Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

20 Avril 2025 à 14:34:34
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » IlovEvian

Auteur Sujet: IlovEvian  (Lu 735 fois)

Hors ligne True Duc

  • Calliopéen
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IlovEvian
« le: 14 Mai 2024 à 11:14:54 »
Bonjour.
Besoin de vos commentaires pour :
- Le fond : l'évolution de ce périple et des interactions des protagonistes est-il limpide ?
-La forme : le vocabulaire choisi pour cet exercice de style "anglicisme" perturbe t'il la lecture ?
- Toutes autres remarques bien évidemment.
Bonne lecture, j'espère




“Il ne vaut mieux ne pas commencer que de cesser.”
Sénèque




 
  Depuis plus d'une semaine, la valise à roulettes squatte l'entrée de mon appartement. Quand je pars en voyage, je suis du genre à faire mes bagages juste avant le départ et de les défaire quelques jours après le retour. J'ai essayé d'y remédier, mais rien à faire, c'est comme ça, trop vieux pour changer. Un ami qui avait fait quelques mois de psycho, y a longtemps (avant qu'il rate sa vie, avant qu'il perde ses cheveux) m'avait dit que c'était un problème de deuil. Mouais... Maybe...
    En plus, là, avant de dézipper l'ouverture, je dois retirer cet autocollant ridicule en forme de cœur, collé à mon insu par une femme que je ne pense plus jamais revoir. Mes ongles sont trop courts, c'est galère à enlever.

    Elle, par contre, elle en avait des ongles : longs, propres, colorés, petits bijoux incrustés. Ça s'appelle du Nail Art, c'est elle qui me l'a appris, un de nos premiers sujets de discussion. Un date Tinder. Une fille plus jeune que moi, intelligente, stable, surprenante, car elle pouvait citer les philosophes antiques tout en abusant d'anglicismes.
    À l'issue de notre troisième coït, lorsque que ses funny fingers tournicotaient au milieu de ma brousse pectorale, elle m'a proposé de partir en week-end. Essouflé, faible, je me suis surpris à lâcher un Why not ! Elle a tapé ses deux mains, s'est redressée, a saisi son Iphone, Bon Plan à Evian ? AirBnb ? Why Not sur Why Not, mon cœur n'avait pas encore retrouvé son rythme cardiaque de croisière qu'elle nous avait déjà projeté dans un séjour random.

    Trois jours après, profitant du pont, nous sommes partis. Elle a conduit. C'était la première fois que je m'attardais sur son profil. Il était différent, très saillant alors que sa tête, de face, était plutôt arrondie. Étrange sensation. Mais j'aimais bien les deux. Elle était donc doublement belle. Par contre, elle chantait faux. Et fort. Les paysages défilaient au rythme des vieux tubes RnB. Je veux une femme like Uuu... Assourdissante !?
    La jauge d'essence de la Fiat 500 criait famine depuis longtemps, mais elle a préféré repousser l'arrêt, car elle voulait une aire de repos avec un pont aérien. Madame a des lubies, madame aime le danger. Je suis allé payer et j'ai pris deux Sodebo triangle. De ses belles et grandes dents très blanches, je l'ai regardée manger comme un hamster, attaquant le sandwich par les côtés, moi j'avais juste croqué au milieu. Elle a saisi nos deux sandwichs, ils s'imbriquaient parfaitement, comme deux pièces de puzzle. Madame est joueuse. À ce moment, under the bridge, ( comme elle dirait), j'ai eu les papillons qui m'ont chatouillé. Les léchouilles de fornication ne comptant pas, on peut dire que notre premier vrai baiser officiel a eu lieu, là, entre les semi-remorques filants et une dame aidant une gamine à pisser dans le caniveau. So romantic.
    Elle a émis un gazouillement de joie en pénétrant dans le logement. Bien situé, rue pavée, quatre étages en colimaçon-old-school, étroit, marches grinçantes, sous les combles, 25 m2, lit double, TV cathodique d'un autre temps, une cuisine équipée, moderne, anachronique. Dans les placards, au milieu de la vaisselle de mémé, un mazagrand fêtant le bicentenaire de la Révolution Française, et même, collector de chez collector, des pailles EN PLASTIQUE. Au-dessus du lit, accrochée au mur, une arbalète. Comment oublier son  «What's the fuck ?! » en l'apercevant et sa théorie :  «c'est sûrement pour tuer les ours qui venaient voler les packs d'eau des Eviannais ». Madame est loufoque, surréaliste. J'aime. Je n'ai pas eu le temps de lui parler de la théorie du fusil de Tchekhov car  elle a voulu que l'on baptise la douche italienne NOW !
    Vers 15 h, on est enfin sortis en ville. Elle a émis l'idée de tripadvisorer notre découverte d'Evian-Les-Bains sur son IPhone. J'ai insisté pour qu'on le fasse à l'ancienne, direction l'office du tourisme. [trad pour les plus anciens que moi : syndicat d'initiatives]. Et c'est là que j'ai découvert une facette de sa personnalité : une timidité high-level ! Elle ne s'est pas adressée une seule fois au jeune boutonneux, elle me susurrait les questions dans l'oreille et n'a pas entendu les réponses, a tourné les talons vers les cartes-postales-autocollants-bols-à-la-con-etc. pendant que je récupérais les informations. Lorsque je l'ai retrouvée au rayon chapeau bataillant avec mon plan de la ville, elle était en train de se regarder dans un petit miroir et m'a juste demandé : « je suis plus sexy que ton ex ? » Je n'ai pas répondu, mais je lui ai juste annoncé fièrement que l'on  m'avait conseillé un petit bar local non infesté par les curistes. Elle s'en foutait. En sortant, elle m'a juste dit « regarde ce que j'ai volé », et, sans transition, elle a sautillé en tapant des mains « je veux faire du pédalo ».
    Si mon ami déplumé et déprimé faisait encore partie de ma vie, il aurait sûrement eu une théorie fumeuse et placentaire sur le fait que je déteste les grandes étendues d'eau. Quand j'ai dit ok pour Évian, je n'avais pas percuté que cette ville était sur le Lac Léman, à croire que la géographie n'était pas ma matière number one. Et là, me voilà, avec une quasi-inconnue, cleptomane patentée, m'agrippant à mon gilet de sauvetage et pédalant contre l'inertie. Elle a voulu faire un selfie. J'ai refusé et j'ai lancé froidement :
    — Je n'aime pas les gens qui volent.
    — Oh, ça va, c'est juste un petit sticker.
    — Un autocollant, tu veux dire ? #IlovEvian à un euro. Fallait me le dire, je te l'aurais offert.
    — C'est trop tôt pour que tu m'entretiennes.
    — J'ai payé le pédalo, je te signale.
    — Je te remercierai dans la douche italienne. T'es mon Sugar Dady.
    Homme faible, j'ai souri bêtement en pensant à la mosaïque et à l'effet bétonné de l'immense douche du Airbnb. Elle a apposé le sticker sur mon gilet de sauvetage, au niveau du cœur. Notre deuxième baiser officiel a eu lieu, là, sur une coque plastique instable, entre les Alpes et des adolescents au fort accent suisse tractés sur une banane. Ce sera le dernier.

    Tout est allé vite par la suite. Elle avait faim. On est allé manger au restaurant du Casino. On a pris des pizzas. En apéro, elle a désiré un cocktail au nom imprononçable. Elle m'a susurré à l'oreille pour que je demande au serveur. Ils n'en avaient pas. Elle a hésité. Elle a consulté à nouveau la carte. J'ai commandé une bière triple. Elle a encore hésité. Cela m'agaçait. Elle n'aime que la bière fruitée, mais elle a un opté pour un spritz. J'avais déjà commandé une autre bière. Les pizzas sont arrivées. On a parlé de tout, de rien, et encore de mon ex. J'ai pris une troisième bière. Et puis une quatrième, c'étaient les vacances après tout. Elle n'a pas réussi à finir son second spritz. « Je suis full-pompette, on rentre ? ». En se levant, elle a gobé les croûtes de la pizza. Je suis allé régler. On est rentré. Sur le trajet retour, on s'est paumés dans les rues. Elle m'a montré qu'elle avait volé la salière. On s'est légèrement engueulés, inutile de développer. Son Apple Plans versus mon sens de l'orientation après quatre pintes, aucun suspense, c'est le premier qui a visé juste.
    La mousse du gel douche coulant entre ses reins, ce sera pour une prochaine fois. Elle s'est écroulée directement sur le lit, tout habillée. Je me suis couché à ses côtés et je me suis délecté de son profil. En effet, même si j'ai refusé de lui dire, elle était plus belle que mon ex. Sauf que mon ex ne volait pas ! Sauf que mon ex buvait des bières, ne prenait pas trois plombes pour commander ! Et mon ex, elle, elle me laissait les croûtes des pizzas ! Et surtout, mon ex, elle parlait un vrai français, pas de So, pas de What ni de Nice ! Voilà à quoi j'ai pensé, voilà où j'en suis. Shit ! Suis-je devenu trop exigeant ? Trop obtus ? Un vieux con tendance vintage ? Trop... Nostalgique ?!
    Mes pensées sautillantes ont été stoppées net par un bruit étrange. À notre premier rendez-vous, elle m'avait parlé de bruxisme, je ne savais pas ce que c'était, je n'avais pas relevé. Et là, je découvre. Elle grince des dents. Madame, ce soir-là, était inquiétante, symphonie d'outre-tombe.
    Comme pris d'une pulsion, je me suis levé, j'ai soulevé délicatement l'arbalète de son support mural, j'ai fouillé partout à la recherche de flèches, mais j'ai opté pour les pailles en plastique. J'ai armé, j'ai hésité, et, puis, tant pis, j'ai tiré. La paille s'est écrasé mollement sur son front. Acte ridicule (j'en rigole encore) mais efficace car il a permis de stopper son grincement de dents. Elle s'est mise à ronfler paisiblement. Comme mon ex ! Je me suis couché apaisé à ses côtés. Dans mes bras, je l'ai absorbée. Pour la dernière fois, j'ai pensé.

    L'un des autocollants qu'elle a volé a fini collé sur ma valise, je ne l'ai même pas vu faire. Mais c'est de l'histoire ancienne, car, en ce moment, je suis en train de frotter les derniers résidus avec de l'eau chaude. Elle vient de m'envoyer un MMS d'une photo du mazagran Révolution Française me disant « Salut DirtyDady, tu ne m'as pas donné de nouvelles mais je viens de penser à Uuu en buvant mon café dans mon graal-chourrave. Week-end à Venise, j'ai trouvé un last minute, prépare ta valise et ta CéBé».
    Cette femme que j'ai envisagée ne coche pas toutes les cases donc elle ne volera pas mon vieux cœur expérimenté et boursouflé. C'est une certitude. Et pourtant, comme réponse à sa proposition, je suis en train de rédiger « Andiamo! ». Je suis à la recherche d'un stick de colle pour repositionner le sticker IlovEvian sur la valise. Bientôt, il aura un IloVenise comme compagnon de voyage.
    Sénèque dirait peut être un bail tel que: Je suis peut-être trop vieux pour changer, mais encore assez jeune pour continuer à me mentir à moi-même... Quitte à devoir me cramponner dans des gondoles et à sourire devant des masques vénitiens subtilisés.
« Modifié: 15 Mai 2024 à 09:05:41 par True Duc »
« Tu veux t'asseoir sur le trône ? Faudra t'asseoir sur mes genoux.»(Elie Yaffa)

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Re : IlovEvian
« Réponse #1 le: 14 Mai 2024 à 11:39:47 »
Bonjour,

J’ai lu ton texte avec un sourire béat tout le long. Les anglicismes ne m’ont pas perturbé du tout. C’est le positif. Le négatif c’est ce relent patriarcal que je sens parfois dans tes textes. Mais bon, ça colle avec le sujet.
À la fin je me suis dit « dommage qu’on ne soit pas sur un forum psychologie, j’aurais eu plus de choses intéressantes à répondre ». Comme on est sur un forum d’ecriture, je dirais simplement que j’ai bien aimé.  ;)

Hors ligne Claudius

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Re : IlovEvian
« Réponse #2 le: 14 Mai 2024 à 12:08:35 »
 “Il ne vaut mieux ne pas commencer que de cesser.”
[/i]Sénèque
(Il me semble qu'ici il y a un "ne" de trop).

    Elle, par contre, elle en avait des ongles. (ici j'aurais mis : ou !) Longs, propres, colorés, petits bijoux incrustés. Ça s'appelle du Nail Art, c'est elle qui me l'a appris, un de nos premiers sujets discussions(de discussion ?) . Un date Tinder. Une fille plus jeune que moi, intelligente, stable, surprenante, car elle pouvait citer les philosophes antiques tout en abusant d'anglicismes.
    À l'issue de notre troisième coït, lorsque que ses funny fingers tournicotaient au milieu de ma brousse pectorale, elle m'a proposé que l'on parte (de partir ?) en week-end. Essouflé, faible, je me suis surpris à lâcher un Why not ! Elle a tapé ses deux mains, s'est redressée, a saisi son Iphone, Bon Plan à Evian ? AirBnb ? Why Not sur Why Not, mon cœur n'avait pas encore retrouvé son rythme cardiaque de croisière qu'elle nous avait déjà projeté dans un séjour random.

    Trois jours après, profitant du pont, nous sommes partis. Elle a conduit. C'était la première fois que je m'attardais sur son profil. Il était différent, très saillant alors que sa tête, de face, est (était ?)plutôt arrondie. Étrange sensation. Mais j'aimais bien les deux. Elle était donc (je ne mettrais pas ce : donc) doublement belle. Par contre, elle chantait faux. Et fort. Les paysages (se?) (non pas de se) défilaient au rythme des vieux tubes RnB. Je veux une femme like Uuu... Assourdissante !?(pourquoi !?)
    La jauge d'essence de la Fiat 500 criait famine depuis longtemps, mais elle a préféré repousser l'arrêt, car elle voulait une aire de repos avec un pont aérien. Madame a des lubies, madame aime le danger. Je suis allé payer et j'ai prix (pris)deux Sodebo triangle. De ses belles et grandes dents très blanches, je l'ai regardée manger comme un hamster,(j'aurais inversé la phrase : Je l'ai regardée manger comme un hamster, de ses belles et grandes dents très blanches) attaquant le sandwich par les côtés, moi j'avais juste croqué au milieu. Elle a saisi nos deux sandwichs, ils s'imbriquaient parfaitement, comme deux pièces de puzzle. Madame est joueuse. À ce moment, under the bridge, ( comme elle dirait), j'ai eu les papillons qui m'ont chatouillé. Les léchouilles de fornication ne comptant pas, on peut dire que notre premier vrai baiser officiel a eu lieu, là, entre les semi-remorques filants et une dame aidant une gamine à pisser dans le caniveau. So romantic.
    Elle a émis un gazouillement de joie en pénétrant dans le logement. Bien situé, rue pavée, quatre étages en colimaçon-old-school, étroit, marches grinçantes, sous les combles, 25 m2, lit double, TV cathodique d'un autre temps, une cuisine équipée, moderne, anachronique. Dans les placards, au milieu de la vaisselle de mémé, un mazagrand fêtant le bicentenaire de la Révolution Française, et même, collector de chez collector, des pailles EN PLASTIQUE. Au-dessus du lit, accrochée au mur, une arbalète. Comment oublier son  «What's the fuck ?! » en l'apercevant et sa théorie :  «c'est sûrement pour tuer les ours qui venaient voler les packs d'eau des éviannais  (majuscule ici)». Madame est loufoque, surréaliste. J'aime. Je n'ai pas eu le temps de lui parler de la théorie du fusil de Tchekhov car  elle a voulu que l'on baptise la douche italienne NOW !
    Vers 15 h, on est enfin sortis en ville. Elle a voulu (répétition) tripadvisorer notre découverte d'Evian-Les-Bains sur son IPhone. J'ai insisté pour qu'on le fasse à l'ancienne, direction l'office du tourisme. [trad pour les plus anciens que moi : syndicat d'initiatives]. Et c'est là que j'ai découvert une facette de sa personnalité : une timidité high-level ! Elle ne s'est pas adressée une seule fois au jeune boutonneux, elle me susurrait les questions dans l'oreille et n'a pas entendu les réponses, a tourné les talons vers les cartes-postales-autocollants-bols-à-la-con-etc. pendant que je récupérais les informations. Lorsque je l'ai retrouvée au rayon chapeau bataillant avec mon plan de la ville, elle était en train de se regarder dans un petit miroir et m'a juste demandé : « je suis plus sexy que ton ex ? » Je n'ai pas répondu, mais je lui ai juste annoncé fièrement que l'on  m'avait conseillé un petit bar local non infesté par les curistes. Elle s'en foutait. En sortant, elle m'a juste dit « regarde ce que j'ai volé », et, sans transition, elle a sautillé en tapant des mains « je veux faire du pédalo ».
    Si mon ami déplumé et déprimé faisait encore partie de ma vie, il aurait sûrement eu une théorie fumeuse et placentaire sur le fait que je déteste les grandes étendues d'eau. Quand j'ai dit ok pour Évian, je n'avais pas percuté que cette ville était sur le Lac Léman, à croire que la géographie n'était pas ma matière number one. Et là, me voilà, avec une quasi-inconnue, cleptomane patentée, m'agrippant à mon gilet de sauvetage et pédalant contre l'inertie. Elle a voulu faire un selfie. J'ai refusé et j'ai lancé froidement :
    — Je n'aime pas les gens qui volent.
    — Oh, ça va, c'est juste un petits sticker. (pas de s à petit)
    — Un autocollant, tu veux dire ? #IlovEvian à un euro. Fallait me le dire, je te l'aurais offert.
    — C'est trop tôt pour que tu m'entretiennes.
    — J'ai payé le pédalo, je te signale.
    — Je te remercierai dans la douche italienne. T'es mon Sugar Dady.
    Homme faible, j'ai souri bêtement en pensant à la mosaïque et à l'effet bétonné de l'immense douche du Airbnb. Elle a apposé le sticker sur mon gilet de sauvetage, au niveau du cœur. Notre deuxième baiser officiel a eu lieu, là, sur une coque plastique instable, entre les Alpes et des adolescents au fort accent suisse tractés sur une banane. Ce sera le dernier.

    Tout est allé vite par la suite. Elle avait faim. On est allé manger au restaurant du Casino. On a pris des pizzas. En apéro, elle a voulu (encore !) un cocktail au nom imprononçable. Elle m'a susurré à l'oreille pour que je demande au serveur. Ils n'en avaient pas. Elle a hésité. Elle a consulté à nouveau la carte. J'ai commandé une bière triple. Elle a encore hésité. Cela m'agaçait. Elle n'aime que la bière fruitée, mais elle a un opté pour un spritz. J'avais déjà commandé une autre bière. Les pizzas sont arrivées. On a parlé de tout, de rien, et encore de mon ex. J'ai pris une troisième bière. Et puis une quatrième, c'était (je mettrais : c'étaient) les vacances après tout. Elle n'a pas réussi à finir son second spritz. « Je suis full-pompette, on rentre ? ». En se levant, elle a gobé les croûtes de la pizza. Je suis allé régler. On est rentré. Sur le trajet retour, on s'est paumés dans les rues. Elle m'a montré qu'elle avait volé la salière. On s'est légèrement engueulés, inutile de développer. Son Apple Plans versus mon sens de l'orientation après quatre pintes, aucun suspense, c'est le premier qui a visé juste.
    La mousse du gel douche coulant entre ses reins, ce sera pour une prochaine fois. Elle s'est écroulée directement sur le lit, tout habillée. Je me suis couché à ses côtés et je me suis délecté de son profil. En effet, même si j'ai refusé de lui dire, elle était plus belle que mon ex. Sauf que mon ex ne volait pas ! Sauf que mon ex buvait des bières, ne prenait pas trois plombes pour commander ! Et mon ex, elle, elle me laissait les croûtes des pizzas ! Et surtout, mon ex, elle parlait un vrai français, pas de So, pas de What ni de Nice ! Voilà à quoi j'ai pensé, voilà où j'en suis. Shit ! Suis-je devenu trop exigeant ? Trop obtus ? Un vieux con tendance vintage ? Trop... Nostalgique ?!
    Mes pensées sautillantes ont été stoppées net par un bruit étrange. À notre premier rendez-vous, elle m'avait parlé de bruxisme, je ne savais pas ce que c'était, je n'avais pas relevé. Et là, je découvre. Elle grince des dents. Madame, ce soir-là, était inquiétante, symphonie d'outre-tombe.
    Comme pris d'une pulsion, je me suis levé, j'ai soulevé délicatement l'arbalète de son support mural, j'ai fouillé partout à la recherche de flèches, mais j'ai opté pour les pailles en plastique. J'ai armé, j'ai hésité, et, puis, tant pis, j'ai tiré. La paille s'est écrasé mollement sur son front. Acte ridicule (j'en rigole encore) mais efficace car il a permis de stopper son grincement de dents. Elle s'est mise à ronfler paisiblement. Comme mon ex ! Je me suis couché apaisé à ses côtés. Dans mes bras, je l'ai absorbée. Pour la dernière fois, j'ai pensé.

    L'un des autocollants qu'elle a volé a fini collé sur ma valise, je ne l'ai même pas vu faire. Mais c'est de l'histoire ancienne, car, en ce moment, je suis en train de frotter les derniers résidus avec de l'eau chaude. Elle vient de m'envoyer un MMS d'une photo du mazagran Révolution Française me disant « je viens de penser à Uuu en buvant mon café dans mon graal-chourrave. Week-end à Venise, j'ai trouvé un last minute, prépare ta valise et ta CéBé».
    Cette femme que j'ai envisagée ne coche pas toutes les cases donc elle ne volera pas mon vieux cœur expérimenté et boursouflé. C'est une certitude. Et pourtant, comme réponse à sa proposition, je suis en train de rédiger « Andiamo! ». Je suis en même en train (répétition) de chercher mon vieux stick UHU pour recoller le IlovEvian sur la valise. Bientôt, il aura un IloVenise comme compagnon de voyage.
    Sénèque dirait peut être un bail tel que: Je suis peut-être trop vieux pour changer, mais encore assez jeune pour continuer à me mentir à moi-même... Quitte à devoir me cramponner dans des gondoles et à sourire devant des masques vénitiens subtilisés.

J'ai bien aimé ce tableau et ce qu'il laisse comme empreinte, une rencontre insolite, deux êtres différents, et peut-être une idylle qui débute.

J'ai noté en bleu ce qui m'a accrochée en première lecture, pas mal de répétitions, les !? que je n'ai pas noté à chaque fois...
Le langage un peu parlé, les insertions de mots anglais, pourquoi pas, ça donne un style différent.
Faire attention aux temps employés... je n'ai peut-être pas tout relevé et l'expression "en train de" peut être à supprimer.

Sinon sympa.  ;)
« Modifié: 14 Mai 2024 à 12:15:02 par Claudius »
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Re : IlovEvian
« Réponse #3 le: 15 Mai 2024 à 09:12:48 »
rigolote
Rire béat ? D'ennui ?
Pour le côté "patriarcal", je ne pense pas que ce soit le bon mot. Mais je vois ce que tu veux dire. Mais, j'ai mis beaucoup d'amour dans le personnage féminin. En 1500 mots, je n'ai pas eu le temps de développer ses contradictions. Mais je pense garder son profil en tête pour le développer à l'avenir. Ainsi, même si tu dis que l'on est pas sur un forum de psychologie, n'hésite pas, la psychologie des personnages (narrateur compris) entre complètement dans un forum de littérature.
Merci pour ton retour, fait plaisir.

@Claudius
Corrections apportées sauf :
- la double négation "ne" se retrouve partout pour la citation de Sénèque. En effet, c'est étrange.
-je conserve le "donc" avant "doublement belle". Moins punchy sans !:)
-"assourdissante" car elle chante faux et fort. C'est peu compréhensible à la lecture ?
Merci pour le temps passé et tes conseils judicieux. Tu viens de mettre le doigt sur mes Tics d'écriture, l'utilisation abondante de "être en train" et du verbe "vouloir". Faut que je fasse gaffe à l'avenir.
« Tu veux t'asseoir sur le trône ? Faudra t'asseoir sur mes genoux.»(Elie Yaffa)

Hors ligne Claudius

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Re : IlovEvian
« Réponse #4 le: 15 Mai 2024 à 09:33:07 »


Ok, pas de souci, c'est ton texte, tu es libre ou pas de suivre les avis des lecteurs  ;)

Assourdissante !? : les deux signes à la suite !? ça ne s'écrit pas, l'un ou l'autre, mais pas les deux. J'en ai vu d'autres que je n'ai pas relevés.

 :) :)
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Re : IlovEvian
« Réponse #5 le: 15 Mai 2024 à 10:38:04 »
Bonjour,

Un SOUrire de contentement, pas d’ennui ! C’est juste la tête que je fais quand je lis un texte qui me plaît.

Oui tu as raison je pense, si c'était un texte plus long on sentirait mieux les nuances des personnages. ;)  Je trouve juste le narrateur un peu coupé de ses émotions.

Hors ligne BAGHOU

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Re : IlovEvian
« Réponse #6 le: 18 Mai 2024 à 19:16:36 »
Bonjour,

Je sais, j'ai mis du temps, mais c'était pour la bonne cause.

Je vois que côté textes un peu plus longs, un large effort a été fait. :)

J'ai beaucoup aimé les deux personnages principaux, comme presque toujours ( :-¬? :-¬?) on les imagine bien au fil de la lecture. Le héros enfin de retour avec son côté pataud, soumis et même fataliste courant après un elfe assez improbable qui le mène par le bout du nez. ::) 8)

J'ai aimé cette rencontre entre deux extrêmes et en plus notre héros en redemande, pas trop conscient tout de même de savoir où cela va le mener.
 :o
Bizarre mais ma préférence va aux descriptions de l'appartement, viennent ensuite les petits détails pas si insignifiants distillés qui donnent du sel à la lecture.

Bravo pour l'histoire, bravo pour les personnages et bravo pour les efforts de mise en page qui rendent la lecture agréable.

Merci pour le plaisir reçu après lecture. Encore une fois ton cerveau bouillonne d'idées géniales ! :) :) Alors on continue !
"La critique, art aisé, se doit d'être constructive." Boris Vian dans l'Herbe rouge.

Hors ligne Cendres

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Re : IlovEvian
« Réponse #7 le: 18 Mai 2024 à 20:32:58 »
Merci pour ton texte.

Il est clair et raconte le sentiment d'un homme pour une femme qu'il aime, mais sans plus (bien qu'ils couchent ensemble).
C'est intéressant à lire, car souvent, on nous présente les couples comme une histoire d'amour, alors que ton texte présente la relation plus sous une forme amicale.
D'ailleurs, ils ceux sont embrassés après un moment, alors qu'ils avaient déjà eu des relations intimes bien avant.

Ton héros ne semble pas être amoureux de la femme. Il est attiré par elle et la trouve jolie, mais ne l'aime pas comme sa copine. Il pensait que c'était fini, mais comme elle le recontacte, il retourne avec elle.
Je pense qu'il aime plus son corps que son esprit.
"Celui qui désespère des événements est un lâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou."
Albert Camus

Hors ligne True Duc

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Re : IlovEvian
« Réponse #8 le: 19 Mai 2024 à 11:26:47 »
@Claudius J'ai failli revoir tous mes sms envoyés depuis les années 90. Mais, je viens de vérifier le !? existe, ça s'appelle le Point exclarrogatif https://fr.wikipedia.org/wiki/Point_exclarrogatif. Mais tu as raison, il faut l'employer avec parcimonie. Encore un tic de langage, merci de l'avoir relevé.

@rigolote Ton commentaire sur le fait que le personnage semble coupé de ses émotions est intéressant. Je tente, par le Je, de développer son cheminement de pensées, pour justement "l'humaniser" au maximum. Mais je garde ton avis pour donner plus de relief à de futurs narrateurs. Merci.

@Baghou Me voilà comblé si tu as pris plaisir à la lecture. Ton analyse sur les personnages, construite, fait avancer le schmilblick dans ma tête.

@Cendres Tes commentaires me font souvent sourire. Il y a beaucoup de candeur. Mais, ils sont essentiels car tu arrives me faire rebondir sur des questionnements importants. Tes hypothèses sont légitimes. A ton "je pense qu'il aime plus son corps que son esprit", je dirai que c'est bien plus complexe que ça, on est plutôt sur un narrateur trop exigeant qui, oubliant ses idéaux, se contente de ce que la vie a mis sur son chemin. En gros ;)
« Tu veux t'asseoir sur le trône ? Faudra t'asseoir sur mes genoux.»(Elie Yaffa)

 


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