Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

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Le Monde de L'Écriture » Salon littéraire » Salle de débats et réflexions sur l'écriture » Le dire de l'écrivain

Auteur Sujet: Le dire de l'écrivain  (Lu 12290 fois)

Hors ligne Seymour

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Re : Le dire de l'écrivain
« Réponse #30 le: 04 décembre 2008 à 19:28:55 »
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Seymour.... tu as peur des livres ? lol
Depuis que j'ai eu des cours sur la manipulation en cours de psychologie sociale, oui!!!!  :'(
C'est dingue le pouvoir de la rhétorique ! (mais en vrai moi j'ai pas peur, j'ai peur de rien de tout'façon!  :o )

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t'as raison

Nom d'un pékinois (le chien), j'aime ça  >:D

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même si l'auteur cache une thèse, tu n'adhères pas toujours à ce que l'auteur raconte donc ça devrait aller
Méfie toi du pouvoir dévastateur de la rhétorique sur les bonnes gens de peu de culture (c'est pas péjoratif, c'est juste que dans les cours de psychologie sociale....bon j'arrête....)

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la fiction implique une mise à distance entre le texte et le lecteur. S'il prend ce qu'on lui raconte pour des vérités, c'est qu'il ne fait pas la différence entre un roman et un ouvrage théorique.
hum.... oui, là je suis d'accord.... Pourquoi on parle de ça au fait ??  :mrgreen:

Hors ligne Gros Lo

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Re : Le dire de l'écrivain
« Réponse #31 le: 04 décembre 2008 à 19:33:09 »

Pour dire que le romancier serait stupide de chercher à vouloir dire quelque chose alors que le principe de l'écriture romanesque est d'établir une fiction, qui implique une mise à distance du lecteur.


Mais de toute façon, il dit, qu'il le veuille ou non.

[débat repris à mon compte, wesh.]
dont be fooled by the gros that I got ~ Im still Im still lolo from the block (j Lo)

Hors ligne Seymour

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Re : Re : Le dire de l'écrivain
« Réponse #32 le: 04 décembre 2008 à 19:39:45 »

Pour dire que le romancier serait stupide de chercher à vouloir dire quelque chose alors que le principe de l'écriture romanesque est d'établir une fiction, qui implique une mise à distance du lecteur.


Mais de toute façon, il dit, qu'il le veuille ou non.

[débat repris à mon compte, wesh.]


raaaaa! Non je ne me laisserais pas faire!!!!  :mrgreen:
Bon en fait faut que je partes mais rapidement,comme ça, en partant, tu as tort  :mrgreen:
c'est pas parce qu'il y a mise à distance qu'il n'y a pas refléxion n'est-ce pas?
Or quand l'écrivain cherche à passer un message dans un roman, il le fait de manière à susciter la reflexion, et pas de convaincre son lectorat sur sa thèse (ce que je cherchais à dire que l'ecrivain ne devait pas faire, cf posts en haut  ;) )
Comme Orwell dans 1984 qui veut alerter sur une dérive possible et ne cherche pas à dire, détruisons notre société qui va devenir totalitaire sous la coupelle de grand frère...

Sur cette dernière bravade, je pars! (et n'en profites pas pour avoir le mot de la fin hein ?  :) )

Hors ligne Kailiana

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Re : Le dire de l'écrivain
« Réponse #33 le: 04 décembre 2008 à 21:52:10 »
Heu, bon, j'ai pas lu en détail vos propos, j'ai pas le temps  :-[ Mais je voulais réagir sur :
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Et pour l'autre chose...
l'écrivain doit enseigner la vérité. Ah bon ? pourquoi ? il la détient ? et même s'il la détient, il doit se servir de la littérature pour la partager ? et s'il le fait pas, il mérite pas d'être écrivain ? Et pourquoi la littérature contient/devrait contenir la vérité ?
En fait pour moi, ce n'est pas que l'écrivain doit ou pas enseigner la vérité. Non, je pense plutôt qu'il ne doit "pas" enseigner le mensonge.Et c'est pour moi très différent. Si un auteur fait croire à ses lecteurs qu'une de ses théories plus ou moins fumeuses est vraie alors qu'elle est fausse, c'est "mal".
Si un auteur indique une théorie fumeuse, ou la montre juste comme ça, ou dit "cette théorie est vraie dans le livre", alors ça me gène pas.
Mais quelques auteurs commencent à inventer des trucs pour un bouquin, puis semblent considérer que ce qu'ils ont inventé est la vérité vraie... et je veux bien dire "vérité de la réalité", non "vérité du livre".
Pour certains auteurs, je l'excuse. Surtout quand un lecteur ne "peut pas" considérer le monde du livre comme étant le réel (je pense au cycle d'Ender par exemple, où l'auteur réinvente complètement la physique xD). Mais d'autres (Werber...) paraissent se considérer comme des auteurs "scientifiques" (c'est du moins l'image qu'il donne dans les médias) et c'est là que je trouve qu'un problème se pose. Si, dans les conférences ou sur internet ou autre, Werber indiquait bien que ce qu'il dit n'est qu'invention dans le cadre de ses livres, je n'y verrais aucun problème.
Mais il se prend pas pour de la merde, et du coup... bref.
Je préfère m'arrêter là  :mrgreen:

Et, pour reprendre ce que je sais plus qui disait : c'est vrai que c'est surtout pour les auteurs "populaires" que le "problème" se pose. Lorsque le lecteur est averti et est capable de juger ce qui est vrai de ce qui est faux, il n'y a aucun problème. Mais ce n'est pas toujours le cas...
« Modifié: 05 décembre 2008 à 16:47:11 par Kailiana »
Si la réalité dépasse la fiction, c'est parce que la réalité n'est en rien tenue à la vraisemblance.
Mark Twain

La théorie, c'est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c'est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi.
Einstein

Hors ligne Seymour

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Re : Le dire de l'écrivain
« Réponse #34 le: 05 décembre 2008 à 00:38:11 »
@ Kaliana :

Entre scientifiques, on se comprends.....  :mrgreen:

Hors ligne Angarth

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Re : Le dire de l'écrivain
« Réponse #35 le: 25 mars 2016 à 14:30:17 »
Je n ai pas eu le courage de lire les trois pages, mais je trouve le sujet intéressant.

Ce que je trouve ridicule, c est les gens qui cherchent un message dans tout livre ouvert, comme si ça devait toujours être une fin, ou que tout le monde avait besoin de ça pour apprendre à vivre. Surtout que même sans message "pratique", un livre peut nous ouvrir à une nouvelle vision du monde.

Bref. Vous en pensez quoi ? L'écrivain a-t-il quelque chose à dire ou bien écrit-il juste ?
Pour moi, oui un écrivain prend souvent la feuille sans rien avoir à dire de spécial, du moins sur le moment, justement parce qu il doit écrire. Cela dit, même pour les partisans de l art pour l art, faire une oeuvre un tant soit peu fournie sans message, c est à peu près impossible. Ou alors faudrait en faire une spécialité. Car même pour un auteur de pure atmosphère, et même si délivrer un message n est pas le but premier (c est toute la différence), des sujets comme le temps ou la mort finissent par s imposer.
« Modifié: 25 mars 2016 à 14:32:23 par Angarth »

Hors ligne EloiR

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Re : Le dire de l'écrivain
« Réponse #36 le: 14 avril 2016 à 17:12:08 »
AH le sujet est intéressant, mais j’aimerais le prendre un degré plus tôt, non pas dans l’intention mais dans la structure, pour revenir ensuite à la citation première.

S'il s'agit simplement de savoir si l'auteur - et avec lui son expression artistique ; la Littérature - doit nécessairement s'attacher à "dire quelque chose" ayant une quelconque portée intellectuelle, morale, philosophique, ou que sais-je, alors la réponse me semble évidente : non. La Littérature n’est pas réductible au discours, pas en tant que nécessité absolue. Ou bien il faudra nuancer : qu'est-ce qu'un « dire » à proprement parler ? L’esthétique revient-elle à ce dire ? Le symbole est-il tout entier intelligible, et à-partir de quand sort-on de cet intelligible ? Mais si vous sous-entendez bien ce que je crois derrière les notions que vous employez pour la plupart, c’est-à-dire grossièrement les termes de « narration », « d’information », ou même « d’engagement intellectuel » de la part d’un auteur, alors on trouvera aisément somme d'exemples (surréalisme, lettrisme... libre ensuite à chacun de les ranger à leur convenance selon qu'ils s'agissent d'Art ou non) qui témoignent de diverses démarches dans la création artistique et qui ne sont pas toujours motivées par un cadre, une circonscription, qu'on qualifierait pompeusement de "volonté de livrer une réflexion".

Pour s'accorder sur le langage que j'emploie, sur ma législation, et pour être entendu clairement de tous : j'appelle Art la "Beauté" naturelle rendue "Sublime" par l'intervention de l'esprit.

Mais cette définition (dans ce qu'elle admet autant que dans ce qu'elle n'admet pas, parce qu'il est évident que, par la nature de son sujet, elle est à la fois imparfaite et incomplète) pousse à prendre en compte l'Homme comme médiateur, comme vecteur, et donc rejette déjà la défense, que je trouve gratuite, de l'idée que la production humaine, ou la création artistique, n'a aucune valeur face aux autoréalisations naturelles et à la structure (pourtant prédéterminée) de l'Univers. Si je vois bien un accord sur cette idée de départ (ce lien supposé entre création naturelle et humaine) c'est sur l'apparition, dans un chaos de signes communs, indépendants les uns des autres, d'une articulation de ceux-ci – autrefois isolés dans leur valeur, qui est par nature limitée et définie -  et qui se font alors symboles, acceptant une part d'inconnu, de mystère et d'incompréhensible, dans une sorte de « plus grand qu’eux-mêmes en eux-mêmes » (en cela le monde est semblable à un langage, et particulièrement celui de la poésie ; un catalogue de signes connus et acceptés, réduits chacun à leur sens propre, et à rien d'autre - comme une géométrie aux bordures affirmés - depuis lequel se forment des ensembles de symboles donc qu’on ne peut plus réduire ou identifier seulement à leur sens). C'est là où la force (ou la logique de calcul, la raison) de l'esprit humain est ému, surpris, séduit, et est capable de s'attacher à des choses qui ne se limitent pas seulement à « l’intelligible », à un intérêt intellectuel sur l’objet. Et c'est là où l'intervention de l'Homme est nécessaire, comme vecteur d'au-delà, comme "intermédiaire comprenant" autant l'intelligible et son absence, le sens et son revers. C’est pour cela que j’accorde à l’esthétique elle même une indépendance et même une importance particulière ; elle n’est pas qu’emballage, elle est le prolongement de ce qui ne peut plus être qu’intelligent, et la traduction d’une supériorité du tout sur ses parties.

Il y a toutefois une limite à cela, du moins en Littérature : c’est la langue. Si j’admettrai par principe la valeur poétique d’une œuvre que l’on me proposerai dans un langage que j’ignore, je serai moi même (en tant qu’acteur, que « médiateur » comme dit plus tôt) incapable de m’en émouvoir, ni de m’en faire critique. Je passerai pourquoi pas volontiers sur l’aspect esthétique formel de telle ou telle écriture, mais l’inintelligible doit tout de même se plier au lisible, au compréhensible des signes (comme les lettres, les nombres) que l’on accepte d’abord comme postulat commun dans une culture. La littérature est un événement informatif d’une certaine manière, d’accord, mais pas comme je l’entendais en disant « information » dans mon premier paragraphe : dans un ensemble de connaissances implicites (la lettre comme signe d’abord, puis la syllabe, le mot, la phrase et la langue toute entière), elle demande un exercice de décodage de ses informations pour percevoir a minima une partie de l’intérêt (notamment, et sobrement, linguistique) de l’agencement de telle ou telle phrase. Mais ensuite la portée purement « informative », j’entends cette fois le « sens » globale du texte, le discours du texte, et non plus le texte lui-même en tant que texte, est, elle, facultative, puisqu’au delà l’esprit est capable d’y trouver des intérêts autrement flous et sentimentaux. Alors un auteur est-il responsable de la réception et de l’intérêt de ces informations là ? Je ne saurais pas encore le dire, et ce n’est pas mon propos. Je veux simplement dire que la Littérature ne saurait pas être que calligraphie. De là à rebondir sur la portée artistique des mathématiques, et des sciences en générale ? Je ne sais pas… Y a t-il un style (une manière d’expression qui, comme l’a certes mieux dit Barthes, soit toute entière le synonyme de la biologie de l’auteur, ou du mathématicien) en mathématique ? Peut-on personnaliser son acte, esthétiser de façon intime telle ou telle démonstration ? Y a-t-il, au delà du « dire » académique, un geste caractérisé qui puisse en lui-même justifier une formule mathématique ? J’ai un doute. Même si, au-delà, la démarche  de recherche, d‘explication, de traduction formelle, et d’apparition, là encore dans un chaos de signes, d’une vérité plus vaste que ce chaos originel peut-être en elle même une démarche poétique…mais réduite parce qu’unique, absolue, objective et scientifiquement quantifiable, du moins me semble-t-il. Enfin je ne nierai pas en revanche l’aspect graphique et symbolique d’une équation, mais, quand bien même prendrait-on en compte la signification quantitative des valeurs utilisées pour la définir, on se rapproche davantage du dessin ou de la calligraphie comme formulation esthétique spatiale et visuelle, que de la littérature et tout ce qu’elle comprend de complexité mystérieuse.

Je vois, pour revenir à la matière première (la Littérature donc) et pour illustrer mon propos (autant que ma propre démarche d’écriture), une similitude avec l’Architecture par-exemple (qui fait le lien entre sciences et art dans leurs définitions « classiques, bien qu’il y ait dans l’Architecture elle-même des ombres portées bien plus vastes ; entre Art et non-Art, entre esthétique pure et sciences exactes, avec la gestuelle du vide, etc) : l’Architecture est, comme l’œuvre littéraire, limitée par ce qui est défini. Pour la première il s’agit des lois physiques et géométriques, de nos circonscriptions naturelles (le poids, l’attraction, la tension, les matériaux), pour l’autre les signes communs admis par nos éducations, comme le langage (les lettres), les deux par des cultures, des syntaxes communes. Il est aussi possible (et même évident) de traduire un « vouloir dire », soit par une hiérarchisation structurelle, un cheminement, une disposition de matière et de vide et une organisation spatiale rigoureuse, soit par une narration, une histoire, un développement intellectuel de la réflexion, et une organisation de l’esprit dans le texte. On dirait sobrement (et maladroitement) pour chacun qu’ils ont « la forme et le fond ». Et pour les deux on voit naître différents courants qui s’émancipent de ces volontés là, ou qui en discutent : la littérature surréaliste, l’architecture déconstructiviste (on pourrait pourquoi pas voir naître une littérature, une poétique du même nom)… Il s’agit en revanche pour l’Architecture de ne pas tomber dans la facilité narrative, et de ne pas vouloir, par rigueur, faire correspondre textuellement l’usage d’un lieu avec le lieu (le symbole y côtoierai les limites exactes apposées à la construction et y perdrait sa capacité à s’étendre de lui-même hors d’un champ intelligible qu’il possède habituellement). Voilà pourquoi la relation est prédisposée à être plus raffinée lorsqu’il s’agit de déconstructivisme. 

"L'art  n'est pas une enveloppe aux couleurs plus ou moins brillantes chargée d'ornementer le "message" de l'auteur, un papier doré autour d'un paquet de biscuits, un enduit sur un mur, une sauce qui fait passer le poisson. L'art n'obéit à aucune servitude de ce genre, ni d'ailleurs à aucune autre fonction préétablie. Il ne s'appuie sur aucune vérité qui existerait avant lui; et l'on peut dire qu'il n'exprime rien que lui-même. Il crée lui-même son propre équilibre et pour lui-même son propre sens. Il tient debout tout seul, comme le zèbre; ou bien il tombe.
On voit ainsi l'absurdité de cette expression favorite de notre critique traditionnelle: "Untel a quelque chose à dire et il le dit bien". Ne pourrait-on avancer au contraire que le véritable écrivain n'a rien à dire ? Il a seulement une manière de dire. Il doit créer un monde, mais c'est à partir de rien..." (Pour un nouveau roman, d'Alain Robbe-Grillet)

Pour revenir finalement à cette citation d’origine, je la trouve trop facile. Trop mystique et « anti-critique ». Et je fatigue de cet argument, sans démonstration aucune, brandi au nom d’une liberté artistique qui cherche davantage à maquiller ses lacunes en « innovations » qu’à se confronter à sa réalité. L’Art s’appuie (et je pense l’avoir expliquer plus haut) sur des signes préexistants et admis, autant que sur la présence de certaines connaissances, plus ou moins intuitives, et on ne peut en faire abstraction totalement. L’artiste est en cela scientifique. Au mieux lorsqu’il réussit peut-il s’employer à y faire naître des symboles, un tout plus vaste et brumeux auquel il accordera une importance variable selon son jeu de lumière, son style, et son talent, et dont l’autonomie finira par lui échapper. Je n’ai ainsi rien vu de novateur au sens strict au cours de l’Histoire de l’Art ; affirmer le contraire, vouloir une émancipation totale de l’artiste sur ce qui le précède me semble d’une prétention et d’une crédulité excessive. Il y a certes oui des changements de points de vues, de réponses, dans les époques mais ce sont toujours les mêmes questions qui se posent au grès des courants et des siècles, délimités par le langage, les outils, les techniques, les capacités cognitives… L’Art au contraire s’appuie sur ce qui est déjà existant et en est même prisonnier. Il ne fait rien de Révolutionnaire, là encore au sens strict, ni ne peut rien oublier volontairement, car il y a filiation historique. Et il en va de même pour l’art moderne qui n’a comme but (comme but affirmé) que de réduire au mieux les influences limitatives (ou même restrictives si l’on veut) de ce qui fut. Mais dans cette démarche même, il ne fait que se justifier par rapport à ce qui fut, et donc il le prend déjà en considération, s’accoude malgré lui à ce qui précède son geste. Le passé pour ceci est un béton structurel inamovible. C’est comme prétendre que l’imagination peut se suffire à elle-même, avoir une démarche ex nihilo, or il m’apparaît évident par exemple qu’un homme né et jamais sorti d’une cellule de prison hermétiquement close serait bien incapable d’imaginer un ciel, une nature, ou quoi que ce fusse de libre parce que rien de ce dont sa chair ou son esprit n’ont fait l’expérience ne le lui permet.

Finalement, et pour inverser, sinon bouleverser, tout ce qui fut déjà dit, et ainsi aller à ce qui aurait dû être l’essence de l’art moderne : pourrait-on s’extraire du langage, être libre de toute prédétermination, s’exclure d’une communauté de signes, et faire œuvre littéraire (et particulièrement poétique) ? C’est à dire non plus vouloir rompre, ni sortir de prison, mais prendre comme postulat de ne jamais y avoir été, ni ici ni ailleurs (ainsi on évacue la problématique de la filiation historique, et avec elle du prétendument caractère révolutionnaire de l’œuvre) ? Peut-on imaginer que le style - la biologie de l’artiste donc – se fasse point de départ et, s’il ne peut certes se former seul, puisse construire en lui-même une poétique de pure intuition ? Un symbole pourrait-t-il alors se former hors des signes qui le composent habituellement ?
« Modifié: 14 avril 2016 à 23:43:55 par EloiR »
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Peter Zumthor

Hors ligne extasy

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Re : Le dire de l'écrivain
« Réponse #37 le: 18 avril 2016 à 19:07:38 »
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, j’entends cette fois le « sens » globale du texte, le discours du texte, et non plus le texte lui-même en tant que texte, est, elle, facultative, puisqu’au delà l’esprit est capable d’y trouver des intérêts autrement flous et sentimentaux. Alors un auteur est-il responsable de la réception et de l’intérêt de ces informations là ? Je ne saurais pas encore le dire, et ce n’est pas mon propos.
Tu as l'air d'y avoir réfléchi et ce n'est pas mon cas, du coup j'hésite à répondre aussi facilement mais tant pis : non, je dirais. Ce sont des perturbations, il faudrait les éviter. Sauf si on entre dans le domaine de ce que j'appellerai ici inconscient (à défaut de connaître un terme plus approprié) de l'auteur, qui a laissé s'échapper des choses sans le vouloir. Bon, je n'y ai pas passé non plus des heures de réflexion hein.

Sinon, je crois bien que je suis d'accord avec tout ce que tu dis sur le symbole et la raison pour laquelle l'esprit humain est fasciné par cet assemblage indissociable de signes limités.

Je ne sais pas encore si je suis d'accord avec ce que tu dis au sujet de vouloir s'affranchir de ce qui a été construit avant nous. D'un côté, en effet, il m'apparaît comme évident que ce besoin ne devrait même pas exister ; au mieux, si dans le processus de création et pour une raison ou pour une autre, un artiste ressent cette nécessité de s'extirper du "béton structurel", il pourra alors essayer de le faire ; mais pourquoi faire de ce désir d'émancipation un vecteur du processus de création ?
Mais d'un autre côté, je pense aussi que ces limites bizarres, qui ne devraient pas se poser, peuvent aider à la création. S'imposer une contrainte dans l'écriture d'un texte aide nombre d'auteurs à écrire, alors s'imposer une ligne directive aussi vaste et profondément ancrée dans l'intention même de l'artiste, c'est peut-être aussi un moyen de produire des merveilles. Comme quoi je ne sais pas s'il existe une réponse à cette question, les voies de la création semblent foutrement impénétrables.

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Même si, au-delà, la démarche  de recherche, d‘explication, de traduction formelle, et d’apparition, là encore dans un chaos de signes, d’une vérité plus vaste que ce chaos originel peut-être en elle même une démarche poétique…mais réduite parce qu’unique, absolue, objective et scientifiquement quantifiable, du moins me semble-t-il.
D'accord, j'accepte aisément le postulat selon lequel la vérité à laquelle accède le scientifique serait unique. Ça semble tellement évident qu'il n'y a pas besoin de débattre là-dessus. Et même si par un quelconque mystère ce serait faux, bah ça resterait tellement à l'extérieur de ce dont nous débattons qu'il n'aurait aucun intérêt ici. Donc ouaip, je suis d'accord.
Mais les yeux du scientifique qui ont décelé cette vérité, ce regard ébranlant de génie qu'agite le scientifique comme une torche pour casser les ténèbres et accéder à cette vérité, n'est-il pas unique, ne lui est-il pas propre ?
Ce n'est pas une question rhétorique, je dirais à mon modeste niveau que oui, mais comment en être certain ? Et puis après tout, à supposer même que tous les grands génies mathématiques partagent la même vision qui leur permet d'accéder à la même vérité voilée aux yeux du commun des mortels, la question reste peut-être la même : que fait-on de ce regard flamboyant ? N'est-il pas artistique ?
Encore une fois, la question n'est pas rhétorique. Je penche seulement vers le oui, j'aurais tendance à dire que cette façon de tordre la réalité, de voir un assemblage nouveau dans les signes intelligibles de la nature ou des concepts abstraits mathématiques, et d'en ressortir avec une vérité nouvelle, je trouve que c'est de l'art, sans en être certain bien entendu.
Ou alors non, ce n'est pas le cas, mais c'est alors peut-être un Autre-chose qui figure au même rang que l'Art ; peut-être que l'Art et cet Autre-chose (que je ne veux pas appeler Science) et plusieurs Autres-choses encore ont tous un trône sur le même Piédestal ?

« Modifié: 18 avril 2016 à 19:37:26 par extasy »

Hors ligne EloiR

  • Aède
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Re : Le dire de l'écrivain
« Réponse #38 le: 18 avril 2016 à 20:05:32 »
Alors d'abord, non, ce que je dis est davantage de l'ordre de l'intuition que de la réflexion. Je n'y ai mit que ce que mes intercours, salauds, me permettaient d'y mettre. Mais peu importe.

S'il s'agissait d'une opinion "rapide", je m'orienterai également vers le non. Mais si je ne réponds pas à cette question c'est que des choses m'y poussent : le cas pratique de Céline (est-il responsable de son antisémitisme littéraire ?), la question de placer la Littérature dans une action concrète (je veux dire, une fois le livre incarné, peut-il être considéré comme un corps physique agissant, comme un "actif" ?)... Là encore, c'est trop complexe pour que je me livre sans une structure de pensée assurée, je hais suffisamment la vitesse pour m'y soumettre ici.

En ce qui concerne la volonté de rupture totale avec ce qui précède, je dis justement que c'est, semble-t-il, impossible. En revanche je constate que certains courants ont fait ouvertement ce choix, et je pense qu'ils se trompent dans la faisabilité même de cette démarche. Malgré tout, le principe créatif demande une remise en question de ce qui a été avant nous, sans aller toujours jusqu'au "révolutionnaire", mais ne serait-ce donc que pour constater que notre moi ne s'y trouve pas pleinement, et que notre expressivité doit s'incarner autrement (deux choses : je parle simplement du "tout l'un ou tout l'autre", parce qu'une fois les circonférences établies le reste se devine, je ne parlais donc pas d'un art qui, à coup sûr, se voudrai révolutionnaire ; et je parle d'Art et de Littérature, pas de Marc Levy par-exemple).

Pour les sciences, je crois profondément à la rupture classique entre Génie Artistique et Génie Scientifique (sûrement cet "Autre-chose" dont tu parles). Je souligne justement (ce que tu sembles ne pas avoir vu, ou en tout cas que tu questionnes encore) le point commun dans la démarche, dans l'organisation du chaos, etc, mais qui est davantage le signe du Génie (qu'ils ont donc en commun) que le signe de l'Art. Malgré tout, je vois la Science davantage comme de l'archéologie, comme la recherche, la création par négatif : il y a un tout constitué, et il s'agit de l'organiser et de le fouiller pour en ressortir les informations (comme une fouille archéologique). Contrairement à l'Art, où le tout est symbolique et malléable lorsqu'il prend corps, et qui se sert de notre diversité.

Je parle vulgairement, et maladroitement, mais je suis pressé, alors mes explications sont évidemment imprécises. Je tenais simplement à recadrer ce que je disais par-rapport à ta réaction. En tout cas merci d'avoir pris la peine de lire et de réagir !

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Peter Zumthor

Hors ligne extasy

  • Palimpseste Astral
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Re : Le dire de l'écrivain
« Réponse #39 le: 18 avril 2016 à 20:28:47 »
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Pour les sciences, je crois profondément à la rupture classique entre Génie Artistique et Génie Scientifique (sûrement cet "Autre-chose" dont tu parles). Je souligne justement (ce que tu sembles ne pas avoir vu, ou en tout cas que tu questionnes encore) le point commun dans la démarche, dans l'organisation du chaos, etc, mais qui est davantage le signe du Génie (qu'ils ont donc en commun)
Sûrement mon Piédestal. Mais ouaip, je ne sais pas s'il y a point commun dans la démarche ; j'ai hésité à écrire un truc dessus mais je n'arrivais pas à être clair et j'ai laissé tomber.
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n ce qui concerne la volonté de rupture totale avec ce qui précède, je dis justement que c'est, semble-t-il, impossible.
Désolé, j'ai oublié de mettre un "en effet" que j'ai rajouté ensuite.

En fait désolé tout court parce que je ne pourrai pas continuer ce foutu message, on me gueule dessus qu'il faut y aller


 


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