Complainte
Peu me chaut de devenir que l’ombre de moi-même,
Pourvu que l’on ne m’éloigne pas de ceux que j’aime.
Voilà dit ce que je redoute quand je serai vieux,
Pour l’instant, je veille et je fais de mon mieux.
Louangent celui qui a vraiment réussi sa vie,
Faire pareil, j’avoue de grande est mon envie
Puisque je ne rechigne pas de travailler jour et nuit,
Pourquoi tairais-je que, seul, je me suis construit.
Pourtant, actant le compte de mes rencontres passées,
J’ai l’amer sentiment de ne pas en avoir connu assez.
Reste que si vertueuses n’avaient pas été mes jeunes années,
Qui m’aurait dit qu’à aimer les dieux m’avaient condamné ?
Où se cachaient les je t’aime qui, malgré-moi, refusaient de sortir ?
Et qui, tous, espéraient rejoindre mes tendres et beaux souvenirs.
Alors, pour jouir de ce bel aveu et ce doux privilège,
J’observe pour ne pas tomber dans ce funeste piège.
Bien qu’heureux puisque protégé par des déités,
Cela ne m’empêche pas de garder ma dignité.
Quand je quitte ma jolie résidence pour raisons familiales,
Je me rends dans une sorte de Sibérie où le froid est glacial,
Réveiller, chaque mâtin, par le chant du coq de mon voisin,
Je ne dis rien parce que cette bestiole est celle de mon cousin.
Si une chose est et demeure parce que le monde le conçoit,
Elle n’est pas, pour autant, ce que je voudrais qu’elle soit.
Ouvrant grand mon cœur pour séduire une fille,
J’avoue volontiers négliger ma nombreuse famille.
Lorsque j’ai la chance de recevoir mon amie d’enfance °
À force de la dévorer des yeux j’ai peur qu’elle s’offense.
Les joliettes honorées par mille caresses dans le cou,
Ne peuvent pas ignorer que je les aime beaucoup.
Aussi, est-ce bien utile de révéler ce que tout le monde sait ?
Car, mondialement, connue est la recette du comment on fait.