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Le Monde de L'Écriture » Sous le soleil des topics » Discussions » 孫悟空 Sangoku, la vacuité

Auteur Sujet: 孫悟空 Sangoku, la vacuité  (Lu 535 fois)

Hors ligne Grégor

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孫悟空 Sangoku, la vacuité
« le: 11 octobre 2022 à 10:28:39 »

Lao Tseu :
 保此道者不欲盈
夫唯不盈
故能蔽而新成。

"Celui qui reste sur la Voie ne désire pas être plein; celui-là consent à ne pas être plein; voilà pourquoi il peut se conserver tel quel et, en même temps, réussit à se renouveler".
Traduction, grâce à l’aimable aide de Zhongguoren 中国人

Le Kong (空 : vide) de Sangoku (孫悟空)définit aussi sa qualité principale, à savoir : la vacuité. Si Sangoku est le plus grand combattant, c’est seulement qu’il est comme un vase vide qui peut infiniment se remplir sans jamais être plein. Il apprend constamment et n’est jamais rassasié. Ce qui bloque ces adversaires, c’est toujours leur part négative. En effet Goku est un être foncièrement positif. Ce héros est une sorte d’idiot : il ne voit pas le mal. Il est naïf et ne se soucie pas que l’on se moque de lui, il cherche seulement le meilleur en et pour ce monde : c’est en cela qu’il est positif.
La négativité est peut-être foncièrement liée à notre pensée réflexive, une sorte de narcissisme. Passer pour un idiot, incapable d’avoir des arrière-pensées, est souvent mal vu de la part de ceux qui se croient très habiles et très malins. Parce que justement, l’opinion que l’on se fait d’eux et l’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes est très importante à leurs yeux. D’où ces combats d’ego où chacun tâche de rabaisser l’autre et de se hisser tout en haut. Alors que l’objectif d’une discussion est seulement de pouvoir apprendre les uns des autres et de s’enrichir mutuellement.
En réalité le but des adversaires de Goku n’est pas la lutte même, mais le résultat espéré. Sangoku, au contraire, aime se battre et c’est là sa voie de guerrier, mais il ne se bat jamais pour être le meilleur, uniquement parce qu’il aime cela (car ses adversaires le pousse à se dépasser) et que son combat est juste.
Son absence d’ego le rend semblable à un vase toujours capable d’accueillir les événements, même les plus terribles et toujours d’une manière positive.
Ses progrès sont considérables. Il se dépasse toujours lui-même car il ne se bloque pas, il n’est jamais plein et jamais rassasié.
C’est un sage, un sage idiot.

Il est assez proche, selon moi, de la béatitude spinoziste, qui ne considère la Nature, que comme un ensemble de lois positives. Bien sûr nos désirs importent et Sangoku combat pour ses désirs. Seulement, ils n’ont rien à voir avec lui-même et surtout pas avec un quelconque désir de gloire superflue. Il cherche seulement l’amitié entre les êtres et la trouve parce qu’il est sans arrière-pensées, il a le cœur pur (德 Te, qui signifie la Vertu et dont l’étymologie est la démarche (彳) de celui qui a un cœur droit (悳)).
Il n’y a aucun calcul chez lui, pas d’intrigues ni de volonté de manipuler les autres.
Il se laisse uniquement emplir par l’instant sans jamais être rempli.

Lao Tseu, chapitre 34 : 大道汎兮,其可左右。万物恃之而生而不辞,功成不名有。衣养万物而不为主,常无欲,可名於小;万物归焉,而不为主,可名为大。以其终不自为大,故能成其大

« La Voie est omniprésente, elle peut être à gauche et à droite. Tous les êtres lui doivent leur existence, jamais elle ne se refuse à eux. L’œuvre accomplie, elle ne s’en attribue pas la possession. Elle vêt et nourrit tous les êtres, et ne se prétend pas leur maître. Puisque constamment elle est sans convoitise, on peut la qualifier de petite. Puisque tous les êtres dépendent d’elle, sans la connaître comme leur souveraine, on peut la qualifier de grande.
Par la suite le sage : jamais ne se magnifie ; c’est pourquoi, il mène à terme son Grand Œuvre. »

Sangoku est à l’image de ce sage, qui jamais ne se magnifie (以其终不自为大 ).
Il suit la voie (道 : tao) et est à son image.

On pourrait reprendre le chapitre 15 de Lao Tseu, cité plus haut, et le traduire différemment :
保此道者不欲盈
« Celui qui est sur la voie ne désire pas avoir plus »

En effet, désirer est déjà commettre une entorse à la Voie.
Suivre la Voie ce n’est pas vouloir, c’est accepter ce qui est ou plutôt ce qui devient.
Un peu comme dans la fable du Petit Prince qui apprend à commander le soleil à l’heure où il se lève, le vouloir n’est qu’une illusion de puissance de la conscience, qui croit commander alors qu’elle ne fait que suivre, comme tout ce qui est, le grand mouvement du monde. Ou alors, elle tâche de lui faire violence et elle se brise, d’une manière ou d’une autre, comme un vase qui voudrait contenir et retenir l’océan. D’où l’importance de la dépossession et du détachement. Ne rien vouloir garder, lorsque l’on sait que toutes les situations changent inexorablement, mais se satisfaire de ces changements et rechercher le positif, le doux, la persévérance dans la douceur d’agir par le Non-agir.

Il est d’ailleurs plus facile d’agir au début des changements de situation, sans violence, qu’une fois qu’elles sont devenues puissantes et inexorables.
Le véritable sage ne donne pas l’impression d’agir, parce qu’il agit simplement et sans effort en connaissant les situations dans leurs infimes mouvements, parce qu’il entend les battements d’ailes du papillon qui déclencheront une tempête, il sait dévier les orages et les crises sans violence.

Bien sûr Sangoku agit avec plus d’énergie, c’est avant tout un personnage spectaculaire qui amuse les enfants et les moins jeunes en étant un combattant surpuissant.
Mais dans la vraie vie, nous pouvons être des guerriers, au service de la Voie et du bonheur de tous, par d’infimes mouvements.
C’est un ce que comprenait Miyamoto Musashi dans le Sabre et la Pierre puis dans La Parfaite Lumière. Il comprend dans ces ouvrages que la Voie du Sabre qu’il a empruntée, en tant que guerrier, est comparable à d’autres voies, celles des arts ou de la philosophie mais aussi de l’agriculture. Finalement tout est soumis à la Voie unique du Tao (道) qu’il convient de suivre et de laisser s’accomplir en soi afin d’être comme une source claire et douce qui irrigue le monde.


Chapitre 78 de Lao Tseu

天下莫柔弱於水,而攻坚强者莫之能胜,其无以易之。
弱之胜强,柔之胜刚,天下莫不知,莫能行。
« Sous le Ciel, Il n’y a personne qui soit plus souple et plus faible que l’eau.
Mais pour s’attaquer à ce qui est dur, elle n’a pas d’égal.
Rien ne saurait la remplacer.
La faiblesse triomphe de la force et la souplesse de la dureté ;
Sur terre chacun le sait, mais nul ne peut agir en conséquence. »


« Modifié: 11 octobre 2022 à 10:55:04 par Grégor »

 


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