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« Tout ça c'est à cause du naufrage des fluides.
À cause de quoi ? »
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Bourdonnement.
Le naufrage des fluides.
Le naufrade des fluides.
Le naurage des fluide.
Le narage ds fuide.
L nrage s fid.
L nrg f.
Bourdonnement.
Le naufrage des fluides. Le naufrage des fluides. Le naufrage des fluides. Le naufrage des fluides.Le naufrage des fluides.Le naufrage des fluides.Le naufrage des fluides.Le naufrage des fluides.
Bourdonnement.
Lèvre supérieure.
Papillons de cils.
Bourdonnement.
Paralysie. Paralysie. Paralysie. Paralysie. Paralysie. Paralysie. Paralysie. Paralysie.
Bourdonnement.
Lèvre supérieure : se soulève.
Nuque raidie : rotation quatre-vingt-dix degrés à droite ; rotation quatre-vingt-dix degrés à gauche.
Mal au cou.
Spasmes ; spasmes ; spasmes ; spasmes.
Lèvre supérieure : le froid sur les gencives. Le froid dans les dents. L'échine du dos : se soulève.
Spasmes ; spasmes ; spasmes ; spasmes.
Les yeux les yeux les yeux les yeux, les yeux qui roule et tournent et se retourne et vont et vient : paupières closes. Agitation.
Tête inclinée : quarante cinq degrés.
Lèvre inférieur : pend. La bave coule.
Bourdonnement.
Des clavicules au dos au cou au coudes au bassin aux genoux aux talons : agitation, spasmes violents. Violents. Violents. Violents.
Cling, cling, cling. Le bruit du corps contre la table en métal.
Le corps le corps le corps.
Rétine.
Pupille dilatée.
Mon corps.
La voix, la voix, la voix. Deux voix.
Celle-là, laquelle ?
Sujet conscient : roulement des yeux.
Rien autour rien.
Le naufrage des fluides.
Accélération du pouls.
Le naufrage des fluides.
Ha ha.
Le naufrage des fluides !
Démence renouvelée. Fréquence des crises : quarante quatre minutes. Sommeil paradoxal : absent.
HA HA HA HA HA
LE NAUFRAGE DES FLUIDES.
Somnifère n°573 : administré.
HAHAHAHAHAH
HAHAHA
Le
Naufrage
DES FLUIDES !
Hahahaha.
Haha...
Le naufrage...
Période sans récupération corporelle : dix huit jours treize heures cinquante quatre minutes.
Dépression : active, phase descendante.
Les fluides...
Putain non les fluides...
Pas les fluides.
Le naufrage, pas le naufrage
NOOOOOOOOOON !
Échec somnifère n°573.
Bourdonnement.
Cling cling cling cling
CLING
cling
NON NON NON non
cLIng clingCLING cLINg
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« Tout ça c'est à cause du naufrage des fluides.
À cause de quoi ? »
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Du naufrage des fluides. Hein ? Oui le naufrage des fluides. Les fluides, leurs réaction, leurs origines, leur mécanique... Comment ? Non ce n'est pas ça. Le naufrage des fluides. Ils échouent. Ils naviguent ? Non, non. Ce n'est pas ça. Ils échouent, donc ils naviguent ? Non, non plus. Pourtant ils échouent ? Non ils naufragent. On ne naufrage pas, rien ne naufrage ; on est ou on n'est pas. On ne naufrage pas on le fait : on est car on fait on n'est pas car on ne fait pas. Qui fait naufrage, mais qui ? Non, ce n'est pas ça. Pourtant il y a naufrage, mais de qui ? Non, non. Mais pourquoi ? Non plus. Non, d'abord comment Les fluides font naufrage. Non non non NON ! Ils ne font pas naufrage : c'est le naufrage des fluides. Ils sont naufrage ils sont naufrage c'est eux qui sont le naufrage ils ne le font pas.
Je pleure, putain je pleure, putain non, je pleure, putain de naufrage des fluides, mais comment le naufrage... Mais les fluides ? Mais non, non je ne veux plus le naufrage des fluides, je ne veux plus. Je ne peux plus... Arrêtez...
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« Tout ça c'est à cause du naufrage des fluides.
À cause de quoi ? »
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Ils sont vingt, trente, cinquante dans la rame. Je ne les vois plus vraiment. Il sont beaucoup, ils sont sur les sièges, assit, sur le sol, assit (?), près des portes, debout, accrochés aux poignées aux barres. Ils sont les respirations – je ne les entends pas mais leur buée que je ne vois pas non plus est là, je le sais elle est là, elle est là je la sens dense et poisseuse et elle est là devant leurs habits, elle est là la respiration elle attrape la mienne elle l'attrape et l'extirpe de mon corps, elle la force, je le sais, elle la force je la sens qui s'extirpe de moi. Je la retiens mais à un moment elle est plus forte – elle est dense, si dense – elle me l'arrache, elle m'arrache au monde. Je ne veux pas, pitié je ne veux pas. Ressaisis-toi, putain. Ressaisis-toi. Ils y a des couleurs : le métal brille du métro, il brille et ses joints sont bleu indigo, ça brille tout ça ; par la fenêtre les buildings se découpent par leurs lumières oranges. Oui ça brille tout ça. Dans la rame ils sont une centaine, je crois maintenant qu'ils le sont tant leurs corps moites me pressent – ils n'y peuvent rien ce sont les corps, ce ne sont pas eux, ce sont les corps et la respiration qui prend de la place : ils ne la voient pas c'est terrible ils ne la voient ils ne savent pas que c'est elle qui prend toute la place et les pousse contre les bords de la rame, pas eux, pas les corps, la respiration grossi tout. Les corps se gonflent et se dégonflent ; tout est faux, tout est plastique. Ils sont plus d'une centaine dans la rame et j'étouffe. Les yeux sont humides, les yeux à tous, ils regardent ; ils me paraissent éteints. Tout est faux, le brouillard de la respiration mais dans les yeux il y a quelque chose qui transpire – pas les larmes, les sueurs sont miennes, non ce n'est pas ça, non non non, je ne veux pas savoir, non non non, c'est trop ne regarde pas les yeux. Ne regarde pas les yeux, ressaisis-toi, ne regarde pas les yeux.
Les couleurs, il y a trop de couleurs, ils sont tous habillés en couleurs, il y a tant de couleurs, comment ça se fait que l'on voit tant de couleurs. J'ai la réponse, mon dieu non j'ai la réponse. Ce sont les yeux. Mais mon dieu qu'est ce que je raconte, il faut que je sorte ; pourquoi ces couleurs sont si fortes. J'aimerai que tout le monde prie pour que ces rails s’effondrent.
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« Tout ça c'est à cause du naufrage des fluides.
À cause de quoi ? »
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Je rentre chez moi. Le métro. L'habitude. Les gens. Plein, toujours trop. Dix neuf heures ? C'est normal. Toujours plein à la sortie du bureau ; ils vont je ne sais où. Chacun leurs raisons : ils ressemblent à des statues molles.
Que je fume Une clope. Encore quatre stations et enfin une clope. C'était trop. J'ai l'habitude pourtant, non vraiment, j'ai l'habitude. Mais là... c'était trop. Ouaip de la putain de nicotine, voilà ce qu'il me faut. Je suis sensé arrêter, enfin me calmer : je fume moins, ça c'est vrai et c'est déjà ça. C'est pas encore ça mais c'est déjà ça. Non là il m'en faut une.
Peut être même une autre en rentrant, ouaip, peut être même une autre après manger.
Non là c'était trop. Cette discussion. C'était la combien ? Je ne sais plus. Je l'ai déjà eu ? Attends. C'était la première fois qu'on en parlait ? Non, bah non, non pas possible. Non, non, c'était la seconde, ou troisième, au moins. Putain je suis claqué. C'était trop, j'étais déjà claqué ce matin. Non c'est cette discussion : en fin de journée, une discussion comme ça – en fin de journée je veux dire, tout le monde est un peu fatigué en fin de journée – ça retournerait tout le monde. Et j'ai l'habitude pourtant. J'avais bien dormi en plus la veille mais là... Juste un clope et je vais me coucher. Y'a des fois comme ça où faut faire comme d'habitude, se coucher et ne pas trop y penser. Mais là ça m'a mis mal, je te jure, ça m'a mis mal. Ah mais mal mal mal mal. Non vraiment ça m'a mis mal, je sais pas pourquoi mais là encore, ça me mets mal. Cette discussion là, j'y pense pas et c'est là pourtant, ça me mets mal – non, c'est fini – ça m'a mis mal.
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« Tout ça c'est à cause du naufrage des fluides.
À cause de quoi ? »
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Cendrier en verre. Les reflets qui se réverbère sur l'armoire en verre d'où s'empoussière les verres en cristal. Ils font beaux. Je ne reçois personne - je baise de temps en temps – dans le noir, je ne cherche plus à impressionner personne pourtant la déco était là pour ça. Un mobile rouge en plastique ou en fer – je ne sais plus, un cadeau – pendouille au dessus de la table en verre et fer forgée verte. Ça luit tout ça. Il y a une télé mais sans son. L'écran bleu semble figé – quelques glitchs grisâtres et violets y bougent par spasmes.
La fumée seule vient ternir un peu tout ce qui brille. Je ferai mieux d'éteindre la lumière ; j'ai la chemise ouverte je ne suis pas encore prêt à me coucher, et puis je fume. Quelques bruits lointains de voitures ; la fenêtre est ouverte, on aperçoit les sommets de quelques buildings. J'ai mal au crâne.
Toutes les copies des dossiers sont éparpillées, éventrées sur la table, en face de moi. Toutes éventrées et moi je me prends la tête et de la cendre tombe sur les papiers - le cendrier en verre est plein.
Je ne comprends pas. Décidément non, je n'arrive pas comprendre cette affaire. Deux mois que j'imbrique, tord, monte et démonte tous les éléments, à la recherche du moindre petit indice, et rien. Rien ne me vient ; je crois comprendre mais je m'éloigne un peu ; c'est là à portée de main, comme si il fallait que je change ma vision de voir, mais c'est inaccessible à ma compréhension ou du moins, à la compréhension d'une quelconque résolution vraisemblable et cohérente à notre monde. Tiens voilà la preuve, je me surmène avec cette histoire, ce que je raconte commence à ne plus vouloir rien dire. Je n'avance pas sur cette affaire, je ferai mieux d’aller dormir. Ce n'est pas en me défonçant les poumons que je vais réussir. Et puis je devais arrêter de fumer de toute façon – demain promis.
Demain Antonio m'a dit qu'il me raconterai. Il m'a dit qu'il avait une piste – un vague interrogatoire avec un dealer notoire qui lui aurait donné une piste intéressante. Enfin il m'a dit qu'il avait la solution grâce à ça mais vu la source, vu la complexité de l'affaire, une piste ça sera déjà pas mal. Il s'enflamme, on n'a rien eu sous la dent depuis longtemps. Moi, je ne trouve rie. Je ferai mieux d'éteindre la lumière – et m'endormir comme d'habitude habillé sur ce maudit canapé en cuir puant la clope, tant pis mon vieux, tant pis...
Demain je lui demanderai tout sourire – pour répondre à son enthousiasme : « Alors mon petit Antonio, à ton avis toute cette vague de crise de démence, c'est à cause de quoi ? »