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Auteur Sujet: Lumière de l'image (Alain Jaubert)  (Lu 4614 fois)

nasnas29

  • Invité
Lumière de l'image (Alain Jaubert)
« le: 20 mars 2011 à 14:52:23 »
 
 Le livre est un formidable outil capable d'aborder tous les genres.
Avec  Lumière de l'image d'Alain Jaubert (folio poche) on pénètre le domaine de l'Art en peinture.

 Alain Jaubert est un journaliste qui s'est fait connaître par l'émission "palettes" où il prête un regard intelligent sur les toiles d'artistes.
Pour ma part, c'est par son premier roman  Val Paradis  que je l'ai découvert. Il faut savoir qu'avant de réaliser ses documentaires sur la peinture, il s'est embarqué sur un cargo jusqu'à Valparaiso. Dans cet ouvrage, il nous raconte ses péripéties de marin, sa vie de débauche dans des bars malfamés, relatant des histoires vécues ou entendues au gré de ses rencontres parfois étonnantes et cocasses. Plus récemment, il a écrit un autre ouvrage une nuit à Pompéi : intelligent et drôle à la fois !

Mais pour en revenir au livre dont il est question, il est le prolongement de cette étude sur la peinture au travers de différents chefs-d’œuvre. Le titre" Lumière de l'image" prêté à André Breton est par lui-même explicite car l'ouvrage met en lumière les toiles proposées par l'auteur, avec aussi une connotation poétique.
 Il s'agit d'une véritable lecture de l'œuvre d'Art et l'auteur procède en trois étapes. D'abord une description à la loupe (à prendre au sens propre du terme pour bien distinguer les parties cachées) de l'œuvre picturale. Ensuite il ouvre l'historique de la peinture en s'appuyant sur un événement, une situation particulière, un personnage, ou même une idée neuve en rupture avec le vieux style académique trop surfait, point de départ à toute création artistique. Enfin, il pousse la curiosité en posant la question: pourquoi tel chef-d’œuvre prend date dans l'histoire, quel est son sens ?

 Alain Jaubert tente alors une explication mais sans jamais gommer la part d'énigme suggestive au tableau. Par son analyse il bouscule les préjugés. A savoir par exemple que Bosch catalogué plutôt comme un peintre mystique, voire hérétique, était au contraire très pieux, appartenant à l'ordre d'une confrérie consacrée au culte de la Vierge. De même sur le tableau célèbre " Deux femmes au bain ", l'interprétation qui en est faite de nos jours prend un sens surtout érotique et pourtant ! A l'époque il n'était pas rare de voir les dames se baigner à deux dans le bain. De plus les deux ingénues étaient sœurs. Reste le geste ou l'une des sœurs saisit le téton de l'autre mais il s'agirait là d'un acte pour annoncer que Gabrielle d’Estrées (alors favorite du roi Henri quatre) serait enceinte. Elle-même montre d'ailleurs sa bague pour rappeler la promesse de mariage du roi Henri. Alain Jaubert nous invite donc à mieux décrypter ces Chefs-d’œuvre pour rendre compte aussi de l'idée qu'elle véhicule." La Diseuse de bonne aventure " peint par Georges de La tour est en résonance avec le grand siècle de Molière et de son théâtre qui dénonce le mensonge et l'hypocrisie. Pascal écrit par ailleurs dans ses pensées: " L'homme est si heureusement fabriqué qu'il n'a aucun principe juste du vrai, et plusieurs excellents du faux." Dans ce tableau donc où un jeune homme se fait dépouiller de ses biens à ses dépens par de charmantes bohémiennes, La Tour nous fait jouir à sa manière de la ruse, de la perfidie. Belle moralité! De cette ambiguïté Pascal jettera son anathème contre la peinture en disant:" Quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire point les originaux." Il en est tout autrement dans les gravures de Bosse où est absent l'esprit de satire sociale ; ici l'artiste agit plutôt comme un sociologue en dévoilant des scènes sur  les métiers exercés à son époque.

 Chercher l'allégorie, la métaphore de l'image, Jaubert s'acharne à rendre limpide son discours pour faire parler l'œuvre afin de nous révéler son sens, sa dimension et mieux la mettre en lumière. Exemple frappant avec les dessins de Lebrun  réalisés entre 1660 et 1670 où l'artiste calque le visage humain sur un animal. Ces analogies seraient à l'origine d'une science plus ancienne : la physiognomonie ou l'art de découvrir les caractères des personnes d'après leurs traits physiques. De nos jours ces dessins, d'une étonnante modernité, assimilables aux caricatures sont encore source d'inspiration pour de nombreux artistes. Dans le cas des peintres paysagistes, ils seraient perçus comme les précurseurs du cliché photographique. D'ailleurs on retrouve sur  nos belles cartes postales estivales des similitudes récurrentes avec la peinture dans l'art de mettre en valeur un paysage. Depuis lors, les mêmes poncifs se répètent: couchers de soleil, l'arbre au premier plan d'une vue panoramique. Cependant la banalisation de ses effets n'existe pas avec une peinture car comme le précise Alain Jaubert par la pensée Baudelairienne: " Si ce que nous appelons un paysage est beau, ce n'est pas par lui-même, mais par moi, par ma grâce propre, par l'idée ou le sentiment que j'y attache. C’est dire suffisamment, je pense, que tout paysagiste qui ne sait traduire un sentiment par un assemblage de matière végétale ou minérale n'est pas un artiste."

    Dans ce livre, on pourrait multiplier les exemples d'analyse que donne Alain Jaubert sur la peinture. Toutefois quand la peinture atteint le sublime, il cite Paul Valery qui parle alors de Poésie quand il considère un portrait de Berthe Morisot peint par Manet. Il s'explique en disant: " il arrive que le poète naisse tard dans un homme qui jusque-là n'était qu'un grand peintre. Tel Rembrandt, qui, de la perfection atteinte dés ses premiers ouvrages, s'élève enfin au degré sublime, au point où l'art même s'oublie, se rend imperceptible, car son objet suprême étant saisi comme sans intermédiaire, ce ravissement absorbe, dérobe ou consume le sentiment de la merveille et des moyens. Ainsi se produit-il parfois que l'enchantement d'une musique fasse oublier l'existence même des sons. Je puis dire à présent que le portrait dont je parle est poème."

 Après cette réflexion, je ne saurais mieux conclure sinon en ajoutant que la lecture d’un tableau demeure une source inépuisable!
Enfin, je ne saurais mieux vous conseiller de lire aussi l'excellent ouvrage d' Ernst Gombrich avec " l'histoire de l'Art ". Une étude dépouillée et complète qui est la référence pour aborder l'Art à travers l'histoire de notre temps.
« Modifié: 18 octobre 2015 à 19:52:06 par Zacharielle »

 


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