36
Ljubljana a des navires, et une mer
déguisée en rivière,
pour soigner nos blessures.
Les voleurs veulent qu'on récolte l'encre,
mais pas les poètes faiseurs d'arc-en-ciel.
On leur a dérobé leur fusil chargé d'ambre,
ils ne peuvent dire ni prophétie, ni prière.
Mais voyez comme la nuit l'espace rétrécit,
glisse et tombe. Ne cesse pas de tomber.
Qui sait pourquoi les colliers du matin
sont si clairs ? Et le papier blanchi ?
59
Les pommiers en fleurs me montrent que derrière eux
se trouvent de nombreuses villes agglutinées. Les fleurs
s’envolent vers les clochers de Trnovo, et au-delà
jusqu'aux marches où le livre des heures les recense.
Le bonheur rend nos yeux insatiables.
Chaque soir les villes reviennent sous les arbres.
Nous sommes encombrés de préhistoire, d’hier,
et d'objets pour la mort, qui jonche une urne
de sa blancheur, et qu'on écarte. Où sont ces coursiers
À qui nous pouvons dire ce qu'il faut faire ?
Laissez-les cuire le pain ! Plantez des pommiers !
Apaisez l'atmosphère !
73
Si j'étudie le ciel, je vois comment émergent les pensées.
La joie purifie mon cœur.
Je vois le destin plus tendre qu'une fraise mûre.
On ne peut revenir en arrière. Je la tiens entre mes doigts.
Le jus rouge tombe sur la pierre goutte à goutte.
La pression n'écrase pas l'esprit. Si on la laisse faire,
elle nous poussera même là où l'on ne devait pas aller.
Pièces d'or suspendues sur les fondations. La douceur
s’amasse elle aussi dans le ciel.
Voilà l'histoire des fruits, et du soleil qui brille sur eux.
Meta Kušar