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Auteur Sujet: La guerre bactériologique est commencée  (Lu 1049 fois)

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La guerre bactériologique est commencée
« le: 22 novembre 2020 à 11:52:39 »
À cinq cent mètres sous terre, dans un bunker géant de la banlieue de Pékin, se déroula une session extraordinaire de l'Assemblée Nationale Populaire de la République de Chine, voici tout juste un an... À la fin de cette session, une communication exceptionnelle, sur une question top secret, en présence du président lui-même, devait avoir, dans l'histoire du monde, une importance décisive.
Quelques minutes avant l'intervention présidentielle, ce matin là, des rumeurs circulaient déjà dans les travées de l'assemblée, quant à la teneur de son discours. Les plus téméraires annonçaient l'annexion d'un archipel de la mer de Chine, d'autres la naissance de clones humains capables de travailler dans des usines plus de quatre-vingt heures par semaine, ou peut-être une mission vers Mars, prête à décoller au nez et à la barbe de l'Amérique... Ces hypothèses farfelues, qui ne tenaient guère la route, n'étaient que réflexes courtisans, bien inutiles, de la part des plus fanfarons des députés, fils de grandes familles prêts à entériner n'importe quelle décision provenant du sommet de l’État. Un danger ne guettait-il pas notre pays, rétorquaient les sceptiques ? La mort mystérieuse du dictateur nord-coréen, au cours d'une partie de chasse ? Un krach boursier imminent ? Un incident nucléaire ? Comment cela aurait-il pu passer inaperçu ?
Finalement, par déduction, un consensus s'établit pour admettre l'idée d'une proposition politique forte, nécessitant l'approbation urgente de la représentation nationale, sans pour cela avoir de conséquences dramatiques comme beaucoup semblaient le craindre, d'autant que les proches du président qui entrèrent enfin dans la salle de conférence, à dix heures moins cinq, saluèrent les officiels présents en affichant une mine confiante... On nota la présence, derrière un président au mieux de sa forme, du ministre de la Santé, lui-même suivi d'un certain nombre de personnalités scientifiques reconnues, au nombre desquels un épidémiologiste, un virologue et un directeur de laboratoire venu spécialement de la région de Wuhan. Comme seule l'élite des dirigeants chinois devait écouter la parole présidentielle, les huissiers ainsi que toutes les autres catégories du personnel sortirent de la salle. Les portes se refermèrent.
Le président monta à la tribune. Chacun nota qu'il n'avait pas, comme à son habitude, éprouvé le besoin de s'appuyer sur la moindre note de ses conseillers de cabinet, d'ailleurs absents. Pendant quelques secondes, le président parcourut l'assemblée du regard, semblant vouloir encore attiser la curiosité des députés. Le silence se fit.

« Je salue les membres de cette Assemblée.
— Bonjour à notre cher président ! répondit la salle.
— Aujourd'hui est un grand jour, mais demain le dépassera largement en grandeur, reprit le président... Nous, peuple chinois, possédons en effet le moyen de devenir pour longtemps la première puissance économique, la première puissance exportatrice mondiale, loin devant les États-Unis et ses alliés. Et cela d'une manière tout à fait sans précédent dans l'histoire du monde... Vous vous demandez comment cela est-il possible ?

Un murmure d'approbation confirma l'intuition du président.

« Force est de constater que la situation économique internationale devient chaque jour plus incertaine, que notre croissance est tributaire de nos exportations, lesquelles dépendent parfois de pays qui nous offrent de moins en moins de garanties, entraînant un ralentissement de notre activité économique, et par voie de conséquence une baisse de la consommation intérieure. L'Amérique, afin de rééquilibrer sa balance commerciale avec la Chine, prend des mesures protectionnistes  et il y a fort à parier que les Européens vont agir de même dans les années à venir.... Afin de pallier à cette baisse attendue de notre production industrielle, nous avons d'ores et déjà entamé des négociations avec nos voisins de l'Asie du Sud-Est pour rédiger un accord de libre-échanges étendue à toute la zone. Par conséquent, la signature d'un tel accord, ajoutée à l'édification de la nouvelle Route de la Soie, invalidera la politique américaine de relèvements des tarifs douaniers en offrant des perspectives de croissance du PIB à deux chiffres pour nos nouveaux partenaires vietnamiens ou cambodgiens.
"Nous voulons créer des relations de confiance avec nos voisins en leur offrant des possibilités de développements économiques durables. A terme, l'Asie du Sud-Est doit devenir la plaque tournante du commerce mondiale, le lieu où les investisseurs internationaux préféreront placer leur argent. C'est en nouant de telles collaborations économiques gagnant-gagnant que la Chine assoira son rang de la première puissance économique mondiale et que le yuan détrônera le dollar. (Applaudissements nourris.)
"Cette influence que nous allons renforcer par d'autres accords économiques dans d'autres régions du monde, aura des conséquences bénéfiques sur l'ensemble de la société chinoise. Est-il besoin de préciser que le but ultime de notre politique vise à permettre à notre peuple de goûter aux fruits de ses efforts ? Cela, le peuple chinois le constate chaque jour davantage, parce qu'il bénéficie d'une hausse constante de ses moyens d'existence, y compris dans les régions les plus reculées de la Chine, où notre politique de construction de logements permet aux plus modestes de vivre dans des conditions décentes... (Applaudissements.)
" Mais qui applaudissez-vous ? De la part de mon gouvernement, qu'est-ce que cela a de si extraordinaire ? Quand vous m'avez désigné comme votre président, je  me suis engagé à continuer l’œuvre de mes prédécesseurs, à poursuivre les réformes, quarante années de sacrifices et de travail, indispensables pour envisager de créer cette "société harmonieuse" que Hu Jintao appelait de ses vœux. Notre peuple nous a prouvé qu'il était à la hauteur des ambitions que nous avions pour lui, mais ce qu'il va acquérir dans les années à venir, il lui faudra le défendre car l'essor de la Chine ne plaît pas à tout le monde et donc l'effort devra continuer... Considérons donc le rôle du peuple dans l'amélioration de son sort... Que pouvons-nous faire sans l'accord du peuple, sans la volonté du peuple ? C'est lui qu'il faut remercier ! (Applaudissements.)  Ce qui a changé aujourd'hui, c'est que le peuple sait qu'il travaille pour lui, que le résultat de son travail, il le voit instantanément dans l'amélioration de son quotidien ! (Applaudissements.)
"Oui, messieurs les députés, c'est le peuple chinois, le peuple chinois tout seul qui est sorti de la pauvreté, par son propre travail, alors que dans les pays occidentaux, il est encore courant d'exploiter le travail des autres et d'entretenir une prospérité artificielle par des moyens détournés. C'est ainsi qu'une grande partie de la richesse du monde reste dans les mains des Occidentaux, tant la spéculation prend une place prépondérante dans le fonctionnement de leur système économique. Nous, Chinois aimons assurer notre subsistance par nous mêmes, car le travail éduque, renforce notre savoir et nos capacités, sans que nous ayons besoin désormais d'apprendre de l'étranger ce qu'il est possible de produire dans tel ou tel domaine... Nous avons mis au point notre propre technologie informatique, que déjà les étrangers nous envient, bâti des groupes économiques puissants à même de se confronter aux plus tentaculaires des multinationales, et nous nous trouvons là, à un moment critique où tout reste encore possible, les Occidentaux cherchant à garder la main-mise sur les instances internationales, à relancer leurs industries déclinantes par des moyens juridiques pour empêcher l'Asie de prendre leur place... Ils pourraient y parvenir, si nous n'y prenons garde, car ils s'y entendent pour détourner le cours de l'histoire à leur profit... Ils sont malins...
 "La cohérence de notre société s'avère indispensable, car nous allons lentement et sûrement vers une confrontation. Reste à savoir de quelle nature sera cette confrontation... Cette confrontation pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l'ensemble du monde civilisé mais la perspective d'un conflit nucléaire avec les Etats-Unis  est un bluff qui ne doit pas nous effrayer... Demain, face à une Amérique qui entame son déclin, mais qui n'hésite pas à tricher en s'appuyant sur sa monnaie - y compris au détriment de ses alliés européens - il pourrait être dans l'intérêt des grandes nations qu'une nouvelle puissance prenne les choses en main pour assainir la situation. Qui a envenimé la question pétrolière au Moyen -Orient ?
"Du fait notamment de la taille de notre pays, de son poids économique et démographique, de son influence grandissante, qui d'autre que la Chine pourrait remettre de l'ordre dans la maison pour fluidifier les échanges économiques et garantir la paix ?
 "Encore une fois, il faut se méfier des ressources des nations occidentales, car elles pourraient trouver un intérêt à se liguer contre nous, tant notre montée en puissance paraît irrésistible... Mais Trump, me direz-vous, étant un partisan de l'isolationnisme, ne serait-il pas possible que les Européens prennent enfin leurs distances avec l'Amérique ? Eh bien, laissons les ruminer cette division, et laissons les Européens se chamailler entre eux, quant à faire...
"Dans cette lutte qui commence déjà, rien n'est à négliger pour ne pas retomber dans les errements du passé. Nous avançons nos pions partout, avec cette constance et cette patience dont le peuple chinois est coutumier. Face à l'étranger, le peuple sait d'instinct où sont ses intérêts. Demain, comme depuis toujours dans l'histoire du monde, il y aura des gagnants et des perdants. Nous nous préparons, car au moment décisif de la confrontation avec nos ennemis, il faudra pouvoir affirmer notre puissance aux yeux du monde, agir facilement sur ces nations par la simple intimidation. N'utiliser la force qu'en dernière extrémité, lorsque notre prépondérance sera assurée... Car, si par extraordinaire, nous devions engager la bataille décisive, il faudrait préalablement avoir miné les forces de l'adversaire en prévision de cette bataille, par des manœuvres habiles qui trompent sa vigilance.
« Il est écrit que la Chine va bientôt devenir le phare de la modernité, comme elle l'était autrefois, au glorieux temps des Ming, quand elle possédait tout ce que le reste du monde pouvait désirer, ces richesses que les Britanniques sont venus chercher chez nous, sans avoir la moindre considération pour notre civilisation, en nous pillant, nous exploitant et dépravant nos mœurs, sous le règne de Victoria... Ce temps là est révolu. Il convient de mener le monde, à la chinoise, plutôt que d'être dominé par lui, à l'occidentale... L'histoire est sans pitié pour les faibles. Nous avons retenu la leçon. C'est ainsi que nous avons trouvé un moyen qui, selon toute vraisemblance, va accélérer le cours de l'histoire, l'incurver dans un sens favorable... Certes, ce moyen, je l'ai conçu sans votre accord, dans un secret rendu nécessaire, mais vous m'avez attribué une mission et cette mission, je m'efforce de la mener à bien, en prenant des risques dont j'endosse la responsabilité, mais pas au point de vous mentir. Nous œuvrons dans un but commun. Vous devez savoir... Vous, seulement vous, élus du peuple, élite éclairée, avant-garde, au même titre que les autres organes dirigeants de ce pays, qui  seront informés dans les jours à venir, à votre suite... Le peuple, lui, n'a pas besoin d'être mêlé à cela, il a tant d'autres choses à faire, qu'il lui suffira d'admettre, plus tard, que nous, gouvernement de la Chine, avons agi en son nom,  pour son bien et celui des générations futures.
« Ainsi, après vous avoir expliqué quel est ce moyen, après avoir écouté les exposés des scientifiques qui ont mis au point ce plan, je vous demanderai si vous l'approuvez. Si vous ne l'approuvez pas, en tant qu'assemblée souveraine, nous devrons y renoncer pour toujours. Je m'y engage.
« À ce stade de mon exposé, je dois également vous mettre bien en garde, messieurs les députés, car les révélations que je vais faire maintenant doivent rester secrètes. Les bavards compromettraient gravement la sécurité de la Chine, une crise internationale grave serait inévitable, nous devrions subir un contre-coup, beaucoup plus importants que de simples mesures de rétorsion, difficiles de toute façon à mettre en œuvre. Un risque redoutable serait de susciter la vindicte des Occidentaux qui pourraient alors retrouver de bonnes raisons de s'unir contre nous, mais pas que les Occidentaux, les autres nations aussi, même si nos voisins asiatiques ne seront pas affectés par ce moyen, ils en bénéficieront même, de façon indirecte... Oui, il faut bien l'avouer, ce moyen s'avère assez particulier, les Occidentaux emploieraient le mot immoral pour le définir, mais nous avons intérêt à utiliser ce moyen parce qu'il n'est pas  fondamentalement contraire aux principes édictés par mon grand devancier, Deng Xiaoping, qui avait théorisé le grand bond en avant... À vrai dire, messieurs les députés, si ce sera un grand bond en avant pour la Chine, ce sera également un bond en arrière pour nos pires concurrents, qui ne craignent plus de s'afficher en ennemis, et ensuite il suffira d'occuper le vide...
« Alors, de quoi s'agit-il exactement ? Eh bien, il se trouve que nos savants, les meilleurs du monde, ont mis au point un virus qui va s'attaquer à l'homme blanc en priorité, l'affaiblir, en même temps qu'il réduira d'un tiers la capacité économique de son économie pendant quelques années, le temps qu'il trouve la parade. Les Occidentaux méconnaissent l'idée de la race qui existe pourtant, la génétique l'a démontrée... En outre, la facilité de mutation de ce virus rendra caduque toute espérance de vaccin définitif, comme la grippe... Au cas où ce virus viendrait à échouer, des versions alternatives pourraient être lancées dans différentes régions du monde. Pour lutter contre ses effets catastrophiques, les puissances occidentales devront mobiliser une telle énergie qu'elles s'affaibliront d'autant. Hausse exponentielle des dépenses de santé, criminalité galopante, mortalité, climat anxiogène, faillites d'entreprise... Un cocktail explosif, aux conséquences incalculables."

Jamais, depuis 1949, un dirigeant chinois n'avait osé tenir des propos aussi violents à l'encontre de ses ennemis devant la représentation nationale. Cette déclaration de guerre officieuse stupéfia les trois-cents députés qui semblèrent hésiter sur la conduite à adopter. Qu'avaient-ils à gagner, eux qui visitaient volontiers les palaces européens, parcouraient en yacht les côtes de Californie, dans une pandémie qui transformerait les plus belles capitales du monde en villes mortes ? Cependant, comme il était  déconseillé de désapprouver ouvertement les propositions d'un président devenu tout-puissant, sans aller jusqu'à la froideur, les députés manifestèrent d'abord de l'incompréhension.

De son côté, le président sentit ce début d'hostilité, qu'il avait prévu.  Tous lui étaient redevables mais le président risquait gros. Il y avait bien, parmi ces élus,  sinon des opposants résolus, quelques ambitieux qui pourraient chercher à profiter de la moindre de ses erreurs pour se faire remarquer. Il lui fallait convaincre la représentation nationale, il avait ce jour pour cela. Aussi abattit-il sa carte maîtresse :

" Le Conseil des Affaires de l’État me soutient. Tous les ministres sont d'accord pour agir ainsi. Vous pourrez les appeler, ils sont au courant. L'affaire est déjà planifiée de A à Z. Elle ne nécessite pas une logistique puissante. Les exécutants ne savent même pas ce qu'ils font quand ils transportent des bouteilles contaminées. Nous n'avons qu'à attendre que la pandémie gagne l'étranger. Vous serez largement gagnants, vous aussi... Et puis, quand tout sera fini, le monde redeviendra comme avant, ne vous en faites pas... Ce sont les experts qui sont présents devant vous qui m'ont proposé ce plan. Vous  pourrez leur poser les questions les plus précises, ils n'éluderont rien. Vous le savez, c'était prévu, d'affaiblir les Américains, de passer au stade supérieur, dès que nous en aurions les moyens...

« Vous êtes rétif devant l'audace de ce plan ? N'êtes-vous pas excité à l'idée d'ébranler le monde ? Ce plan est tellement simple à mettre en œuvre. C'est son aspect scientifique qui a nécessité des années d'élaboration. Nous pourrons détruire systématiquement toutes les preuves  de ce que nous avons entrepris, parce que vous vous souvenez des Nazis, de leurs manies des archives, qui leur ont coûtées cher... Bon, je vois que certains brûlent de prendre la parole... Je suis prêt à répondre à vos doutes, mais il faudra attendre l'intervention du ministre et de ses collaborateurs pour obtenir des détails scientifiques sur ce virus...

Un doigt se leva, au milieu de l'assemblée :
 
— Président, vous nous annoncez cette révolution mondiale que nous avons tous espéré depuis tant d'années ?
— C'est bien cela, vous m'avez parfaitement compris... Par l'intermédiaire d'un fléau qui aura d'heureuses conséquences sur notre économie, puisque nous devrons répondre au besoin des autres pays... Il y aura des millions de morts, des porteurs sains capables de contaminer des dizaines de personnes, les spectacles deviendront des lieux de contamination, les lieux de culte fermeront,  les gens se cloisonneront chez eux, allant jusqu'à se méfier de leurs voisins, il y aura des cas de folie, des problèmes de couples... Bien entendu, nous avons déjà tout ce qu'ils vont nous demander... Le génie chinois y pourvoira... Ils vont nous demander des masques, des appareils de santé, tout ce qu'ils ne peuvent plus produire chez eux... Au fur à mesure que leurs usines fermeront, pour empêcher la pandémie, nous pourrons augmenter la cadence des nôtres. Ainsi, nous allons profiter de cette pandémie pour relancer nos activités économiques qui stagnaient depuis plusieurs années. Le monde verra quel est le pays le plus réactif et le mieux organisé face aux Occidentaux qui eux seront frappés d'effroi par la pandémie... Nous serons les sauveurs du monde ! Nous sauverons même les Américains ! »

À ces mots, l'assemblée se leva d'un seul homme afin d'applaudir le brillant stratège. Le plan semblait parfait. cependant, au plus fort de l'enthousiasme de l'assemblée, le président poursuivit :

— Je dois refroidir votre enthousiasme... Pour ce faire, nous allons répandre dans un marché de Wuhan des miasmes de notre virus jusqu'à ce que des cas de mortalité apparaissent... Oui, ne vous y trompez pas, il faudra une petite hécatombe, chez nous aussi, pour commencer, afin de tromper les observateurs... Nous aurons les premières victimes, que nous expliquerons par la consommation de viande animale - le pangolin fera l'affaire - avant d'apparaître comme le pays qui aura le mieux répondu à cette pandémie... Alors, dans un élan patriotique comme seule la Chine en est capable, nous allons offrir au monde le spectacle de la construction d'un hôpital géant, en quelque jours, celui d'un ballet de pelleteuses aussi parfaitement réglé qu'une chorégraphie du "Détachement féminin rouge". Ce sera une façon d'afficher notre puissance. Nous voulons imposer notre modèle. Nous attaquons les principes démocratiques occidentaux... D'ailleurs, ils seront obligés d'y renoncer d'eux mêmes... Ils se rapprocheront plus de nous que nous nous rapprocheront d'eux... Ils se renieront. »

Comme de juste, les députés semblèrent réticents à cette partie du plan. L'un d'eux se leva pour oser demander l'impensable :

— Mais pourquoi, camarade président, serait-il nécessaire de s'en prendre au peuple chinois ?
— Seulement à ceux qui ont encouru des sanctions... Les moins bien classés de nos citoyens, qui sont encore nombreux, n'ont pas bénéficié de notre campagne de vaccination... Certains vont mourir, les marginaux, les tarés, les voleurs, les inutiles, les incompétents, les fainéants...
— À Hong-Kong, il faudrait le tester à Hong-Kong, président !
— Ce serait une erreur manifeste, camarade, de s'en prendre à un des phares de notre économie...
— Ainsi, nous avons donc été vacciné à notre insu ?
— Pas les députés, mais les travailleurs des usines les plus vitales pour notre économie, les cadres commerciaux qui voyagent à l'étranger, les femmes enceintes, les enfants et d'autres catégories de population ont reçu des doses de vaccin mixte à leur insu. Il faut dire que les expérimentations du vaccin ont commencé il  y a plus d'un an. Nous avons testé notre virus sur des contestataires ouïgours. Trente mille de ces cobayes ont permis de mettre au point un vaccin contre ce virus... Ensuite, l'inventeur du vaccin, le professeur Zhang Xiuying et son équipe, afin de démontrer l'efficacité du virus ont accepté de le tester sur eux avant de s'infecter avec le coronavirus. C'est ce qui m'a convaincu d'écouter le professeur, puisque son vaccin est efficace. Je l'ai testé moi-même... Je vous propose de vous faire vacciner, vous et vos familles dans les jours qui viennent... Ensuite, comme nous ne disposons pas encore d'un  stock suffisants de vaccins, il faudra délimiter des zones de sécurité pour protéger le reste de la population...
— Mais si ce plan échoue, qui en endossera la responsabilité ?
— Moi, et moi seul... Auquel cas, livrez-moi aux Américains, ils aimeront ça...
— Vous êtes sérieux, président ?
— Eh bien, pourquoi pas ? J'ai rêvé de devenir l'homme le plus puissant du monde... Je ne suis pas un lâche.
— Pourquoi prendre autant de risque, président ? Cela ressemble à un coup de folie ?
— Parce que je ne doute pas un instant de la réussite de ce plan... Ayez confiance dans nos savants.»

Un autre député prit la parole :

— Comment agit ce virus, président ?

— D'après ce que l'on m'a montré, il paralyse les personnes fragiles, au bout de trois semaines de souffrance, les tuant par une asphyxie progressive. Les gens ne s'inquiètent pas au début, ça commence comme une grippe. Les gens toussent beaucoup, ils rentrent chez eux pour se soigner et ainsi ils intoxiquent leurs familles. Leurs proches vont ensuite dans le métro et ils intoxiquent leurs voisins et les gens ne se doutent pas qu'ils vont mourir... De par sa nature extrêmement contagieuse,  ce coronavirus est parfait pour créer des psychoses. Il a été choisi parmi d'autres molécules. Nous pouvons le répandre dans l'eau potable. Il se répand aussi par les postillons... Il nécessite une longue prise en charge, l'intervention de beaucoup de personnels et chose importante, il va souligner la cherté des soins de santé aux États-Unis en renforçant les écarts de richesse... Les pauvres seront les premiers punis quand les riches auront les moyens de se soigner... Les germes d'une guerre civile seront encore l'effet le plus sournois de ce virus. L'Amérique en sortira durablement affaiblie... C'est une arme politique, autant qu'économique...
« Alors que notre pays repose sur le principe de l'ordre, que chaque citoyen est éduqué dans le but d'obéir aux besoins de son pays selon les principes fixés par la pensée du président Mao, les Occidentaux s'appuient sur le libre-arbitre, qui permet à chacun de faire ce qu'il entend, et donc, dans la situation présente, cette organisation anarchique fondée sur le libre-arbitre va éclairer d'un jour nouveau les limites de leur soif de liberté... Nous sommes mieux organisés. Il faut profiter de cette période de pandémie pour prendre de l'avance, les rendre dépendants de nous. Au fur et à mesure que nous allons entrer dans leur économie, participer à leur investissements, nous allons nous rendre indispensables et inexpugnables... Nous pourrions acheter les secteurs fragilisés de leur économie, selon les propositions de nos économistes... Quand ils ne pourront plus se passer de nous, la bataille sera gagnée... Il est facile de trouver des intermédiaires chez eux, attirés par l'argent, pour promouvoir notre 5G par exemple... Les Occidentaux aiment l'argent, ce simple bout de papier alors que nous, nous voulons la puissance... L'argent est un poison, le meilleur dont nous disposons, parce nous n'avons pas besoin de le cacher pour agir, et aussi parce que les Occidentaux sont dépendants à ce poison. Ils sont affaiblis, aussi, par la dette, comme ils vivent au dessus de leurs moyens. Bientôt, ils ne gagneront plus d'argent que pour rembourser leurs dettes. Avez-vous d'autres questions ? »

Cependant, un problème restait en suspens :

— Mais, président, les Occidentaux vont bien apprendre un jour que nous les avons contaminés ? Que pourront ils faire ?
— C'est la raison pour laquelle il faut étendre notre domination pendant les dix ou vingt ans qui viennent sans leur faire de cadeau... Et puis, ils ont tellement de théories, là-bas, qu'elles finissent par s'annuler entre elles...
— Président, ne pourraient-ils pas nous rendre la monnaie de notre pièce ? La même chose, peut-être en pire...
— Je ne crois pas que les Occidentaux puissent s'acquitter des problèmes éthiques que poseraient cette possibilité... Vous savez, avant d'agir, ils se disputeront entre eux, ils feront des études, ils réfléchiront, alors que nous, nous serons organisés depuis longtemps en ordre de bataille... Nous aurons le temps de voir venir le coup et nous pourrons riposter à notre tour...
— Ainsi, président, la guerre bactériologique est donc devenue possible ? Une guerre des races ?
— Exactement. Nos savants ont remarqué que les Occidentaux étaient gros, qu'ils mangeaient mal, qu'ils ne faisaient pas assez de sport qu'ils étaient fatigués et hors des réalités souvent... Il devient facile d'attaquer des organismes affaiblis, des asthmatiques de surcroît... L'Amérique est déjà malade, sous perfusion... Ces cons d'Américains qui voudraient choisir la réalité qui leur convient... Le narcissisme des Américains les perdra... Ils sont dans le déni. Il suffit de les flagorner pour les faire retomber dans le déni. Le moment était propice. On les endort facilement... Oui, vous restez les plus forts, les plus beaux, les plus intelligents, votre président n'est pas un imbécile, on en a un peur bleue de votre puissance militaire ! Non, mais je blague, là... (Rires.) Ils sont persuadés que nous pensons de telles bêtises sans oser les dire ouvertement... Alors que nous sommes sur leurs talons et que nous pourrions les pousser dans le vide, si nous voulions, n'est ce pas ? »

Ah, ah, ah ! L'assemblée s'esclaffa devant l'humour prodigieux du président...

— Le problème, reprit celui-ci, vous le savez bien, c'est qu'ils nous précipiteraient dans leur propre chute... Comme l'affirmait Sun Zi, il faut toujours frapper le premier en choisissant un terrain propice... Si les Américains s'affaissent par petits bouts, alors leurs vassaux européens se coucheront devant nous... Déjà, il suffit de s'attaquer à leur sacro-sainte culture biologique... Qui place des parasites dans leurs champs de betteraves, hein ? Je vous raconterai un autre jour cette histoire de betteraves... Nous les traiterons bien, les Européens, tant qu'ils sauront reconnaître leur maître... Que les Français fassent du vin, tant que c'est nous qui pourrons le boire, les Allemands des voitures de luxe et les Italiens du parmesan... Oui, je vous le promet, nous avons toutes les cartes pour pérenniser notre domination sur le monde, parce qu'ils nous faut les matières premières...  C'est la prochaine étape. »

Applaudissements. Un chef de parti, au premier rang, s'adressa en ces termes au président :

— Cher président, je me permets de parler au nom de mes collègues en tant que doyen de cette assemblée. Votre plan, pour le peu que nous en savons, nous a ébloui... Mais dîtes, président, sera t-il enfin possible d'envahir la province de Taïwan après cette pandémie ?
— Patience ! Un général de notre armée de terre, qui cautionne nette attaque, m'a d'ailleurs proposé de dévaster cette île avec un bacille très puissant dérivé de la peste qui pourrait causer des millions de morts en un mois ou deux... Mais non, ce n'est pas sérieux... Taïwan tombera comme un fruit mûr, au moment opportun. dans moins d'un demi-siècle, vous verrez...

Des voix s'élevèrent parmi les travées :

— Nous vous approuvons, président ! Nous sommes d'accord !

Le président tempéra les députés :

— Ah, je reconnais bien là l'optimisme et la confiance dans nos capacités des plus jeunes d'entre vous... J'y souscris ! Néanmoins, attendez d'en savoir plus... Peut-être allez-vous trouver quelque chose à redire, un détail qui aurait son importance... Je ne peux pas penser à tout... (Rires.) Vous allez maintenant entendre les arguments de nos scientifiques, puis, lorsque tous les points obscurs seront éclaircis, nous passerons au vote. À moins que vous ne souhaitiez réfléchir pendant quelques jours ? Je vous autorise un délai. Cependant, comme je n'en ai jamais douté, ce plan ne pourra que vous satisfaire. Il y aura des risques, mais les bénéfices que nous pourrons en retirer seront immenses. »

« Modifié: 29 novembre 2020 à 09:31:28 par AMARYLLIS »

 


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