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29 mars 2024 à 07:05:24
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Re : Je sais !, Je souffre, Renaissance, Respire, Grand mère, L'oeil noir (FIN)

Auteur Sujet: Re : Je sais !, Je souffre, Renaissance, Respire, Grand mère, L'oeil noir (FIN)  (Lu 3759 fois)

Hors ligne Delnatja

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Re : Re : Je sais ! suivi de Je souffre et Renaissance.
« Réponse #30 le: 22 janvier 2023 à 15:13:58 »
Respire


   D'abord, il avait fallu que j'expulse tout le liquide présent dans mes poumons. Ensuite, vint le moment d'aspirer de l'air, le premier depuis ma renaissance et je le sentis circuler, s'infiltrer dans les moindres anfractuosités de mes alvéoles. J'ai senti le vent dans mes poumons, aller et venir au grès de ma respiration, je me suis demandé si c'était ce que ressentait un nouveau-né au moment de prendre ses premières goulées d'air. J'ai eu l'impression d'un ''déjà ressenti'' comme le fantôme d'une sensation depuis longtemps oublié, le cerveau finissant par faire ,au fil des jours, son office de filtrage sensoriel.

   Ils m'ont lavé, séché, habillé, puis ils m'ont assigné une chambre et m'ont apporté de quoi me restaurer et j'ai pleuré. Je n'aurais jamais imaginé pleurer en mangeant de la vraie nourriture. Chaque bouchée était une explosion de saveurs et de bonheur. Bien sûr, tout était plus ou moins liquide afin que je n'aie pas à mâcher, mais rien que les odeurs, m'emplissaient de joie.

   J'ai reçu de la visite, beaucoup de visites au début, des infirmières et infirmiers venaient plusieurs fois par jour et la nuit afin de vérifier que tout allait bien. Des personnes apparemment importantes sont venues me visiter, toutes charmantes avec moi et me témoignant un grand respect. Malgré toutes ces attentions, je finis rapidement par me lasser et je demandai à sortir de ma chambre. On m'y autorisa après m'avoir couvert la tête d'un châle blanc. Ce que je vit me stupéfia, par l'immensité des structures, l'étendue des espaces de vie et de cultures en tout genres. Il y avait même des oiseaux, des insectes et des animaux que je n'avais jamais vus.

   Et puis elle s'est approchée de moi et s'est arrêtée. Nous nous sommes regardées un long moment et j'avais presque l'impression de me voir dans un miroir. Je fus incapable de prononcer un mot. La visite reprit et elle nous accompagna. Nous étions cinq pour cette visite guidée. Il y avait une femme âgée d'environ quatre-vingts ans (elle en avait en réalité cent), qui nous servait de guide, toujours prompt à répondre à mes questions. Il y  avait aussi un grand noir à qui l'on donnait du ''Monsieur'' à tout bout de champ et que j'estimais être quelqu'un d'important. Il y avait aussi un jeune homme, qui apparemment devait être un soldat ou un garde du corps et je me suis demandé qui, il devait protéger et pourquoi. Nous sommes entrés dans une grande pièce où une vingtaine de personnes étaient affairées devant leur pupitre. Plusieurs écrans de forme ovoïde tapissaient tout un pan de mur. Je me rappelle m'être dit que tout cela n'était pas d'origine humaine et me provoqua un frisson.

   Je me sentais bien, mes pensées étaient fluides, précises et bien ordonnées. Je n'avais plus mal nulle part, je pouvais de nouveau voir avec mes propres yeux, entendre avec mes propres conduits auditifs, sentir d'innombrables odeurs et non uniquement celle de l’intérieur d'un masque avec ses relents de sueur et d'air recyclé. Après deux heures de visite, nous sommes retournés dans ma chambre et j'avoue que je commençais à sentir la fatigue. Après nous être désaltérés, ils repartirent en me laissant seule avec la jeune fille rencontrée pendant la visite.

   Nous sommes assises l'une en face de l'autre. Elle est belle, des cheveux bruns mi-long, des yeux noisette, elle me fait penser à moi à son âge.  Quelque chose me dérange et m'attire chez elle. Comme apparemment  elle ne désire pas prendre la parole en premier, je me lance.
– Comment t'appelles-tu ?
– Je me nomme Naïtina Madame.
– C'est un très joli prénom.
– Merci Madame.
– Et quel âge as-tu ?
– Vingt-et-un Madame.
– Tu as presque le même âge que moi. J'ai, si je me souviens bien, vingt-ans.
– Oui Madame.
– Que fais-tu, as-tu un travail ?
– Je suis apprentie conceptrice dans la section recherche et développement en structures bio-cellulaires Madame.
– Je n'ai aucune idée de ce que cela peut-être, mais ça a l'air très intéressent.
– Oui Madame, très.
– Pourrais-tu me faire une faveur et ne plus dire ''Madame'' à chaque phrase, s'il te plaît ?
– Avec plaisir, grand-mère.     
« Modifié: 23 janvier 2023 à 20:49:22 par Delnatja »
Michèle

Hors ligne Robert-Henri D

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Re : Re : Je sais ! suivi de Je souffre, Renaissance et Respire (nouveau).
« Réponse #31 le: 23 janvier 2023 à 15:52:06 »
Bonjour Delnadja,

C'est avec plaisir que j'ai pris connaissance de cette suite : je t'avoue d'emblée que la chute "– Avec plaisir, grand-mère.  " m'a littéralement scotché !

Je te mets sous spoiler deux ou trois broutilles qui peuvent t’intéresser :

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.
Dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s'est passé.

(Terry Pratchett)

Hors ligne Delnatja

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Re : Re : Je sais ! suivi de Je souffre, Renaissance et Respire (nouveau).
« Réponse #32 le: 23 janvier 2023 à 21:05:38 »
Bonsoir Robert-Henri D, merci pour ton commentaire.
J'ai fait les corrections (pourtant je passe mes textes au détecteur de mensonge orthographique).
Je suis ravie que ça te plaise.
Je commence à réfléchir texte suivant.
Belle soirée.
Michèle

Hors ligne zopiclone

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Re : Re : Je sais ! suivi de Je souffre, Renaissance et Respire (nouveau).
« Réponse #33 le: 24 janvier 2023 à 08:45:41 »
J'ai apprécié le style péchu et le message de fond de la première partie.
L'écriture est solide. Mes plus sincères condoléances à feu ton visage.
Et bonne chance pour la survie (l'important, c'est comme toujours une alimentation saine et de l'exercice).

Je repasserai.
Au plaisir, donc

Hors ligne Delnatja

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Re : Re : Je sais ! suivi de Je souffre, Renaissance et Respire (nouveau).
« Réponse #34 le: 24 janvier 2023 à 09:28:59 »
Bonjour zopiclone, merci pour ton commentaire.
La nature sera toujours plus forte que nous, c'est notre incroyable capacité d'adaptation qui fait notre force et notre résilience.
Mais un petit coup de main est toujours appréciable.
Belle journée.
Michèle

Hors ligne Robert-Henri D

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Bonsoir Robert-Henri D, merci pour ton commentaire.
J'ai fait les corrections (pourtant je passe mes textes au détecteur de mensonge orthographique).
Je suis ravie que ça te plaise.
Je commence à réfléchir texte suivant.
Belle soirée.

Hé, c'est bien parce que ces derniers ont des lacunes que nous nous relisons entre nous (toi-même, tu en trouves dans mes textes) Et puis quand on écrit c'est bien normal, je pense, de se focaliser en premier sur le créatif.
Dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s'est passé.

(Terry Pratchett)

Hors ligne Mic Ester

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Re : Re : Je sais ! suivi de Je souffre, Renaissance et Respire (nouveau).
« Réponse #36 le: 26 janvier 2023 à 10:43:10 »
J’avais pas vu que tu avais ajouté un chapitre à ce texte, la chute est excellente et je pense que tu vas partir dans un deuxième volet.
Pour l’écriture : impeccable, le dialogue de fin casse le rythme, je sais pas pourquoi, je voyais un fin plus noire.
Bon courage pour la suite.

Hors ligne Delnatja

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Re : Re : Je sais ! suivi de Je souffre, Renaissance et Respire (nouveau).
« Réponse #37 le: 26 janvier 2023 à 10:57:12 »
Bonjour Mic Ester, merci pour ton commentaire.
Vous êtes tous sympa avec moi, je vais finir par croire que j'ai fais des progrès. :-[
Je comptais terminer avec ce texte, mais n'y suis pas arrivé.
Il y aura donc un dernier texte pour mettre un terme à cette petite histoire non prévue au départ.
Belle journée.
Michèle

Hors ligne Delnatja

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Re : Re : Je sais !, Renaissance, Respire, Grand-mère (nouveau).
« Réponse #38 le: 23 février 2023 à 10:47:37 »
Grand-mère

Grand-mère ! D’abord, j'ai cru qu'elle se moquait de moi, mais j'ai vite compris, à son regard, qu'elle était sérieuse. Ensuite, notre ressemblance a pris un sens particulier et j'ai fini par perdre pied, je lui ai demandé de partir et me suis allongée, éreintée.

   Le lendemain, ils sont revenus me visiter. Il y avait Naïtina, le professeur Marcus Scridens, chercheur en physique quantique, qu’accompagnaient une grande typée scandinave, répondant au doux nom de Kirsten Knudtson, spécialiste en neuroscience cognitive, la femme centenaire,  dont j'appris plus tard qu'elle se nommait Annette Gentil, le garde de la dernière fois, et lui...
   Grand, presque maigre, blanc comme un linge, cheveux blond foncé, un regard plein d'amour contenu, et puis sa voix... Les premiers mots qu'il prononça furent un pur ravissement. Le ton était à la fois doux et percutant, car capable d'une richesse harmonique stupéfiante, ce fut un régal pour mes pauvres tympans. Jamais, je n'aurais imaginé entendre un jour parler quelqu'un comme cela, j'en eu des frissons dans le dos et je crains qu'un sourire niais ne soit apparu sur mon visage. Il émanait de lui une puissance bienveillante et je me surpris à penser qu'il s'agissait peut-être d'un ange, ce qui, compte tenu du fait que je suis farouchement athée, témoignait d'une pensée incongrue.

   Après quoi nous sommes allés les voir. Bien alignés en cercles sur plusieurs niveaux, dans leur bulle de vie intra-utérine bio-vascularisée et protégés par une cuve transparente ressemblant à celle dans laquelle je me suis réveillée. Ils flottaient, indifférents à toute la technologie qui les maintenait en vie. L'immense sphère qui trônait au centre et d'où sortait d'innombrables tuyaux et câbles multicolores devait bien faire cent mètres de diamètre. Une femme d'origine asiatique s'approcha et me fit un grand sourire.
– Je vous présente le docteur Edwige Zhào, responsable du laboratoire de pousse intra-utérin et directrice du laboratoire de recherche sur les interactions multicellulaires biocompatibles, dit la vieille dame.
– Bonjour, Madame, je suis ravie de faire enfin votre connaissance, dit-elle  en joignant les mains et tout en se penchant respectueusement, je serais ravie de pouvoir répondre à vos questions.

   Après un moment de réflexion et de contemplation, je me lançai.
– Combien y a-t-il de cuves ?
– Actuellement, 606 sur les 610 sont opérationnelles, quatre d'entre elles n'ont pas donné de fétus viables, Madame.
« Des fétus », dis-je tout bas, pour moi-même, songeuse.
Au bout d'un moment, je remarquai que tous me regardaient sans rien dire, attentifs à mes réactions. J'eus la vive sensation d'être une bête curieuse, puis je le regardai, pleine d'espoir, afin qu'il me vienne en aide, pour qu'il soit mon radeau de sauvetage.

   Il s'avança vers moi et me prit doucement les mains. Les siennes étaient chaudes et réconfortantes, une sensation d'amour s'infiltra en moi comme un doux élixir apaisant, me réchauffant le cœur et l'âme. Pour la seconde fois, je me dis que ce devait être un ange, mais cette fois-ci, cela ne me dérangea pas le moins du monde.

   La suite de la visite fut pour une nursery, suivie par une crèche et une maternelle. Au fur et à mesure, une colère monta en moi et je finis par craquer.
– Stop ! Maintenant, ça suffit, il va falloir qu'on parle de tout ça. Où est-ce qu'on est, pourquoi suis-je là et pourquoi m'avez-vous sauvée ?
Puis je suis tombée à genoux et me suis mise à pleurer. C'en était trop, je ne savais plus qui j'étais, j'avais besoin de redevenir moi-même, de comprendre, de décider. De souffrir ?

   De retour dans ma chambre, où je marche de long en large, je regarde le chercheur en physique quantique et la spécialiste en neuro-bidule, bien décidée à leur faire cracher le morceau. Au bout d'un moment, je décide de commencer par une question simple.
– Pourquoi moi ?
– Parce que nous avons besoin de vous pour sauver l'humanité, répond le chercheur sans ambages.
– Ben voyons, dites surtout que vous n'aviez personne d'autre sous la main, et d'ailleurs, pourquoi sauver l'humanité, alors qu'on se débrouillait pour tout faire péter ?
– Parce que vous et quelques autres avez en vous quelque chose de spécial.
– Nous sommes les plus débiles ?
– Pas du tout ! Enfin, peut-être un peu quand même, car pour se faire greffer un masque sur le visage et tout le reste, vous avouerez qu'il y a de quoi se poser des questions sur votre état mental, mais ce n'est pas la question et ce n'est pas de mon ressort.
– Merci pour votre franchise !
– Pas de quoi !
– S'il vous plaît, ne nous égarons pas, dit la spécialiste.
Je décide de m’asseoir afin de me calmer.
– OK, expliquez-moi s'il vous plaît.
« Modifié: 23 février 2023 à 20:49:17 par Delnatja »
Michèle

Hors ligne Robert-Henri D

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Bonsoir Michèle,

Comme quoi bien souvent une suite de suite en appelle une autre...

Je te mets sous spoiler quelques idées perso dont peut-être quelques-unes pourraient t'inciter à peaufiner ton texte, si du moins tel est ton souhait.

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.
Dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s'est passé.

(Terry Pratchett)

Hors ligne Delnatja

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Bonsoir Robert-Henri D, merci pour ton commentaire.
J'ai repris certaines de tes idées de correction.
Vu que je suis un peu dans le dur avec toutes les explications que je dois produire, je suis un peu déstabilisée.
Belle soirée.
Michèle

Hors ligne Feather

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Bonjour,

Incursion dans un esprit asphyxié où l'état délirant et nauséabond hante une certaine lucidité.

Pas de science-fiction dans ce texte pour moi, mais une âpreté de la vie. Transmutation des idées sur un versant transfiguré.
Délire déliquescent juste très bien exprimé.
Bravo
Les larmes sans pleur sont une lanterne.

Hors ligne Delnatja

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Bonjour Feather, merci pour ton commentaire.
Effectivement, ce que tu décris me parle et inconsciemment ou pas, je pioche en moi afin d'extérioriser ou d'exorciser mes fêlures et mes douleurs passées ou présentes.
Belle journée.

 
Michèle

Hors ligne Robert-Henri D

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Bonsoir Robert-Henri D, merci pour ton commentaire.
J'ai repris certaines de tes idées de correction.
Vu que je suis un peu dans le dur avec toutes les explications que je dois produire, je suis un peu déstabilisée.
Belle soirée.

 ;)  Grand bien nous fasse... en toute réciprocité.
Dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s'est passé.

(Terry Pratchett)

Hors ligne Delnatja

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L’œil noir


   Il est là, noir, monstrueux, défiant l'univers de son œil inquisiteur, aspirant les sucs de celui-ci, broyant la matière, déchirant le temps et l'espace sans jamais être rassasié.

   Je suis là, devant la baie vitrée, contemplative, impressionnée par tant de puissance, troublée par tant de beauté cruelle, soucieuse de ce qui pourrait arriver si nous étions plus près de lui. Je suis tourmentée par tout ce qu'ils m'ont appris sur moi et ma destinée programmée. Je suis devenue ce qu'ils ont décidé que je devais être. Je suis un pion sur l'échiquier de l'humanité. Je suis une molécule dans l'immensité, je suis...

    Ils m'ont parlé de mutation, d'ADN, de virus dans mon code génétique, de protéines capables de réparer les télomères. Ils m'ont dit que cela s'était produit juste au bon moment, que le hasard n'existe pas, que seules, les co-incidences s'expriment par-delà la compréhension humaine, quelles sont les fils tissant l'histoire de l'univers sur la tapisserie de l'espace-temps.

   Ils m'ont parlé de conscient et d’inconscient. Pas ceux des psychiatres, mais ceux qui régissent le fonctionnement de notre cerveau. Ils m'ont appris que l'inconscient est plus rapide que le conscient. Qu'il est facile de lui transmettre les informations qui permettront au conscient, de prendre les décisions voulues, surtout, si elles sont codées de façon adéquate. Ils m'ont avoué qu'ils devaient faire cela, afin de voir, si j'étais capable de vouloir suffisamment survivre, malgré les tortures que je devais m'infliger.

   Ils ont tenté de m'expliquer pourquoi ma fille était plus âgée que moi. Ils ont parlé de rétro-gravité spatio-temporelle, de continuum quantique tronqué dans le but de pouvoir condenser ou dilater le temps. J'ai compris que dalle, mais au moins, ils ont essayé. Ce que j'ai intégré par contre, c'est que grâce au trou noir tout proche, il s'est passé environ 300 ans sur terre depuis que je suis arrivée ici. J'ai aussi intégré le fait qu'il va falloir attendre 10 ans, avant de pouvoir retourner sur une terre de nouveau habitable.

   Il est là, à côté de moi. Il ne dit rien, il attend. Je le sens attentif à ma personne. Je le sens compatissant, aimant, d'un amour désintéressé. Je le souhaite protecteur. J'ai envie de le toucher. J'ai envie de tout savoir sur lui, j'ai envie...

   Je ferme les yeux de honte, je ne le mérite pas. Nous ne sommes pas du même monde, je le sens. Mon Dieu, pourvu qu'il ne lise pas dans mes pensées ! Je dois savoir !
– Qui êtes-vous vraiment ?
– Je m'appelle Direl et je suis Nébadien de souche.
– Vous voulez dire que vous n'êtes pas originaire de la terre ?
Il me regarde avec un air désolé et me dit que non. Il me faut quelques instants pour intégrer l'information, mais au fond de moi, je le savais déjà.
– Oh, vous savez, vous ne perdez pas grand-chose, c'est un monde rude, avec plein de bestioles qui se bouffent les unes les autres, et des humains qui se foutent sur la gueule continuellement. Je suis sûr que votre monde n'a rien à voir avec tout ça.
– En effet, mais il n'en a pas toujours été ainsi, et notre parcours est beaucoup moins intéressant que le vôtre.
– Que voulez-vous dire ?
– Que nous avons été beaucoup aidés. Vous partez de bien plus loin que nous, et vous monterez bien plus haut que nous.
Devant ma moue dubitative, il sourit. Je prends conscience d'un coup, que je n'avais jamais osé observer ses yeux. Ils sont gris-clair, presque transparents, on dirait deux diamants aux mille facettes reflétant l'univers, je les trouve magnifiques. Ça y est, je suis sûre de faire de nouveau mon sourire niais. Je me reprends.
– Pourquoi nous aidez-vous ?
Il détourne son regard sur la baie vitrée. Je sens de la gêne dans son attitude. Après un moment, il me dit qu'il ne peut pas répondre à ma question, que s'il me le dit, il sera obligé de m'emmener avec lui, que l'humanité ne doit pas encore savoir. J'ai d'un coup la sensation de vivre un mauvais trip, je sens une colère monter en moi. Non ! Je vaux mieux que ça, j'ai survécu à la mort, à la folie, au destin. Je veux savoir, je suis prête à en payer le prix.
– Alors, emmenez-moi !
– Il y a un prix à payer.
– Quel en est le montant ?
– Votre mort charnelle.

   Mes pensées se bousculent, mon cœur s'accélère. Je regarde de nouveau Sagitarius A*, sans le voir, je suis ailleurs. Je revois ma vie, mes souffrances, mes doutes, mes envies. Je pèse le pour et le contre, mais la balance penche toujours du même côté. Une évidence s'impose à moi, je ne retournerai jamais sur terre.

   Cette fois-ci, c'est moi qui lui prends les mains. Je suis calme et déterminée, apaisée, sereine et confiante. Je sais que ma destinée est dorénavant entre nos mains et que j'ai fait mon choix en toute conscience. Je plonge dans son regard en y mettant tout l'amour dont je suis capable et je m'étonne de pouvoir en donner autant. Les mots raisonnent en moi et se transforment en un baume réconfortant.
– Je suis prête !
   

FIN


           
« Modifié: 07 mars 2023 à 19:58:07 par Delnatja »
Michèle

 


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