Bon, ben c'est parti pour une heure d'écriture ! Thème : Playa Fantasy
Contraintes, intégrer les mots :
* holothurie (Ariane) (??? c'est quoi ??? => Wiki : Les Holothuries (Holothuroidea) sont une classe d'animaux marins de l'embranchement des échinodermes au corps mou et oblong, et possédant un cercle de tentacules autour de la bouche. Elles sont aussi appelées concombres de mer ou bêches de mer, et possèdent une grande diversité de sobriquets sur les différentes côtes)
* faire une comparaison qui commence par "Les larmes sur le sable..." (Opercule, franchement, merci
)
* CA BOUILLONNE (Ben)
* Pouvoir (oim)
Une petite soif
La tempête s'était calmée. Quelques nuages paresseux et trainards se faisaient dissoudre par le soleil apparu au-dessus des flots après une illumination fuchsia des cieux, à l'aurore. Les bateaux coulés par la houle et les flots déchaînés se préparaient à digérer les marins malchanceux - il en faut. Au-dessus des récifs, ça bouillonait du festin des requins gourmands et ravis. Lorsque leur repas se terminerait, les concombres viendraient sucer les restes et tentaculer les petits morceaux de chairs abandonnés par les murènes. Les holothuries gourmands et vénéneux bavent au fond des eaux, les araignées tricotent sur leurs trainées, les crabes latéralisent en s'éloignant, tout le monde le sait.
Sur le sable gras d'écume, les puces de mer se cachaient, la marée était descendante. Quelques vers de sable sortirent leur tête les uns après les autres de la surface rendue ocre et noire par les scories du volcan à peine éteint.
Albador ouvrit un oeil, dessoulé. Son corps souffrait, trempé à l'extérieur, déshydraté à l'intérieur et bourdonnant derrière les yeux. Les larmes sur le sable l'étonnèrent, incongrues comme un brassin de bière s'écoulant d'un pressoir empli de raisin. Sa raison ressuait par les pores de sa peaux : qu'avait-il bien pu faire la veille ?
Albador se redressa, un oeil écarquillé, l'autre à demi fermé, il contempla la danse des petits vers qui s'agitaient autour de lui. Lui qui était familier des gueules de bois, des mauvaises nuits sur la plage, des lendemains bourbeux d'incompréhension brumeuse, il ne se souvenait pas avoir vu un tel phénomène auparavant. Les bestioles s'agitaient, leur petites têtes perçant la surface siliceuse et dorée par l'astre du jour. "Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?" se demanda-t-il prosaïquement. Assis sur son séant, essuyant les débris algueux sur ses genoux, le nain magicien observa les invertébrés pendant quelques minutes, puis il fouilla l'intérieur de son veston, y débusqua sa flasque de rhum et s'en envoya une grande lampée derrière la cravate. Une jolie cravate en peau de crevette, tricotée par Melcador, son cousin.
"Bon, c'est pas tout ça, mais il se fait soif", grommela-t-il dans sa barbe incrustée de cristaux de quartz.
Tandis qu'il se levait, il remarqua que les petits vers semblaient suivre son mouvement, tout autour de lui, les petits machins sortirent un peu plus du sable. Albador s'étira, levant les bras vers le ciel délavé. Un murmure se fit entendre, un genre de grincement mouillé et chuitant. Comment dire ? Un son à la fois grésillant, mais aussi sifflant et visqueux. Ou encore, comme des larmes vibrantes en 440 Herzt sur le sable, avec des tas d'harmonies tout autour. Le nain plissa les yeux, le tam-tam dans sa tête montait en volume : une chouette rythmique en 6/8, syncopée, très adaptée à la mélodie proposée par les vers, mais aussi douloureuse : des balles de bois s'entrechoquaient entre les parois de son crâne. Alors, il fit un geste malheureux : il pressa sa tête entre ses gros doigts boudinés.
L'amplification sonore fut interne et externe, violente, exagérée : un groupe de Punk-Orque n'aurait jamais pu faire autant de bruit. Albador tomba à genoux, un hurlement étouffé s'échappa de ses lèvres gercées de sel. Ses mains tremblantes partirent à la recherche du récipient d'inox empli de sucre de canne fermenté, le saisirent, le portèrent à sa bouche. Six dernières gorgées, brulantes, parfumées, mais inefficaces. Depuis l'occiput jusqu'aux tempes en passant par les machoires, la musique dévastatrice s'amplifia, résonnances à l'assaut de la raison. "Faut que je fasse un truc", pensa-t-il avec une clairvoyance confinant à la Carrément Originale Vision d'Intelligence Dantesque.
Premier réflexe : essayer d'ouvrir les yeux à nouveau. Mauvaise idée : les rayons de l'étoile de son système lui cramèrent les yeux, les nerfs optiques, les synapses, les substances blanches et grises. Et, tout autour, les vers se marrèrent de plus belle et leurs chants métalliques vrillèrent un peu plus ses tympans déchirés.
Deuxième idée, balancer un sort à ces bestioles. Pas de doute, cette souffrance matinale n'étaient pas due aux excès de la veille, d'ailleurs, il n'avait presque rien bu, presque rien fumé, presque rien absorbé avec ses grosses narines broussailleuses. Avec difficulté, il sortit sa baguette de sa chaussette droite. "Vernicular Gobaquohm !" cria-t-il en tendant son instrument vers les vers.
Cette fois, les sons qui lui parvinrent étaient indubitablement des rires étouffés. Les touffes de vers se foutaient de sa poire. Mais au moins, lorsqu'ils rigolaient, les vers de sable ne lui balançaient pas des ondes sonores pénétrantes et destructrices. Ça allait déjà un peu mieux.
Puisque les petits machins semblaient être moins dangereux lorsqu'ils se marraient, Albador s'essaya aux blagues de comptoir, sans grand succès. Il enchaina avec une série de grimace qui fonctionnèrent plutôt bien - il n'avait presque plus mal au crâne, et s'éloigna en dansant sur les mains, cul par dessus tête, les parties génitales exposées aux vents tièdes de l'ouest. Grosse poilade. Les vers de sable passaient un bon moment et Albador réussit à rejoindre la dune, le sable sec, bien loin de ces petites saloperies au chant dévastateur.
Entre les oyats chevelus et les argousiers épineux, Albador reprenait ses esprits. En contrebas, sur la plage léchée par les lames d'opale au ressac mousseux, les petits vers avaient fini leurs chants, leurs danses, leur parade de réveil. L'un d'entre eux se tortilla plus fort que les autres, sa tête s'éleva en gigotant et sur son dos, une paire d'ailes se déploya. Elles brassèrent l'air pendant quelques instants, sans que le petit vers ne sorte de son petit trou, puis l'animal prit son envol. Aussitôt après, en cercles concentriques, ses voisins se mirent à battre des ailes, à s'extraire du sable et à gagner le ciel. Albador n'avait jamais vu de pareil spectacle. De mémoire de nain, jamais la plage n'avait été fécondée de la sorte.
Et puis, tout à coup, il fit presque nuit. Une éclipse. L'astre éternel était masqué. "Est-ce donc possible que de si petites bêtes me cachent le soleil ?" se demanda le nain abasourdi. Et puis, il entendit. Un cri puissant, celui de la plus grande des créature, celle dont le pouvoir est si grand que même les titans la redoutent. La Mère des Dragons. Au-dessus du nain, ses ailes s'étendaient du nord au sud, immenses. La gueule gigantesque descendit vers lui, le renifla. Un oeil immense le regarda, creuset de lave bouillonante.
Le nain se fit tout petit.
La Mère des Dragons s'éloigna au-dessus de l'océan, suivie par une myriade de petits vers ailés. Les vagues grossirent et les rouleaux se fracassèrent sur le sable pendant de longue minute après la disparition de la créature prodigieuse.
Albador se recoiffa et se dirigea vers le port. Il avait un peu soif.