L’ÉCRITURE IMBECILE
Louable serait d’aider la cause des femmes avec démord,
Si le faire ne mettait pas notre idiome en danger de mort.
Tout pesé, je suis fier de n’être qu’un titi sans diplôme aucun,
Car naître n’est rien comparé au besoin de devenir quelqu’un.
J’ose dire que si d’un cruel torero, je ne crains pas l’épée,
De la part d’un érudit, au parlé beau, j’ai tout à redouter.
Sachant qu’il n’y a point de baume qui apaise les maux,
Je n’ai de répit et de repos que dans le mélange des mots.
Qui dit que les malentendus ne sont guère les bienvenues,
Sait que dans l’esprit d’un lettré trottine une idée malvenue.
C’est au moment où vivre est devenu un sujet d’inquiétude,
Que ces mêmes viennent contrarier nos éphémères habitudes.
Orchestrés par des ténors rompus à l’art de la harangue,
Oubliant que, vivante, est toujours notre belle langue,
Si je pouvais prendre notre beau langage à bras-le-corps,
Je veillerai à ce que personne ne le complique plus encore.
D’autant, qu’introduire un artifice qui tend à l’honorer,
Je ne vois vraiment pas en quoi cela pourrait l’améliorer.
Accepter et faire sien le projet d’écriture inclusive,
N’est-ce pas en faire un jargon de manière abusive ?
Si, pour communiquer, il n’y a plus âmes qui vivent,
Comprendra-t-on enfin que nocive fut cette dérive.
N’ayant pas l’habitude d’avaler des couleuvres,
Craignant que cela ne soit qu’un hors-d’œuvre,
Puisque connu est mon amour du beau langage,
De mes pitoyables lacunes, je ne ferai pas étalage,
Convenez que si l’on veut faire une terre de litiges,
Évident que notre belle France perdra son prestige
Puisque menacé est le moyen de se comprendre,
J’en déduis, qu’au pire, il y a lieu de s’attendre…
De fait, si notre crédit n’était pas menacé,
Pourquoi aurait-on besoin d’être protégé.
Un idiome frigorifié que l’on se plaît à dévêtir,
Est un peuple tout entier qui risque de s’abêtir.
Gaulois frère, si à mon instar tu comptes peu d’années,
Bien que jeune, à tout accepter, tu n’es pas condamné.
Au nom des poètes et des amoureux des mots,
Qui sent bon la France et soulagent nos maux.
Députés, si vous partagez une once de mon désarroi,
Étant élu pour cela, n’hésitez pas à user de vos droits,
Vous qui avez pour mission de nous bien servir,
Agissez avant que le navire langagier ne chavire.
À la prochaine rentrée députaire, si tel est votre choix,
Pour sauver notre avoir, je vous engage à voter une loi.
Alors, si projet voté et si uniquement en vers, il faille s’exprimer,
Espérant que les apyres comprennent que poétiser c’est légitimé.
Ce jour-là, puisque l’hexagone est au nirvana de la belle éloquence,
Je sais que notre belle France ne deviendra jamais le pays du silence.