[ClaireC]

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A chaque nouvelle connaissance, il est difficile d'éviter la question : "qu'est-ce que tu fais comme travail ?" Quand elle finit par arriver, je prends mon courage à deux mains, et, la tête haute, je réponds : "je suis maman au foyer". Là, mon interlocuteur baisse les yeux et ne sait plus trop quoi dire, souvent des banalités, ou change carrément de sujet.

Oui, je suis maman au foyer, je passe mes journées noyée dans la petite enfance, et je n'ai droit à aucune reconnaissance sociale, à aucun respect de la plupart des hommes et des femmes que je croise : "quoi ? Tu ne gagnes pas ta vie ? Et ton indépendance ?" Ou carrément : "comment ? Tu ne fais rien de tes journées ?".

Je n'en veux à personne, mais je me sens cruellement seule et j'enrage de ne pas être entourée de plus de compréhension. A qui confier combien mon quotidien est difficile ? Comment dire que parfois je me lève la nuit pour pleurer et décompresser de mes journées qui ne s'arrêtent jamais ? Jour et nuit, nuit et jour, je suis là, je veille, j'encourage, je cadre, je nourris, je soigne, je guide, je parle, je crie, je console, je cours, je porte mon petit être vers son avenir de grand garçon.

J'ai la pleine et entière responsabilité de son bien-être, de sa santé, de son développement, et ce n'est pas léger. Et je n'ai pas appris à être maman, je suis aveugle sur bien des sujets et je fais de mon mieux, sans mode d'emploi. J'ai appris à écouter mes ressentis, à faire confiance à mon intuition, à aiguiser mon sens de l'observation, l'empathie est tellement forte que je ne sais plus rien de ce que je vis moi, dans ma tête ou dans mon corps.

Je ne sais vivre les choses que très intensément, alors cette expérience me prend toutes mes tripes. Je fais le choix de donner tout ce que je peux à ce petit, tout l'amour dont je suis capable, toute la patience, toute la joie et tout l'émerveillement que je ressens quand je vis. Mais mes forces sont limitées, j'arrive souvent au bout de ce que je peux donner, et il faut tenir encore.

Je n'ai pas le moyen d'aller chez un médecin et de me faire diagnostiquer un "burn-out", et prendre quelques jours de congé. Non, les journées s'enchainent, pleines à craquer, et les nuits arrivent, entrecoupées, à tel point que je les vois maintenant comme toute une aventure à vivre. Je n'aurais jamais cru ceux qui m'auraient dit que cette expérience était si dure. Comment ? Mais un petit ça dort beaucoup, et puis ça s'occupe tout seul, non ? Heu, non, ma réalité est autre, et c'est quelque chose d'avoir mis le pied dedans.

Et ce petit, centre de toutes mes attentions, comme j'aimerais qu'on le regarde aussi, qu'on cherche à le comprendre et à échanger avec lui, ne serait-ce qu'un tout petit peu ! Mais non, quand je suis avec lui et que je croise des adultes, c'est comme s'il n'existait pas, qu'il n'était qu'un parasite dérangeant. Je ne sais jamais comment me comporter avec les gens.

J'aime ce petit, cet être rempli d'énergie et de joie de vivre, et je le traite avec considération et respect autant que j'en suis capable, je ne peux pas faire comme s'il n'était pas là quand je suis avec d'autres. Même si j'apprécie quelques minutes d'échanges avec des adultes (ô combien !), je ne peux pas pour cela mettre mon petit entre parenthèses. Que la société des adultes est difficile ! Qu'il est dur de tracer son chemin sans accepter de piétiner sur nos valeurs !

***

[Alan Tréard]

Bonjour ClaireC,


J'ai trouvé ce texte très émouvant, avec beaucoup de vérités dans le ton.

Tu développes un argumentaire qui décrit un certain manque de reconnaissance et qui est très parlant. Ça nous oblige à sortir de nos petits tracas personnels pour nous sensibiliser aux tiens. Je dois dire que j'en garde le meilleur : une force et une énergie vibrante qui poussent à la considération.


Merci à toi pour cette lecture.

Et à bientôt sur le Monde de l'Écriture.

[ClaireC]

Merci Alan !
Ton commentaire me fait chaud au coeur !

[Lune]

Mais c'est merveilleux d'être maman au foyer pour élever son enfant !
Plus tard, lorsqu'il sera grand tu auras toujours le temps de prendre un travail ... ou pas !! 

Joli texte ClaireC

[Choumi]

Bonjour
Que tu sois obligé de prendre ton courage à deux main démontre à quel point tu t’occupes trop de ce que certains/ certaines disent ou pensent
La liberté de chacun est quand même de mener sa vie comme en l’entend sans se sentir obligé de se justifier
Assumes et cries le haut et fort.Et puis à celui où celle qui te demande ce que tu fais dans la vie , dis leurs que le sujet n’est pas à l’ordre du jour. De toute façon ceux là posent la question pour mieux étaler leur profession qu’ils jugent souvent supérieure à celles des autres quoiqu’ils fassent
À tiens un scoop moi j’suis retraité  et je peux te dire dans le creux de l’oreille que ce n’est pas de tout repos
Amicalement
Michel

[ClaireC]

Cela me touche de voir que mes mots font naître des émotions et des discussions !
Merci à vous de vous laisser toucher par mes petits textes.

Merci Lune pour tes encouragements !
Et merci Michel, j'imagine bien que toutes nos vies sont bien remplies de joies et de difficultés diverses et variées, même celle des retraités , et c'est pour mieux le donner à voir de mon côté que je l'ai mis par écrit.

J'ai la chance d'avoir fait ce choix de "non-métier" en mon âme en conscience, même si mes aventures avec le travail sont aussi rocambolesque que le reste de ma vie (et méritera sans doute au moins un petit texte ici ).

[Cendres]

Merci pour le partage de ton texte.

Tu nous offres la vison d'être mère au foyer, une chose plus courante qu'on peut penser. Ma mère l'a été et, moi enfant, je n'avais, et certainement toujours pas conscience du temps et du travail que c'est.

C'est un joli texte qui est un vrai plaisir de découvrir. Ça permet de réfléchir et de voir cela sous un autre angle.

Ta joie de vivre et ton énergie est ton fils

[Delnatja]

Bonjour ClaireC.
Des fois, ça fait du bien de faire sortir ce que l'on a au fond de soi.
Faites des gosses qu'ils disaient, mais ne venaient pas nous emmerder avec vos problèmes existentiels.
Belle journe.

[ClaireC]

Merci Cendres pour ta belle ouverture d'esprit et ton accueil de mon petit texte !

Merci Delnatja pour ton passage, et oui ça fait du bien de sortir en jolis mots toute la misère de mes journées !
Cela ne me donne pas de bras supplémentaires ni d'heures de sommeil, mais quelques mots bienveillants, ça donne toujours du courage.

[Joachès]

Un joli texte. Eh oui maman c’est un métier à temps complet. Les enfants surtout petits demandent beaucoup d’attention et quand ils ne réclament pas notre attention c’est la maison, le linge, la cuisine, le nettoyage, les courses, … . Et quand ils sont plusieurs c’est pire. Je le sais j’en ai 3, à 6 ans d’écart chacun, même ado ou bientôt ado demandent pas mal d’attention.

[ClaireC]

Merci Joachès pour ton commentaire et ton témoignage ! Si c'est pire plus grand...whaou je ne sais pas comment je vais survivre !

[rigolote]

Bonjour,

Merci pour ton texte qui fait réfléchir.

Je comprends ô combien ton témoignage pour avoir vécu une situation un peu similaire (période où je n’ai pas travaillé pour diverses raisons que je ne détaillerai pas ici, mais pas à cause de la maternité).
J’ai justement pensé à faire un texte sur ce sujet, je n’ai pas encore eu l’inspiration pour le faire. Je trouve ça bien d’aborder ce genre de sujets pour éveiller les consciences, et faire comprendre qu’on peut blesser les gens avec un détail.

Sur le fond, et là ça n’a rien à voir avec le littéraire, ma vision des choses sur la question a un peu évoluée. Je crois qu’assumer et essayer d’avoir l’air d’assumer sont deux choses différentes et que les gens peuvent le ressentir, et que s’ils ne sont pas spécialement bienveillants, ils risquent d’enfoncer le clou plus ou moins consciemment.
Perso, ce que je déteste le plus comme réponse c’est le « moi, je ne pourrais pas faire ce que tu fais, j’ai besoin de bouger, voir du monde ».

 Je crois aussi qu’il existe des stratégies pour éviter ce genre de situation gênante.
Exemple :
- que faites vous dans la vie ?
- Je suis architecte/comptable/prof/etc MAIS actuellement je suis en congé parental/arrêt maladie/en reconversion etc
J’ai remarqué que l’attitude des gens est fonction de la présentation des choses. Présentée comme une parenthèse dans une vie, ça passe beaucoup mieux. Les gens peuvent même voir ça comme une chance.
Ce n’est que mon avis perso/expérience, je ne prétend pas que ça soit la solution à tout.

[Claudius]

Je viens de lire ton texte, je suis absolument d'accord avec toi. Je n'aurais jamais pu rester chez moi parce que je sais ce qu'est une femme au foyer. C'est un travail à plein temps, 24 h sur 24. C'est une maison qui vit, qui se salit, un éternel recommencement et j'admire toutes les femmes qui ont choisi ce métier.

J'ai eu trois filles, adultes maintenant et il ne faut pas t'inquiéter, chaque âge a ses avantages et ses inconvénients, mais au final, c'est un juste équilibre qui apporte beaucoup de bonheur. L'important, c'est de les aimer, les guider en sachant rester ferme.

 Parce que quand les enfants quittent le foyer, les premières années, on se sent bien vide ! Pour la plupart, ils reviennent quand ils ont une vie plus posée et quand ils ont vécu leur propre expérience (ce qui a été le cas pour moi) et souvent j'entends "maman, je me demande comment tu as fait avec trois monstres comme nous" et aussi "merci pour l'éducation donnée".

 Et les petits enfants, trop chouette ! C'est là que j'ai pu apprécier d'être grand-mère au foyer, avec les années en plus !   

Quant au texte, tout de même, il y a peu à dire, il est un morceau de vie, une réalité et d'une écriture simple et fluide.

 

[ClaireC]

@ rigolote : Merci pour ton commentaire !
"éveiller les consciences, et faire comprendre qu’on peut blesser les gens avec un détail" :
oui, oui oui ! Que j'aimerais encourager l'existence d'un monde où on essaye de se mettre vraiment à la place de l'autre en envisageant tous les aspects de sa situation avant de l'aduler, de le juger, ou de le mépriser ! Mais je ne suis pas au bout de mes efforts .

Pour ta stratégie, je te remercie et j'approuve complètement ! J'ai eu la chance de pouvoir mener avec ma vie pas mal d'expériences, sociologiques et/ou psychologiques, et c'est vrai que selon la réponse que l'on donne à la question de "ce qu'on fait dans la vie" (comme si c'était l'unique raison de notre existence sur Terre, ce fameux "travail"...), on est considéré très différemment. Pourtant, on est la même personne au fond.

@ma chère marraine :
Merci pour ton passage et ton message !
Wha, trois enfants qui reviennent et qui te remercient, la grâce absolue, tu as tout mon respect !

Quand mon écriture initie un partage de vécus, je considère que j'ai réussi, alors encore un grand merci !

[Claudius]

 ~

Merci à toi, nous avons été assez sévères mon mari et moi, avec des limites à ne jamais franchir, mais ça a servi à les guider utilement dans la vie.
Je suis fière de mes trois filles, peu d'études mais une vie professionnelle réussie pour toutes les trois. Elles ont choisi leur voie, et je suis ravie !
Aujourd'hui, je n'ai que du bonheur et c'est le plus beau cadeau que la vie puisse nous offrir.