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Auteur Sujet: Nous (Evgueni Zamiatine)  (Lu 960 fois)

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Nous (Evgueni Zamiatine)
« le: 20 août 2023 à 17:21:46 »
J'ai finalement lu le livre reçu au dernier swap, envoyé par Aphone ! :D Il s'agit de Nous, d'Evgueni Zamiatine.


Citation de: Nous, Evgueni Zamiatine (traduction Hélène Henry, 2017)
Les mathématiques – dans ma vie déboussolée le seul îlot restant de solidité inébranlable – ont, elles aussi, largué les amarres, sont parties à la dérive en tourbillonnant. Alors, elle serait – cette “âme” ridicule – aussi réelle que ma Tenue ou que mes bottes – même si je ne les vois pas (elles sont dans l'armoire à glace) ? Et si les bottes n'ont rien d'une maladie, pourquoi l’“âme” en serait-elle une ?

Ce passage, comme beaucoup d'autres montre bien le style de Zamiatine (ou en tout cas de la traduction du russe qu'en a fait Hélène Henry en 2017), ces tirets qui fleurissent partout dans le récit du narrateur et puis le désarroi face à cette "âme" qui naît peu à peu.

Nous, c'est un roman écrit en 1920 par un partisan de la révolution russe de 1917, qui s'est plus tard exilé en 1931. Interdit dès 1923 en Russie et ce n'est que par un tortueux cheminement éditorial que le roman est parvenu en France. Il s'agit d'une dystopie, qu'Orwell l'a chroniqué en 1946, soit deux ans avant l'écriture de sa propre dystopie et la trame 1984 est assez proche de celle de Nous. On y ressent beaucoup d'orwellisme avant l'heure, mais j'avoue que ce n'est pas ce qui m'a le plus intéressé.

On suit D-503, constructeur de l’“Intégrale”, un vaisseau spatial qui a pour mission de ranger les civilisations extraterrestres sous la férule du “Bienfaiteur”. Dans une société assujettie au bonheur infaillible et obligatoire, le mathématicien tient un journal à la gloire de ce monde aseptisé et y consigne les débuts d’une insurrection qui va peu à peu tenter de le transformer.

Passé la surprise de voir ça écrit en 1920, ce qui m'a frappé c'est surtout la langue et le style de Zamiatine, ou au moins de la traduction. Sur ces points, Nous est bien plus frappant à mon sens que 1984 (ou que sa traduction française), que j'avais trouvé assez banalement écrit (mais c'était il y a plusieurs années). Le roman d'Orwell est sensiblement plus abouti sur le fond, mais il rate un peu le coche dans le dialogue avec la forme. Ici, Zamiatine ne se contente pas de décrire l'action. Comme l'écrit la traductrice dans son avant-propos, reprenant les mots du premier traducteur, "le langage dans lequel est écrit le roman, loin de reproduire l'ordonnancement des immeubles en verre, les fait voler en éclat."

Dans les mots du narrateur, on perçoit d'une part l'emprise du système : il y a ce qu'il faut penser, ce "nous" omniprésent, cette logique imperturbable et infaillible. Mais aussi, graduellement, c'est l'émotion et le trouble du narrateur qui prime, cette "âme" qui survient. Les descriptions sont chargées en images qui reviennent de nombreuses fois dans le roman (et je n'ai pas du tout trouvé cela lassant) : le verre omniprésent, le rose et le orange (du ciel, des billets, de O), la double courbure du S. Ces images et ces concepts très singuliers servent également à découper le roman, puisqu'en guise de chapitres, on a des "notes" numérotées de 1 à 39, chacune sous-titrée de deux ou trois concepts ou images, souvent assez importants dans la journée racontée dans la note. Ces sous-titres sont souvent très cryptiques, et s'éclaircissent à la lecture, si bien que j'ai souvent eu envie de les relire à posteriori.

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Alors évidemment, à la note n°33 lorsque l'on lit "(Sans intitulé. Écrit en hâte. Dernières lignes.)", on est assez extatique.

Les personnages et surtout la façon dont ils sont décrits sont également une grande force du roman. On pourrait penser le contraire, puisqu'ils n'ont d'autre nom qu'un Numéro : D-503, 0, 90, I-333, R-13, S, U, etc. Zamiatine ne fait jamais de description très précise, pourtant, pas de couleur des cheveux ou des yeux, de forme du nez. Au contraire, les personnages font en quelque sorte corps avec leur numéro (S en double courbures, O et sa bouche en rond) et ils sont incarnés par les lignes de leur visages, tantôt acérées ou plus douces et certaines expressions reviennent sans cesse (le X, la rangée de dents blanches, le triangle). C'est une façon de faire que je n'avais pas vraiment vu autre part, et j'ai trouvé ça puissant, cette façon de réussir à incarner les personnages sans trop d'efforts.

Enfin, il faut quand même citer les nombreuses métaphores mathématiques qui peuplent le texte, je ne sais pas si elles sont faciles à suivre si on n'aime pas ça, c'est sans doute dommage de passer à côté de la métaphore de √-1, qui commente le trouble du narrateur tout au long du récit...

Enfin voilà, je ne m'attendais pas à ça et ça m'a beaucoup plu !

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« Modifié: 20 août 2023 à 17:34:18 par ZagZag »
aucun : les artichauts n'ont aucun rapport avec le Père Noël. Ce ne sont pas des cadeaux et on ne peut pas faire de Père Noël en artichaut.

 


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