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Auteur Sujet: Deux trois O [NuitMde]  (Lu 3038 fois)

Hors ligne Miromensil

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Deux trois O [NuitMde]
« le: 03 février 2019 à 03:29:25 »
Défi tic tac nuit du MDE 2-3 février 2019



Monsieur U veut vraiment, avec toute la force de son âme, rentrer dans le tiroir de cette commode. Qu’il est possible avec la meilleure volonté du monde de se recroqueviller d’une façon telle qu’il formerait un parallélépipède rectangle compact, organes compris. Le menton enfoncé dans la poitrine, il respirerait son propre air renfermé. De ses poches s’exhaleraient les odeurs des rayons d’un supermarché maintes fois arpentés, celles capturées par sa hotte de cuisine, des poignées de mains non désirées et autres gestes en suspend désamorcés. Monsieur U se tient face à cette commode qui ressemblerait presque à un sas d’entrée vers un ailleurs dont la condition d’accès serait la capacité à s’envelopper dans soi-même, supporter son vécu pour traverser et… voir ce qui arrive ensuite.

Il songe un instant à ce qu’il y perd. Le violet d’une ville dont les murs se parent d’une impression de fin du monde savamment orchestrée et rythmée par les allées et venues des passants. Des airs de déjà vu, partout, où qu’il aille ; sur tous les visages, avoir la conviction de pouvoir lire d’où la personne vient, pourquoi elle est là, ce qu’elle compte faire ; que la notion de surprise est enrubannée de quotidien pré-établi et qu’en le déballant, rien de nouveau d’adviendra. Il y a un gouffre à côté de chaque chaussure, sous chaque main laissée en l’air ; un gouffre inéluctable qui gobe les couleurs et re-vomit les « je suis » sous forme de bouillie délétère. Une brume se lève alors et s’encanaille de toutes les nuques pour y planter des épines d’illusions d’une voie de traverse possible. C’est là où Monsieur U est arrivé : il sait que rien de nouveau ne peut venir habiller ni sa peau ni ses muqueuses, alors pourquoi ne pas se faire autopsier par une commode.

Avec des manières de sarcophage il lisse les plis de ses habits, avant de se figer une dernière fois et de se plier en origami le plus propre possible dans le tiroir. Le meuble l’avale goulument. Le dehors de l’attend plus — quitte par être engouffré par un cul de sac, autant que ce soit chez lui. Une fois ainsi emballé dans ses propres certitudes, il ne respire plus que lui, toute conscience des autres disparait, et peu à peu il se convainc que la vie en général se résume à son air. Des lignes pointillées le quadrillent de part en part et le délimitent : un coloriage millimétré arpente toute sa surface et dessine sur sa personne des rectangles au périmètre variable. Les rectangles reflètent des bouts de son existence ; des vitres le parsèment. Monsieur U est un homme-immeuble ; et dans cet entre-univers par lequel on accède, en fin de course, depuis chez soi par un meuble, il se revoit. Les fenêtres ou les flaques donnent sur des morceaux de lui. Les morceaux, ensemble, engendrent une tour tarabiscotées :

« Je reviendrai dans quelques jours, quand tu seras moins fâché »

Une oasis d’objets achetés les uns à la suite des autres. Une pièce douillette où s’entassent en adoptant les silhouettes de statues informes des livres, des vases, de la décoration. Il s’y est vautré.

Une autre flaque montre un catalogue de photos comprenant tous les visages des passants qu’il a trouvés beaux sans jamais leur avoir parlé.

Un bruit, aussi, celui de talons entendus à l’étage.

Un inventaire de poignées. De mains, de portes.

L’herbier de plantes chevelues représentant toutes ses coiffures au cours du temps.

Et caetera.

Le quadrillage arbore un être-tour à la toiture parfois nauséabonde parfois tissée de dentelles. Une vue sur un escalier montre à quel point celui-ci tourne sur lui-même. Des balcons de mélodie présentent des orfèvrerie de notes musique insoupçonnées. Tout le passé de Monsieur U est désassemblé puis rendu à l’état de puzzle. Il faudrait sans doute le savoir faire d’une tierce personne pour remettre les pièces dans le bon ordre pour étaler au gout du jour à quel point sa vie était rangée. Mais les vêtements pliés à la va vite et les armoires pleines d’ustensiles sont autant de portes vers un sas à l’éloignement des murs indéfini. On s’y voit bâtiment, et chaque élément de la façade et des étages intérieurs illustre un pan de la vie d’avant.

Je suis mon propre vitrail et la lumière de mes couleurs organiques révèle ce que j’emprunte de vivant aux cathédrales.

Mes côtes en ogives surplombent les hères perdus en mes entrailles ; mes bras les ont accueillis et maintenant je sais que dans mon présent sculptural s’amasse une foule d’envies hétéroclites.

On me souffle que je suis un courant d’air qui a eu la prétention de s’élever pour se couvrir de tuiles.


Sur le dallage de flaques ou de vitres qui renvoient à des rectangles de la vie de Monsieur U se promène un renard bleu. Sa peau aqueuse diffracte toutes les images — une peau d’eau, un ru pour surface. Il renifle les coins, hume l’air ; ça sent le quelqu’un, il arpente le monde d’un homme, et il se sent chez lui. Le renard d’eau se joue des visions architecturales de l’univers de U et glapit de joie dans les surfaces délimitées par le pourtour des pièces de puzzle. Il n’en change pas l’emplacement, il heureuse d’être là. Une patte dans une fenêtre, un coussinet mouillé sur un oeil-de-boeuf, le museau au ras des briques. Il n’y entre jamais tout à fait ; il erre entre deux eaux.

C’est une faune et une flore qui grandissent à l’aune d’un esprit en briques
Sous un angle impromptu, laper des panoramas qui se reflètent les uns dans les autres
La doctrine des ampoules cassées ombrage même que les hommes-bâtiments ouvrent les uns sur les autres
Mais on bute souvent sur des impasses
Et le bestiaire imaginé par Monsieur ou tout autre se mélange rarement à celui de quelqu’un d’autre
Tous ces arc-en-ciels de quidams
Aux paupières closes, aux mains tremblantes mais au for intérieur peuplé de chimères végétales qui s’enroulent autour de leurs jambes de crépi et de pierres

Un cou cheminée mène à un visage de fumée
Qui les lèvres entrouvertes fume sa mer bric à brac de traviole
Ses mains s’effritent sous le va et vient d’animaux de passage
Je et tu sont des rues qui se jouxtent et s’ignorent
Une robe de chambre en marelle
Où se rejoue le théâtre de mondes à la respiration suspendue
Des gens puzzles
Aux pièces sans dessus dessous

(Et à l’esprit bien repassé
Dans un coin de tiroir
En attente d’être déplié)

Hors ligne extasy

  • Palimpseste Astral
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Re : Deux trois O [NuitMde]
« Réponse #1 le: 05 février 2019 à 02:41:06 »
Salut !

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Monsieur U veut vraiment, avec toute la force de son âme, rentrer dans le tiroir de cette commode
Ouille

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que la notion de surprise est enrubannée de quotidien pré-établi et qu’en le déballant, rien de nouveau d’adviendra
j'aime bien mais je trouve que l'idée n'est pas complètement formée (rien de nouveau n'adviendra c'est un peu faible non ?)

Citer
C’est une faune et une flore qui grandissent à l’aune d’un esprit en briques

Ça aussi j’aime bien ^^

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Tous ces arc-en-ciels de quidams
C'est joli

Très intéressant le passage du renard.

C'est chouette que t'aies participé parce que maintenant je veux aller lire tes autres textes.

Citer
Et le bestiaire imaginé par Monsieur ou tout autre se mélange rarement à celui de quelqu’un d’autre
Je trouve que ça explique bien pourquoi malgré ma haute captivation je me suis contenté d'un petit relevé, je m'en serais jamais sorti si j'avais pas été bref u.u

Ils sont chouettes ces tictacs ^^
« Modifié: 05 février 2019 à 02:44:51 par extasy »

Hors ligne Alan Tréard

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Re : Deux trois O [NuitMde]
« Réponse #2 le: 25 février 2019 à 16:32:51 »
Un texte passionnant. Je trouve le commentaire d'extasy très généreux, et comme extasy j'ai adoré le passage du renard.

D'ailleurs ça me donne envie de me replonger dans les romans de Renard, ce petit gredin ne manque pas de ruses...
Mon carnet de bord avec un projet de fantasy.

Hors ligne Miromensil

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Re : Deux trois O [NuitMde]
« Réponse #3 le: 02 mars 2019 à 14:35:41 »
Hello exta !

Citer
que la notion de surprise est enrubannée de quotidien pré-établi et qu’en le déballant, rien de nouveau d’adviendra
j'aime bien mais je trouve que l'idée n'est pas complètement formée (rien de nouveau n'adviendra c'est un peu faible non ?)

Neuf, peut-être ? En vrai il faudrait que je prenne la peine de relire correctement ce texte.

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C'est chouette que t'aies participé parce que maintenant je veux aller lire tes autres textes.
Cool ! Ils sont plus ou moins cryptiques selon les cas - celui-là l'est pas mal il me semble. Et toi, tu postes bientôt un texte ? :)

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Et le bestiaire imaginé par Monsieur ou tout autre se mélange rarement à celui de quelqu’un d’autre
Je trouve que ça explique bien pourquoi malgré ma haute captivation je me suis contenté d'un petit relevé, je m'en serais jamais sorti si j'avais pas été bref u.u
Hahaha, pourquoi, parce que la phrase est cheloue ? Du moins pointée comme tu l’as fait, je la trouve branlante :mrgreen :

Merci pour ta lecture et ton commentaire ^^

Hors ligne extasy

  • Palimpseste Astral
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Re : Deux trois O [NuitMde]
« Réponse #4 le: 03 avril 2019 à 21:17:01 »
Un mois plus tard  :-¬?
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Hahaha, pourquoi, parce que la phrase est cheloue ? Du moins pointée comme tu l’as fait, je la trouve branlante :mrgreen : 
Pas du tout lol, genre que je me suis laissé entraîner dans le jeu des concordances entre ton bestiaire présenté ici et le mien, et que ça m'avait séduit, mais que comme tu l'as pointé c'est pas évident de mélanger les euh bestiaires, et euh, quelque chose comme ça. Pas étonnant que t'aies pas compris  :mrgreen:

(et je comprends pas pourquoi tes mrgreen ne fonctionnent pas :\?)

 


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