Bonjour, vu le peu de nouveaux textes en ce moment, je vais y aller du mien.
Le courroux du gourou
En ce mois de juin, la température excessive de 37 degrés à l'ombre, oblige les habitants de la nouvelle Pehonko, située près de Montréal, dans la région narbonnaise, à rester chez eux. D'autant plus, qu'ils bénéficient de tout le confort moderne de cette fin de vingtième et unième siècle.
C'est en 2062, que l'administration européenne avait proposé qu'un millier d'habitants de Pehonko soient choisis par le gouvernement béninois, pour fonder une nouvelle Pehonko en Europe. Le but étant d'amadouer les pays africains et favoriser les échanges commerciaux. En effet, la découverte d'importants gisements d'eau et d'hydrogène dans le sous-sol de l’Afrique, avaient très fortement boosté l'industrie de ce continent. En tout, plus d'un millier de villages, dans plusieurs pays, avaient pu bénéficier de cette démarche. Les gouvernements locaux n'étant pas dupes, les résultats économiques escomptés n'avaient eu que peu d'effet et l'Europe était restée sur sa faim.
Faisant partie de cette petite communauté, Jean-baptiste Odjo, administrateur adjoint du village et détenteur d'un master de littérature africaine, possède également le privilège de pouvoir pratiquer le vaudou béninois moderne. Une autorisation ''spéciale'', signée du préfet, est accrochée bien en évidence sur le mur, derrière son bureau. Ce vendredi après midi, le gourou Odjo, reçoit Marcel Pignol, trente-cinq ans, forgeron de son état et désireux de prendre femme.
— Asseyez-vous, je vous prie et buvez ce breuvage que j'ai préparé spécialement pour cette consultation.
Monsieur Pignol, s'assoit confortablement dans le fauteuil à accoudoir et une fois le verre bu, fait une belle grimace.
— Désolé pour le goût, c'est la bile de crapaud qui fait ça.
Monsieur Pignol, regarde le verre vide d'une façon bizarre. Après que le gourou Odjo lui ait repris le verre, il lui tend un casque de réalité virtuelle et lui demande de le mettre. Une fois, le casque bien en place, la séance peut commencer.
Cela débute toujours par une publicité pour la société, AlgoMysticWorld.Ltd, une entreprise qui conçoit et vend, dans le monde entier, des algorithmes dits « mystiques ». En fait, cette société surfe allègrement sur le retour des sectes de tous poils et de la diffusion des nouvelles religions numériques. Au passage, il est à noter que cette entreprise, située en Inde, développe également des algorithmes pour l'aide à la décision, destinés aux entreprises et quelques gouvernements anonymes. Avec un chiffre d'affaires estimé à environ six milliards de dollars US, certains commencent à se poser des questions concernant la dangerosité politique de celle-ci.
Ensuite, commence la séquence des mandalas animés, destinés à subjuguer le client et l'emmener là où l'on veut. Une fois le sujet détendu et bien dans sa bulle mystique, le vrai travail de gourou Odjo peut débuter.
Ne vous y trompez pas, Gourou Odjo est un vrai gourou. Malheur à celui ou celle qui voudrait faire commerce illégal de cette religion ancestrale. On ne plaisante pas avec les traditions, surtout lorsqu'il s'agit de ce genre de pratique. Gourou Odjo, possède par ailleurs des facultés de divinations, renforcées par des techniques spécifiques, codées et rigoureuses. Il a fallu environ dix ans au gourou Odjo pour apprendre, comprendre et maîtriser ces enseignements. Aujourd'hui, il est fier – et aussi un peu imbu de sa personne – de pouvoir, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, mais aussi par virement bancaire, aider son prochain et sa prochaine, avec amour et compassion désintéressée.
Gourou Odjo déroule sa pratique avec sérénité et professionnalisme, pendant que son client s'extasie devant les arabesques multicolores et hypnotiques, générées par l'algorithme de synthèse visuelle. Tout se passe à merveille, le gourou Odjo entame la séquence demandant aux esprits d'amalgamer sa pensée créatrice pour former le souhait liée à Monsieur Pignol. Aussitôt façonné, il cristallise celui-ci, afin de l'ancrer dans la réalité et l’introduire dans le médaillon posé devant lui pour l'occasion. Une dernière prière permet de consolider et de fixer le souhait dans celui-ci.
La séance se termine, et après avoir payé, Monsieur Pignol s'en retourne chez lui, le médaillon autour de coup, avec l'assurance de pouvoir maintenant convoler avec sa future promise.
Quelque temps plus tard, alors que Jean-baptiste Odjo se promène avec son épouse dans la garrigue, à la recherche de quelques plantes sauvages, il aperçoit un couple s'embrasser. Apparemment, celui-ci ne s'est pas aperçu qu'il est observé. Le sang de Jean-Baptiste Odjo, ne fait qu'un tour, lorsqu'il s'aperçoit qu'il s'agit de Monsieur Pignol et d'Élisabeth, sa fille cadette. Découvrant le couple et reconnaissant Monsieur Odjo et sa femme, Marcel Pignol, certainement dans un réflexe de survie, laisse sur place la fille et prend ses jambes à son cou.
Le gourou Odjo se demande comment il se fait qu'il n'ait rien vu ou senti pendant la séance. Ses facultés divinatoires auraient-elles été contrées par un sortilège ? Après avoir récupéré leur fille, ils s'en retournent prestement à leur domicile. Durant le trajet du retour, Gourou Odjo, se remémore le déroulement de la séance et essaie de repenser à tous les détails qui auraient pu lui échapper. Avec acharnement, il détricote la séance et d'un coup, un détail s'impose à lui, comme un coup de poing dans la figure. Il n'en revient pas, comment a-t-il pu passer à côté ?
La suite, un peu plus tard, pour vous faire bisquer (je sais, je suis diabolique).