[Beglous]

« Dong Dong
          Donlong Donlong
                        Dong »

La mère s’agite, ça cogne et ça balance, gling gling, comme quand le p’tit y glisse de là, hop, dans le fourré, un de plus, qu’alimente les caniveaux et qui nourrit les bestiaux.
« Mortifère »
La mère s’agite, l’avait pas le choix la pauvre que de se remettre en besogne, de cuire à la mâle et d’éponger ensuite. Puis là voilà qui saigne et s’en remet au caniveau.
« V’la l’ptit »
La petite chose remue et s’arrange pour passer.
«  Y a pas la place pour toi p’tite chose, pas la place »
La mère elle connaît bien les gestes, elle sait y faire avec les petites choses, c’est seulement les grandes choses qui lui ont toujours échappée, la grande vie ça, elle connaît pas. Mais le ventre à terre et la sueur elle connaît bien. Les petits matins et les grands soirs.
« Y a des gens qui voudront bien de toi »
La mère disant cela ne voit rien d’autre qu’un enfant bleu. Elle a déjà eu ces images-là, d’enfant étouffé, né enroulé, qu’il n'y avait plus qu’à jeter aux caniveaux ou qu’à donner aux bestiaux. Mais celui-là il est en couleur de vie, il braille et gigote comme les autres. Elle a pas de chance la mère, elle fait que de la normalité.
« Je vais t’en faire un don de toi mais après. Je suis fatiguée là »
Elle pose la petite chose sur sa poitrine et ferme les yeux.

« Dong Dong
          Donlong Donlong
                        Dong »

La mère s’agite, ça cogne et ça balance, gling gling, comme quand le p’tit y glisse de là, hop, dans le fourré, un de plus, qu’alimente les caniveaux et qui nourrit les bestiaux.
« V’là qu’ça recommence »
La mère elle connaît bien les gestes mais elle trouve plus les idées. Elle a déjà tout fait, elle en a gardé, elle en a donné à côté, puis plus loin, à des inconnus, à des institutions de la société, la mère elle s’est répandue partout. Ceux qu’elle a gardés elle a quand même fini par les donner plus tard.
« Allez là viens ! J’vais plus pouvoir moi hein, un jour pfff, j’vais plus pouvoir »
Dernière poussée, avec un peu de chance c’est un bleu qu'en sortira. Elle se rappelle la proposition. Une fois, c’était lequel ? Elle sait plus, un d’avant, pas celui juste avant mais encore avant avant. Une fois l’institution du social lui avait proposé un médecin, pour faire un nœud là, à l’intérieur et puis après c’était fini, elle pourrait s'arrêter. La mère elle avait pas voulu.
« Et puis quoi encore ? Vous allez pas me faire comme aux bêtes là, les chats de la gouttière, non mais ! Vous me foutez l’écrou sur les nerfs avec vos trucs là »
Elle aurait peut-être dû. Se faire passer la lune au microscope. Qu’ils coupent là, cousent ici. Et puis plus rien. Mais elle avait déjà tout donné. Elle devait en garder un avant d’y passer. Et puis elle a oublié là mère. Quand on vit au jour le jour, on oublie ce genre de choses.
« C’est des grandes choses ça »
Hop, un nouveau né déroulé, pas plus bleu que les précédents, un comme un autre.
« Je sais plus à qui donner là, j’ai fait le tour. Y a bien aux étrangers ouais. Mais c’est des tracasseries. Faut des justifications ou je sais pas. »
La mère pense faire comme d’habitude. Elle pose la petite chose sur sa poitrine et ferme les yeux.

« Dong Dong
          Donlong Donlong
                        Dong »

La mère s’agite, ça cogne et ça balance, gling gling, comme quand le p’tit y glisse de là, hop, dans le fourré, un de plus, qu’alimente les caniveaux et qui nourrit les bestiaux.
La mère elle a parfois envie de pleurer. Quand sonne le gong et qu’il faut encore se rompre en dedans, qu’il faut encore pousser la vie en dehors, elle se vide, toujours un peu plus.
« Pourquoi donc que, mais pourquoi ? »
Elle s'en remet à la métaphysique et ne sait plus compter. La mère a oublié le nombre de fois où elle a été vaincue par la nature et par la loi du don.
« Ça suffit là, j’en ai marre de toujours les balancer comme ça, c’est du boulot ! C’est de l’effort ! J’vais me faire payer tiens ! »
C’est une pensée inédite pour la mère, demander rétribution pour ses petites choses. Après tout, elle les fait bien, elle les fait dans la normalité, jamais bleus, nourris au sein jusqu’au jour où… La mère pousse d’autant plus que l’idée prend forme. Une fois qu’elle aura l’argent de celui-ci, le prochain elle pourra le garder. Elle l’élèvera bien la mère. Au moins jusqu’à ce que ses premières dents tombent.
« J’vais pouvoir m’acheter de l’amour. Si je vends correct je peux me l'acheter pour moi »
La petite chose s’annonce au son du clocher.
« C’est la bénédiction ça, la bénédiction, c’est que l’idée elle est bien bonne. Je vais tirer gros de la p’tite chose. »
La mère elle récupère la petite chose et voit tout de suite qu’il y a de l’anormalité. Elle s’y connaît bien la mère, elle a l’usage. L’usage des petites choses pour sûr. Mais les grandes choses non. C’est pas tant qu’il est bleu le petit, c’est qu’il est pas tout complet.
« J’peux pas vendre ça, y a pas tout »
Y a bien de la vie entre les mains de la mère. Mais une vie comme ça, c’est pas du bénéfice.
« J’vais pas pouvoir le donner non plus, ça non, ils en voudront pas »
La mère regarde le petit être, ce bout d’essai, ce pas comme y faut. Ça lui rappelle. Elle sent bien que ça lui rappelle des moments. Possible qu’elle-même était pas comme y faut. Pour avoir épongé autant, pour avoir toujours donner de soi, pour être restée si près du caniveau, à deux doigts, oui à deux doigts de…
« J’vais quand même pas t’y mettre toi au caniveau. Et puis les bestiaux... »
Elle pose la petite chose sur sa poitrine et elle regarde le mur. De loin en loin y a l’eau. Elle connaît bien la mère, pour s’être baignée tant de fois, pour s’être rincée de tous les efforts et pour avoir pleuré la tête à fleur d’eau. Dans l’anonymat. L’eau elle accueille tout. Elle sent la respiration de la petite chose sur sa poitrine.
« Je... »
Elle regarde la petite chose.
« J’vais p’t’être m’arrêter là »

[Rémi]

Salut Beglous

Pfiouuuu !
Hé bé !

Compliqué de commenter rapidement un tel texte, faudra que je repasse pour essayer de dire un truc intelligent 
En tout cas, sacrée inspiration : thème super original, forme super originale et une ambiance du tonnerre du coup. Pour un permier jet, ça marche drolement bien. Alors forcément, avec un telle prise de risque, si on rentre dans le détail, y a des trucs à dire, mais franchement, vu le dépoussiérage que t'as envoyé, c'est normal. De belles trouvailles en tout cas.

Un bien beau défi donc.

A+
Rémi

[Luna Psylle]

Salut !

J’ai rien repéré sur la forme. Je crois. Ou alors, j’ai trouvé du sens aux détails que j’ai pu voir avec l’ensemble même. Du coup, c’est compliqué de dire qu’il y a faute.

Sur le fond, je suis assez mitigée. J’ai bien aimé la forme globale, répéter les scènes et la tension ambiante que j’ai trouvé. J’ai plus de mal avec le discours, certaines expressions employées qui ne font pas mouche sur moi. Et ça fait que je ne pense pas pouvoir t’offrir un avis constructif.

Par contre, je suis totalement d’accord avec Rémi :

En tout cas, sacrée inspiration : thème super original, forme super originale et une ambiance du tonnerre du coup. Pour un permier jet, ça marche drolement bien.

En te souhaitant une bonne journée !

[Basic]

Bonjour beglous,

texte poignant, bien rendu dans la langue de la mère.
le rythme me semble bon, ça s'arrête quand il faut.

Juste ça : elle a quand même finit  (fini)par les donner

B

[BeeHa]

Bonjour Beglous,

Sacrée inspiration pour une première, chapeau.
C'est entêtant, avec cette "idée" de refrain qui revient toujours.
J'ai un peu eu une sensation pesante, avec cette idée de fatigue et la répétition, toujours pareil.

Comme Luna, j'ai pas toujours accroché, mais c'est plus lié à mon "goût personnel" qu'à la qualité du récit.

Merci du partage,
Et j'espère qu'on te comptera parmi nous au prochain Tic Tac !

Bonne journée ~

[Aponiwa]

Salut Beglous,

L'idée est originale, tout comme la forme avec les phrases qui reviennent sous forme de litanie. C'est bien écrit, pas trouvé de coquille. Le langage de la narratrice est bien rendu de bout en bout et l'ensemble est bien écrit. Par contre, le point de vue hardcore sur les petits qui naissent, qui sont bleus et qu'on balance dans le caniveau, comme ça à froid, woah, gloups!  Du coup, moi aussi j'ai eu un peu de mal à rentrer dans le texte.
Mais pour un premier tic-tac, chapeau bas, belle inspiration! 

[Beglous]

Bonjour à vous et surtout un grand merci de m'avoir accueillie parmi vous, c'était vraiment très chouette

*

Salut Rémi,
Un grand merci pour ton enthousiasme à chaud !
Vraiment ta réaction me fait très plaisir. J'ai bien conscience que c'était un parti-pris risqué, mais je me suis laissée entraîner. Si tu te sens effectivement d'y revenir, pour dépouiller en disant "des trucs intelligents" (note que les trucs sympas et encourageants c'est bien aussi) afin que je peaufine cette petite chose, ce serait avec joie.

*

Salut Luna Psylle,
J'ai pas compris toutes tes phrases, je sais pas si c'est moi ou si c'est toi en effet secondaire de la lecture.
Je comprends en tout cas que c'est pas évident d'être constructif quand la langue ou le sujet ne passe pas, affaire de goût, de subjectivité. C'est délicat de faire un retour dans ces cas-là. Merci de t'être accrochée à la lecture. Peut-être qu'une fois prochaine je ferais mouche.

*

Salut Basic,
C'est sympa de passer, en visiteur attentif. J'ai effectivement essayé de doser le texte, je suis contente que tu aies le sentiment que ça trouve sa fin. Je prends note de la correction à faire, merci !

*

Salut Beeha,
Merci beaucoup pour ton retour et ton invitation à des retrouvailles. Oui ton thème m'a bien inspirée faut croire. C'est très chouette cette idée de quatrième de couverture, ça donne beaucoup de pistes explorables. Cette sensation pesante que tu mentionnes, est-ce-que d'après toi c'est lié à l'écriture ou au sujet en lui-même ? Sur le moment ça m'a paru pertinent de jouer sur la répétition pour montrer la lassitude et l'accablement de cette femme, lui conférer un côté machine malgré elle, l'autre étant dès lors relégué au statut de chose.

*

Salut Aponiwa,
Oui, c'est tout à fait glauque. Je me suis laissée embarquer par la mère seule qui hésite entre donner le petit dernier à l'orphelinat ou le vendre. Ce qui est déjà en soi un thème glauque. Je comprends tout à fait que ça puisse mettre à distance. Pour moi c'était une évidence de parler de ça et certainement que cela n'a rien d'évident d'avoir envie de lire ça. Merci beaucoup dans ton retour d'avoir démêlé le fond de la forme.

[Cendres]

Tu as écrit cela en seulement une heure ce n'est pas mal.

Tu fais des parties répétés pour la dynamique de ton texte.
Je suis surprise que tu as réalisé un tel texte en si peu de temps. Certainement que tu devais déjà en avoir l'idée auparavant je suppose.

[Beglous]

Coucou Cendres,

Merci pour ton passage et pour ton compliment.
Je n'avais pas l'idée avant mais c'est venu faire écho à un thème qui me parle et donc ça a coulé tout seul.

[BeeHa]

C'est de nouveau moi ~

Cette sensation pesante que tu mentionnes, est-ce-que d'après toi c'est lié à l'écriture ou au sujet en lui-même ? Sur le moment ça m'a paru pertinent de jouer sur la répétition pour montrer la lassitude et l'accablement de cette femme, lui conférer un côté machine malgré elle, l'autre étant dès lors relégué au statut de chose.

Je pense que c'est lié à l'écriture plus qu'à l'histoire, mais que ça se marrie bien avec l'histoire, c'est donc pertinent, à mon sens. Surtout si tu cherchais à jouer sur l'accablement et la lassitude, qui vont "bien" avec cette sensation pesante.
C'est vraiment un ressenti personnel (ou en tout cas, que j'exprime qu'en mon nom propre), l'animatrice de l'atelier auquel je participe appuie souvent sur ce point : donner ses impressions, à soi, pour permettre à l'auteur de voir si c'est quelque chose qu'il souhaitait/imaginait en écrivant.

[Beglous]

Merci d'être venu préciser ta pensée BeeHa.
Cela me parle de s'appuyer sur le ressenti personnel.
Je ne me rends pas compte de générer une telle sensation dans l'écriture, en tout cas pas au-delà de l'intention que je souhaite lui donner. Aussi vais-je mettre un point de vigilance sur cet aspect dans mes prochaines tentatives.
Merci pour cette mise en lumière.