Avec pas mal de retard.
Du retard par rapport à la date ou le défi a été lancé, et du retard aussi pour ceux à qui j'ai dit avant hier : "je posterai mon texte demain".
Quoi qu'il en soit, c'est fait. Je ne sais pas si c'est bien fait, c'est à vous de le dire, ça... Personnellement, plus je relis, et plus je trouve maladroit. Corrigez ce que vous voulez.
Petit rappel : je réponds à la demande suivante :
El_Chico, je te défie d'écrire un texte de SF
C'est parti donc...
Rien qu'un petit rhume
Ce matin, la maison montre quelques signes de fatigue. Oh ce n'est pas grand chose. La lumière de la salle de bain tarde un peu à s'allumer lorsque j'entre pour me raser. Elle est un peu blafarde aussi. Un tabouret me permet d'atteindre le globe accroché au plafond mais rien ne semble mal fonctionner par ici. L'ampoule est bien vissée ; lorsque je la retire elle ne présente aucune anomalie visible. Finalement, je remets tout en place et consens à finir de me réveiller dans le froid de cette lumière blanche et fragile. Lorsque j'arrive dans la cuisine, mon petit déjeuner est servi comme à l'habitude ; la lumière est claire. Je m'assieds à ma place et commence à manger lorsque mon assistant d'intérieur entre dans la pièce :
« Bonjour Monsieur. Monsieur a-t-il convenablement dormi ? Son déjeuner est-il préparé à sa convenance ?
– Très bien Bérenger. Merci pour le petit-déjeuner, vous avez vraiment un don pour le chocolat.
– Vous m'obligez, Monsieur. J'ai retiré votre courier. Permettez-moi de conserver les factures, voici pour le reste.
– Merci mon ami. Dites-moi, pourrez-vous me chercher les coordonnées de l'entreprise de maintenance de la maison s'il vous plait ? Il me faudra appeler ce soir, j'ai l'impression que la salle de bain est en train de tomber malade.
– Certainement Monsieur.
– Oh, vous me ferez également penser à télécharger vos mises à jour. »
Je trouve un peu trop formel le comportement de Bérenger, mais les concepteurs n'avaient pas prévu plus de familiarité pour ces premiers modèles. Je préférerais un assistant plus convivial et plus proche, mais Bérenger fonctionne très bien et je n'ai aucun besoin de le remplacer. Tant que la comput
aid maintient son logiciel à jour il me convient parfaitement. Je lui laisse le soin de débarrasser la table, prends mes affaires et me mets en route.
« Tu me conduiras au lycée s'il te plait, Sabrina. »
Sabrina, c'est ma voiture. Elle n'est plus de toute jeunesse, mais on s'entend bien tous les deux. J'aime assez voyager en sa compagnie. À force, on se connaît très bien l'un et l'autre et c'est à chaque fois un moment plaisant. Ne plus avoir à conduire est vraiment un avantage considérable.
« Bien dormi ?
– Très bien, merci. Et toi ?
– Combien de fois devrai-je te répéter qu'une voiture ne dort pas ? Tu humanises trop ta voiture.
– C'est tout de même plus sympa !
– D'une façon générale, tu humanise tout à outrance. Je me suis laissée prendre à ce jeu mais ça te causera des désagréments. Bientôt il faudra bien me remplacer.
– Mais non voyons, ne dis pas des choses pareilles, Sabrina.
– Bérenger, au moins, garde une distance raisonnable.
– Il est trop froid.
– Tu as préparé ton interrogation ?
– Oui. J'espère simplement que le sujet ne sera pas trop dur pour les élèves. Ni trop facile.
– Il sera très bien j'en suis sûre.
– C'est l'anniversaire de Léa aujourd'hui.
– J'espérais bien que tu t'en souvienne sans que je te le dise.
– Tu sais ce que je pourrais lui offrir ?
– Pendant tes cours, j'irai au garage m'occuper de la révision. Je sens que mes bougies n'allument plus. Je te retrouve à midi. »
Ce qui est sûr, c'est qu'on s'entend bien avec Sabrina. Nous avons encore discuté un peu, puis je l'ai quittée au lycée.
La journée s'est passée sans difficulté. Un peu longue peut-être. Deux ou trois exercices pour tirer les étudiants hors de cet état comateux qu'ils ont le vendredi matin, puis interrogation trimestrielle. En quelques secondes, j'ai passé le sujet que j'avais préparé du disque Pico vers le poste enseignant, et chaque étudiant l'a téléchargé sur une Station Informatique de Formation et de Travail Individuel. Ils travaillent sur ordinateur, et de la Sifti, c'est immédiatement transféré sur mon ordinateur, et je peux récupérer tout ça chez moi. À midi, je les ai libérés. Enfin j'ai libéré ceux qui ne s'étaient pas échappés avant. On verra les résultats. En général, je laisse passer deux jours entre le devoir et le moment de commencer les corrections. De quoi l'oublier un peu pour l'aborder avec un œil nouveau.
Habituellement, à la fin de mes cours, je rentre à la maison, je lis ou j'écris, j'aide un peu Bérenger pour l'entretien de la maison, je range quelques affaires. Léa finit sa journée de travail plus tard que moi en général. Elle n'arrive que vers six ou sept heures. Aujourd'hui, j'ai modifié mon programme pour aller baguenauder dans un TeraCentre. C'est une sorte de ville organisée autour de magasins. On y trouve des hôtels, restaurants, piscines, parcs de loisirs, centres de soins. En général, c'est un peu à l'écart des villes. On ne peut plus appeler ça la campagne car il n'existe plus vraiment de campagne. Le paysage s'est petit à petit recouvert de quartiers industriels et résidentiels à forte densité. Et un jour, le corps de fusion d'une centrale électrique de thermo-production a fondu. On dit que près de la moitié de la population mondiale a peri dans l'accident, je pense que ça s'approche plutôt des trois quarts. Pour les autorités, tout est toujours sans conséquences. Ça, ça n'a pas changé. Les nuages de pollution semblent toujours s'arrêter aux frontières, et on a donné à la fuite du cœur le doux nom d'Événement. Les survivants se sont enfouis dans des refuges profondément enterrés et, il y a une dizaine d'années, nous avons pu ressortir au grand jour. Tout n'est plus que friches et ruines. Nous avons commencé à reconstruire notre Terre mais il y a encore un grand travail à accomplir, et pour l'instant, c'est encore assez sinistre. Donc, ça et là, au milieu des ruines s'élèvent des villes au luxe jamais égalé et des Tera. C'est dans l'un d'eux que j'erre en ce moment, à la recherche du cadeau idéal, et laissez-moi vous dire que je déteste cette atmosphère. On a l'impression que tout est lyophilisé, stérilisé. C'est impersonnel et froid. Les murs, couverts de panneaux lumineux, tentent de se camoufler en un magnifique paysage paisible. Aussi vraisemblable soit-il ça n'en n'est pas moins un leurre, et je ne peux pas trouver de repos dans un tel endroit, sachant qu'à la sortie du Tera, je ne verrai plus que des décombres à perte de vue.
À l'opposée de l'entrée principale du Tera, dans une zone peu fréquentée, je connais un petit magasin atypique. Le propriétaire engage tous ses efforts dans la restauration du Monde d'Avant. C'est maintenant le seul magasin où l'on peut encore trouver des crayons de papier et quelques feuilles. Aujourd'hui, mes déambulations sont interrompues devant un petit objet brun et poussiéreux.
« Qu'est cela Mademoiselle s'il vous plaît ?
– C'est un livre Monsieur. Un objet très rare, nous n'en avons récupérés que peu du Monde d'Avant. Ça raconte une histoire. Elle est imprimée sur des feuilles de papier, elles-mêmes brochés et voilà, on appelait ça un livre.
– Merci, je sais ce qu'est un livre, je vous demandais quel livre c'était.
– Oh, je vois que vous êtes connaisseur.
– Je suis né au XXe siècle, Mademoiselle... De quel livre s'agit-il s'il vous plait ? »
Je n'avais pas le temps, et certainement pas l'envie de m'attarder ici ni maintenant sur ma jeunesse, aussi je m'empressai de calmer sa curiosité que j'avai éveillée et reposais ma question avec insistance.
« Je crois qu'il s'agit là d'un texte d'un certain Rousteau, ou Rostond je ne sais plus. Voyons ça. Ah voilà, Rostand. Par contre le prénom s'est un peu effacé.
– Ne cherchez pas, c'est Edmond. Donnez moi votre prix. »
En y réfléchissant, ce n'était pas si cher que ça pour un survivant du Monde d'Avant. Trois mille sept cent cinquante écus. Pour vous donner une idée, je crois que c'est l'équivalent de soixante-dix euros mais il n'y a pas vraiment de taux de change pour passer de l'écu aux monnaies d'avant. Nous avons adopté cette monnaie universelle à la suite de l'Événement et personne n'avait su par quel miracle les différents gouvernements avaient réussi à s'accorder pour une devise unique, ni à quelles conditions. Du jour au lendemain, on a tout effacé, dollars, euros, livres, et on a tout remplacé. Alors je me suis fabriqué une sorte de taux de change par rapport à ce dont j'ai le souvenir d'avant, mais je ne sais pas ce qu'il vaut. Toujours est-il qu'une édition de Cyrano de Bergerac illustrée de gravures, à notre époque, j'aurais été d'accord d'y mettre jusque cinq mille écus. La pièce préférée de Léa. Sans plus attendre, je quittais la vendeuse pour rejoindre Sabrina.
Ce soir, nous recevons mes parents et mon frère. Le gâteau est dans le four, il commence à dégager une douce odeur d'amande et d'orange. Pendant ce temps, j'aide Béranger pour dresser le couvert. Nous faisons ça calmement, au son des nocturnes de Chopin que les murs rayonnent discrètement. J'entends tantôt la voix de Bérenger :
« Monsieur, vous êtes rentré tard ce soir, aussi je sais bien qu'il ne sert plus de vous en parler, mais il vous faudra appeler l'entreprise de maintenance de la maison. Je peux, si vous le souhaiter, vous le rappeler demain, ou alors me permettrez-vous de m'en occuper ? »
Il a raison, je n'ai pas appelé, et lorsque je vais à la salle de bain pour me recoiffer, la lumière ne semble pas fonctionner mieux.
J'entends le chuintement qui caractérise l'ouverture du sas d'entrée de l'appartement ; je retrouve Léa dans le salon.
« Bonjour. Comment était ta journée ?
– Pas franchement passionnante. Je l'ai passée au téléphone à essayer de débloquer des fonds pour la réhabilitation du muséum d'histoire naturelle. Les gens n'ont que faire de souvenirs de notre époque. Tu sais, j'ai peur que tout ceci s'éteigne avec nous. Enfin c'est la vie. Et toi ?
– Oh moi je n'ai pas fait grand chose, ce sont surtout les élèves qui ont travaillé.
– Zut, ce matin je n'ai pas eu le temps de dire à Bérenger de racheter du Côtes des Nuées. Tu t'en es souvenu toi ?
– Ah non désolé. Et bien je vais aller voir Dragoş lui demander s'il peut nous en avancer une ou deux bouteilles.
– Au fait ! On n'a plus de Badoit non plus... »
Dragoş habite juste de l'autre côté de la rue. Il me faut moins de trois minutes pour mettre une veste, descendre l'escalier, sortir, traverser la rue et sonner chez lui. Il n'en a pas fallu plus pour être violemment projeté contre la porte de son appartement.
Lorsque je reprends conscience, tout semble s'agiter autour de moi. J'ai quelques difficultés à respirer, et un sifflement aigu m'encombre en permanence les oreilles. Je tente d'ouvrir les yeux mais tout, dans un premier temps, reste trouble. Enfin mes yeux se réhabituent à la lumière et scrutent aux alentours. À vrai dire, je ne voit pas grand chose. Je suis attaché serré quelque part, je ne peux même pas bouger la tête. Mes yeux balayent de gauche à droite et de haut en bas à la recherche de tout ce qu'ils pourraient voir mais la seule chose qui ne puisse être perçue est cette fine poussière qui charge l'air.
« N'essayez pas de bouger monsieur. Gardez les yeux fermés, reposez-vous.
– Que s'est-il passé ?
– Vous avez été soufflé par l'explosion d'un appartement. Nous allons vous conduire au complexe très rapidement. Il nous faut avant sécuriser l'endroit, mais nous ne tarderons pas. En attendant, reposez-vous. Buvez ça. »
La première chose qui me marque l'esprit, c'est cette douce odeur de jasmin. Elle est apaisante. Lorsque j'ouvre les yeux, je découvre des murs blancs, propres. La lumière est chaude et réconfortante. Un homme en blouse me rejoint dans la pièce.
«Ah vous êtes réveillé ! Vous n'avez rien de bien grave. Quelques égratignures seulement. Nous vous garderons quelques jours parmi nous et sitôt que l'office du logement aura trouvé un nouvel appartement, vous pourrez nous quitter.
– Et Léa ? Où est-elle ? Pourquoi n'est-elle pas ici ? Comment va-t-elle ? Un nouvel appartement ?
– Calmez-vous monsieur. Vous êtes encore très fatigué par l'accident.
– C'est ma maison qui a explosé ? Dites moi où est Léa ? Et mes parents ? Sait-on pourquoi tout à sauté ?
– Il semblerait qu'un court-circuit électrique ait provoqué une surcharge qui serait à l'origine de l'explosion. Mais je ne fais que vous retransmettre ce que j'ai vaguement compris lorsque les inspecteurs me l'ont rapporté. Autrement, vos parents vont bien, il sont arrivés juste après l'accident et vous ont veillé ces trois jours durant. Je leur ai conseillé de rentrer se reposer eux aussi. Tenez, buvez ça.
– Trois jours. Léa, vous n'avez pas... »
Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi. Dans un sanglot, les yeux humides, je laisse échapper le prénom de ma compagne, comme pour rester avec elle.
« Léa...
– Tu ne m'en veux pas si je ne me lève pas tout de suite ? »
J'avais l'impression de n'avoir plus entendu cette voix pendant de longues années, l'entendre maintenant était une délivrance. Je ne savais plus s'il me fallait être heureux, s'il me fallait pleurer, s'il me fallait la serrer dans mes bras, s'il me fallait ignorer ce rêve que je venais de faire. Avec un tremblement d'émotion dans la voix, je me contentais de lui dire que je ne lui en voudrai pas et que j'allais me raser.
Ce matin, la maison montre quelques signes de fatigue. La lumière de la salle de bain tarde un peu à s'allumer lorsque j'entre. Elle est un peu blafarde aussi.
« Bérenger, je dois vous confier une mission de la plus haute importance. Il vous faudrait appeler l'entreprise de maintenance de la maison ; insistez pour qu'ils viennent dans l'après-midi. »