Bonjour,
j'aime les textes mi-longs. On s'y trouve à l'aise, il y a de la place.
Un texte étrange peut-être bien. Pas trop content de la fin.
Prévenir aussi que les personnages féminins y ont une place... bon, des strapontins pas très confortables.
En deux paquets :
Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.
[spoiler]
Dixième écrit« T’es curieux comme une femme qui aurait perdu sa cerise avec le saint esprit, si ça se trouve quelqu’un te l’a bouffée et tu retrouveras que le noyau ! »Totem
C’est une maladie. Vouloir voir ce qu’il y a ailleurs !
Je me suis posé le cul sur ma pelle et je me suis pensé au-dedans de ma tête. Qu’est-ce que je vais bien y foutre de l’autre côté ? Là, dans le monde, j’ai ce que je veux, à manger, à baiser et pas de corvée… même un gars pas trop con pour faire la conversation et pas d’ennemi.
Le Totem m’a dit un jour :
— Heureux l’homme qui connaît ses amis et ses ennemis.
On était déjà bien allumé au jaja, j’y ai rien répondu que j’ai rigolé sans pouvoir m’arrêter, puis rendu tripes et boyaux.
Çà me dit pas ce que je vais faire de l’autre côté. Je suis resté le cul sur ma pelle pendant un bon moment, j’ai haussé les épaules et puis Haricot - on dit l’Haricot pas parce qu’il est grand mais parce qu’il est vert - est passé me voir. Il a reluqué le tas de terre et de caillasses que j’avais amassé, il a reluqué ma figure toute pleine de poussière, puis il a dit :
— T’en es où ?
J’y ai répondu que je descendais un escalier. Il m’a reluqué encore, puis il a souri, il m’a tendu la main et on est rentré tous les deux dans le tunnel. Maintenant, il creuse et moi j’écris.
Onzième écrit« Y en a tellement qui sont passés par là que ça me fait tout drôle quand y’en a pas. »La Grimpe
L’escalier, il arrive sur un tunnel, je rigole pas. Le tunnel, il a été facile à dégager, il file tout droit, il débouche sur un autre escalier qui monte et qu’on dégage.
J’aimerai pas que ça soit une histoire où on dégage des tunnels dans des tunnels et ainsi de suite.
Maintenant y’a d’autres gars qui nous ont rejoints.
Comment qu’est le monde qui est de l’autre côté ?
Les zailés viennent plus. Ça fait une éternité qui viennent plus. Par contre, est tombée du ciel une centaine de bestioles. Le totem a dit que c’était des grenouilles. On en a bouffé quelques-unes, mais c’est pas bon. Y’a pas à dire, j’aime que le lapin.
Que les zailés viennent plus, ça fait tout drôle.
Je revois leurs grandes ailes grises, comme taillées dans le brouillard.
Je revois leurs yeux bleus énormes et vides.
Ils ressemblaient en tout point à des hommes… sauf que s’en était pas.
Où c’est qui sont ? Qui c’est qui les a tués ?
On remonte les marches une par une, mais c’est dur, de ce côté la terre est presque comme de la pierre.
Hier le brouillard s’est allumé comme si les lumières que les autres appellent les étoiles – ils sont cons tout de même – s’étaient agrandies brutalement. Patouche a encore gueulé à s’en pisser dessus. Le Totem dit qu’elle est sensible du rayonnement cosmique. Je crois que cette fois, il est trop vieux et qu’il radote.
Haricot a trouvé un objet dans la terre du tunnel. Il nous l’a montré et Totem l’a autorisé à le garder autour du cou.
Douzième écrit« Parfois quand je pense, je me demande pourquoi. »Totem
Bon dieu !
On va sortir du trou et atteindre l’autre côté. Les lapins montent presque tout droit. Je me demande si quand on sera sorti, je continuerai à écrire. Peut-être que je serai mort ! Brûlé ou disparu comme le Mariole… ou bien que j’arriverai dans un monde tellement beau que j’écrirai plus tellement que je serai heureux.
Bon je file… il s’agirait pas qu’ils sortent de l’autre côté sans que je sois devant.
Treizième écrit« Si le Jaja a un goût de pisse au réveil, rendors-toi ! Il sera meilleur demain. »Totem
Voilà.
Quand on est sorti, c’était pareil. Tout entourés par le brouillard comme dans une nuit blanche.
Y’avait de la terre et de l’herbe avec des lapins qui folâtraient partout.
Mais, y’avait quelque chose d’autre, un silence parfait.
Les silhouettes des gars qui sortaient un par un du trou se voyaient à peine, plus grands que nature et flous dans leur silence.
Ils se rangeaient immobiles.
Un moment j’ai eu peur qui leur poussent des ailes et qui s’envolent.
Mais, ils sont pas partis.
Y’en a un qui a dit :
— Bon ! Qu’est ce qu’on fait ?
C’est alors qu’a tinté le bric-à-brac de Totem qui sortait à son tour et que j’ai vu plus loin de nous des formes sombres naître de la brume. C’est pas qu’elles avançaient, c’est qu’on les voyait maintenant, par une sorte de tassement du brouillard.
C’était des pierres mais étrangement formées, un tas de pierres curieusement fait car pas naturel. J’ai compris plus tard qu’elles avaient été taillées par la main de l’homme, peut-être pas par la main, mais par un outil qui aurait tenu dans la main de l’homme il y a longtemps.
Nous sommes restés comme des zailés, les yeux perdus devant nous qu’on aurait dit qui seraient tombés de nos orbites pour rouler cahin-caha au milieu des pierres, puis une voix a rompu le silence et a rompu le charme sous lequel on était tenu par la même occasion.
— Crédieu Totem, est-ce que t’a amené du jaja ?
Là, le vieux a eu plus de vitesse dans la cervelle que moi, il a dit :
— Oh, le Mariole ! On est donc chez les morts ou bien c’est toi qui es revenu ?
— Rien de ça ! Mais venez donc, je vais vous expliquer…
Sous les pierres, il y avait comme une sorte de grotte aménagée du tonnerre de dieu. Des peaux de lapin cousues ensemble pour calfater les fissures et faire une couche moelleuse, des petits meubles en bois vert, table, tabouret… et le Mariole là dedans, se prélassant au milieu de cinq pas moins, de cinq femmes !
Je l’ai regardé dans les yeux et je lui ai dit :
— Là ! Faut que tu nous racontes tout net.
D’abord il nous a offert des fruits qu’on n’avait jamais vus (nous, on a que des cerises) et il nous a fait boire un peu de quelque chose qu’il fabriquait ici. Ensuite, il s’est carré dans ses coussins et il a ouvert sa trappe pour un bon moment. Je vous raconte pas tout, j’en fais un résumé de mémoire.
En gros, il avait traversé la route, prenant pied dans le brouillard comme dans de la neige, il avait failli crevé plusieurs fois (là, il a bien insisté pour bien montrer qu’il était brave et gaillard), puis il avait perdu le compte du temps et il s’était retrouvé couché par terre, sur un terre-plein, mais pas celui des pierres tombées, un autre. Il dit que sur celui-là, il y avait que du sable et au milieu du sable, comme dans un foutu désert, des squelettes d’homme à demi enfouis, couchés de tout leur long. Il y est pas resté longtemps, il s’était foutu le camp vitesse grand V, a retraversé le brouillard comme une mer figée (là encore, il a insisté).De nouveau, l’histoire du temps, de nouveau le cirage, de nouveau le réveil, mais cette fois-ci, il était attaché sur un arbre, autour de lui il y avait des zigotos avec des os dans les naseaux et vêtus de restes de costumes noirs trop grands pour eux. Il y est resté un bout de temps, attaché à son arbre et un jour, il a compris d’où qu’ils tiraient leur os de naseaux et leurs fripes. Un vol de zailés s’est posé sur ce terre-plein et ni une ni deux, les zigotos te les ont assommés à tour de bras, aucun respect, et puis une fois bien assommés, ils les ont faits griller sur une sorte de pierre ronde qui se trouve au centre de leur terre-plein, et ils les ont bouffés. Le Mariole a fini par se tirer, mais il a pas trop insisté sur comment qu‘il a fait. Ensuite, il s’est retrouvé sur le terre-plein des pierres tombées avec sa caverne et sa tribu de bonnes-femmes et là, on a tous compris pourquoi qu’il avait pas foutu le camp.
Les copains étaient heureux de retrouver le Mariole et heureux d’avoir réalisé un tunnel qui débouchait sur une tribu de bonnes femmes et par sur une bande de cannibales. À voir les cernes aux yeux du Mariole, on comprenait bien qu’il avait besoin de renfort. Mais moi, j’étais comme qui dirait un peu amer… j’étais pas clair dans ma pensée. L’enfilade de terres-pleins proposée par le Mariole me contentait pas. Je crois que c’était au niveau métaphysique que ça m’allait pas (ça, c’est un mot du Totem.), bien sûr j’ai pas rechigné quand une des blondes est venue me tirer sur la moustache, mais même pendant que j’y grimpais sur le ventre, l’histoire des terres-pleins me tournait dans la tête et sitôt la besogne faite je m’en suis retourné voir le Totem.
Il avait dessiné le plan des deux terres-pleins au tunnel sur une pierre plate en plaçant les pierres tombées et les jardins aussi fidèlement que possible. Je me suis assis sur mes talons en regardant son plan, puis je lui ai pris sa craie et j’ai ajouté deux ronds à proximité
— C’est peut être comme ça qu’ils sont les deux autres. J’ai dit.
Il a effacé mon dessin puis il a remis les ronds d’une autre façon.
— Ou comme ça ! Qu’il a répondu.
— Ouais, mais si le Mariole a quitté chez nous comme ça, puis qu’il a traversé ici pour tomber sur le désert et ensuite ici pour tomber chez les bouffeurs de zailés, puis encore comme ça pour tomber chez les blondes, il aurait dû repasser par chez nous.
— Tu peux y combiner de toutes les façons. C’est impossible. S’il a traversé trois routes, il peut pas arriver sur le terre-plein qui est à côté de nous à moins que…
On est resté silencieux un bon moment, puis on s’est quitté avec un signe de la main qui disait qu’on allait revenir plus tard après y avoir pensé un moment.
Plus tard on s’est revu et on avait trouvé une solution, une histoire de parallèles, que le mariole aurait marchait sur une parallèle et que nous on aurait marché sur ou plutôt sous une perpendiculaire, ce qui donnait un truc tordu, vu qu’on était pas non plus très sûr de notre vocabulaire.
Ce qui nous posait aussi problème, c’était la matière du « ça » qu’il y avait entre les terres-pleins, une matière opaque et forte, capable de mettre le Mariole hors de sa tête pendant ses traversées. On s’est dit qu’il y avait une solution par rapport à notre dessin, c’est qu’il y ait un gars qui se fasse la traversée de nouveau et si on le lançait correctement, il arriverait chez nous. Ça, personne a voulu le faire, le Totem et moi, on était hors compétition étant donné que fallait qu’on suive l’expérience chacun de son côté. On a pensé à l’Amnésique mais éthiquement, c’était pas possible donc, c’est tombé à l’eau.
Alors, nous avons rassemblé tout le monde, on a décidé de le faire dans le terre-plein des pierres tombées, même Patouche a traversé et la Grimpe a regardé les blondes du Mariole droit dans les yeux. On a ramassé tout le monde pour faire une discussion religieuse sur le monde, le tunnel, le « ça » entre les mondes, les zailés, les hors de la tête du Mariole, le brouillard et ça a donné un truc comme :
—Ouais, c’est bizarre !
—On pourrait dire que c’était quelque chose qu’on comprenait pas.
—Y aurait des tas de mondes perdus dans le brouillard.
—Faut pas se casser, y a des lapins et des filles !
—Les zailés c’est que des bons dieux d’oiseaux qui ont rien plus dans le crâne que l’Amnésique…
—Si on creusait tout plein de tunnels, on ferait quoi ?
En gros, pas grand chose du côté de la religion.
Quatorzième et dernier écritL’Écritoire ! Est ce que je suis encore l’Écritoire car maintenant, je sais.
Je m’étais installé avec Totem sur la plus haute des pierres tombées, une sorte de table jaune à peu près horizontale, on regardait le brouillard du ciel, le brouillard de la nuit émettant une pale phosphorescence verte quand soudain, il s’est ouvert, une sorte de puits parfaitement rond à la verticale au dessus de nous qui le traversait à la manière d’un tunnel, oui, une sorte de tunnel. Nous avons vu ce que nous ne voyions que rarement jusqu’alors, un ciel piqueté d’étoiles. Puis, ils sont venus, deux zailés en costume noir, ils se sont posés sur la pierre, chacun d’eux m’a pris un bras, puis ils ont décollé, dans le puits de nuit. Totem m’a suivi des yeux en me criant une poignée de mots, mais curieusement sa voix ne me parvenait pas comme un cri mais mélodieuse et grave, posée, comme lorsque nous devisions autour du feu :
—Dis-y bien qu’on est en bas et qu’on s’emmerde !
Puis, le brouillard s’est refermé sur lui avant qu’il ne devienne aussi minuscule qu’une fourmi.
Les zailés m’ont porté ainsi pendant un temps assez long, nous volions dans une mer moutonneuse, un océan de nuages animé de vagues mouvements, des respirations lentes ou de tourbillonnements soudains, puis j’ai vu vers l’horizon une éminence grise qui, alors que le jour se levait, s’élevait à son tour . Cette hauteur, que je crus d’abord naturelle, était en fait une construction cyclopéenne vers laquelle convergeaient d’autres zailés. C’était une tour percée de milliers d’ouvertures rondes, prolongées de balcons sans rambarde, desquels les zailés se jetaient dans le vide. Je les voyais distinctement s’approcher tranquillement dans leur costume noir, ils contemplaient le vide et s’y jetaient, une fraction de seconde plus tard, leurs ailes de brume jaillissaient de leur dos et ils volaient.
Mes deux porteurs prirent pied sur un des balcons, leurs ailes disparurent, ils restèrent immobiles, les yeux dans le vague comme à leur habitude. J’essayais de leur parler sans plus de réponse que les autres fois, alors je haussais les épaules et entrais dans la tour. L’ouverture était très grande, dix hommes auraient pu s’y engager de front et pareillement en hauteur, elle donnait sur un couloir de même taille qui traversait l’épaisseur de la tour, j’y entrais. J’en voyais distinctement l’extrémité parce qu’elle brillait d’une intense lumière, mais je ne m’attendais pas à ce que j’allais y découvrir. J’étais stupide alors, inculte et occupé uniquement à mes seules sensations. Lorsque j’arrivais au bout, j’entrais de plein pied dans la révélation.
Les premiers mètres je ne ressentis rien, puis mon dos commença à me démanger, alors qu’un étrange calme remplaçait la futilité et l’excitation dans mon esprit. Mes pas ralentirent, mes mains trouvèrent lentement les poches d’un immense manteau noir. J’arrivais sur un balcon ouvert sur un ciel embrasé par un coucher de soleil couleur or. Je me laissais tomber dans le vide, un instant saoulé par la chute, puis soutenu par mes ailes je m’appuyais sur l’air et je pensais, je pensais à des lieux étranges, je pensais à dieu, je pensais à des êtres solitaires perdus dans des îles au milieu du brouillard. J’étais bon et sage, aussi léger que la brume, aussi doux qu’un nuage. Mon esprit, mon regard se perdaient dans la griserie du vol ainsi que dans la pensée, le mariage du plaisir violent et de la conscience d’être à sa place. Je concevais des mondes et je les visitais, je flottais, me gorgeais de plaisir et de rêve, puis je venais me poser sur mon balcon pour vider mon sac d’images, comme une abeille, comme une abeille en costume noir ramenant dans ses peignes sa cargaison d’imaginaire.
C’est ce que je suis,
le papier, la plume, l’esprit et les personnages.
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