[Basic]

Bonjour,

de prime abord, vous allez penser  ce pauvre vieux s'est trompé de rubrique ?
Peut-être.

Je parle bien ici de l'objet livre, de mon expérience et de mon questionnement sur l'écriture.
J'ai tenté l'édition - pas l'auto édition - mais, la course aux AT ( Appel à textes, quelques publications), dépôt de manuscrits auprès des éditeurs (une quarantaine de non réponses ou de lettres types négatives pour trois romans)... pour vivre une aventure éditoriale assez piteuse avec une petite maison d'édition qui a pris ses propres vessies pour des lanternes ( en gros comment amener des livres au public sans réseau, sans argent, peut-être aussi sans trop de discernement ni des talents nécessaires à l'édition - en dehors du carnet d'adresses : capacité de prospection, d'accompagnement des auteurs etc).
Donc, une expérience complétement piteuse, une cinquantaine de romans vendus ( la plupart chez mon tonton, ma tata, mes cousins, ma mère, mes enfants... donc beaucoup de dons, vous savez certainement ce que c'est).
Pas très grave en soi et assez commun.
Sauf que la question fondamentale arrive, alors pourquoi ? Pourquoi écrire des histoires ?
Donc un grand moment de blocage... des mois et des mois à reprendre les textes, corriger les erreurs, les bricoles etc et rien de neuf devant l'écran blanc.
Je consulte mon psy de comptoir, c'est à dire mon miroir, qui me dit cette évidence : "mon vieux, c'est parce que tu n'as pas fini l'objet livre que tu es bloqué. Si tu fais l'objet livre, l'évidence matérielle te poussera à faire du neuf, à écrire de nouvelles histoires." Voilà, que je passe par un site de fabriqueurs qui me composent des objets livres. ( j'en profite par une sorte d'élan narcissique et aussi par une sorte de désir testamentaire un peu prématuré j'espère, pour sanctuariser mon "oeuvre" complète une belle facture, n'en doutons pas).
Voilà, j'en suis là. Après avoir interrogé les alternatives à l'édition, sans trop de réponses [urlhttps://monde-ecriture.com/forum/index.php?topic=43442.0]ici[/url], je m'auto édite pour mes proches ( et mes poches) afin de me dire que j'arrête de corriger et je passe à autre chose.

Pour trouver des scénarios raisonnables pour mon égo ( l'écriture pour moi n'est pas un loisir mais un moteur) je me dis que notre système éditoriale est planté, qu'il a raté le virage numérique et qu'il se fait bouffer petit à petit par les grands méchants loups. Je me dis aussi que les AT (quand ils sont vraiment menés et motivés par de vrais passionnés - là aussi il y a des dérives de tous types, on pourrait en causer) sont des endroits où je peux voir que je ne me suis pas trop planté, que mes histoires ne sont pas si nazes que ça. C'est en gros, la seule "mesure" que j'ai pu trouver.

B 

[Aponiwa]

Hello Basic,

Pourquoi raconter des histoires?
Parce qu'on a toujours fait ça depuis la nuit des temps. Il y a toujours eu des conteurs et des gens pour écouter les histoires. Qu'est-ce qui nous pousse à raconter des histoires? Bonne question. Envie exorciser des peurs, des traumatismes qui nous consument, de créer des mondes dans lesquels on aimerait vivre, de créer des personnages qu'on admire ou qu'on déteste, tant de raisons qui nous poussent à le faire.
Perso, l'écriture est plus qu'un loisir. C'est une façon de rester vivante, de ressentir, de vibrer, de m'examiner de l'intérieur, de refaire une histoire réelle qui aurait du tourner autrement, de m'évader. C'est un besoin, comme celui de respirer. J'ai toujours écrit, dessiné, joué de la musique pour ces mêmes raisons. J'adore me raconter des histoires, c'est une façon de s'extirper de la réalité et c'est bon.

Pourquoi faire un livre?
J'aimerai bien être éditée un jour. Ca serait pour moi une sorte de consécration, de reconnaissance. Comme toi, pas mal de lettres de refus ou pas de réponse mais tant pis. Je sais qu'il y a des histoires qui valent la peine (genre Rouge Cerise, je sais que ce monde tient le coup et est chouette, à moi de l'enjoliver toujours et toujours).
Sinon, je suis en train de me faire un recueil de mes textes courts. Pour laisser une trace, pour le faire lire à mes proches, pour partager ces mondes que j'ai fait naître avec bonheur. Je ne passerai que par un imprimeur, pour un ou deux exemplaires. je n'en vendrai pas, pas la peine, et pis vu le coup de l'impression j'en serai pour mes frais. Mais je trouve que faire cadeau d'une histoire est une belle preuve d'amitié, d'amour. Un peu d'égocentrisme, sans doute mais si peu!
Je veux garder une trace, pour moi le papier est perenne contrairement au numérique. Et pis c'est tout.
Imprimer ce que j'écris, me le garder, partager, et plus tard, peut-être léguer à mes enfants l'envie de perpétuer le geste : raconter des histoires c'est chouette.

Bon, je sais pas si j'ai répondu à tes questions.

Bon dimanche!

[Lune]

Bonjour,

Pourquoi raconter des histoires ?

Pour les mêmes raisons qu'évoque Aponiwa. 
Pour s'évader, pour rester vivante, pour écrire à la main encore.
Les textes rassemblés seront dans un grand livre, pour les enfants, les petits- enfants,  les arrières petits-enfants etc ...
ou la poubelle  !

[Samarcande]

Je me pose aussi la question en ce moment où la motivation n'est pas au top sur ce qui me pousse à écrire ( même trop peu ).
Un peu trop d'égo dans le sens où j'espère laisser ma petite trace ?
Volonté de reconnaissance, qu'on me donne une tape sur l'épaule et qu'on me dise que je m'en sors plutôt bien ?
Un message à passer ?
Des trucs à sortir ?
L'illusion que je peux écrire un truc qui n'a pas déjà été écrit mille fois ?

J'ai souvent lu des écrivains qui disent qu'ils écrivent "parce que qu'ils ne peuvent pas faire autrement".
Ce n'est pas mon cas.
Je crois surtout que j'écris des histoires parce que j'aime en lire.
Et que j'éprouve une vraie satisfaction quand ce que j'ai en tête/ressens et mes phrases sont en phase (même si jamais aussi complètement que je le voudrais), quand le petit monde de papier que j'ai créé tient la route.

J'ai fait un libre, une fois. Une histoire pour enfant bilingue français/italien. Un travail collectif avec plein de personnes qui m'ont donné un coup de main pour la traduction, les illustrations, l'éditing.
Le livre n'est pas à la vente: j'en ai imprimé 25 copies à offrir, mais j'ai ressenti la satisfaction d'avoir mené à bout un projet, de l'avoir concrétisé.

J'aimerais bien terminer un plus long projet, un petit roman, mais pour l'instant je n'y suis jamais arrivée.
Le gap entre ce que je voudrais faire et ce que je suis capable de faire jusqu'à présent m'a toujours fait abandonner mes projets en cour de route.
Pas assez d'endurance surement, trop d'attentes aussi.
Mais je crois que si je réussissais à finir un projet, j'aurais envie de l'imprimer et de le mettre dans ma bibliotèque. Parce que les livres que j'achète sur kindle me semblent toujours moins réèls que ceux que je possède en version papier.
Je sais que c'est bête, un peu vieux jeu aussi, mais je ne peux pas m'en empêcher.

[Aponiwa]

Parce que les livres que j'achète sur kindle me semblent toujours moins réèls que ceux que je possède en version papier.
Je sais que c'est bête, un peu vieux jeu aussi, mais je ne peux pas m'en empêcher.

Non, c'est pas bête! Je suis comme toi. Je ne lis que des livres papiers. On m'avait offert une liseuse. Je ne l'ai utilisée que de rares fois (quand j'avais ma fille encore bébé collée au sein pendant des heures, là c'était utile!  )
J'aime bien le papier. Comme je disais, ça reste. Que restera-t-il de la liseuse ou de mon pc dans 50 ans, quand je me retournerai en me disant "wah, j'ai écrit tout ça!" : ben rien. Et puis l'odeur d'un vieux livre, ça m'emporte, j'adore. J'écris encore sur des cahiers au stylo plume, je kiffe. Vive le papier!

[Basic]

perso

je suis un fan des lapsus de Samarcande, il faudrait en faire un livre : "J'ai fait un libre, une fois."

Pour moi, le livre est l'objet chargé du symbole de la transmission, l'objet fait que l'histoire est lue, le texte est lu. Si le texte n'est pas lu il est passé à côté de sa mission réelle, de sa substance. C'est pour ça que j'attache inexorablement livre et édition. Parce que l'objet doit pouvoir atteindre, si il n'est pas diffusé c'est autre chose.
Dans le cas que j'ai exprimé, les livres que je fabrique pour mes proches, sont juste un buttoir, un truc pour me dire que c'est fini, qu'il faut passer à autre chose, mais les textes ont échoué. Ce sont des bateaux pris dans les sables, leur cargaison n'a pas eu de destination, ils ne sont pas entré dans l'universel. C'est peut-être bien du narcissisme. Toutefois, je crois que dans mon cas, l'écriture n'est pas une thérapie mais une sorte de travail social ( dans un autre milieu on aurait dit mission), de la même façon qu'un acteur de théâtre, qu'un danseur, qu'un peintre... peut penser qu'il a une mission, pas plus grande que celle-ci : parler le monde qui l'entoure et pour le monde. Le fait de ne pas éditer me fait échouer dans ma mission, de la même façon qu'un peintre qui ne peut montrer ces tableaux.
On se retrouve là dans un cas très spécial, dans un pied de nez, étonnant. A l'heure où les salles polyvalente sont remplies d'expositions de peintre que l'on dit amateur ( je ne pose aucun élément de jugement sur la qualité des œuvres), la diffusion artistique est saturée d'œuvres factices, bavardes... mises en avant par le marché... il n'y a pas ou peu d'intermédiaire, les peintres doivent se transformer en technicien de la ressource pour être diffusés...
je crains que les livres aussi. Donc à l'heure où on peut fabriquer des livres aussi facilement qu'avec un peu de monnaie ( quand même), deux ou trois clics... les éditeurs n'existent plus ( étranglés pas les grands distributeurs, le système en son entier dont le lecteur n'est pas le plus anodin des acteurs - juste observer les fils d'attente au grand marché du livre) Il y a la grosse cavalerie de l'édition et les éditeurs de réseaux.

B

[SablOrOr]

Bonsoir,
J'aime bien ton lapsus aussi Basic : "les fils d'attente"...
Est-ce une histoire de génération ou de couture ? 
Quant à faire un livre et l'éditer... je vous admire, ceux qui travaillent dans ce sens. Cela me semble si colossal !
:-)
 

[marécage désolé]

j'en rajoute une couche sur écriture et publication :

entre 1995 et 1999 j'ai commencé à lire des recueils de poésie, mais pas écrit une ligne. ce n'est que fin 99 que j'ai eu l'impulsion d'écrire moi même des poèmes. pourquoi ? à mon avis la réponse est simple : par mimétisme, pour imiter les poètes que je lisais et admirais. je voulais moi aussi m'inscrire dans cette tradition, aussi mégalo et irrationnel que cela paraisse. alors j'ai commencé à torcher des poèmes ET à vouloir les faire lire à des proches, amis, ET à les mettre sur des forums. hors de question pour moi de ranger mes poèmes dans un tiroir et de les laisser. un peu plus tard l'envie d'être publié en revue papier est venue. là encore par mimétisme : tous les poètes que j'aimais été passés par là. et c'est pareil pour la publication d'un recueil.

25 ans plus tard j'ai fait publier 4 recueils et un récit dans la micro édition. à quoi cela m'avance t il ? au niveau financier, à rien. en terme de notoriété c'est très négligeable aussi. MAIS, j'ai rencontré d'autres poètes et amateurs de poésie, dont ma compagne, avec qui je suis en couple depuis plus de 10 ans. ce n'est pas rien, et ça rachète toute les déceptions que j'ai pu avoir, haut la main. depuis environ 3 ans, je suis dans une période de flottement, m'orientant d'avantage vers le récit en prose de format court, mais suis toujours lecteur de poésie. j'ai trouvé une revue papier qui accepte de me publier, c'est suffisant pour moi. je pense être avant tout un dilettante, et surtout pas un écrivain professionnel.

la littérature très contemporaine ne m'intéresse que très peu. parfois j'entends des interviews à la radio ou je vois les tronches des auteurs en bandeau sur les livres dans les librairies, et tout cela ne me fait pas rêver, loin de là. pourquoi continuer alors ? avec quelles ambitions ? pas la finance ni la notoriété en tout cas. peut-être le plaisir, sans doute illusoire, d'être dans la continuité d'une tradition que je respecte. mais sans illusions, on ne fait rien. celui qui n'agit que quand il a des certitudes n'écrit pas. l'intranquillité est certainement un moteur.

[Yfig]

Bonjour bonjour

Quel beau sujet !
Quel marécage !
Rien que d'y penser, je m'enlise ... jusqu'aux coudes 

Tout comme mon pote Marécage navré, ça remonte à loin ...
Je fus un lecteur addict (initié par ma maman qui me jetait un bouquin dans les pattes dès que j'avais fini le précédent) jusqu'à ce que j'aie épuisé le répertoire et que je commence à lire des néo auteurs.
J'ai arrêté net.

Je me suis dis en aparté : "si tu veux des bonnes histoires bien écrites, va falloir que tu t'y mettes."
pauvre idiot !

Bon ! fallait que je me trouve des excuses pour procrastiner ... ça manquait pas !
Contraintes professionnelles, familiales etc ... mais ça ne me disculpait pas totalement j'ai donc trouvé la bonne raison : "je suis trop jeune, je n'ai pas de matière ni d'expérience."

J'ai donc bourlingué.
Europe, Afrique, Asie, US, Afrique encore ...

Et un beau jour (morose), je me suis inscrit sur quelques fori.

Bons et mauvais souvenirs.

J'étais là, à glander dans une boîte parisienne lorsqu'une canadienne qui mourait d'ennui m'a enjoint de la distraire sur le Net.
J'ai entamé une histoire, un genre de feuilleton dont je lui distillais chaque jour quelques ligne.
Au début ça a marché mais elle a vraiment cru que j'étais un espion et s'est sauvée ... j'ai continué l'histoire !

Une autre idée m'est venue ... et de fil en aiguille (comme on dit chez ma couturière) ...

Si ça me plaisait, forcément ça devait plaire aux autres.
J'ai imprimé ça à l'aide d'une imprimante et j'ai envoyé ces tapuscrits à des ME (comme ils disent).
Pas réponse ou des négatives. Jamais un commentaire, un conseil, une critique.
Incompréhension.

J'abrège.

J'ai fini par m'auto édité chez Lulu. Avez-vous connu ? Le tout début de l'édition numérique à grande échelle.
Mais quand j'ai vu ce qu'ils acceptaient comme ouvrages, j'ai rompu les ponts.

Google book est arrivé.
J'ai essayé et j'ai glissé vers Amazon naturellement.

Cette intro peut vous fatiguer parce que trop longue, mais en fait je réponds bel et bien à la question.

Pourquoi s'entêter quand tout le monde vous rejette ?
J'aurais dû me remettre en cause et laisser tomber, non ?

Alors, pourquoi ?

Ben j'en sais rien, les ami(e)s.

Moi, j'aime bien mes histoires et je les juge toujours dignes d'être éditées ; la preuve, je les ai autoéditées.

Elles plaisent, elles plaisent pas ?
M'en fous !
Je n'ai ni complexes ni états d'âme, surtout quand je lis des trucs édités par des éditeurs vénaux sur des sujets insipides écrits par des célébrités télévisuelles au QI de psittacidés.

J'ai quand même vendu quelques trucs.
Deux "Raout" au Japon un aux US et deux de mes pièces ont été mises en scène par des troupes amateurs de talent (forcément puisqu'ils jouaient un texte génial !) 

Et quel grand bonheur de voir mon épouse se bidonner à la lecture de mes conneries !

Attention, la gloire est mauvaise conseillère.
La preuve : tous ceux qui réussissent se droguent. Je crois.

Evidemment, vendre est attrayant, c'est une reconnaissance. Quoique ... vendre à des idiots ... est-ce réellement glorieux ?

Ouaip ça doit être ça : je suis trop génial, en avance sur mon temps, incompris, victime d'une cabale mondiale, marabouté par des sectes maléfiques et des gobelins mal intentionnés ...

Mes bouquins sont mauvais .. ou pire ...

C'est la vie !

et pour moi, la vie, c'est aussi écrire.