Ce texte est pour moi terminé. Je corrigerai les éventuelles coquilles, mais guère plus. Commentaires bienvenus si vous le lisez, mais ne passez pas trop de temps dessus.
Pis bon, l'a même pas de titre.« Dites moi Madame Lovegood, qu’est-ce qui vous attire dans la Jurisfiction ? »
J’avais du mal à me concentrer sur le CV et la lettre de motivation devant moi tant la candidate qui me faisait face détonnait dans l’espace si austère dans la grande bibliothèque. Sa robe violette et ses radis aux oreilles étaient totalement incongrues, même dans ce lieu qui avait pourtant vu passer son lot de personnages bigarrés, Cheshire, le chat qui y régnait, en étant le meilleur exemple.
« Je commence à bien connaitre Poudlard et j’aimerais battre contre autre chose que des mangemorts. Ils sont pas très créatifs, vous voyez. Et même la chasse au rouflak cornu m’ennuie. Du coup, je me disais que, pourquoi pas, combattre le crime dans les livres… »
Je soupirai. Bien entendu, j’avais entendu parler d’elle avant même de recevoir sa candidature et, à vrai dire, c’était la seule qui sortait du lot. Elle avait de l’expérience, était plus maline que la moyenne des personnages auxquels j’avais à faire et semblait savoir ce qu’elle voulait.
« Et est-ce que vous vous pensez capable de suivre des ordres et d’être disciplinée ? D’arriver à l’heure tous les jours pour faire le travail qu’on vous donnera ? »
Je la vis réfléchir un moment.
« Je pense que je peux le faire », elle dit finalement.
Je hochai la tête. Bien. Ça valait au moins le coup d’essayer.
« Soyez là demain à neuf heures. On verra bien ce que ça vaudra sur le terrain. »
Elle me sourit, se leva, puis après un « au-revoir » sortit guillerette de la pièce. Je n’étais pas des plus heureuses de me retrouver de nouveau avec une apprentie, mais puisqu’il le fallait, autant qu’elle vaille le coup. Avec un peu de chance, elle serait moins pire que mes deux précédentes.
*
* *
Le lendemain, juste après la réunion des titulaires où les tâches nous étaient réparties, Luna se présenta devant moi.
« Bien, au moins vous êtes à l’heure. Notre tâche du jour ne devrait pas être trop compliquée, mais il y a des enjeux. Notre destination n’est rien de moins que le
Seigneur des Anneaux. »
La jeune femme ne parut pas le moins du monde impressionnée. Je tentai de me rappeler comment j’avais moi-même réagi, à l’époque, alors que j’étais propulsée dans
Jane Eyre, sans succès.
« C’est quoi le problème ? » elle demanda, alors qu’on cheminait dans la grande bibliothèque à la recherche du livre qui convenait.
« Une grève. Et pas celle de petits personnages, non, on parle de Sam Gamegie, rien de moins. Un des plus importants, si ce n’est le plus important. Autant dire qu’on ne règlera pas le problème avec un coup de baguette.
— On verra, dit mon apprentie avec un sourire en coin. »
*
* *
L’arrivée dans les Terres du Milieu fut rude, et je manquai de glisser sur le sol rocailleux. Luna semblait avoir moins de problème que moi : debout bien droite, elle promenait son regard sur la terre dévastée qui nous entourait. Le Mordor. Je frissonnai : c’était aussi terrifiant en vrai que dans le livre.
« Par où on va ? »
Elle avait sorti sa baguette — au moins avait-elle perdu un peu de l’indifférence que je lui avais vue plus tôt ; elle comprenait les dangers auxquels nous pourrions avoir à faire face.
« Bonne questions ; nous sommes les premiers sur les lieux et en principe, il ne devrait pas avoir de lecture de si tôt. »
Je fis un tour sur moi-même afin d’essayer de me repérer, mais ma connaissance du livre était trop limitée. Soudain, je posai mes yeux sur Barad-Dûr et mon sang se glaçait. L’œil désincarné qui dominait la tour de Sauron me figea sur place : j’étais incapable du moindre mouvement pendant qu’il fouillait au fond de moi, cherchant la moindre trace de l’Anneau Unique.
« Expelliarmus ! »
Une petite détonation, et je me retrouvai sur les faces, récoltant quelques bleus au passage. J’étais libérée de l’emprise de l’œil.
« Merci, je dis à Luna, en faisant mon possible pour ne pas regarder vers la tour. Il ne t’attire pas, toi ? »
Elle haussa les épaules.
« J’ai survécu à Voldemort et à Ombrage, ce n’est pas pour me faire avoir par un quelconque seigneur du mal.
— Hum. Essaie de ne pas être trop téméraire, quand même. »
Tout ça ne nous avançait que peu quant au chemin à prendre pour trouver le porteur de l’anneau, et son compagnon gréviste au passage. Toujours assise par terre, je tentai de rassembler les informations dont je disposais :
« Je sais qu’ils sont déjà en Mordor, mais pas encore sur la montagne du destin. Donc ça doit être le moment où ils sont déguisés en orcs, ou pas loin. J’imagine donc que si on cherche dans le coin…
— Tes interventions sont toujours aussi bien préparée ? »
Je regardai ma stagiaire, étonnée. Elle me sourit.
« Ça n’était pas un reproche, je m’imaginais juste la jurisfiction comme un peu plus… carrée. Et ça m’effrayait un peu. »
Je soupirai. Elle n’avait pas tout à fait tort : le manque d’informations (ou de moyens) était récurrent et il n’était pas rare que l’on tombât dans la gueule du loup juste parce qu’on ne nous avait pas tout dit.
« Je crois qu’ils sont là/ »
Elle pointa sa baguette vers une petite butte où j’eus tout juste le temps de voir disparaitre deux ombres.
« Tu as raison, allons voir. »
Je me relevai péniblement, Mes articulations accusaient mon âge et j’enviais la tranquille sérénité des jeunes personnages comme Luna. Nous grimpâmes, elle baguette sortie et moi sans rien : mon effaceur avait quelque chose d’un peu trop définitif pour l’utiliser comme arme de sommation et on ne me pardonnerait pas d’effacer Sam Gamegie.
Nous fumes accueillies par des épées tirées.
« N’avancez pas où on vous embroche ! »
Un nouvel expelliarmus, et les deux lames volèrent. Je montrais mon badge.
« Jurisfiction. On n’est pas là pour vous faire du mal.
— Sauf si vous recommencez à nous en vouloir, ajouta Luna avec un petit sourire.
— On n’a rien fait de mal ! répliqua Sam Gamegie que je reconnus aisément. La colère n’avait pas quitté ses yeux, même si l’action rapide de Luna l’avait destabilisé. Frodon, lui, se taisait, légèrement en retrait.
— Ah ouais ? Pourtant vous êtes proches d’être en retard à la montagne du destin. Heureusement que personne ne vous lit, sinon je vous dit pas les problèmes. Alors, pourquoi cette grève ?
— Comment… comment vous savez ? »
Il se tourna vers Frodon, qui n’avait toujours rien dit.
« C’est toi c’est ça ? Tu m’as balancé à la jurisfiction, après tout ce que j’ai fait pour toi ?
— Arrête Sam. Tu sais bien qu’il faut qu’on avance. Tu connais les règles. »
C’était la première fois que le porteur de l’Anneau parlait et il avait l’air éreinté. Ce n’était probablement pas la première fois qu’ils avaient cette discussion. Je jetais un regard à Luna qui observait avec de grands yeux. Ça risquait d’être plus difficile que prévu. Pendant ce temps, la colère de Sam explosait une fois de plus.
« Les règles, les règles, tu n’as que ce mot à la bouche, et à peine plus de considération que ce qui est écrit. Jamais un mot sympa en dehors de l’histoire, alors que c’est pas les occasions qui manquent.
— Sam, venez avec moi, si vous voulez bien, allons parler un peu. »
Luna avait parlé doucement, sans hausser le ton, mais tous les regards s’étaient tournés vers elle. La jeune sorcière avait rangé sa baguette dans une poche de sa robe et n’avait qu’un petit sourire sur les lèvres. Cette fois, Sam ne râla pas. Aucune réplique cinglante ne lui vint, il hocha seulement la tête et suivit Luna à l’écart. Ils s’assirent face à face sur des effleurements de roche plus confortables que les autres et commencèrent à discuter. Même s’ils n’étaient pas bien loin, j’étais incapable de comprendre ce qui se disait. Je retournai mon attention vers Frodon.
« C’est si dur que ça, entre vous ? »
Il soupira et s’assit lui aussi,
« C’est d’être un coup neuf, un coup deux… Pis revoir tout le monde mourir, encore et encore. Et ce foutu anneau. Je l’ai en permanence, vous savez ? Même quand on n’est pas lu. J’essaie de le poser, mais j’y arrive jamais plus de cinq minutes. Et du coup, ça a des conséquences sur mon humeur, oui. Et je veux bien croire que je ne suis pas toujours des plus sympas avec Sam. Mais vous savez, plus de cinquante ans sans vacances… »
Je savais. À côté de ça, mes propres ennuis semblaient négligeables.
Le temps passa et nous n’échangions que quelques rares paroles, tournés vers Luna et Sam qui ne cessaient d’avoir des choses à se dire. Enfin, ils se levèrent et vinrent vers nous.
« C’est bon, dit Luna. L’histoire peut reprendre.
— Vraiment ? Frondon n’en croyait pas ses oreilles. Sam hocha la tête.
— Mais il y aura des conditions, précisa Luna. »
Je m’en doutais. La suite me surprit néanmoins.
« Ce n’est pas votre problème, je discuterai de tout ça avec la jurisfiction. Bonne chance. »
Aussitôt dit, aussitôt fait : elle me prit par la main et nous nous retrouvâmes dans la grande bibliothèque. Je poussai un soupir :
« C’est moi qui suis censé dire quand nous partons.
Luna haussa les épaules.
— Oui, mais là, ça n’était pas le moment.
— Et du coup, qu’est-ce que vous avez accepté au nom de la jurisfiction que je devrais assumer ?
— La création d’associations, le droit de se syndiquer et un suivi des troubles psycho-sociaux. Trois fois rien. »
Trois fois rien en effet. Restait à faire comprendre ça à mes supérieurs.
« Bien. Je vais voir ce que je peux faire. Merci. Et bonne soirée, à demain.
— Et du coup, pour mon rapport ?
— Il reste encore trois jours de tests, mais… j’hésitai, puis sourit finalement. Continuez comme ça. »
Elle disparut.