Salut Marcel !
J'ai l'impression qu'on parle d'un féminicide sur une mineure ("Dix sept bougies.", "Je t’aime, je t’agite. Je t’aime, je t’abîme… je te fais mal, je te fais découvrir le mal", "Je ne me souviens que de ses derniers râles en l’étranglant.", "qu'elle n'avait pas encore seize hivers"), chaud du coup un peu ? Après je m'avance pas parce que le texte est assez cryptique, mais si c'est bien ce que je comprends, on pourra revenir sur la pertinence de choisir un sujet aussi limite pour donner du souffle à l'écriture, pour choquer, pour bousculer, etc.
Par contre, au delà du spectacle reflété, le "pouvoir réfléchissant" du texte est assez puissant, y'a de la matière. J'essaye d'aller en détail.
Lilas m’a dit de ne pas vous dire.
Elle m'a dit.
Lilas m’a dit. Ses cuisses blanches.
J'aime bien ce début tout en hésitation, qui broute en quelque sorte, et dont "ses cuisses blanches" sonne comme le démarrage, comme si le moteur avait allumé sa flamme, et allait enfin pouvoir bruler. C'est bien fait.
Aquarelle aux lignes de l’éphémère, toute asymétrie est une démesure.
J'ai trouvé ça assez vague et même un peu pompeux (mais j'ai du mal à accepter tout ce qui est un peu nébuleux, tout ce qui n'a pas pour base quelque chose de concret et qui s'apparente à une espèce d'envolée lyrique, dont ton texte par ailleurs n'a pas besoin il me semble - je crois que c'est le seul endroit où tu es aussi abstrait), et c'est sans doute à cause de la transformation en nom de l'adj "éphémère", qui déjà en tant qu'adj est assez connoté "poésie", mais qui en plus transformé en nom devient un peu caricatural - ça fait tape-à-l'oeil.
Une énorme flaque répand le sang glauque de l’automne.
Et là tout de suite on revient sur quelque chose de plus concret, ce qui n'est pas pour me déplaire

Y'a une attention pour les mots qui me plaît vraiment, ils ont une belle puissance d'évocation - "sang glauque" c'est bien trouvé, pour évoquer ce que je crois être cette mélasse noirâtre de feuilles qui pourrit dans les flaques en automne.
La tumeur se prépare comme l’expression innée de l’assaut frontal.
Y'a ce procédé aussi sur une autre phrase qui est un peu lourd, qui est d'enchainer nom/adj + nom/adj à la suite. Là aussi un peu abstrait dans le propos, qu'est ce que "l'assaut frontal" - c'est une question pour du vent, je te signale juste où est ce que je me suis posé des questions, je me fiche de ne pas tout comprendre dans un texte, ce qui n'est pas le cas de celui ci, dont je comprends du moins l'état d'esprit, l'intention, je crois...
Avec les dents, creuser charnellement. Terriblement
Cette phrase semble s'enfoncer un peu artificiellement dans une noirceur que la phrase d'avant avait préparé avec plus de subtilité, construisant une pensée à contre courant assez malaisante et dénotant une certaine névrose ; cette phrase là au contraire semble s'enfoncer dans une animalité qui manque d'élégance, c'est assez caricatural d'évoquer les "dents", "creuser", "térriblement", on dirait que t'as voulu faire un jump scare, alors qu'une pensé sournoise commençait à se construire avec "Est-ce si vrai de déclarer que tous les meurtres tuent ?"
Un mort ne se suicide pas.
Un mort pense.
Il pense à cette journée sans qui demain sombre.
Et justement cette pensée étrange se développe après... À voir. Peut-être qu'avec la phrase "Avec les dents, creuser charnellement. Terriblement" tu voulais montrer une espèce de pulsion soudaine, avec tout d'un coup des mots forts et violents, pourquoi pas... Je trouve quand même que ça manque de finesse.
Puis, lors du procès, lorsque on m’a dit, répété que les moissons n'étaient pas éternelles, qu'elle n'avait pas encore
seize hivers, je me suis tu.
Lorsqu'on* peut-être ? J'aime bien ce rapprochement de l'éternité des moissons avec le nombre d'hivers de la jeune fille, ça a quelque chose de dramatique.
je me suis tu.
Le sens tue.
Pas fan de ce petit jeu de mot avec "tu/tue", assez rebattu - et globalement en prose c'est trop facile de faire des jeux de mots (après j'imagine qu'il y a une raison derrière ce jeu de mot, qu'on peut lui trouver plein d'associations et d'interprétations si on réfléchit bien, mais en premier lieu c'est le racolage d'une telle pratique qui me saute aux yeux, l'enthousiasme de celui qui écrit quand il voit à quel point ses mots sonnent et éblouissent, avant la nécessité d'exprimer quelque chose d'urgent et d'évocateur)
Et sous les cils, contribution anatomique des rumeurs tamisées qui m’emplissent et dans cette nuit de lait parfumant les rues de la moiteur, mon pouls me donne des coups d’hélice.
Phrase vraiment dense et chargée, qui n'est pas sans effet ; je lui reprocherais juste cet enchainement nom/adj, nom/adj au début ("contribution anatomique des rumeurs tamisées") ; j'aime beaucoup l'omission de la virgule avant le deuxième "et", ça renforce le sentiment d'urgence. Je trouve assez maladroit "de la moiteur", j'aurais plus vu quelque chose comme "de moiteur", ou "d'une moiteur +adj". J'aime beaucoup la dernière parti de la phrase. Par contre je ne comprends pas ce qu'est la "contribution anatomique des rumeurs tamisées", qui se trouve d'ailleurs "sous les cils" ; ça j'ai de la peine à le saisir, mais ça sonne en tout cas.
Hélicoptère à femmes
J'aime bien ce rappelle hélicoptère/hélice. Puis "hélicoptère à femmes" fallait le sortir

ça a quelque chose de drôle et en même temps le fond est violent, c'est franchement bien trouvé, pas évident, mais ça marche !
Affamé
Là encore jeu de mot, il a quand même plus de matière - affamé, faim de femme, lui qui les tue, les dévore, etc.
Comme un U aveugle, dénoyautant les bulles d’écume au sommet des vagues.
J'aime beaucoup "dénoyautant les bulles" - je remarque une certaine délectation dans ton écriture (ou un bricolage peut-être, une solution temporaire, à cause de cette volonté à grossir la phrase d'élément, à la bourrer jusqu'à ce que plus rien ne rentre) à utiliser le participe passé. Ce "U aveugle" ne m'évoque pas grand chose ; tu parles d'un "tube" peut-être, de la forme du rouleau des vagues ?
Que délivre l’éclaircie de toutes les vulves impubères. Eaux limpides. Vingt neuvièmes Démones.
Et dans la gorge de votre perte aux cieux, le ventre est une pièce à épaisseurs.
Tout ça tend vers le biblique, l'invocation, la déclamation, le tout dans un vocabulaire de sexualité juvénile ; c'est un peu forcé, illuminé, ça sent la jubilation pédophilique.
Un asile artistique et ma vieille présence sur lesquelles les saisons se tordent de douleur, s’agrippant à vos hanches.
Je trouve le participe passé moins justifié ici, à la fin : "s'agrippe à vos hanches" me paraitrait plus fluide ; et aussi je ne comprends pas trop le "vos" à la place de "mes".
Alors, le crabe ouvre le musée du diable, avec la bouche qui lui mange la langue, et la craie du poignard, amour-ventouse, lieu de la tangente en pointillés, siffle l'avènement de l'âme-peau.
Phrase épileptique, on saute d'image en image, elles sont toutes assez chargée et semblent contenir une histoire, le rythme monotone les distribue comme des cartes, une par une, avec ce même geste lent mais soutenu, j'aime bien.
Vision d’un monde en sursis.
A travers l’absence se morfondra toujours une adorable ironie.
Lilas, sœur du ciel m’a dit le repos aveugle de ses courbes prisonnières.
Moi, l'homme entendu, je me tais.
L'homme confondu, je serai toujours en guerre avec le je et le tu.
Pas convaincu par le dernier paragraphe, peut-être plus convenu que le reste, peut-être l'aspect métaphysique du texte se fait trop directe dans les deux dernières phrases, même si, évoqué aussi laconiquement, je peine (et ne chercherais pas forcément) à le comprendre. J'ai du mal à sentir la "révélations" ou la "vérité" charnellement ressenti qu'il y a à travers une phrase comme "À travers l’absence se morfondra toujours une adorable ironie", ça m'a l'air d'être un agrégat de mot sans forcément une réalité matérielle/sensorielle qui la commande (comme c'est le cas avec des phrases telle que "mon pouls me donne des coups d’hélice.", qui là se représente mieux à l'esprit) - une "ironie" qui se "morfond" à travers l'absence ? l'absence de quoi d'ailleurs ? ça fait sophisme un peu vague et général, sorti de nul part. Le "repos aveugle" n'est pas très évocateur pour moi - et d'ailleurs t'as déjà cité un cas d'aveuglement avec le "U" tout à l'heure. "Dire" le "repos de ses courbes", je comprends la poésie que ça peut avoir, mais je trouve la tournure un peu datée, un peu trop veillotte pour être dite aussi sérieusement.
Ecriture personnelle en tout cas, on sent une relation intime avec les mots, c'est ça qui me plaît - on sent un certain soin ou du moins une certaine expérience dans leur choix, ils sont rarement clichés ou rebattus. Cette pensée vive et morcelée fonctionne vraiment bien. Y'a une certaine emphase par moment qui n'est pas de mon goût, mais elle ne prend pas souvent la place de l'intelligence des images, et de l'inattendu des associations qui est assez plaisant ("Quelle chute du vertige ! L’immensité toute à sa violence.", "Un mort ne se suicide pas."). Parfois des phrases qui semblent devoir faire réfléchir, mais dont après rumination on ne tire pas beaucoup de matière je trouve ("Il pense à cette journée sans qui demain sombre.", "A travers l’absence se morfondra toujours une adorable ironie.") ; peut-être faut-il les approfondir un peu, leur donner plus d'élément pour nous permettre de faire plus d'associations ; parce que je sens bien qu'il y a une idée derrière, mais la concision et l'économie des mots me la rendent trop vague et générale. Après je crois que c'est tout

Hésite pas à me répondre, à contre dire, à débattre etc, moi j'suis dispo ; mon avis s'affinera surement avec le temps et les différent échange, pour l'instant c'est à gros traits ; après si je t'ai aidé c'est le principal
