Bonjour, c'est reparti pour un texte de SF. Bonne lecture chère Lecter (jeu de mot).
Première mission
1
Bien calée et sanglée dans mon fauteuil, j'attends mon catapultage. C'est ma première mission et j'avoue être un peu tendue. Mon crâne chauve me gratte un peu sous le casque électronique en silicone. Il s'agit d'un casque à induction électromagnétique conversationnel autonome, type
MANTRA 12. Autrement dit, un
Poulpe de dernière génération (je vous laisse imaginer pourquoi). Mon appareil est un
Rafale Stellaire VII modifié, un appareil qui date un peu, mais fiable et robuste. La mission consiste à convoyer un cargo jusqu'à Sylphia-Prima et revenir avec un croiseur endommagé pour réparations.
Pour l'instant, je n'ai rien à faire, toutes les commandes sont automatiques, j'ai juste à prendre mon pied. Pourquoi, vous demandez-vous ? Parce que j'adore parcourir les tunnels d'éjections à 500 km/h et être expulsée du boyau en me prenant le spectacle de la Voie lactée en pleine gueule. Ensuite, c'est l'accélération jusqu'à 5 000 km/h, pour contourner le vaisseau amiral en orbite haute et contempler Trappiste e et sa lune. C'est seulement une fois en formation avec mon escadrille que je reprendrais les commandes de mon appareil.
Au fait, je me présente, Lieutenant Nathalie Del Natja. Mes arrières grand-parents paternels étaient originaires de Terra-Prima. Suite à une énième guerre avec Mars, ils finirent par décider d'émigrer sur Trappiste e et d'y refaire leur vie. À cette époque, y vivre était compliqué et la planète orgueilleuse ne se laissait pas faire. Beaucoup de colons étaient morts, on parle de plusieurs millions. Puis, elle finit par se laisser dompter et mes grands-parents eurent un fils qu'ils baptisèrent Roger. Ma mère arriva directement de Terra-Prima et fit la connaissance de mon père, lors d'un séminaire de culture bouddhiste transcendantale, à laquelle, je n'ai jamais rien compris. Elle s'appelait Jacqueline, un prénom ancien que j'aime beaucoup.
Je suis née le 13-09-487, du calendrier Trappiste, à la
clinique du Grand Refuge dans la ville moyenne de Petite-France, située sur la
côte des Anglades. Ma mère est décédée, il y a sept ans, d'une intoxication à l'algue mauve. Mon père vit maintenant seul, mais je le soupçonne de voir depuis peu une femme régulièrement. On verra bien. J'ai donc 25 ans et toutes mes dents (vieille expression) et je suis célibataire. Après mes études dans le tronc commun, j'ai décidé d'intégrer l'armée régulière pour pouvoir voler et sillonner la galaxie, ou du moins, une bonne partie de celle-ci, elle est si vaste.
J'ai un rêve, contempler un jour le Dédale du Kraken, dans la ceinture du Minotaure, et rester vivante. J'ai vu des hologrammes, il est magnifique, mais surtout très dangereux, il y a quand même un trou noir en son sein !
Bref, une fois mon service actif terminé, dans 15 ans, je compte embarquer à bord d'un croiseur de classe Titan et parcourir la galaxie le plus longtemps possible. D'ici là, j'espère passer capitaine et mettre suffisamment de crédits de côté afin de pouvoir me faire construire une belle villa pour mes vieux jours.
Bon, c'est pas tout ça, je papote, je papote, mais j'ai une mission à accomplir. Ça y est, les feux viennent de passer à l'orange, à moi de jouer.
Compensateur inertiel opérationnel, commandes primaires sur ''automatique'', bouclier magnétique en marche, désengagement des mâchoires de rétention, tout est nickel chrome (encore une vieille expression). Une petite pichenette sur le joystick pour signifier que je suis prête. Les portes du hangar s’ouvrent et c'est parti.
Vous avez déjà vu un tunnel spatio-temporel ? Non ? Ben, vous ne perdez rien, il n'y a rien à voir. C'est le noir complet, ce qui est troublant, car on pourrait croire que l'on verrait des lignes ou des strates de couleurs dues aux galaxies et aux étoiles qui défilent à très grande vitesse. Ben non, que dalle, et c'est normal. Et là, c'est le moment où je me la pète. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi. Sans entrer dans les détails, ce qui m'arrange beaucoup, il faut que vous vous imaginiez dans le trou du cul de l'univers et dans un trou du cul, il fait noir ! En principe, car si vous prenez exemple sur un
Galibitus marbré, comme ce ver est totalement transparent, forcément, ça le fait pas. En gros, les scientifiques expliquent le phénomène en décomposant l'univers en différentes strates, comme les pelures d'un oignon par exemple. Il suffit de se glisser entre deux couches et de déboucher là où on le désire. Je trouve cela fascinant. En tout cas, celui qui a trouvé le moyen d'y arriver, ce n'était pas la moitié d'un con (il est possible que je n'ai pas bien compris cette vieille expression). D'ailleurs, si je voulais continuer à me la péter encore un peu, je vous dirais que nous sommes limités à des bonds de 314 années-lumière. Pourquoi 314 et qu'est-ce qui provoque cette limite ? Personne n'en sait rien, et les scientifiques sont pour l'instant impuissants à résoudre cette énigme. La physique classique s'étant révélée rapidement hors course pour proposer une explication, tout le monde s'est précipité vers la mécanique quantique, sans davantage de résultat. Certains évoquent un mur quantique infranchissable constitué de spinarons désordonnés, provoquant une barrière temporelle. D'autres, un substrat d'énergie de force forte qui s'accumulerait devant les vaisseaux jusqu'à boucher le tunnel spatio-temporel. Un courant de pensée penche pour une nouvelle physique, qu'ils nomment,
physique quantique profonde. Il y a même des religieux qui affirment qu'il s'agit d'un mur destiné à protéger Dieu des impies. Le seul indice qui pourrait nous donner un début d'explication, c'est ce chiffre de 314, il ne vous rappelle rien ?
Cela va bientôt faire une heure que nous sommes partis et nous allons bientôt arriver à destination, Sylphia-Prima n'est qu'à dix petites années lumières. Je vais devoir vous laisser pour me concentrer sur le pilotage. J'espère que vous avez fait bon voyage et que je vous retrouverai sur Del Natja airlines. En attendant, prenez soin de vous.