Monsieur Meyer, le directeur du Musée de Saint-André-les-plumes m'avait appelée dans son bureau. Je travaillais ici depuis bientôt un an, et je m'ennuyais à mourir. Certes, j'aimais l'art mais, épousseter les vieilleries j'en avais un peu mare, j'aspirais à bien d'autres aventures en choisissant ma voie professionnelle.
Je ne pensais pas sortir des archives de ce vieux Musée tout poussiéreux, jusqu'à ce matin là, au début du printemps.
— Mademoiselle Letellier, vous êtes ici depuis plusieurs mois. Classer, répertorier les œuvres d'art, c'est une tâche bien ingrate et vous méritez mieux. J'ai reçu de vos professeurs des éloges, à vous de me prouver aujourd'hui que vous les méritez.
Il me tendit alors un morceau de parchemin, légèrement brûlé sur un de ses bords et dont l'écriture calligraphiée avait perdu de son éclat.
— Traduisez-moi ceci, ensuite nous aviserons.
J'ai passé la nuit sur ce fameux parchemin, et j'ai su en tirer toute l'essence, une fantastique découverte et dès le petit matin je m'empressais de rendre compte à M. Meyer du résultat de mes recherches
— Pour moi il s'agit d'une lettre adressée à Louis XIII au sujet d'un fameux collier, offert à Anne d'Autriche et qui aurait mystérieusement disparu. Ce collier n'a jamais été retrouvé. Il semblerait que cette lettre soit une des clés pour découvrir l'endroit où il était à l'époque. Aussi étrange que cela paraisse, ce document est signé par un anglais qui était un ami du Duc de Buckingham.
— Mais enfin Clara ! Vous me racontez des sornettes ! Nous ne sommes pas au cinéma et les trois mousquetaires ce n'est plus de mon âge !
— M. Meyer je ne vous permets pas ! Lisez vous-même, si vous n'avez aucune confiance !
Il prend le parchemin, ajusta ses lunettes et au fur et à mesure de son investigation je le vois rougir, puis blanchir, puis verdir. Il leve vers moi des yeux étrangement incrédules.
Mais... balbutie-t-il, c'est... c'est... que... vous avez raison ! Est-ce donc possible ?
— Je vous l'ai dit Monsieur ! Si ce document est authentique nous avons là de l'or dans les mains ! Une découverte fantastique, qui ferait bouillir de jalousie tous vos concurrents !
— Clara ! Mettez-vous au boulot séance tenante et retrouvez-moi ce collier !
Me voici donc aujourd'hui lancée dans une aventure aussi absurde qu'intéressante.
Dès le lendemain matin je me mets en route pour retrouver les traces des descendants du signataire de la lettre, dans les archives souterraines du vieux Musée. En descendant le grand escalier, aussi sombre que des oubliettes, je glisse sur les marches humides, une chute terrible je me retrouve en bas et je perds connaissance.
Je me réveille, il fait nuit et j'ai très mal au crâne. C'est étrange je ne reconnais pas l'endroit, on dirait une ruelle étroite, vrai coupe-gorge. Je me lève et emprunte la rue sans vraiment savoir où je vais. Je sens soudain une présence derrière moi, une ombre sournoise se déplace et me suit. J'ai un peur bleue, j'active le pas, je cours presque. J'arrive au coin d'une rue et il me semble apercevoir une faible lumière, alors que je tourne à l'angle de la rue, une main agrippe mon bras, je hurle !
— N'ayez pas peur Clara, venez il faut vous mettre à l'abri avant qu'ils ne vous rattrapent.
Après un instant de stupeur, je recouvre mes esprits et à la lueur d'un faible lampadaire je dévisage l'homme que semble m'avoir sauvée d'une agression. Il est habillé d'une étrange façon.
Je secoue lamentable la tête, et j'essaie de rassembler mes esprits : je suis descendue aux archives, j'ai chuté, j'ai perdu connaissance, je me suis réveillée dans une ruelle, poursuivie par je ne sais qui et d'Artagnan me sauve la vie !
« non mais Clara tu dérailles ! Tu as perdu la raison c'est impossible »
La voix de mon sauveur me tire de mes réflexions :
— Je saisis votre désarroi jeune Clara, mais dans ce monde-ci il n'y a aucune convenance surtout dans la poussière, aucun tabou, tout est possible.
Je dois avoir l'air d'une ahurie, yeux exorbités et bouche béante.
Il continue et souriant :
— Ici nous sommes dans la huitième dimension, vous cherchez les ferrets n'est-ce pas ? Je le sais, c'est moi qui les détient depuis toujours, quoique vous puissiez penser, ils existent.
Je n'arrive pas à réaliser, à croire, à imaginer, tout est si fou, si irréel, si fantastique !
— Clara, prenez-les ils seront entre de bonnes mains, depuis des siècles je ne sais à qui les confier, prenez-en soin.
Sur ces mots il disparaît dans la ruelle et je me retrouve seule dans cette ruelle à peine éclairée par un bec-de-gaz ! Un bec-de-gaz mais c'est impossible !
— Clara ! Clara ! Réveillez-vous ! Mon Dieu, vite appelez un médecin elle a fait une terrible chute !
J'ouvre difficilement les yeux, j'ai mal à la tête, une douleur lancinante. Je distingue avec difficulté M. Meyer qui me secoue un peu.
— Ma pauvre petite, vous avez fait une chute terrible ! Heureusement que j'ai eu besoin de descendre aux archives ! Ca va ? Vous vous sentez bien ?
— M. Meyer ? Le mousquetaire !
— Le mousquetaire ? Quel mousquetaire ? Vous avez une sacrée bosse il va falloir vous examiner !
Je reviens peu à peu à la réalité, j'essaie de me lever, je titube un peu ; mon patron m'aide à remonter les marches pour rejoindre son bureau.
Il me dit d'un ton très paternel
— Clara vous allez prendre quelques jours de repos après avoir vu le médecin, j'insiste, j'avais une mission à vous confier mais cela attendra.
C'est alors que j'aperçois sur son bureau un vieux parchemin à moitié calciné...