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Auteur Sujet: Phase terminale  (Lu 398 fois)

Hors ligne Arsinor

  • Aède
  • Messages: 199
Phase terminale
« le: 28 août 2022 à 15:57:20 »
Salut.

Je vous prie de trouver ci-joint à cette épître l’Ange Exterminateur et l’Antéchrist. Pour susciter l’émersion de ces agents parmi la population des entités diaboliques du couloir de mon secteur, j'ai utilisé un test de personnalité utilisé par le comité de récupération pour évaluer mon état larvaire en l’an neuf mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf après la nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ, crucifié sous Ponce Pilate et ressuscité d’entre les morts au bout du troisième jour. L’extrémisme millénariste de cette date comme ma fascination immédiate et durable pour les réponses que j’ai données au cours de cet entretien m’ont paru former des critères incontestables. Aussi j’ai convoqué les 2 665 866 746 664 anges frénétiques noirs dénombrés par l’alchimiste allemand Martin Barshaus à un entretien oral dont l’épreuve était définie par le questionnaire donné ci-après, dans la perspective de sélectionner les deux agents qui donneraient des réponses identiques à celles recherchées, mot pour mot. Les tests ont eu lieu tantôt en l’an 666 pour mémoire, tantôt en l’an 666 666 666 par anticipation, pour des raisons numérologiques évidentes, inspirées de toute éternité par la programmation de notre cryptographe le plus inspiré, mon très cher apocalypticien johannique, qui a si bien su me surprendre et que j’aime tendrement.
Vous pourrez lire ci-après le libellé de l’épreuve, en six points ; la réponse humanoïde, trop humanoïde, révélée par le mouchard, en style indirect ; puis celles de vos serviteurs, dans l’ordre hiérarchique. D’après mes vérifications attentives, les textes concordent au mot, à la lettre près, et ne font qu’un avec la traduction en langue véhiculaire du logos terrestre exprimé par ou dans les structures minérales (décor des biotopes de tous les lieux émergés) et la traduction en langue démonologique des listings de l’anthropocène formulés en binaire (ensemble des programmes informatiques qui auront été écrits).
Si toutefois l’Ange Exterminateur ou l’Antéchrist ne vous convenaient pas pour quelque raison que ce soit, je vous prie de me les renvoyer par retour du courrier avec l’exemplaire noir de l’imprimé de livraison dûment complété.
L’inquisition catabolique touche à sa fin. Dans l’attente de vos indications à caractère apocalyptique, je me tiens prêt à me manifester dans le monde réel.

Lucifer

Pièces jointes

Le Test

1. Vous marchez dans un désert. Vous voyez un cube. Décrivez-le.
2. Vous continuez à marcher. Vous voyez une échelle. Décrivez-la.
3. Vous continuez et rencontrez un cheval. Que faites-vous ?
4. Un mur se dresse. Imaginez ce qui se trouve derrière.
5. Une tempête se déclenche. Comment réagissez-vous ?
6. Qui êtes-vous ?

La Meilleure réponse humaine

Le cube représente ce que vous êtes, le cheval, votre partenaire sexuel, et votre comportement face à la tempête, votre attitude face aux problèmes. L’échelle représente vos amis et ce que cache le mur, votre avenir. La réponse d’une personne psychologiquement équilibrée est d’enfourcher le cheval, de se cacher derrière le cube et d’attendre la fin de la tempête.
 
Les Réponses de l’Ange Exterminateur

Vous marchez dans un désert. Vous voyez un cube. Décrivez-le. — Vide. Vide. Gigantesque. Vide.

Vous continuez à marcher. Vous voyez une échelle. Décrivez-la. — Sol. Sous-sol. Enterrée, sous le sol.

Vous continuez et rencontrez un cheval. Que faites-vous ? — Crucifixion. Hippophagie. Idolâtrie.

Un mur se dresse. Imaginez ce qui se trouve derrière. — Horde. Harde. Tourbe.

Une tempête se déclenche. Que faites-vous ? — La harde rue de couteaux ma larve et la jette du haut de la falaise. Sacré, je me métamorphose en ptérodactyle, fonds sur mes prochains, les attrape dans mes serres, tac ! tac ! tac ! tac ! pour les exterminer dans le cube.

Les Réponses de l'Antéchrist

Personne ne sait que c’est un cube. Il lévite immense au-dessus de la terre. Il tourne à la vitesse de la lumière la pointe en bas sur un axe vertical et génère un vent fantastique. Il est constitué par les glaciers de l’Arctique. Il projette les six couleurs de l’arc-en-ciel et six couleurs extrasolaires sur un écran de brume en forme de volute complexe. Le son que produit la rotation est une musique riche, magmatique et aérienne. Le tableau est aussi spectaculaire, isolé et central que le croisement de l’équateur avec la ligne de changement de date.
L’échelle, en or massif, se tient droite, verticale, verticalisée, au milieu d’un tunnel, une oubliette vertigineuse, et, dans l’autre sens, monte et disparaît dans le ciel. Elle relie le chtonien et le mondain à l’ouranien. Je descends et me retrouve au même point, dû à la circularité du cosmos.
Le cheval est un poney blanchâtre orné d’une crinière jaune, enfantine. Il est un peu bête. Je me change en poney, à l’identique. Je le suis et fais tout ce qu’il fait. Il s’envole, je reste.
Derrière le mur infranchissable, simple papier à cigarette, se dresse la foule, que l’infranchissable mur fascine.
Je génère des signes précurseurs : troubles mentaux, guerres, ouragans, épidémies. Le mur s’effondre. La foule est là, se jette sur son bouc émissaire, qui se transforme en ange exterminateur, mon disciple, l’ange exterminateur, dit l’Implacable, ou Bouc émissaire révolté, Celui qui extermine les foules pour avoir été crucifié. Le ptérodactyle les attrape comme des souris et les conduit dans son repaire pour les manger. Ça pullule. Je déclenche une pluie de météorites. Je fais de la pâte à modeler de la lave qui s’accumule. Je lance des boules en fusion sur les êtres vivants. Je prends plaisir à m’incinérer la main. J’en avale. Je m’en passe sur le visage, frénétiquement. Je m’écorche la chair jusqu’à en rayer les os. Les chairs sont en lambeaux et se sont mises à pendouiller comme un gibet en plein orage. Je donne des coups de poings aux projectiles. Mon squelette enguenillé s’agite comme un épouvantail aux proportions cosmiques, se casse en éclats de cristal, se reforme aussitôt. Les peuples sont frappés de stupéfaction. Je distribue des talismans pour être heureux, trop peu : ils s’entretuent. Je lance mon rire satanique ; la croûte terrestre s’ouvre avec un crissement de l’autre monde et six cent soixante-six fontaines de sang bondissent gigantesques, enfantant des fleuves colossaux et sans nom, qui poussent l’humanité dans le vide.
Je ne suis pas celui qui est. Je suis Celui qui n’est point, l’Imitateur, l’Usurpateur, Celui qui aurait pu ne pas être, le grand Liquidateur, le Complaisant, Celui qui dit oui à tous ceux qui font non. Je félicite les modernes pour leur modernité, j’encourage la haine contre Jésus et contre les fondements de la civilisation, je récompense ceux qui se scandalisent, je place sur un trône grandiose les faibles, les jaloux et les plaintifs, je remplace la raison par la critique abusive, je légitime tout acte en ce qu’il est dicté par le Désir, le cochet de ma voiture au fouet sanguinolent, je combats la grande morale aux côtés de la petite, je brouille les pistes et noie les cerveaux avec de la purée de poisse, je déteste la matière et célèbre l'abstraction, je punis le corps de n’être pas l’âme, j’applaudis aux postures, impostures, indignations, aux mots trop forts. Je mange les foules de foules qui m’imitent, annonçant la fin de l’homme et son retour dans les ténèbres. Je ne suis pas le contraire du Christ mais son singe, son perroquet, son écholalie le plus anthropomorphe, et je suis plus théomorphe que le théomorphe. L’Empereur de ce monde qui impose l’athéisme aux moyens d’un million de malices, mais je ne suis pas nu : au contraire, je ne suis que vêtements, images, costumes, travestissements et loi du plus fort sous couvert de morale. Je porte la crinière du lion pour remplacer la relation par sa dérive immonde, la domination. Oui, je fais de l’humain son enfer en lui promettant de l’émanciper. Oui, hommes, désirez avoir tout, tout de suite et je serai votre dieu païen. Du pouvoir ! Du pouvoir ! Afin que tous soient dominés par quelque chose et contraints de choisir entre souffrir et quitter son humanité. Qui me reconnaîtra, qui verra le vide derrière le théâtre de ma fascinante présence ? Lequel d’entre vous, laquelle d’entre les foules de foules saura-t-elle me distinguer de son véritable Sauveur ? Pourquoi le Chien a-t-il troqué la proie pour l’ombre si je n’étais pas plus séduisant que le réel ? Comment le monde a-t-il suivi l’enveloppe vide jusqu’à la destruction du monde, jusqu’aux Carrefours des grimaces du désir ?
Le petit cheval n’est qu’un agneau. Le cube de glace explose, ce qui permet à l’eau qui le constitue de se projeter avec une force centrifuge obéissant aux lois de la mécanique traditionnelle. La force souffle les fontaines, les tornades. Les giclées d’eau frappent les rocs en feu, l’alliage tombe à terre comme une graine, qui chacune éclot, et le désert se couvre de fleurs, ondoyant sous la brise. L’eau et le feu restants s’évanouissent dans l’air en l’enrichissant, créant les nuages, emmitouflant les forêts de pins-chênes, de grottes et de rivages. Mon corps se déifie, changeant le râle en rire, la lumière en sève, les vertèbres en montagnes, le cristal en diamant et la lave en basalte. L’écho infrasonore du cataclysme, résidu de l’ère précédente, demeure.
Si je bouge, je crée un séisme. Quand je souffle, c’est le vent. Les fleurs se changent en papillons multicolores qui s’éparpillent et virevoltent, pour se poser plus loin. Les animaux reviennent peupler la Terre, havre de chaleur, satellite inaccessible, en orbite à l’extérieur du cosmos. Il reste quelques femmes, hommes et enfants, traumatisés par l’apocalypse, trop peu pour que votre espèce échappe à l’extinction. Qui est le Prince de ce monde ? Il reste quelques flots d’herbes fleuries et somnolentes. L’antisanctus a été prononcé. Les immeubles effondrés servent de jeux heureux à de multiples plantes. Les plastiques eux-mêmes seront décomposés par de nouvelles bactéries, dans quelques millions d’années. La Terre se couvre de forêts primaires.

Arsinor

 


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