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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » [Théâtre] Sans titre

Auteur Sujet: [Théâtre] Sans titre  (Lu 3491 fois)

Hors ligne Elisedu18

  • Troubadour
  • Messages: 367
  • Psycho-tarée de la plume
[Théâtre] Sans titre
« le: 01 mai 2019 à 11:50:20 »
 Hey
voici une scène écrite pour l'atelier d'écriture auquel je participe, il s'agit d'un premier jet donc pas hyper satisfaisant et j'aurais aimé avoir vos avis, notamment sur un titre parce que je sèche complètement
bisesss


« Tu as tué la mouette fragile
Aux ailes de fougère. »
Pascale Ronget
Bord de plage.
El se tient debout.
Le vent furieux se perd dans ses longs cheveux.
Sa robe flotte.
Elle semble voler.
Son regard balaie l’horizon.
Regard absent.
On entend la mer en furie.
Il se tient derrière elle.
A quelques pas.
L’observe en silence.
Des mouettes téméraires survolent la mer.
Il les suit des yeux.
Un temps.
Quand il parle, El ne réagit pas, ne l’entend pas.


Lui – Pieds nus dans le sable
Tu marches le long du rivage
L’eau frémissante
Chatouille tes orteils
Et vient mourir
Contre tes jambes
Les ondes bourdonnantes
S’écrasent contre les rochers
Saignent sur les coquillages
Qui t’écorchent les pieds
Est-ce ton sang
Ou celui de la mer
Qui colore lentement les sillons de sable
Laissés par tes empreintes ?
Tu ne cilles pas
Insensible à cette piqûre
Tu continues à marcher
Côte à côte avec la mer.
Avec l’amer
Elle n’est pas douce, non
Elle est pleine d’amertume
La mer
L’amer des sentiments décomposés
L’amer de l’écume frissonnante
Qui frappe la plage avec rage
Battant le sable comme s’il était
Seul responsable de sa souffrance
La plage n’est qu’orage
La mer n’est qu’amère
Pâle reflet du ciel qui saigne
Le soleil levant
Prostré à la surface miroitante de l’eau
Zèbre furieusement l’étendard azur
Qui se déchire en coupures vermeilles
Ses écorchures saignent dans la mer et l’amer
Son feu vorace ravage le rivage…
Jusqu’au naufrage.
Temps.
L’astre éclaire ta peau blême
Caresse ton visage
Il offre une nouvelle lumière
A tes yeux pâles et fatigués
Un don éphémère
Qu’il reprendra le soir venu
A l’heure où la vie
Encore une fois te quittera
Mais pour l’heure, le soleil te baigne
Dans ses rayons salvateurs
Telle l’actrice
Qui ne vit que dans et pour
La lueur des projecteurs
Tu gagnes un nouveau souffle
Un souffle qui parcourt ton frêle corps
De part en part
Qui insuffle une force nouvelle
Dans chaque organe, veine, cellule
Une force qui, tous les matins,
Te permet d’affronter encore un jour
Et encore un
Encore
Je redoute ce qui se passera
Quand le soleil ne se lèvera plus
Nul doute qu’à l’instar de toutes les fleurs
Tu perdras de ton éclat
Et que, lentement, tu faneras.
Temps.
Le vent te malmène sans pitié
Tu es si fragile
Que j’ai peur qu’il te brise
Comme le son
Peut disloquer une statue de cristal
J’ai peur qu’il te vole
Qu’il éparpille tes morceaux
Aux quatre coins du monde
Je n’ai pas la force
De l’en empêcher
J’aimerais m’accrocher à toi
Afin qu’il ne t’emmène pas
Mais ça non plus
Je n’en ai pas la force
Oui
Je suis faible.
Temps.
Tes cheveux dansent
Dans la brise printanière
Ils se déhanchent
Au son de la mer mystère
Ils semblent
Ne plus vouloir t’appartenir
Et se débattre follement
Pour t’accompagner.
Temps.
Je sais que tu regardes la mer
Je ne vois pas tes yeux
Mais je le sais
Au fond de moi
Je te connais
Tu sais
Comme je te connais
Tes yeux sont rivés sur l’horizon
Sur un infini que je ne peux pas voir
Tu es là, comme une mouette désincarnée
Perdue entre le nord et le sud
Entre le ciel et la terre
Qui volette péniblement
Ne sachant où elle va
Et quel est son but
Peut-être qu’elle n’en a aucun
Alors tu marches
Chacun de tes pas
Soulève des volutes de poussière
Comme si ton passage
Ne laissait que cendres
Tes petits pieds nus
Epousent le sable
Tu ne fais qu’un avec lui
Tu cherches à t’y fondre
N’est-ce pas ?
Temps.
J’aimerais tant être une mouette, moi aussi !
M’élever au-dessus de tout
Si haut que rien
Ne pourra plus jamais m’atteindre
Si haut que mes sentiments
Ne pourront pas me rejoindre
Et resteront alanguis sur la plage
Attendant d’être ravis par la mer
Et de se mélanger à l’amer de ses larmes
Ne plus penser à toi
Mais penser à ne plus penser à toi
Me ramène inévitablement à toi
J’aimerais te rendre le sourire
Qui te va si bien
C’est lui mon soleil
Il éclaire mes journées
Quand il égaye
Ton visage de porcelaine
Et que des étoiles
Brillent soudain dans tes yeux
J’ai l’impression
Qu’il n’y a que nous deux
Dans une bulle
Qui nous préserve du monde
Quand tu me serres dans tes bras
L’odeur de tes cheveux
De ton parfum
Et la douceur de ton corps
Me font tout oublier
Nous sommes deux
Et cela me suffit.
Temps.
Du moins cela me suffisait
Mais tu sais
Que ce n’est plus comme avant
Mais je me tais
Depuis trop longtemps
Le silence éloigne tes peurs
Je fais comme si tout allait bien
Ce n’est pourtant pas le cas
Et l’amer de mes larmes
Et de la mer le sait bien
Si je parle
Je vais raviver tes frayeurs
Et c’est peut-être moi
Qui briserais la statue de cristal
Mais je n’ai plus le choix
Rien ne pourra changer
Alors je dois parler.
Temps.
J’ai écrit ton prénom
Dans le sable
Il s’effacera
Dans un instant
A la marée.
Très long silence.
Mes joues sont mouillées
Ravagées par le sel de mes larmes
Et de mes mots
Je ne savais pas que je pleurais
Elles coulent jusqu’à la mer
Qui atteint déjà ton prénom
Qui s’en empare
Le soleil s’épuise déjà
Disparait lentement
Derrière une nuée de nuages opaques
Et tu continues pourtant de le fixer
Comme si toutes les réponses
A tes questions
S’y trouvaient
Des questions dont j’ignore tout.
Temps.
Ce matin tu ne dois pas avoir peur
Ce matin est magique
Tu te retournes lentement
Ton visage si doux
Semble remplacer l’astre noyé
Son éclat trouant les nuages
Parait bien pale et fade face au tien
Tu me fixes en silence
Je te retourne ton regard
Je voudrais bouger mais je ne peux pas
L’amer de la mer et son sel
Brûlent mes blessures
Recouvrant ton prénom
Et m’enveloppant de leur manteau transparent
Je ne peux rester
Et malgré tout
Ma vie dépend de tes yeux braqués sur moi
Je vois mon âme et mon destin en eux
Fragile utopie.

Très long temps.
Ils se fixent dans un parfait silence uniquement ponctué des cris hagards des mouettes et des vagues sillonnant le sable.


Lui – Je te cherchais.

El – Je suis là.

Lui – Que fais-tu ?

El – Je regarde le monde. Ce que j’y vois ne me plaît pas. Temps. Que voulais-tu me dire ?

Long silence.

Lui – Je pars.

El – Et quand reviendras-tu ?

Lui – Tu ne comprends pas.

El – Qu’y a-t-il à comprendre ?

Temps.

Lui – Je pars. Je m’en vais. Temps. Je ne reviendrai pas.

El – Tu… ne reviendras pas ?

Lui – Non.

El – Je ne comprends pas.

Lui – Si. Maintenant tu comprends.

Le regard d’El se perd au loin.

El – Les mouettes ne crient plus.

Lui – Je n’y ai pas prêté attention.

El – Pourquoi tu pars ? On t’y oblige ?

Lui – C’est moi qui m’y oblige. Je ne peux pas rester ici. Avec toi.

El – Jusqu’ici tu as pu.

Lui – Mais maintenant je ne peux plus.

El – Pourquoi ?

Lui – Ça me fait trop mal. Tu me fais trop mal, en te faisant trop mal. Ta souffrance me blesse tout autant que toi. Il faut que je parte.

El – Je changerai.

Lui – Tu ne peux pas.

El – Si. Pour toi. S’il te plaît.

Lui – Non. Je suis désolé.

Silence.

El – Je croyais que tu m’aimais ?

Lui – Je t’aime, mais ce n’est pas le problème.

El – Moi aussi je t’aime. Alors si tu m’aimes, et que moi aussi je t’aime, on peut tout surmonter.

Lui – Ce n’est pas si simple et tu le sais.

El – Justement non, je ne sais pas. Je sais que le ciel est bleu et que les crabes se cachent dans le sable. Je sais que la mer est sauvage et que les mouettes peuvent pleurer. Mais ce que je ne sais pas, c’est ce que tu cherches  à me dire.

Lui – Je n’ai rien à dire, sauf que je dois partir, et qu’il faut que tu l’acceptes.

El – Que je l’accepte ? Comme ça, sans rien dire ? Que je renonce à me battre pour nous comme toi tu le fais ?

Lui – Oui. Ne rends pas les choses plus difficiles pour nous deux.

El – Ne me quitte pas. Je t’en prie. J’ai besoin de toi.

Lui – C’est ça le problème. On a trop besoin l’un de l’autre. On est dans une spirale. Notre relation est toxique. Complètement toxique.

El – C’est faux. Je t’en prie, reste.

Lui – Je ne peux pas. Rester pour quoi ? On se fait du mal, chaque jour un peu plus. Il faut arrêter, avant que…

El – Avant que quoi ?

Lui – Avant que ça ne détruise toute la beauté des premiers jours, l’innocence de nos premières nuits, la passion de nos étreintes enflammées, les ailes que notre amour si pur nous avait données. Avant de détruire tous ces souvenirs brûlants si précieux, à mes yeux comme aux tiens.

El détourne les yeux.
Long silence.


El – Tu crois que demain, le soleil se lèvera ?

Long temps.

Lui – Oui. Mais je ne sais pas s’il se lèvera pour nous.

El hoche la tête pensivement.
Un rayon de soleil passager fait briller ses yeux.
Ou peut-être brillent-ils à cause des larmes contenues dans son regard.
Une mouette crie.


El – Elle aussi elle a perdu son amour.

Lui – Qui ça ?

El – La mouette.

Lui – Tu crois réellement que les mouettes peuvent aimer ?

El lui dédie un regard mystérieux.

El – Si elles ne le peuvent pas, alors qui le peut ?

El suit l’oiseau des yeux.

El – Les mouettes sont libres. Je pensais que l’Amour nous rendrait libres. J’ignorais qu’il pouvait au contraire être notre cage. Elle fredonne d’une voix claire :
« Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux
Regardez-les s’envoler c’est beau
Les enfants si vous voyez
Des petits animaux prisonniers
Ouvrez-leur la porte vers la liberté ».

Long silence.
El ne le regarde pas.


El – Tu pars.

Lui – Oui.

El – Alors au revoir.

Il s’avance d’un pas hésitant, s’arrête et caresse d’une main les cheveux d’El, avant de lui embrasser délicatement la tête.

Lui – Au revoir.

Il s’en va.
El regarde la mer.
Noir.
La mouette pleure.
"Je sais bien que tu es morte, mais je crois qu'il y a dans tout être humain quelque chose qui ne peut pas disparaitre."
"Parfois, on demande à notre corps de parler à notre place de nos douleurs, des histoires qu'on cache en soi."
Ava Dellaira, Love letters to the Dead

Hors ligne Alan Tréard

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Re : [Théâtre] Sans titre
« Réponse #1 le: 01 mai 2019 à 12:20:45 »
Bonjour Elise,

 :coeur: C'est émouvant, une nature déchaînée face à deux personnes qui s'aiment, je me suis senti porté par ta plume le temps d'une promenade sauvage.

La fin m'a beaucoup ému, je ne sais pas où tu as trouvé cette énergie, mais j'y trouve une profonde mélancolie mélangée à une force de vivre qui dépasse l'entendement. J'ai adoré les images que tu emploies, mais aussi la lenteur qui se dégage de la scène et les mots qui touchent à la confidence.

Mon commentaire n'est pas très constructif (désolé de ne pas pouvoir t'en apporter plus, peut-être que d'autres auront des pistes d'améliorations à t'apporter, je l'espère), je te remercie très chaleureusement pour ce partage, j'ai eu le sentiment que tu me faisais voyager à tes côtés.
Mon carnet de bord avec un projet de fantasy.

Hors ligne Elisedu18

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Re : [Théâtre] Sans titre
« Réponse #2 le: 01 mai 2019 à 16:14:30 »
Merci beaucoup Alan ton commentaire me touche beaucoup et je suis ravie d'avoir pu te faire voyager ;)
Ravie également que malgré mes doutes, particulièrement sur la partie dialogue, j'ai en fait pu faire ressortir cette mélancolie et cette force de vivre, parce que c'est exactement ce que je voulais pour ce texte ;)

Alors merci beaucoup ^^
"Je sais bien que tu es morte, mais je crois qu'il y a dans tout être humain quelque chose qui ne peut pas disparaitre."
"Parfois, on demande à notre corps de parler à notre place de nos douleurs, des histoires qu'on cache en soi."
Ava Dellaira, Love letters to the Dead

 


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