3e commandement : aimer les moules.
Afin d'affiner ma définition de la baltringue, la vraie, il est impératif que vous saisissiez toute la finesse du personnage. Certes, notre instinct de survie nous pousse à agir de façon malhonnête, vicelarde et complètement lâche mais nous avons un don dont on vous a dépossédés. Les petites baltringues comme les plus grandes ne sont pas des individualistes. Au pire nous sommes des égoïstes. Au mieux, lucides. Mais jamais, au grand jamais, nous oublierons de vous jeter un de ces regards à vous foutre mal à l'aise. Le genre de regard authentique, qui en plus de vous voir, vous observe. Vous dissèque. On a conservé un sens de l'observation développé ce qui nous donne conscience de votre existence, vous, les petites gens discrètes. Et on vous aime bien en plus, croyez-le. Vous nous intriguez. Vous nous amusez voire même, nous fascinez. Parce que vous réussissez à faire une chose dont nous sommes incapables ; vous rentrez dans le moule qu'on a crée de toute pièce pour vous alors qu'il est raisonnablement impossible que vous soyez compatibles. Vous, et le moule.
Imaginez.
Un joli moule en forme de bite et vous, vous êtes une moule. Comme ça :
La moule qui a une forme ovale rentrerait éventuellement dans un moule arrondi. Vous comprenez? Un peu comme sur le système des poupées russes. Si les poupées russes s'emboîtent si bien c'est parce qu'elles ont toutes la même forme.
M'enfin.
Une moule pourrait donc entrer dans un moule en forme de moule. Mais pour ce qui est du moule «bite» c'est une autre histoire. Effectivement, la forme phallique allongée aurait du mal à accueillir une moule puisqu'elles n'ont pas la même structure spatiale. Jusqu'ici je pense que ce n'est pas trop difficile à suivre. Donc, tout l'enjeu est de réussir à vous faire entrer, pauvre petite moule inoffensive, dans un moule vulgaire et effrayant en forme de pénis. Vous constaterez rapidement qu'il n'y a pas dix milles solutions. Je vous laisse un peu de place pour réfléchir.
Dissertation de Philosophie.
Comment faire rentrer une moule ovale dans un moule phallique?
Vous avez 10 minutes.
Je vais suggérer plusieurs solutions qui devraient permettre à une moule de rentrer dans ledit moule en forme de pénis.
Première option : on peut casser la moule.
Cette méthode n'est pas très douce, c'est vrai, et est certainement douloureuse. Je pense que vous vous souvenez des crises adolescentes que vous avez vécues en étant plus jeunes. Personne ne vous comprenait et le monde puait la merde. On vous tapait sur les doigts pour votre manque d'ambition alors que tout ce dont vous aviez envie, c'était de construire des tours avec des morceaux de sucre. Bien j'imagine que la douleur que vous avez ressenti durant cette période transitoire est comparable à celle d'une moule brisée. Avec inhumanité.
Deuxième option : on peut bouillir la moule
Moins expéditive mais tout aussi efficace. En gros l'idée c'est de prendre une moule et de l'enterrer en tapant dessus pour qu'elle arrive au centre de la terre. Genre on fait monter la pression, petit à petit, encore et encore, encore un peu, tout en faisant augmenter la température. C'est un peu comme si on vous étouffait. Du coup la résultante des conditions «forte pression» et «forte température» fait que votre coquille se fait vulgairement dissoudre et qu'il reste un espèce de mollusque tout mou et tout passif qu'on aura aucun mal à faire entrer dans le moule.
Troisième option : on peut modifier génétiquement la moule.
C'est certainement le processus le plus pervers puisqu'il ne vous laisse même pas le temps de vous rendre compte qu'on vous a volé votre vraie nature. On modifie directement votre code génétique, genre cash. Ou alors, on vous fou dans une moule alors même que vous êtes tout petit, tout jeune, tout minuscule et en grandissant vous avez pas d'autres options de que grandir en adoptant les courbes phalliques. Y'a des moules qu'ont pas de bol. C'est l'éducation rigide de la moule ; on la met dans un environnement intransigeant qui ne lui laisse même pas le temps de s'épanouir individuellement, faut juste qu'elle s'adapte au moule. Sinon, elle meurt et on n'en parle plus.
Bref.
Je vous ai décrit comment on pouvait rentrer dans le moule. C'était une façon imagée de parler de convention. J'espère que vous me trouvez ludique sinon fermez ce livre et brûlez-le. Ou alors, en bonne petite moule, vous allez avoir envie de finir ce livre puisque de toute façon vous l'avez acheté. Et vous aurez beau le balancer contre les murs, on vous rendra pas votre fric. Je vous assure.
J'espère que vous êtes une moule et je me permets de continuer.
Et les baltringues dans tout ça?
Ce sont des espèces de moules mutantes tellement dégueulasses qu'elles ont une coquille incassable. Ou, ce sont des moules mutantes tellement dégueulasses qu'on a même pas envie de les foutre dans le moule, de peur de le salir. C'est sacré, la bite.