve qu’on lui avait vendu, mais elle était la et se débrouillait au jour le jour. Nous ne voulions plus nous quitter et même si nous n’avions pas envie de parler, le simple fait de nous tenir par la main suffisait à nous rendre heureux. C’est Suzy qui la première a insisté pour que nous allions chez moi. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je me laissais faire.
Le lendemain, nous nous réveillions dans les bras l’un de l’autre. Nous avions toute la nuit dormi enlacés, sans même nous être embrassés.
J'observais Suzy, qui, les yeux clos, feignait le sommeil. Plongeant mon visage dans ses cheveux je respirai son odeur de jasmin.
― Paco, s’il te plaît.
― Non, Suzy ne t’inquiète pas, avec moi tu ne risques rien.
― Vous dites tous ça.
― Si j’avais dû te sauter, depuis hier soir, tu ne crois pas que ce serait déjà fait ?
― Je ne m’appelle pas Suzy, ce n’est pas mon nom. C’est juste en France, pour qu’on retienne mieux. Tu veux bien m’appeler avec mon vrai nom, pour toi, je ne suis pas Suzy, je suis Phang.
― OK Suzy, comme tu voudras.
― Paco. S’il te plaît, fais un effort, c’est important pour moi.
― Ok Phang.
― Je vais devoir y aller. Tu me promets de me répondre maintenant quand je t’appelle ?
― Je te le promets suz.. Euh Phang.
Nous ne nous sommes jamais installés ensemble. Suzy ne me l’avait pas demandé. Il aurait suffi un mot de sa part pour que j’accepte tout ce qu’elle ne formulait jamais. Nous passions presque toutes nos nuits ensembles, elle partait tôt le matin, rentrait le soir parfois très tard, quand je ne l’attendais plus. Parfois, je dormais et je sentais sa douce chaleur venir contre moi. D’autres fois, je ne la voyais pas du tout, mais il ne se passait pas une soirée sans qu’elle ne m’envoie un petit message pour simplement me dire qu’elle pensait à moi.
Je n’ai jamais voulu lui imposer quoi que ce soit, alors, je ne lui demandais rien. J’avais trop peur qu’encore une fois tout s’arrête. Elle non plus ne me demandait rien. Phang avait rapidement compris que j’avais un problème avec le sexe. Comme je devinais que pour elle non plus ce n’était pas naturel, nous n’avions pas à nous infliger des séances de corps à corps qui n’auraient pu que nous décevoir. En fait, nous n’avons jamais eu à en parler. Phang était très pudique, mais aimait dormir nue contre moi. Un soir où nous avions passé la soirée tous les deux sans dire un mot, moi lisant un vieux Mishima quelle m’avait offert, elle, prostrée dans l’obscurité buvant un nombre incalculable de tasses de thé, nous nous étions longuement caressés sans chercher le plaisir, nous contentant de nous respirer du bout de nos doigts. Le sexe de Phang était sec et fermé. Le mien pendait sans vie, inaccessible à toute excitation.
― Tu me plais Paco. Tu es un bel homme. C’est toi que j’aurais dû connaître quand je suis arrivée ici.
― On ne va pas refaire la vie qu’on n’a pas vécu Phang. Mais j’aime chaque instant que je passe avec toi.
― Je te plais un peu quand même ?
― Bien sûr pourquoi dis-tu ça ?
― Tu sais bien.
― C’est comme ça. Si tu veux, je peux faire quelque chose, mais ça ne sera jamais naturel. Si tu le demandes, je le fais.
― Non, Paco, reste comme tu es ; je t’aime trop. Et je n’en ai pas besoin. J’ai peur que tu me quittes pour une fille qui te plaira et avec qui tu voudras vraiment coucher.
― Je n’ai pas besoin de sexe pour te faire l’amour. Sauf si tu me le demandes.
― Non, ne change rien. Sauf la danse, il faut que tu travailles plus.
― Je te le promets Phang.
Pour moi l’histoire que je vivais avec Phang était parfaite. Je ne demandais rien de plus. Elle non plus, à part danser, toujours un peu plus chaque jour. J’ai compris plus tard, que c’était notre façon à nous de faire l’amour.
Tous les matins, je retrouvais Mokhtar et Mark, un polonais qui avait rejoint l’équipe à la fin de l’été. Il ne parlait qu’un français très approximatif, c’était un homme discret, fiable et travailleur. Ce jour la, durant la pause déjeuner, la conversation glissa sur le sexe. Ça n’avait pas d’intérêt pour moi, mais je savais que je devais au moins faire semblant de donner le change.
― Alors Mokhtar, c’était paye vendredi. Tu as trouvé une fille.
― Bien sûr chef. Elle était très gentille celle-là. Et pas raciste.
― Et c’était bon ?
― Le paradis chef, je lui ai tout fait. Trois fois. Elle était gentille, elle m’a pas demandé de supplément.
― Mais tu les trouves où ces filles Mokhtar, sur internet ?
― Non c’est trop cher sur internet. J’ai pas les moyens. C’est les copains du foyer qui me donnent les adresses et les numéros. Et toi chef, tu fais comment ?
― j’en ai une, mais c’est ma chérie.
― Moi aussi, c’est toutes mes chéries, elles sont plus gentilles que ma femme. Comment elle est la tienne ?
― C’est une Chinoise, elle s’appelle Phang. Ça fait quelques mois qu’on se connaît.
― Les chinoises, c’est pas bon… Je te l’ai dit, méfie-toi… elles pensent qu’à l’argent. Fais voir sa photo.
― Je sortais mon téléphone et le passais à Mokhtar.
― Elle est belle dis donc.
Sans demander, Mark prit l’appareil et regarda longuement la photo de Phang sans rien dire. Ce n’était pas au naturel un type très loquace, mais cette fois, il regarda le portrait et me le rendit sans faire le moindre commentaire.
― Tu la trouves pas belle la chérie du chef mark ?
― Oui, ça va. Mais j’aime pas les jaunes.
― Je sais pas ce que vous avez avec elles, mais si vous vous plaignez du racisme, vous êtes pas mal non plus tous les deux.
―, Mais non c’est pas ça chef.
Le soir, comme à l’accoutumée, je reconduisais Mokhtar dans son foyer d’Aubervilliers.
― Ça va Mok, tu dis rien, tu es fatigué ?
― Non, Paco… C’est que…
― C’est la première fois que tu m’appelles par mon nom depuis longtemps ça me fait plaisir.
― Tu es mon ami, et je ne sais pas si je peux te le dire.
― La, tu en as trop dit ou pas assez… qu’est-ce qui a, vous êtes pas d’accord sur la répartition des primes. Tu sais que vous en touchez autant que moi, et vous êtes les seuls de la boîte comme ça.
― Non, ça n’a rien à voir… tout à l’heure, c’est Mark qui est venu me dire. La fille sur la photo, ta copine… il m’a dit de rien te dire, mais il la connaît. Pour lui, elle a pas un nom chinois ; je sais plus comment il m’a dit, mais il la voit souvent, et pas seulement quand c’est la paye.
― Il la voit comment ?
― Il la paie et il la baise.
― Des Chinoises à paris, dans le XX° il y en a plein et quand on les connaît pas, elles se ressemblent un peu toutes.
― Comme tu veux chef. Mais Mark, il sait ce qu’il dit. Il parle pas souvent, mais jamais pour rien dire.
― Appelle-le, je veux le voir.
― Lui en veux pas, il s’est peut-être trompé, il voulait pas que je t’en parle.
― Appelle-le, s’il te plaît.
Vingt minutes plus tard, nous nous retrouvions installés tous les trois dans un café de la plaine, près du stade de France. Mark ne disait rien, me regardant tristement.
― Mark, moktar m’a parlé il m’a dit ce que tu lui avais dit à propos de ma femme.
― C’est des conneries, j’ai rien dit.
― Arrête-toi, tes conneries, putain, vous allez pas faire les salopes avec moi. Vous me dites et puis merde.
― Paco, c’est pas facile à dire en face.
― Tu me le dis et puis je verrai.
― Tu verras quoi ?
― Je verrai si je te crois.
― Je suis pas un menteur.
― Je sais, Mark, je t’écoute.
― La fille sur la photo, je la connais. Pour moi c’est Suzy, je la vois toutes les semaines chez elle.
― Tu es sûr de ce que tu dis ?
― Paco. Je ne veux pas lui manquer de respect. Mais je suis sûr que c’est elle.
Je savais qu’il disait la vérité. Il avait cité son nom. La coïncidence était trop grosse. En plus, il l’avait reconnue tout de suite sur la photo. J’ai cru un instant que mon cœur s’arrêtait de battre je sentais dans la bouche ce goût d’acier caractéristique des annonces catastrophiques.
― Tu es vraiment sur Mark ?
― Elle annonce sur le NET. Si tu veux je te montre, mais ça va te faire du mal, il vaut mieux pas.
― Au point où j’en suis, autant aller jusqu’au bout. Ça me changera.
Mark sortit de sa poche un smartphone de dernière génération. Il avait du mal à établir une connexion, mais au bout de quelques minutes me tendit le téléphone. À cet instant, le monde pour moi s’effondra une seconde fois. C’était bien elle, détaillant ses tarifs, prestations, le tout accompagné de photos dans certains sous-vêtements que je me souvenais l’avoir vue porter. Le numéro de téléphone indiqué n’était pas celui que je connaissais. Mais ce qui me fit le plus mal, ce fut de lire tous les commentaires de ses clients qui la recommandaient chaudement comme étant probablement le meilleur rapport qualité – prix de tout Paris et d’ailleurs. Je n’arrivais pas à lire le reste et rendait l’appareil à Mark, qui le récupérait soulagé que je ne l’ai pas jeté contre un mur.
― Appelle-la Mark.
― Non, ne me demande pas ça. Je ne la verrai plus, je te jure. Et je ne savais pas.
― Tu as lu les commentaires ?
Mark restait silencieux, Mokhtar n’avait pas dit un mot. Je sentais qu’ils voulaient partir, mais hésitaient à me laisser seul.
― Tu vas pas faire de connerie Paco ?
― Qu’est-ce que tu veux dire pas là ?
― Je sais pas moi, tu vas pas te foutre en l’air ou la buter ?
― Tu crois que j’en ai envie ?
― Moi c’est ce que je ferais. Mais c’est des conneries, je t’avais dit de te méfier des Chinoises.
― Non, ça va les gars, laissez-moi, j’ai besoin d’être seul.
Je me retrouvais seul au fond de ce café, incapable de me lever, incapable de réfléchir non plus. Un message venait d’arriver sur mon téléphone, c’était Suzy, qui me disait qu’elle pensait à moi. Elle devait sortir d’un rendez-vous ou se préparait à se faire tringler, toujours prête à se déplacer, toujours prête à tout, pour quelques billets. J’avais lu les commentaires des clients qui préconisaient de toujours négocier les tarifs avec elle. Si à ce moment je l’avais eue devant moi, je lui aurais arraché les yeux et l’aurais étranglée de mes mains. Je ne voulais plus la revoir, je me sentais vraiment con avec ma queue flasque au milieu de tous ces mecs qui se vantaient de la prendre dans tous les sens deux ou trois fois en une heure.
Une pute… il avait fallu que je me mette avec une pute. Pas une salope, mais une pute, qui se fait payer pour se faire farcir. J’étais vraiment trop con. Et moi, comme un crétin, je respectais son corps, et le fait qu’elle me disait ne pas aimer le sexe. C’est sûr qu’avec tous les kilomètres de queues qu’elle avait dû s’enfiler dans tous les orifices, il devait y en avoir assez pour faire une bonne partie de la muraille de Chine.
Je ne lui en voulais pas qu’elle couche ailleurs. J’en étais incapable. Et même si j’aurais aimé qu’elle m’en parle, j’aurais pu comprendre. Mais pas ça… j’étais amoureux d’une des seules Chinoises sodomites de paris. Elle encaisse la petite. Tu lui mets trois doigts dans le cul, et c’est parti pour un vol paris – pékin avec deux « escales carburant ». Putain, les salops, ils ne respectent rien. C’est pas eux qui l’ont vue pleurer tous les soirs quand moi je ne comprenais rien. Je m’imaginais juste que sa fille lui manquait et qu’elle se sentait seule loin de chez elle. Mais non, elle vomissait par les yeux tout le pognon qu’elle gagnait par son trou de balle, et pour pas trop cher en plus.
Je ne savais plus quoi penser. J’avais à la fois envie de la consoler, de la prendre dans mes bras, mais aussi de ne plus jamais la voir.je me sentais ridicule et honteux de m’être fait berner par cette pute. Il avait raison Mokhtar quand il me disait de me méfier. Et c’est quoi bordel ces putains de forums ou les mecs notent les chattes des femmes comme des prestations d’électricien, de plombier ou de baby Sitter ?
Je ne pouvais rien pour elle. J’acceptais d’autant moins ce mensonge, que j’imaginais la virtuosité qui lui permettait d’encaisser les bites dans son cul. Je ne voulais plus la voir, je ne voulais plus croiser son regard ni jamais entendre désormais parler d’elle.
Je répondais à son message. — ne cherche pas à me revoir, prends tes affaires et ne me demande pas pourquoi, je ne rentrerai pas ce soir, mais je ne veux plus te voir - .
En appuyant sur le bouton « send », je comprenais que je mettais un point final à cette histoire.
J’ai tourné dans paris, en voiture et à pieds. Je m’arrêtais parfois du coté de châtelet dans les bars ou j’entendais de la musique. Je buvais, j’écoutais, seul. J’aurais voulu d’une histoire improbable, un truc étrange où l’on finit à poil dans un appartement de bords de seines entre deux vampires hystériques et quelques lignes de coke. Mais non, je buvais mes bières, loin des groupes des collègues et d’amis d’enfance dont je n’étais pas. J’avais trop bu et je ne pouvais plus conduire. Je laissais ma voiture du coté de Sébastopol. Un peu d’air frais et de marche pour rentrer me feraient du bien. J’espérais que Suzy avait compris le message et que je ne retrouverai plus trace de son existence chez moi à mon retour.
Il était quatre heures quand je claquais la porte derrière moi. Je devais être sur le chantier à sept heures trente. Une heure de trajet, j’avais juste le temps de boire un verre et repartir pour chercher ma voiture. Quel con… je ne pense jamais à rien, et j’étais toujours aussi saoul que la veille.
Suzy dormait seule dans mon lit. Je ne sais pas si elle m’avait entendu. Difficile pour moi d’être moins discret.
Je repartais, elle faisait peut-être semblant de dormir. Je ne lui ai pas parlé. Je lui envoyais un texto en chemin — je crois qu’on ne s’est pas compris —.
Le soir, elle n’était pas là. Sa brosse à dents avait disparu de mon verre, ses culottes ne séchaient plus dans ma douche. Elle était partie.
Mon téléphone était de nouveau silencieux. Ce n’était pas Mokhtar ou Mark qui m’appelleraient. J’étais à la fois soulagé et déçu que cela finisse aussi simplement que cela, sans même avoir dû affronter son regard, ses excuses ou autres justifications.
La vie a repris… enfin, ma vie, ou ce qu’il en reste. Je n’ai plus dansé. J’ai même résilié mon numéro de portable. On m’a installé le câble. J’avais droit à la télé, au téléphone, à l’internet sans limitation. Je me suis offert un ordinateur.
Je découvrais le net et j’y passais des heures sans oublier bien sûr de vider ma bouteille quotidienne. Rapidement je me lassais. Le monde du virtuel ressemblait trop à mon existence. Un jour, pas tout à fait par hasard, je tombais sur un site d’escorts et sur la fiche de Suzy. Revoir son visage m’était insupportable. Mais une perversité morbide m’attirait. Je me délectais dans ma souffrance à la manière de celui qui s’arrache une croûte de sang particulièrement douloureuse. Je lisais chaque commentaire, ils étaient nombreux et tenaient sur plusieurs pages. Je remarquais que les éloges au fur et à mesure du temps étaient moins nombreux. Les clients déçus se manifestaient, réclamant presque le remboursement de leur vidange merdique. Non Suzy n’était plus la Suzy que tout le monde se vantait d’avoir baisé malgré son agenda surbooké. Je remarquais deux phases : « Suzy, super baiseuse », et « Suzy qui n’en fait pas plus que le minimum ». La rupture correspondait à ma découverte, à mon texto. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser avec satisfaction que j’étais la cause de cette évolution.
J’avais déjà plus d’une bouteille de whisky dans l’estomac. Je prenais mon téléphone et j’appelais Suzy.il était une heure du matin.
― Allo.
― Suzy ? – elle n’avait pas reconnu ma voix et ne connaissait pas ce numéro —
― Oui, c’est moi, tu veux quoi ?
― J’ai lu ton annonce et ça m’a donné envie de te rencontrer.
― Super… Mais pas ce soir, je suis fatiguée.
― Non pas ce soir, mais tu veux bien demain ?
― Si tu veux.. Pourquoi pas ?
― J’ai juste envie de savoir ce que tu m’offres et ce que tu demandes.
― Ce que tu veux… moi, c’est 100 euros, et 150 pour deux coups, pour les extra, tu rajoutes 50. Et je suis habillée comme tu veux.
― C’est quoi tes extra ?
― Tout ce que tu veux, tant que ça dure pas trop longtemps et que tu ne me fais pas mal. Alors, tu viens ?
― Ok, demain, chez toi 20 h.
― Ok chéri, a demain. Tu connais l’adresse ?
― Oui, je la connais. T’inquiètes.
Je raccrochais le cœur battant comme un adolescent qui vient d’obtenir son premier rendez-vous. J’allais être le client de Suzy et je ne savais pas comment m’y prendre.
Le lendemain je me présentais en bas de l’immeuble ou elle vivait. C’était une tour au bord du périphérique, et elle était presque au dernier étage. Je montais dans l’ascenseur et toquais à sa porte. J’ai cru un instant qu’elle ne me laisserait pas entrer, mais non. Suzy était devant moi, en guêpière rose, de franchement mauvais goût et les bras ballants me regardait comme si elle ne croyait pas que j’étais vraiment là.
― Paco. C’est bien toi ?
― Évidemment, qui veux-tu que ce soit, bien sûr c’est moi.
― Tu savais ?
― On m’a dit.
― Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ?
― Et toi ?
― Viens, je vais te faire un thé.
― T’aurais pas plutôt un whisky ?
― Non, viens, tu bois trop.
― Change-toi, s’il te plaît, j’ai pas envie de baiser. Je te paierai quand même.
― Arrête Paco. Je n’ai pas voulu te faire de mal.
― Moi non plus, tu étais la femme de ma vie. Et regarde, même maintenant, je suis là aussi nul que tous les cons qui écrivent sur toi. Tu as lu ce qu’ils pensaient de toi ?
― Tu sais, je veux arrêter.
― Oui, je sais.. et moi aussi, je veux arrêter de boire. On est bien tous les deux comme ça.
― Tu as dansé depuis ?
― À ton avis…
― Viens, on danse, tu veux bien ?
Suzy pieds nus, juste vêtue d’une culotte me prit la main et sans musique, entama un pas de salsa… en comptant – un deux trois…. Cinq six sept…. — un deux trois… cinq six sept…
― On est bien comme ça non ?
― Non, Suzy, on est pas bien comme ça… je suis ton client et tu es une pute…
― Paco, s’il te plaît… Fais attention au deuxième temps.
J’ai souvent vu Suzy pleurer, mais cette fois, je n’ai pas pu m’empêcher de laisser couler une larme. Nous étions deux estropiés qui faisions semblant d’être des gens normaux.
― Tu veux me baiser ?
― Je voudrais bien Suzy, ça m’arrangerait et je pourrais t’oublier.
― Viens, on va dormir.
Je me suis saoulé de l’odeur de jasmin de ces cheveux. Putain, j’étais vraiment trop con. Je l’aimais trop.
Le lendemain, nous nous sommes réveillés l’un contre l’autre. Phang me regardait en souriant. J’ai compris que je ne m’en sortirai jamais.
― Tu voulais vraiment me baiser ?
― Oui, vraiment
― Moi aussi je voulais.
― Ç’aurait été plus simple. Je serai devenu un de tes clients.
― Non, pas toi. Tu es le seul à m’appeler par mon vrai nom. Et pour moi tu es Paco, mais oui, j’aurais voulu que tu me baises, j’en avais vraiment envie. Te sentir au fond de moi, pas juste à la surface comme chaque fois. Tu m’as promis que si je te demandais tu faisais l’effort.
― Oui, j’ai promis.
― Alors, prends.
Suzy fouilla un tiroir de sa table de chevet, en sortit un cachet bleu qu’elle me tendit. Je savais ce que c’était, que si ça fonctionnait, je trouverai un peu de vigueur à la manière d’une carcasse qu’on lève à la manivelle.
Dans les deux heures qui ont suivi, j’ai tenu une érection qui ne s’arrêtait jamais. Je ne ressentais absolument rien. Mon sexe était tendu et Phang s’agitait sur moi en me disant des mots en chinois que je ne comprenais pas. Elle voulait que je jouisse, mais je savais que ce n’était pas possible. Cette agitation fébrile me fatiguait, je préférais la caresser en l’embrassant sur chaque centimètre de son corps. Suzy d’un air absent regardait le plafond.
― Je te l’avais dit, ça ne sert à rien, et toi non plus, tu n’as pas envie.
― J’ai du mal, c’est pour ça.
― Je comprends, Phang.
― Au début je croyais que ce serait facile, mais c’est pas vrai. Même avec toi, je les revois tous. Je ne suis pas une femme, juste un corps et encore. Et ils veulent tous savoir si c’était bien… Tu imagines ? Si c’était bien. Il faut que j’arrête, que je trouve autre chose. Mais j’ai pas de papiers, il faut que je paie encore.
― Ça t’a coûté cher de partir de chez toi ?
― 20 000 euros, j’en ai emprunté une partie, le reste, c’est ma famille.
― Il t’en reste encore combien à payer ?
― 10 000, mais c’est toujours un peu plus avec les intérêts. Je n’en finirai jamais. Et je dois envoyer des sous pour ma fille.
― J’ai pas dix mille, mais si je peux t’aider… et moi tu n’auras pas à me rembourser.
― Non… j’y arriverai.
― En continuant comme ça ?
― J’y arriverai.
― Tu sais, Phang, c’est pas pour toi, c’est pour moi.
― Je ne peux pas accepter, Paco. Tu es un homme bon, mais tu ne pourras pas oublier tous les hommes qui m’ont… Et quand tu ne voudras plus me voir, c’est avec toi que j’aurai ma dette. Tout ce que je voulais, c’était danser avec toi.
― Je comprends maintenant. C’est moi qui ai tout gâché.
― Tu sais Paco, chez moi, j’étais une femme, on me respectait, j’enseignais le français et maintenant regarde. Je ne suis plus rien.
― Ne dis pas ça Phang, c’est pas vrai.
― Si, c’est vrai, tu le sais. J’ai tellement honte de tout ce que j’ai fait. Maintenant que tu sais tout, je ne sais même plus faire semblant. Mais tu es mon homme à moi, et j’aurais tellement voulu être ta femme, rien que pour toi pas celle de tout le monde.
Je ne possédais pas la somme que je lui avais proposé. Je l’ai empruntée. Sur le NET, à un taux d’intérêt prohibitif, mais qui devait être dérisoire par rapport à ce qu’elle m’avait dit pour elle. Retirer la somme en liquide n’a pas été une mince affaire. Mais une semaine plus tard, profitant d’un de ses passages aux toilettes, je mettais dans son sac à main la petite brique enveloppée de kraft. Je ne voulais pas lui en parler, ni qu’elle me remercie non plus. Juste qu’elle arrête, ne plus jamais entendre parler de Suzy, même si Phang n’était plus vraiment de ce monde. Je n’avais pas de plan, je ne savais pas ce que je lui dirai. Il serait toujours temps plus tard d’envisager l’avenir. Pour la première fois depuis douze ans, j’envisageais le lendemain comme un avenir possible.
Je n’ai plus eu de ses nouvelles, plus d’appels, plus de messages, le silence. Je me doutais qu’elle avait découvert l’enveloppe dans son sac. Je lui avais certainement fait perdre la face, ce qui est le pire pour une Chinoise et depuis, elle m’ignorait. Je ne pouvais pas m’empêcher non plus de penser que je lui avais payé la passe la plus lucrative de sa vie, sans qu’elle ait à ouvrir ses cuisses. Pour elle, c’était un vrai pactole et ce n’était pas moi qui allais lui en réclamer des comptes. Je n’ai pas eu non plus le courage de vérifier si elle diffusait toujours son offre de services sur le NET et, quel que soit le numéro avec lequel je tentais de la joindre, elle ne répondait pas non plus à mes appels. Je m’étais probablement fait avoir. Mokhtar m’avait prévenu de me méfier des Chinoises, elles ne pensent qu’à l’argent.
Un matin, c’était un dimanche, sortant de la boulangerie, je reçus un message de sa part. Trois mots qui m’étaient destinés. On ne choisit pas qui sera la femme de sa vie. Je l’appelais.
― Tu es un drôle de bonhomme toi…
Suzy me regardait en me souriant, assise, nue dans son lit, ses petits seins dressés comme les griffes d’une chatte joueuse.
Elle s’était réveillée ce matin avec le nez plein, la gorge brûlante et le crane douloureux. J’étais passé la voir dans son studio pour lui amener quelques médicaments. Depuis une semaine, elle couvait une angine qu’elle n’avait pas voulu faire soigner. Son texto ressemblait à un appel à l’aide. Juste un tout petit « Paco — suis malade ».
Suzy était rarement malade et je ne pense pas de toute ma vie n’avoir jamais croisé une personne aussi robuste et silencieuse dans l’effort et la douleur. Mais, quand le mal l’envahissait, c’est toute sa force qui l’abandonnait. Elle pouvait alors rester plusieurs jours à dormir, se levant juste pour faire ses besoins ou remettre un peu d’eau dans sa bouilloire.
Je lui avais promis de m’occuper d’elle. Ses bronches et sa gorge étaient douloureuses. Je lui avais apporté une boîte de vicks qu’elle avait tout d’abord reniflée avec méfiance.
― Ça sent fort ça… C’est quoi ?
― Du camphre, de l’eucalyptus et de la menthe. Et d’autres trucs qui font du bien…
― On dirait baume du tigre…
― C’est vrai, l’odeur y ressemble… mais c’est pas la même chose. Enfin, je crois… tu n’en veux pas ?
― Comment on s’en sert ?
― Il faut que je t’en passe sur la gorge… Et puis… attendre que ça soulage… C’est pas miracle, mais ça devrait te faire du bien…
― Ça sent le malade… je vais sentir la vieille…
― Laisse-moi faire Suzy.
J’ai plongé mes doigts dans le pot et recueilli une grosse noisette de crème que j’ai déposée sur sa peau à la base de son cou… Je l’avais enduite doucement et avais fini par appliquer la crème sur ses seins en évitant le contact avec ses tétons. Suzy se laissait faire, les yeux fermés, semblant apprécier non pas la caresse, mais le sentiment que provoquait en elle, le fait que pour une fois, la main d’un homme se posait sur son corps sans attendre quoi que ce soit en retour.
― Ça chauffe vraiment maintenant…
― C’est un médicament Suzy, pas un gel de massage.
― OK… Je suis fatiguée… Tu viens contre moi ? Tu as le temps ?
Je n’aimais pas m’allonger sur son lit. Suzy était méticuleusement propre, mais malgré tous ses efforts ne parvenaient pas toujours à effacer les traces de spermes qui jonchaient son dessus-de-lit.
Suzy était une pute. Non pas de celles qui font le trottoir, arpentant le boulevard de Belleville, mais une femme qui recevait ses amants dans sa chambre. Elle en connaissait certains depuis longtemps, d’autres ne passaient qu’une fois. Son numéro de téléphone se repassait entre ceux qui se dénommaient eux-mêmes les punters. À son âge, se disait-elle, on ne pouvait plus être trop exigeante sur la qualité des hommes et encore moins sur les tarifs qu’elle pratiquait. Suzy était une pute, et nous étions devenus amis sans jamais avoir été amants.
Ce soir, dans la pénombre de sa chambre, elle voulait se laisser aller, que l’on s’occupe d’elle, ne pas être au service du plaisir des autres. Calant son dos contre mon ventre ma main dans la sienne posée sur son sein, elle s’assoupissait, brûlante de fièvre, ivre de fatigue.
― Paco…
― Oui, Suzy, je croyais que tu dormais.
― Non, je suis fatiguée, mais je n’y arrive pas.
― Tu devrais Suzy.
― Arrête de m’appeler Suzy, je n’aime pas quand toi tu m’appelles comme ça. Je suis bien avec toi. Si on ne fait jamais l’amour, tu iras avec une qui te donne envie.
― Non, Phang… quand je suis contre toi comme cela, tout contre toi, j’ai l’impression de bien plus te faire l’amour que tout ce que je faisais avant avec mon sexe.
― Humm
― C’est pas du baratin, tu sais. Je le pense vraiment. On aurait dû se rencontrer plus tôt, quand nous étions encore tout jeunes, moi, j’étais très con, et toi, tu n’avais connu que ton mari.
― Ça t’embête tous ces hommes que je vois.
― C’est pour toi que ça m’ennuie. C’est pas une vie, tu le sais.
― Je vais arrêter. Je l’ai déjà fait.
― Je sais que ce n’est pas par plaisir que tu subis tout ça.
― Par plaisir… dit-elle en ricanant. Moi aussi je suis morte de ce côté. J’aimais beaucoup avant. Même avec mon mari. Il était pas doué, pas très doux, mais j’aimais qu’il me touche et me prenne.
― Moi aussi, j’aimais, avant…
― Si un jour on y arrive tous les deux, je te promets que je ne le ferai plus jamais avec aucun autre. J’aimerais que toi aussi tu me fasses la promesse.
― Bien sûr Phang. Bien sûr. Mais tu n’en n’as pas envie et moi non plus. Tu te souviens, la dernière fois ?
― Ma fille aura quinze ans après demain. Je ne la reverrai peut-être plus jamais. Elle aurait honte de sa mère si elle savait. Elle croit que je cuisine dans un restaurant.
― Non, tu la reverras, je t’en fais la promesse.
― Comment ?
― Je ne sais pas, on trouvera.
Suzy sera un peu plus sa main dans la mienne, se pelotonnant contre moi. Je sentais qu’elle pleurait en silence, mais peut-être juste reniflait elle à cause de son rhume.
Noyé dans ses cheveux parfumés de jasmin, je m’endormis sans avoir pris le temps de me déshabiller.
Le bruit de la rue m’éveilla. Suzy n’était pas levée, elle qui dormait si peu. La chambre était froide, comme le corps de Suzy. Sa main serrait la mienne et je ne pouvais la retirer. Une boule de tristesse et de douleur enserra ma gorge. Je n’entendais pas son souffle et son corps me semblait raide. C’est quand j’ai tenté de la secouer, quand j’ai rabattu les draps et constaté qu’elle s’était vidée, que j’ai su qu’elle était morte.
Je n’ai pas su expliquer ce que je faisais là. Je n’ai pas été accusé de meurtres, même s’il s’en est fallu de peu. Personne ne s’intéressait au sort d’une immigrée clandestine du dongbei prostituée de surcroît. L’autopsie a révélé son diabète silencieux. Si j’avais seulement su qu’il n’était pas normal qu’elle ait tout le temps aussi soif.
On l’a incinérée hier soir. J’étais seul à assister à la cérémonie. C’est moi qui ai réglé l’ensemble des frais. Je n’ai pas pu récupérer ses cendres. Je ne sais pas comment joindre sa famille et surtout sa fille. Je ne tiendrai pas ma promesse. Je savais si peu de choses d’elle, même si j’ai été le dernier homme à la prendre dans ses bras. La poche de mon manteau est déformée par la petite brique enveloppée de kraft qu’elle m’a rendu discrètement la veille.de sa mort.
Seul dans ma voiture, j’allumais la radio. Fip passait un peu de salsa cubaine « pour vous faire oublier le gris de l’automne parisien ».


« Modifié: 24 août 2019 à 21:52:41 par FVarga »
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Re : La malédiction du robinet
« Réponse #1 le: 24 août 2019 à 09:09:57 »
Bonjour FVarga,

Ton texte a un très gros défaut... Il aspire le lecteur !
Je m'explique :  je ne suis pas un grand lecteur sur écran, surtout de textes si longs publiés en un seul morceau.
D'ailleurs ne serait-il pas mieux dans les textes longs (plus de 10 000 mots).
Vu le tourbillon dans lequel j'ai plonger et afin de faciliter ma lecture, je l'ai copié dans un Word et lu en pleine page.

Je sauterais volontairement quelques petits défauts, mais conserverais les suivants :

Suzy s'est quelquefois mutée en Susie... étonnant, non !

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.


Très beau texte.
Les mots me manquent.
Un grand merci pour ce partage.
Bernard
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Hors ligne FVarga

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Re : La malédiction du robinet
« Réponse #2 le: 24 août 2019 à 17:07:44 »
Merci pour ta patiente lecture et surtout tes commentaires.
On a beau se relire encore et encore, vient toujours le moment où l'on ne voit plus rien.
Je note tes remarques et les insère dans une énième réécriture de mon récit.

Nota: je n'ai pas choisi de publier ce texte dans les courts, mais il y a été déplacé par les modérateurs.

je conçois qu'un texte aussi long soit pénible à lire sur écran.

Merci encore pour tes précieuses annotations.
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Hors ligne Miromensil

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Re : La malédiction du robinet
« Réponse #3 le: 24 août 2019 à 17:44:03 »
Il s'agit d'une nouvelle donc je l'ai déplacée dans la section des textes courts... tu l'avais mise dans la section destinée à recevoir les avis de recueils de nouvelles et de romans déjà publiés, ce n'est pas un espace dédié aux commentaires (contrairement à la section dans laquelle ton texte est dorénavant)

Hors ligne Manu

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Re : La malédiction du robinet
« Réponse #4 le: 24 août 2019 à 17:58:37 »
.
« Modifié: 12 juillet 2022 à 10:48:49 par Manu »

Hors ligne FVarga

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Re : La malédiction du robinet
« Réponse #5 le: 24 août 2019 à 21:18:07 »
merci pour ta lecture.... et le déplacement de mon texte dans la bonne section.
je commence tout juste à comprendre le fonctionnement du forum. je pense et j'espere progresser rapidement.

j'ai refondu le texte.  ca ne finit jamais... et chaque relecture critique  une nouvelle source d'idées.

je vais peut etre arreter de réécrire, mais ce n'est au fond juste la cinquieme version  et je reste très humble devant le travail qu'il me reste à accomplir pour que le texte soit vraiment présentable.
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Hors ligne Champdefaye

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Re : La malédiction du robinet
« Réponse #6 le: 25 août 2019 à 11:06:36 »
Bonjour, F.Varga
C'est un texte superbe : le narrateur, passif et paumé comme un héros d'une nouvelle de la Série Noire, celle d'il y a longtemps, quand il y avait Chandler et Jim Thompson, la femme, troublante et mystérieuse, les amis, simples et humains, la rédemption du narrateur, celle de la femme, mais la fin désespérante et le retour à la solitude de la voiture. Il ne manque plus au narrateur que de prendre la route vers l'Ouest vers un nouvel échec dans la banlieue de Los Angeles, par exemple. Ou de Valenciennes.
J'ai été pris dès les premières lignes, et je n'ai lâché en cours de route que parce que le diner était prêt.
De la vraie littérature...

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Hors ligne Feather

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Re : La malédiction du robinet
« Réponse #7 le: 25 août 2019 à 13:49:58 »
Ton texte est bien ficelé, l'intention est bien menée de façon à ce que l'on en oublie les petites maladresses de forme. J'ai été emportée par l'histoire et par l'authenticité qui en résultait.
Les larmes sans pleur sont une lanterne.

Hors ligne Manu

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Re : La malédiction du robinet
« Réponse #8 le: 26 août 2019 à 16:20:15 »
.
« Modifié: 12 juillet 2022 à 10:48:36 par Manu »

Hors ligne txuku

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Re : La malédiction du robinet
« Réponse #9 le: 27 août 2019 à 20:00:12 »
Bonsoir

Je me suis laisse bercer par le debut de l histoire - charme par le conte de fee ( pour un ex mauvais danseur ! :-¬? ) puis attrister par la suite et la fin m a plu malgre tout ! :)

Citer
datait depuis plus de douze ans
datait de plus ???
Citer
et m’endormais d’un profond sommeil alcoolique
m endormis.
Citer
je reconduisais Mokhtar
reconduisis ?
Je ne crains pas d etre paranoiaque

"Le traducteur kleptomane : bijoux, candelabres et objets de valeur disparaissaient du texte qu il traduisait. " Jean Baudrillard

Hors ligne Pouf-Pouf

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Re : La malédiction du robinet
« Réponse #10 le: 27 août 2019 à 22:14:08 »
Bonjoir !

Ma foi, F. Varga, tu peux déjà remercier B.Didault ; sans son commentaire d’ouverture, j’aurais tourné les talons vite fait bien fait après les quatre premières lignes (qui sont plutôt bien, en soi, d’ailleurs) par pure flemme de me coltiner un texte d’un bloc-sans-paragraphe-sans-saut-de-ligne etc.

Donc je suis descendu, j’ai lu son commentaire et … Je suis remonté. Me disant que, peut-être, cette (non)structuration était au service du texte, et ça valait donc la peine de s’y jeter.

Il s’avère que de mon point de vue : pas du tout. Je serais comblé si ce texte était bien paragraphé, avec saut de ligne, alinéas, et tout le bazar. Mais si tu as une raison de ne pas l’avoir fait, je suis tout ouï. Et si c'est juste une histoire de copier-coller ...  :noange:

Cela étant posé. J’avais un peu décidé que j’aimerais pas. Juste sur la base de la présentation. Je partais donc avec beaucoup de mauvaise volonté ( !). J’ai quand même tout lu jusqu’à la fin. Parce que bon, on peut bien décider ce qu’on veut …

Je vais tâcher d’expliciter quand même. J’ai eu d’abord l’impression qu’une partie du texte est écrite sans que la forme n’ait d’intérêt : c’est-à-dire sans style. C’est juste « bien écrit », mais juste pour raconter quelque chose, sans que la forme se mette vraiment au service du propos, ou bien transmette quelque chose en propre. Une atmosphère, n’importe quoi.

Et en fait non. C’est truffé de pépites. De petites phrases qui, pour moi, donnent du relief, animent, claquent comme un fouet, au choix. C'est parfois pas grand chose, mais ça marche hyper bien, et j’ai été complètement saisi. Et avec beaucoup de surprise, parce que, sincèrement, je n’avais pas prévu que ça me plaise … 

Quelques pépites :

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J’en passe et des meilleurs. Et ce morceaux, par exemple : va savoir pourquoi, ça ressemble à des trucs qui, d’ordinaires, ne me conviennent pas du tout. Vraiment pas. Et là, j’adore, purement et simplement. Ca fonctionne à mort.

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Et donc, parce que quand même, j’ai quand même quelques trucs à dire :

[/quote]Conté du fromager[/quote] Comté* BON SANG DE BOIS ! Y’en a qui prennent des risques !

L’autre truc qui m’a fait un peu crisser, c’est que y’a des concordances de temps chelou, et autant, des fois ça passe, autant des fois … Ca cogne :

Citer
« Je rendais longuement mon repas de l’après-midi, chaque spasme était plus douloureux que le précédent. »
: Je ne trouve pas ça très heureux. C’est à peu près à ce moment là que j’ai percuté vraiment la disparition du passé composé, et que je me suis dit que le passé simple serait également étrange. Mais à plusieurs reprises après ça, l’imparfait m’a semblé maladroit, parce qu’utilisé pour décrire une action plutôt ponctuelle :

Citer
Soignant le mal par le mal, je me servais un whisky et me sentais retapé

Citer
L’icône du répondeur, clignotant, m’avertissait d’un nouveau message. Je l’interrogeais.
.

Ca pourrait être un style, cet imparfait, je crois. Mais en fait, ça ne passe pas tout à fait. « Je l’interrogeais », je suppose, devrait être du passé simple ou du passé composé. Et ça pourrait donc rester « m’avertissait » sans trop de soucis, en fait.

Citer
Comme à mon habitude, j’étais ivre et ne prenais pas l’appel.
.

Encore une fois, va savoir pourquoi, j’ai très envie d’y voir la possibilité d’un effet intéressant. Mais ça ne marche pas. Peut-être à coup de ruptures : « Comme à mon habitude. J’étais ivre. Je ne prenais pas l’appel ». Un peu comme si lui décrivais de l’extérieur une situation qu’il a vécu mille fois … Mais en même temps, sans l’élément ponctuel qu’on attend un peu, ça reste un peu bancal, je trouve.

J’ai aussi beaucoup aimé sa façon d’exprimer sa révélation. Encore un fragment de ce passage (bien que ce soit presque triste de le tronquer, j’ai un poil la flemme de retourner chercher le passage en entier).
Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.


Je trouve également qu’il y a quelque chose d’un peu dommage avec ce « deuxième retour ». Y’a une redondance dans leur dialogue sur arrêter d’être une pute/pour elle/pour lui, patati patata. Et franchement, c’est dommage, parce que c’est le seul moment où j’ai un peu décroché.

La dernière remarque que je ferais, c’est la fin. Encore une fois, j’ai la sensation qu’elle me plait davantage que ce que je voudrais (!). J’avais envie de trouver que c’était un peu trop. Et en fait, non. Ca marche. C’est agaçant. Le seul truc qui reste dommage pour moi, c’est le fait qu’il soit seul à l’incinération : elle danse depuis trois ans, j’aime à penser que y’a au moins le prof de danse qui serait là, une ou deux autres personnes. Pas plus. Mais pas moins.
Voilà pour moi. Je te remercie pour ce texte. En partie aussi parce que j’ai rarement l’occasion d’apprécier un bon usage du récit à la première personne (je trouve souvent ça très chiant, à part éventuellement quand c’est très psychologisant/introspectif). Et là, ça sert très bien le propos.

Ah, et ! (J’arrive pas à m’arrêter, c’est tragique !). J’ai été tenté plusieurs fois de dire que j’aurais aimé plus de détail sur ceci ou cela. Et en fait, je me sui ravisé. Je crois qu’il ne faut surtout pas rajouter de choses. Ils ont largement assez d’épaisseur. Davantage de détails, je crois que ce serait trop, ça les rendrait lourds. L’un comme l’autre.
Voilà. Merci. Je m’arrête. Promis. Juré.

Hors ligne FVarga

  • Tabellion
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merci à toutes et à tous
« Réponse #11 le: 28 août 2019 à 20:44:53 »
Vos relectures et autres remarques m'ont sincèrement aidé à relire un texte que je ne vois plus.

chaque remarque m'est vraiment utile.

le texte a été écrit dans word et le copier coller ne respecte pas ma mise en page initiale bien plus aérée. je excuse aupres de tous ceux à qui j'ai cassé les yeux et peut etre les pieds....

j'ai voulu produire un texte corrigé et mis en page, mais le nombre de modifications du texte d'origine est semble t'il limité.

sinon, concernant l'emploi des temps, si j'ai choisi l'imparfait et le passé composé c'était bien dans l'intention de ralentir le cours du récit. j'avais une musique triste dans la tete et pas forcément envie d'action. Je conçois que le résultat ne soit pas à la hauteur de l'intention stylistique. Il faudra peut etre que je tente le coup dans une version un peu moins lente.

Merci encore pour l'aide et l'ensemble de vos critiques constructives.
Désolé pour les accents - Mon clavier fatigué et mon système ne reconnaissent pas le français accentué...

 


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