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Le Monde de L'Écriture » Salon littéraire » Salle de débats et réflexions sur l'écriture » Émotions ou pas ??

Auteur Sujet: Émotions ou pas ??  (Lu 6695 fois)

Hors ligne Alan Tréard

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Émotions ou pas ??
« le: 06 mars 2018 à 13:05:10 »
Bonjour les amis,

Toujours penché sur mes recherches sur l'écriture, je suis curieux de connaître votre avis sur un élément que j'ai bien du mal à analyser.

Je commence à me demander s'il n'y a pas quelque chose qui m'échappe, c'est une vraie catastrophe !! Pourtant, d'habitude, j'ai un self-control pas trop mauvais, mais là c'est du médiocre !

Le sujet pourtant paraît banal : en quoi de simples lettres les unes après les autres peuvent-elles susciter tant d'émotions !? Les auteurs sont-ils les grands sensibles du cosmos ?

Faut-il être émouvant ?

C'est vrai, ça ! On passerait ses jours et ses nuits à monter des piles de papelards en tout genre, et cela aurait un impact direct sur les passions ?

Faut-il considérer que l'émotion existe avant la lecture et se trouve stimulée par celle-ci ? Ou bien l'auteur va-t-il jusqu'à inventer des émotions de mots ? comme ça ? comme un boulanger fait du pain ?

L'émotion guide-t-elle l'écrivain telle une passion incessante ou bien l'écrivain contrôle-t-il l'émotion comme un faiseur de sensibilités ?

Est-ce que ce sont en fait les mots qui sont empreints d'émotions ? Est-ce que ce sont les émotions qui produisent des mots ? Ou est-ce une simple illusion, et toute émotion que semblerait stimuler un écrit n'est en fait qu'une insignifiante erreur ?

Aimons-nous les émotions ?

Doit-on vraiment prendre au sérieux les émotions ?
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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #1 le: 06 mars 2018 à 18:11:53 »
Un questionnement très intéressant.

Si je devais y rajouter une notion, ce serait probablement la subjectivité. Selon moi, ce ne sont pas tant les mots qui véhiculent de l’émotion, mais plutôt les concepts.

Une même phrase placée dans deux contextes différents suscitera une émotion différente chez le lecteur.

Mieux encore, une même phrase placée dans un même contexte suscitera une émotion différente en fonction du lecteur.

Alors non, l’auteur est loin d’avoir la maîtrise de l’émotion présente dans son texte. Il ne peut qu’en avoir une idée imprécise. Avec beaucoup d’empathie, il peut imaginer des tendances, guider ses paroles pour essayer de déclencher une certaine émotion… mais il n’est pas omniscient.

L’émotion se glisse le plus souvent malgré lui dans ses textes, et s’immisce dans l’esprit des lecteurs, prenant une forme influencée par leur vécu. Un texte en soi n’est qu’une suite de caractères vide de sens. Mais quand je le lis, c’est bel et bien mon esprit qui lui fait prendre vie.

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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #2 le: 06 mars 2018 à 18:22:02 »
Très intéressante, ta conception de l'écriture, un point m'a particulièrement parlé :

Alors non, l’auteur est loin d’avoir la maîtrise de l’émotion présente dans son texte. Il ne peut qu’en avoir une idée imprécise. Avec beaucoup d’empathie, il peut imaginer des tendances, guider ses paroles pour essayer de déclencher une certaine émotion… mais il n’est pas omniscient.
Souvent je cherche à faire une distinction entre l'absolu et l'universel.

Je m'explique, il y aurait des valeurs universelles, comme la guerre, ou l'amitié, des quelques choses qui, évoqués par les mots, ont un sens frappant, peut-être même émouvant.

L'absolu serait l'auteur qui ordonne au lecteur de penser de telle ou telle façon, comme pour le contraindre (comme un ordre donné) ; quand l'universel serait une émotion simplement évoquée.

L'émotion, cette chose qui semble incontrôlable, peut pourtant être la base d'un modèle (comme la peur ou le rire) ; cette émotion est toujours quelque chose d'aussi vaste et pourtant d'aussi actif. Je pense que les auteurs sont toutes & tous confrontés à cette question un jour ou l'autre, en tout cas, c'est ce qui m'apparaît instinctivement.
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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #3 le: 06 mars 2018 à 19:26:59 »
Petit hors-sujet : le terme "universel" me dérange un peu lorsqu'on parle de valeurs. A vrai dire je n'y crois pas trop, ça reviendrait à concevoir une forme de pensée unique commune à tous. Je pense que tout le monde n'est pas d'accord pour dire que la guerre c'est mal, et certaines personnes n'ont pas besoin d'amitié pour parvenir à vivre sereinement. Je pense que l'universalisme requiert avant tout la présence d'une morale unique et d'une société uniformisée, ce qui est loin d'être le cas. Peut-être pouvons nous imaginer une forme d'universalisme (à l'échelle humaine bien entendu) concernant nos besoins (physiologiques, d'appartenance...), mais là encore je trouve ça réducteur, car on oublie certaines nuances. Disons que je préfèrerais parler de tendances, mais bon c'est un détail et je me suis égaré :)

Bref, revenons-en à l'essentiel.

Si je comprends bien, l'absolu tel que tu le conçoit représenterait les attentes de l'auteur vis à vis de la réaction du lecteur ? Une sorte de base ou d'objectif fixé au moment de l'écriture ?

Je pense tout comme toi que l'émotion peut (et doit) se placer au cœur du processus créatif. C'est ce qui va nous permette d'orienter un texte dans une direction qui nous plait, ou bien de faire en sorte qu'il plaise au lecteur (toujours avec une certaine incertitude dans ce cas là).

Alors en effet, il est très intéressant de se poser la question de l'émotion. La réponse devrait se trouver dans l'empathie et l'ouverture au monde. Plus l'auteur arrivera à comprendre le fonctionnement de son lecteur, mieux il parviendra à jouer avec ses émotions.

Aimons-nous les émotions ?

Doit-on vraiment prendre au sérieux les émotions ?

Je dirai que nous aimons les émotions positives, et détestons les émotions négatives. Une réponse simple qui me semble assez logique.

Prendre au sérieux une émotion, ça peut aussi revenir à manquer de recul sur une situation. S'abandonner à ses sensations revient à oublier le pragmatisme et la logique qui définissent nos choix les plus rationnels. Mais avons-nous vraiment intérêt à garder les pieds sur terre tout au long de notre vie ?

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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #4 le: 06 mars 2018 à 22:45:44 »
Ah ! Tu as un don pour développer ton opinion, ma foi.

Ta comparaison entre universalité et uniformité me semble extrêmement réductrice, je dirais presque hasardeuse ; cependant tu offres un argumentaire intéressant qui m'a tout l'air d'être le prolongement de tes idées.

Je n'ai pas tendance à croire qu'il y ait un rapport univoque à l'émotion, ni dans un sens ni dans l'autre. Je ne suis même pas certain que nous ayons tous les mêmes rapports à l'émotion, c'est avant tout un sujet de différence, voire même de traitement qu'on a intérieurement. La personnalité ne contient-elle pas des émotions ? Cette même personnalité à laquelle on attache tant d'intérêt chez l'auteur...

J'ai connu certains auteurs qui avaient besoin de se plonger dans une relation profondément émotionnelle pour écrire, certains parlent même d'exutoire.

Difficile de considérer l'émotion comme un vulgaire outil, une chose médiocre pour alimenter la curiosité humaine, car celle-ci a tendance à se référer au sens, à l'intellect. L'émotion est intrinsèquement humaine, sa mécanisation me paraît incompatible à sa nature.

Questionner l'émotion, ce n'est pas l'expliquer.

J'avais pu me plonger à une époque dans l'empirisme de Hume qui montrait à la fois une grande considération pour la causalité, et en même temps en montrait ses limites. Je pense donc qu'aucun auteur ne pourrait lucidement monter un système de "telle émotion provoque naturellement ceci ; telle émotion provoque naturellement cela."

Je dirai que nous aimons les émotions positives, et détestons les émotions négatives. Une réponse simple qui me semble assez logique.

Tu comprendras, je l'espère, pourquoi je ne suis absolument pas d'accord avec toi là-dessus : je ne pense pas qu'une logique puisse être instaurée à partir des émotions, j'estime que c'est une folie, même (bien sûr, il s'agit ici de mon opinion).
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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #5 le: 06 mars 2018 à 23:29:05 »
Toutes mes excuses, cette généralisation était un peu précipitée.  Merci pour ta remarque, je vais tenter une correction :

Une valeur universelle est une valeur qui s'applique à tous.

Donc

Il n'y a pas de place pour la divergence concernant cette valeur.

Donc

L'uniformité de la population est nécessaire EN CE POINT pour garantir la présence de cette valeur universelle. Le rôle de l'uniformité dans la création d'une pensée unique reste à débattre bien entendu.

Mieux ? :)

Je tiens à préciser que même si j'ai tendance à avancer des hypothèses sous la forme de vérités générales, je suis loin d'être convaincu par ce que je dis. J'ai avant tout la volonté de poser des questions et d'offrir de quoi faire avancer nos réflexions. J'espère qu'il n'y a pas de mal (on dirait pas comme ça, mais sur le fond je suis complètement largué).

Tu comprendras, je l'espère, pourquoi je ne suis absolument pas d'accord avec toi là-dessus : je ne pense pas qu'une logique puisse être instaurée à partir des émotions, j'estime que c'est une folie, même (bien sûr, il s'agit ici de mon opinion).

Je suis intéressé par cette dernière phrase, et j'aurai une petite précision à te demander : selon toi, sommes-nous juste dans l'incapacité d'instaurer une logique à partir des émotions, ou est-il tout bonnement impossible de les rationaliser dans l'absolu ?

Autrement dit, crois-tu au hasard et à l'imprévisibilité absolue des émotions (ou d'un autre phénomène) ?

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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #6 le: 06 mars 2018 à 23:48:38 »
Je me permets de questionner tes préceptes ainsi :

Une valeur universelle est une valeur qui s'applique à tous.

Et

Il n'y a pas de place pour la divergence concernant cette valeur.

Donc

La divergence est une valeur universelle. (Tu estimes que la divergence ne s'applique pas à l'universalité, c'est un propos universel en soi.) (Que je vulgariserai ici par : "le désaccord est une valeur naturelle et inévitable".)

 :\? Je te laisse le soin de comprendre l'universalité de ce propos.

Enfin, revenons-en à l'émotion (qui est, après tout, le sujet de notre désaccord).

Je suis intéressé par cette dernière phrase, et j'aurai une petite précision à te demander : selon toi, sommes-nous juste dans l'incapacité d'instaurer une logique à partir des émotions, ou est-il tout bonnement impossible de les rationaliser dans l'absolu ?

Autrement dit, crois-tu au hasard et à l'imprévisibilité absolue des émotions (ou d'un autre phénomène) ?

La logique a été proposée pour des considérations philosophiques des idées ; je t'invite notamment à t'intéresser à Aristote qui est un grand enrichissement en la matière.

L'empirisme a été utilisé notamment sur des considérations matérielles et physiques (la science moderne).

Je n'estime pas que la logique ou l'empirisme puissent répondre aux problématiques des auteurs (pour des raisons pratiques). Il y a un manque indéniable, c'est mon opinion sur le sujet.

Je pense donc que nous devons nous rendre capables d'imaginer un autre moyen de considérer les émotions (élément essentiel d'une œuvre littéraire).

La Poétique d'Aristote ne répond pas vraiment à mes besoins, en tant qu'auteur.

D'où l'intitulé de ce sujet : je bute sur un obstacle, et je suis à la recherche d'opinions. (Cela fait partie de mon travail de recherches.)
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Re : Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #7 le: 07 mars 2018 à 11:00:02 »
La divergence est une valeur universelle. (Tu estimes que la divergence ne s'applique pas à l'universalité, c'est un propos universel en soi.) (Que je vulgariserai ici par : "le désaccord est une valeur naturelle et inévitable".)

Encore une fois, j’ai manqué de précision.

Il me semble que nous parlions initialement de valeurs morales. C’est à dire d’une capacité à observer le même phénomène en ayant la même réaction émotionnelle. La divergence est selon moi un concept (et non pas une valeur), qui, par sa présence éventuelle (et non pas universelle), nous empêche d’affirmer avec certitude qu’il existe des valeurs morales universelles.

Au sens large du terme, je pense en revanche qu’il existe des valeurs universelles (la distance entre deux objets à un instant T par exemple, constitue une valeur universelle selon moi, et ce indépendamment de notre perception).

Je te remercie pour tes remises en question qui m'aident vraiment à faire avancer mes réflexions.

Pour en revenir au sujet initial, je dois dire qu’il me laisse songeur...


Je pense donc que nous devons nous rendre capables d'imaginer un autre moyen de considérer les émotions (élément essentiel d'une œuvre littéraire).


A défaut d'avoir des réponses, j'ai encore une question à te poser :

Refuser de considérer les émotions avec l'aide de la logique ou de l'empirisme, n'est-ce pas abandonner toute maitrise de son récit ? Et si oui, vois-tu cela comme une démarche positive ?

Hors ligne Alan Tréard

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Re : Re : Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #8 le: 07 mars 2018 à 11:24:11 »
J’apprécie grandement ton aspiration au débat, letooouriste, c'est une chose à laquelle j'attache beaucoup d'importance.

Je ne reviendrai pas sur les notions d'universalité que tu proposes qui sont à la fois proches et éloignées des miennes, mais je ne doute absolument pas que nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de nouvelles discussions.

Je cite tes questions exactes pour faire un léger point dans l'avancée de mes recherches :

A défaut d'avoir des réponses, j'ai encore une question à te poser :

Refuser de considérer les émotions avec l'aide de la logique ou de l'empirisme, n'est-ce pas abandonner toute maitrise de son récit ? Et si oui, vois-tu cela comme une démarche positive ?

Tout d'abord, sache que de nombreuses auteures & auteurs ici expriment effectivement le souhait de ne pas avoir une maîtrise totale sur leur propre récit. Plusieurs ont souvent exprimé le plaisir de « sentir les personnages prendre vie », avoir la sensation que c'est le récit qui prend le dessus sur l'auteur (comme dans un mouvement passionné).

C'est une notion complexe, j'aurais bien du mal à la vulgariser pour le moment.

Cependant, je connais des poètes qui ont voulu prendre le dessus sur une émotion incontrôlable, comme pour reprendre le contrôle de celle-ci. Je t'invite notamment à t'intéresser à Dino Campana qui est un poète d'une magnifique profondeur, un poète romantique, et qui montre une aspiration très forte à mettre un sens à ses sentiments amoureux qui l'égarent ; un poète, donc, qui écrit sur les passions pour tenter d'en prendre le dessus.

Comme évoqué précédemment, la relation à l'émotion n'est pas mécanique, elle est tantôt rationnelle tantôt irrationnelle, parfois elle est volontaire, parfois elle est subie.

Parfois nos poètes travaillent sur une émotion complexe, terrifiante ou contemplative, incompréhensible ou bien excessive, et nos poètes aspirent à lui donner un caractère différent de ce qu'il était au début. La relation à l'émotion n'est pas innocente, elle est construite. On se prendrait presque à croire que certains poètes travaillent les émotions elles-mêmes !

C'est toute l'affaire de la littérature. Si tu aspires à trouver une valeur immuable à tout cet amas de sentiments, dis-toi que les auteurs travaillent sur la représentation des émotions, ils donnent forme à ce qui paraît ineffable.

Imagine-toi représenter ce que tu éprouves à la vue de ce paysage qui ne t'était jamais parvenu auparavant, tu entres dans l'ouvrage de la langue, tu apprends à mettre des mots sur tes ressentis.

Représenter une émotion par l'écrit, ce n'est pas rien !
« Modifié: 07 mars 2018 à 11:49:41 par Alan Tréard »
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Hors ligne avistodenas

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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #9 le: 07 mars 2018 à 12:08:56 »
Le problème, comme avec tout sujet philosophique, c'est que cela peut partir dans tous les sens et c'est très bien ainsi (richesse de la fonction mentale). Mais pour conserver un minimum de cohérence et de pertinence, il faut partir de bases solides.

Il me semble que l'on devrait commencer par définir ce qu'est une émotion (suspension faite pour le moment de son point d'application : l'écriture).

Le mot émotion vient du latin motio = mouvement, e = qui vient de, et cette étymologie indique très exactement le sens de ce mot. L'émotion est en effet un mouvement provoqué par une excitation extérieure. C'est ce qui la distingue de l'inclination qui est un mouvement provoqué par une tendance interne. Wiki. (C'est moi qui souligne).

Bien d'accord avec cette acception, mais je conteste la dernière phrase sur l'inclination qui est à supprimer pour le moment.

Je vais à présent donner ma propre définition en termes plus RATIONNELS :

Tout système psychique (y compris animal) perçoit à l'aide de divers capteurs (les sens), des stimuli du monde, du biotope environnant. Chaque stimulus est traduit par un mouvement dans le système nerveux (psychique, donc).
Cela, c'est l'émotion. Elle est issue de stimuli externes.

Mais l'être humain dans son évolution à partir de l'animal, s'est doté d'un système émotionnel secondaire (c'est à dire de deuxième génération), mais primordial pour lui : un système émotionnel induit.

C'est à dire que l'activité psychique humaine est devenue capable de produire ses propres stimuli internes, découlant de stimuli externes mais sans rapport avec eux. Par exemple, la  "représentation"  du beau temps est capable d'en induire une infinité d'autres : mauvais temps, plage, parapluie, vêtements chauds, légers....

Tout notre psychisme est totalement émotionnel et, plus important, l'activité de rationalisation ne tombe pas du ciel, elle découle elle aussi, du système émotionnel par l'émotion esthétique (on peut traiter de ce dernier point ailleurs pour ne pas embrouiller les choses).

Le cerveau humain est émotionnel, et rien d'autre. C'est lui même qui, à l'aide de son vécu, sa mémoire (laquelle est tout sauf un lieu de stockage), son ADN, son système hormonal, bref tout ce qui le constitue, produit ces stimuli de seconde génération.

Voilà pour une définition à peu près complète de l'émotion.

On peut alors poursuivre le questionnement sur "émotion et écriture", mais pour l'heure, on m'appelle à table. Désolé.

 ;D ;D

Hop ! J'oubliais toute la partie à consacrer aux émotions indécelables, inidentifiables, qui forment le continent émotionnel sous-jacent d'où émergent les émotions conscientes. Autrement dit le chapitre : conscience. On y reviendra peut-être.
« Modifié: 07 mars 2018 à 12:14:04 par avistodenas »

Nocte

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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #10 le: 07 mars 2018 à 12:38:11 »
en quoi de simples lettres les unes après les autres peuvent-elles susciter tant d'émotions !?
Tu devrai lire le papier de Keith Oatley, A taxonomy of the emotions of literary response and a theory of identification in fictional narrative, c'est très complet (et intéressant).

Hors ligne Alan Tréard

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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #11 le: 07 mars 2018 à 13:33:58 »
Merci pour toutes ces informations, les amis, j'étudierai cela avec intérêt.

Ta vision sur le sujet ne manquera pas de faire évoluer le débat, avistodenas, je n'en doute pas ; mais n'oublions pas que nous questionnons ici les représentations et non les vérités, toute considération de l'activité humaine ne manque pas d'opinions.

L'activité émotionnelle chez l'auteur, elle ressemble parfois à cette gigantesque matière qui n'a de cesse d'être exploitée.

La passion, on le sait, peut mener de gigantesques forces d'attraction, il existerait donc une émotion partagée. J'ai moi-même pu évoluer à l'intérieur de manifestations houleuses au cœur de la rue, je réalisais des enquêtes et publiais des articles à l'époque. Cette force passionnée a su me rappeler à quel point l'émotion est le centre du partage, celui qui fait battre le cœur des autres.

Naturellement une question se pose : l'auteur touche-t-il à cette émotion sociale ? Est-il au cœur d'un processus public ou commun d'une émotion qui serait notre lien à toutes & à tous ?

Si la réponse est « oui », la question qui se pose également serait : quel rôle l'auteur joue-t-il dans l'émotion publique ? Apporte-t-il une touche d'intimité à ces instants colorés qui ne cessent d'être partagés ?

Que dire ? C'est un sujet à débat ! Difficile aujourd'hui de donner une estimation exacte de l'impact de l'écriture dans la société. Beaucoup d'auteures & d'auteurs m'ont ici surpris ou ému par leur capacité à mettre des mots sur un espoir commun ou une tristesse éprouvée.

Je finis par me demander s'il ne s'agit pas là d'un sujet de l'intime... L'écriture est aussi un quelque chose que chacune & chacun éprouve à sa manière.
« Modifié: 07 mars 2018 à 13:50:03 par Alan Tréard »
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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #12 le: 07 mars 2018 à 13:57:57 »
Parfaitement d'accord. Je me suis juste permis d'insister sur les faits suivants.
 Ton titre : "Emotions ou pas", trouve sa réponse immédiate dans le fait qu'il n'y a rien, hors l'émotion. La pensée est une suite émotionnelle, et rien d'autre (même lorsqu'elle rationalise).
En second lieu, et c'est là tout le paradoxe, les penseurs ne savent à peu près rien de ce qui leur sert à penser. A fortiori lorsqu'il veulent penser l'émotion littéraire.
Nous sommes dans le même cas de figure que les hommes du passé s'interrogeant sur l'air qu'ils respirent sans rien savoir de cet air. Je comprends bien que tu aies hâte d'en arriver aux points qui t'intéressent à savoir : comment des lettres peuvent-elles susciter des émotions, et autres questionnements.
Le problème à mon avis est que l'on ne peut faire l'impasse sur les connaissances que les Sciences Cognitives mettent à notre disposition sans quoi on se condamne à tourner en rond, comme dans la plupart des forums philosophiques.
Non ?

Hors ligne Alan Tréard

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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #13 le: 07 mars 2018 à 14:28:02 »
 :D Mon cher avisto, c'est un réel plaisir de t'accueillir parmi nous.
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Re : Émotions ou pas ??
« Réponse #14 le: 07 mars 2018 à 17:28:18 »
Il serait fastidieux pour le lecteur de passer par toutes les définitions des sciences de la cognition, aussi vais-je tenter de répondre dans l'ordre de tes questions l'une après l'autre, quitte à opérer lorsqu'il le faut des digressions qui peuvent paraître hors sujet mais dont on a besoin pour voir clair en ce domaine à peu près infini....

(Je soulignerai simplement les mots qui demandent définition et on verra bien selon les besoins d'éclaircissements)

- En quoi de simples lettres les unes après les autres peuvent-elles susciter autant d'émotions ?
Les lettres les unes après les autres forment des mots, qui ont intégré notre fonction mentale par apprentissage. Ces mots (stimuli) ont intégré notre fonction mémoire (laquelle est tout sauf un lieu de stockage mais opère par reconstitution d'états émotionnels) dont nous tirons à la fois notre vocabulaire, les états émotionnels correspondants, et les représentations qui s'y rapportent. Vocable --- état émotionnel ---- représentation ---états émotionnels---représentations---etc....
Les mots (même isolés ou sortis de leur contexte), induisent donc dans le psychisme des états émotionnels "directs" (lesquels déclenchent la production de stimuli internes (auto-produits) sous la forme d'autres stimuli internes, et de façon exponentielle.
(A noter que le carburant de ces phénomènes auto-produits à l'infini est le manque donc la frustration).

Donc de simples mots induisent (par le manque) des états émotionnels multiples.

Deuxième question : l'émotion existe avant la lecture et se trouve-t-elle stimulée par celle-ci
Les-deux-mon-général, c'est un jeu de stimuli externes (mots) et internes (états émotionnels induits) par lesquels notre fonction mentale est à jamais sollicitée en permanence (y compris dans le sommeil et la fonction onirique).

Troisième question : L'auteur va-t-il jusqu'à inventer des émotions de mots?
Il le peut, en inventant des mots. Mais il lui suffit d'aligner des mots (et là, c'est son intuition qui les lui dicte à partir de son propre système émotionnel) en fonction du résultat qu'il veut obtenir.

Quatrième question : L'émotion guide-t-elle l'écrivain telle une passion incessante ou bien l'écrivain contrôle-t-il l'émotion comme un faiseur de sensibilités

Il "provoque" et "déclenche" la sensibilité d'autrui en usant (par intuition) des mots qui lui semblent appropriés. Le phénomène est encore plus puissant dans la musique car pour exercer son art, le musicien n'écoute plus que ses propres états mentaux sans savoir (se soucier) de ce qu'il va provoquer : c'est l'auditeur qui produit ses propres états mentaux puisque dès qu'il connaît l'air qu'il écoute, il devance ses propres émotions et les renforce.

Cinquième (s) question (s) :
Est-ce que ce sont en fait les mots qui sont empreints d'émotions ? Est-ce que ce sont les émotions qui produisent des mots ? Ou est-ce une simple illusion, et toute émotion que semblerait stimuler un écrit n'est en fait qu'une insignifiante erreur ?

Les mots déclenchent donc des états émotionnels. Les états émotionnels sont susceptibles de produire des mots. Illusion ...? Probable, si notre existence est illusion. Une émotion n'est pas une erreur, c'est un processus mental.

Dernière question :
Aimons-nous les émotions ?

Doit-on vraiment prendre au sérieux les émotions ?


Nous pouvons les aimer ou les détester selon ce qu'elles induisent en nous : plaisir, bonheur, dégoût ou même "je déteste montrer mes émotions..." mais ce qui est sûr, c'est qu'un être dénué d'émotions n'existe pas, serait-il autiste.
Pour ce qui est les prendre au sérieux... de toute façon, il n'y a qu'elles  :D :D
« Modifié: 07 mars 2018 à 17:36:07 par avistodenas »

 


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