Il existe plusieurs manières d’envisager des voyages dans le temps.
Lorsque le voyage est orienté vers le passé, nous en distinguons deux.
Lorsque nous modifions le passé, il existe deux possibilités d’envisager cette modification.
La première consiste à créer deux espaces-temps qui se poursuivront parallèlement. Ainsi par exemple, si je retournais dans le passé et mangeais la pomme qui est sur ma table, deux présents coexisteraient, l’un où la pomme aurait été mangée du fait de mon retour dans le passé, et l’autre qui, lui, n’aurait pas été affecté par mon retour dans le passé. Ce dédoublement est très pratique car il permet de rendre compte du présent qui a forcément dû exister à un moment donné, où cette pomme était sur ma table avant que je ne retourne dans mon passé. Seulement ce présent non modifié continue parallèlement, dans un autre espace-temps.
Mais voilà ce n’est pas le choix de J. K. Rowling dans son excellent troisième tome d’Harry Potter. Elle choisit de garder un espace-temps unique. Nul dédoublement. Du coup le premier temps, qui n’aurait pas été modifié par le voyage temporel, n’existe pas. C’est la raison pour laquelle Harry Potter reçoit pas exemple une petite pierre sur la tête, lancée par l’Hermione du futur.
Cette hypothèse géniale, bouleverse complètement notre rapport au temps. En toute logique il devrait exister, au moins une fois, un temps premier où Harry Potter et Hermione ne sont pas encore retournés dans le passé. Puisqu’il faut bien qu’ils soient arrivés une première fois au moment où ils choisissent de retourner dans la passé.
En réalité, puisqu’il n’y a qu’un seul temp, même la première fois qu’ils retournent dans le passé, ils y sont déjà retournés.
C’est une sorte de boucle temporelle. Il n’y a plus de premier présent non modifié par le retour dans le temps.
Ce qui veut dire que si je retournais dans le passé manger ma pomme : la pomme aurait déjà disparu devant moi dans le présent. Avant que je n’entreprenne mon voyage dans le passé, je connaîtrais les effets de ce voyage dans le présent.
Il se produirait dans un tel monde, des événements tout à fait inexplicables, qui dépendraient de causes à venir, qui se seraient pourtant déjà produites.
C’est la raison pour laquelle Harry Potter dit à Hermione qu’au moment où il a lancé son Patronus il savait qu’il pouvait le faire parce qu’il l’avait déjà fait.
Situation vraiment paradoxale, car quand cela avait-il été déjà fait ? La première fois qu’il revient dans le passé, il s’est déjà vu revenir. Même s’il s’était d’abord pris pour son père, lorsqu’il s’aperçoit que c’est lui-même qu’il avait vu et non son père, il sait qu’il peut lancer son Patronus, parce qu’il l’a déjà fait.
Mais nous redemandons quand l’a-t-il donc fait pour la première fois ? Au moment où il le refait.
Et que vont devoir faire l'Harry Potter et l’Hermione du passé que sauvent l’Hermione et l’Harry Potter du futur ? À chaque fois, nous pourrions penser qu'ils vont devoir retourner dans le passé et accomplir à nouveau ce qui s’est déjà produit dans le passé.
Et si dans l’une de ces boucles temporelles, ce qui statistiquement, peut se produire, Harry Potter ratait sont sort ou si Hermione ne pensait pas à imiter le loup Garou, alors Harry Potter mourrait instantanément.
Voilà donc une boucle temporelle qui semble devoir éternellement se rejouer.
Mais cette hypothèse ne semble pas être celle de J. K. Rowling.
Une fois retournés au moment de leur départ, Harry Potter et Hermione voient leur double s’évanouir.
Que signifie cette évaporation ?
Que la boucle est bouclée ?
Mystère. Mais il semble que dès ce moment le temps soit solidement réunifié et que Harry soit à l’abri d’une possible modification dans cette boucle temporelle, qui n’est donc pas restée ouverte.
Ce qui signifie qu’il n’y a non pas une infinité de retour dans le passé, mais un seul.
Ce qui crée un merveilleux hapax, un a priori temporel, le premier Patronus d’Harry qui a précédé tout Patronus possible. Un Patronus impossible, en dehors du temps et qui l’a guidé.
Ce coup de baguette magique est assez merveilleux, lui qui ne fut, au sens propre, lancé par personne.