Le Monde de L'Écriture

Salon littéraire => Salle de débats et réflexions sur l'écriture => Discussion démarrée par: Anlor le 04 janvier 2012 à 18:58:50

Titre: Poésie et sens
Posté par: Anlor le 04 janvier 2012 à 18:58:50
Il me semble que ce problème est souvent relevé sur le forum. En effet, beaucoup à qui on demande ce que signifie telle ou telle chose dans un de leur poème répondent que "il ne faut pas chercher un sens" ou encore que "le sens est laissé à l'interprétation" de chacun.
Je comprends que l'on dise qu'un poème n'a pas une signification unique, et que chacun l'aborde selon sa sensibilité propre, mais pour autant, n'est-ce pas un peu trop facile de jeter des mots sur son écran, avec pour seul mode d'emploi : vas-y lecteur, kiffe la wave, mes mots t'en fais ce que tu veux.
Évidemment, des auteurs comme Rimbaud ou Mallarmé ont joué sur la déconstruction du sens dans leurs poèmes et cela se justifie dans le cadre d'une recherche sur le rapport du signifiant au signifié et d'un questionnement méta-poétique sur la valeur des sons, des images et des correspondances.
Du coup, j'aurais bien aimé avoir l'avis de chacun sur ce sujet, histoire qu'on mette les choses au clair.
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Kasprzak le 04 janvier 2012 à 19:28:28
cool ce sujet anlor !


pour moi le sens doit apparaitre clairement, sans fioriture !

la simplicité est la clé, il faut dire le plus possible, avec le moins de mots possibles, et le plus simplement possible !

le reste pour moi, ça reste de la masturbation intellectuelle !
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Gros Lo le 04 janvier 2012 à 19:49:36

Mdr.
Désolé c'est de lire dans un post de toi TANT d'adjectifs de khâgneux. Mon expérience m'a tout de suite dit "SECOND DEGRE". Mauvais réflexe !

Bref : je vous rejoins tous les deux : l'absence apparente de sens, c'est déjà un peu chez Mallarmé et Rimbaud, et je pense que c'est un double argument... je veux dire, du coup c'est complètement dépassé. Leurs oeuvres à eux sont impérissables mais faire comme eux en 2012 et suivantes, ça n'a pas de sens, je trouverais ça "maniéré", presque. Et je pense pas qu'on soit sur un bon chemin si on fait de la poésie avec des manières (ou alors les dépasser, n'importe, mais pas en rester à ça).
Bref, je suis super d'acc avec kasprzak (invente-toi un diminutif sérieux), je crois aussi que la poésie se joue sur la sincérité et l'équation du "dire le + possible avec le moins de mots". C'est peut-être en grande partie ce qui légitime l'emploi d'images en poésie : grâce à elles, on dit + de choses, on explose le sens, sans faire + de mots.
Titre: Re : Re : Poésie et sens
Posté par: Kasprzak le 04 janvier 2012 à 19:54:27
Bref, je suis super d'acc avec kasprzak (invente-toi un diminutif sérieux)

tu peux m'appeler Mike, Maitre, ou Dieu  8)
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Menthe le 05 janvier 2012 à 01:35:59
Là je dois donner mon point de vue.

Et je suis pas d'accord.

Je n'ai nullement la prétention de me prendre pour Rimbaud, Mallarmé, et tous leurs copains. Mais je pense que la poésie c'est l'écriture de l'âme. Et chacun la sienne.

Je veux dire : pour qu'un poème soit crédible, il doit être sincère. Pour moi, à notre époque, dans notre monde, c'est le seul critère qu'on puisse exiger de quelqu'un. Un poème de faux cul ça passerait pas, et d'ailleurs on leur rentre pas mal dedans, sur le forum. Et j'aime bien être en tête de file  :mrgreen:
Mais après je pense que ça s'arrête là. Il faut réussir à dépasser le cap du sens pur et dur, allié à une musique plus ou moins approximative. Oui il y a le rythme, oui il y a le son, mais chaque phrase, dans un poème, prend un coeur battant, brûlant, pulsant, vivant quoi ! Moi j'écris avec mon sang et ma viande, et je sais que rares sont ceux qui comprennent ce que je fais. Et je déteste ceux qui me reprennent à chaque point pour me demander "et ça, ça veut dire quoi ?" ou bien, pire : "mais ça veut rien dire !". Euh, pardon, mais si ça te parle pas, casse-toi, j'ai envie de dire.
Pour moi la poésie, c'est un art, et l'art se passe de commentaire. Il faut savoir dépasser la case de la conscience et du raisonné, se laisser au tambour pulsant de la vie qui bat en-dessous. Comprendre le langage de l'âme, dévoilé mot à mot. Dans nos têtes, les structures internes sont bien moins logiques et claires qu'on l'aurait aimé. L'esprit humain est un esprit surréaliste. Et je trouve par conséquent qu'il est normal que ses productions ne soient pas toujours aussi carrées ou évidentes.
Après je ne blâme pas du tout ceux qui aiment la poésie et plus largement les mots du quotidien, basiques et francs. C'est leur sincérité à eux. J'ai un excellent ami qui écrivait des poèmes qui me touchaient vraiment et qui parlaient de semelles, de godasses, de pavé, de pluie et putes. C'était d'un trivial terrible, et pourtant il y avait une vraie vie en-dessous.
A vrai dire, moi, mon cadre de lecture se base sur ce conseil qu'une personne que j'ai profondément aimée m'a donné un jour : ne pense pas, ressent.

Alors que dire ? Est-ce que je cautionne les textes totalement bordéliques qui ne veulent vraiment rien dire ? Si c'est une volonté, si c'est un choix, je préfère me taire et respecter le travail, sans pour autant qu'on m'impose de l'apprécier. C'est comme l'art abstrait. Quand je suis allée au palais de Tokyo y'a trois ou quatre ans, j'ai bien rigolé à voir tant de tableaux que je considérais comme foireux, et pourtant si respectés. Y'a des gens, ils aiment. La preuve, c'est exposé. Mais pas moi. Et je préfère arrêter mon jugement là.
Du coup l'écrit c'est pareil. Nous vivons à l'époque de la libération dans tous les domaines, c'est pas toujours pour réussir, je vous l'accorde. Mais en poésie comme partout ailleurs il faut savoir laisser la latitude suffisante pour donner de la place à l'esprit de l'artiste. Si au mec qui l'a écrit, ça lui parle, ça le fait vibrer, j'ai envie de dire : le but est atteint. Le reste ? Certes on écrit pour être lu. Mais pas que.

Je me rappelle de mon prof de français au lycée qui parlait une fois d'un poète qui se targuait d'écrire des poèmes jazz. Il a dit qu'il s'était bien foutu de sa trogne, étant donné qu'à la lecture de ses écrits, y'avait justement rien de jazzy dedans. Mais quand c'est l'écrivain qui l'a faite, tout a pris forme. Et mon prof de français a dit à l'époque qu'à ce moment-là il avait compris pourquoi ce bonhomme il disait que c'était jazz. Parce que c'était jazz.
Du coup la lecture d'un même texte peut énormément varier selon le ton, et le sens pas entièrement transmis s'il manque cette musique.

Je m'arrêterai là, je pourrai dérouiller du texte pendant des heures, je suis plus que lancée xD

J'espère avoir honorablement défendu ma cause  :mrgreen:


Ps : je viens de relire vos remarques, et pour le coup du "c'est laissé à l'interprétation de chacun", je pense que derrière cette phrase il y a plus une pudeur qu'une véritable volonté de voiler. Parfois on dit des choses intimes avec des mots communs, et on en cache ce qu'il faut pour qu'on ne fasse qu'en percevoir le sens, parce que dit tout cru, d'une part c'est moche et banal, et d'autre part... ça coûte. Nous ne sommes pas tous égaux face à l'émotion, et chacun se bat avec ses armes.
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: jake07 le 05 janvier 2012 à 01:48:57
Wow Menthe  8) T'es quelqu'un d'entier.

J'aime bien ta manière d'aborder la question, notamment quand tu dis

 "Je veux dire : pour qu'un poème soit crédible, il doit être sincère. Pour moi, à notre époque, dans notre monde, c'est le seul critère qu'on puisse exiger de quelqu'un."

Là tu as résumé en une phrase ce que je me serais vainement évertué à écrire en dix. Parce plus rien n'est vrai, ni faux, ni même réel. La sincérité est la première chose que je recherche dans une musique, un roman, un tableau, je la traque. C'est presque une obsession, à tort ou à raison d'ailleurs. Je te rejoins également sur la question de la pudeur qui peut freiner lorsqu'on demande la signification exacte de telle ou telle phrase, de tel ou tel texte. Pour le reste, je n'y connais pas assez pour donner mon avis.
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Menthe le 05 janvier 2012 à 02:01:27
Ben moi ça me prend aux tripes ce sujet parce que c'est le premier reproche qu'on me fait sur mes textes (que je ne publie plus du coup lol). Moi je sais que j'aime ce que je fais, je sais que ceux qui aiment ils aiment vraiment ça et pas juste pour me faire plaisir, et du coup j'ai eu le temps d'y penser, de préparer ma défense et mes arguments. Après je tiens à préciser que je respecte chaque point de vue, mais je pense que ça doit être le cas de tout le monde. On sait pas qui on a en face.

Y'a un passage de La Peste de Camus qui m'a foutrement touchée tout à l'heure quand je l'ai lu, et qui illustre bien parfois l'impossibilité de l'entente entre deux individus, quels que soient les efforts fournis :

Citer
Dans ces extrémités de la solitude, enfin, personne ne pouvait espérer l'aide du voisin et chacun restait seul avec sa préoccupation. Si l'un d'entre nous, par hasard, essayait de se confier ou de dire quelque chose de son sentiment, la réponse qu'il recevait, quelle qu'elle fût, le blessait la plupart du temps. Il s'apercevait alors que son interlocuteur et lui ne parlaient pas de la même chose. Lui, en effet, s'exprimait du fond de longues journées de rumination et de souffrances et l'image qu'il voulait communiquer avait cuit longtemps au feu de l'attente et la passion. L'autre, au contraire, imaginait une émotion conventionnelle, la douleur qu'on vent sur les marchés, une mélancolie de série. Bienveillante ou hostile, la réponse tombait toujours à faux, il fallait y renoncer. Ou du moins, pour ceux à qui le silence était insupportable, et puis que les autres ne pouvaient trouver le vrai langage du coeur, ils se résignaient à adopter la langue des marchés et à parler, eux aussi, sur le mode conventionnel, celui de la simple relation et du fait divers, de la chronique quotidienne en quelque sorte. L encore, es douleurs les plus vraies prirent l'habitude de se traduire dans les formules banales de la conversation.
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Anlor le 05 janvier 2012 à 02:16:38
Je comprends tout à fait ce que tu veux dire Menthe. D'ailleurs, je ne m'inscris pas dans une idée qui serait celle du "si j'comprends rien, j'aime pas, point". En y réfléchissant, le sens je m'en fous un peu aussi, tant que je trouve les sonorités sympas ou que ça m'évoque des images. Ce qui me gène c'est dès lors qu'on commence à dire qu'il suffit de créer quelque chose qui nous touche pour que ce soit de la poésie, de l'art. C'est la porte ouverte au tout et n'importe quoi et je ne suis pas sûre que ce soit toujours une bonne chose. Je regrette, mais si ça reste complètement hermétique, ben tu le gardes pour toi et ça reste un mot pour mémoire.
Je trouve que c'est trop facile de dire chacun sa sensibilité et le reste a qu'à aller se faire voir.

(il est tard/tôt, je viens de regarder une émission débile et le sacre de Pricilla, donc oui, ce que je raconte est surement débile et ne fait pas avancer le débat. Zut.)
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: jake07 le 05 janvier 2012 à 02:20:02
@Menthe Je ne peux que te rejoindre également là-dessus. J'ai jamais lu La peste, je découvre donc l'extrait, et oui, il est parlant. Cette forme d'incompréhension est celle qui génère chez moi le plus de frustration, pire encore que de parler à quelqu'un qui ne fait manifestement aucun effort pour vous comprendre, c'est très douloureux de ressentir la peine infligée à l'autre à la fois par ce qu'on a pas dit mais qui a été, d'une certaine façon, dit malgré tout. Et de réfléchir à ce que l'autre n'a pas dit, mais qu'on a entendu, de la même manière. Je dis blanc mais c'est l'effet de noir que je vois sur son visage. J'essaie de dire blanc autrement et c'est encore plus noir que je lis dans ses yeux.

Alors, évidemment, sur un forum, c'est encore autre chose.

J'arrête le HS en précisant que ma remarque sur ton "entièreté" n'était pas une critique :)
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Sensei le 05 janvier 2012 à 18:26:58
Je me sens particulièrement visée par ce sujet et j'imagine que c'est peut-être à l'une de mes remarques qu'on fait référence...
Ben oui moi aussi je pense que la magie de la poésie, c'est aussi ça...Que chacun puisse y lire ce qui fait écho en lui..

Si je dis "la terre est noire"...C'est clair et pourtant je suis persuadée que cette phrase résonne différemment en chacun de nous. Si tout veut dire la même chose pour tout le monde, on y perd quelque chose je crois.
Donc moi aussi ça me gonfle qu'on me demande ce que ça veut dire...Ca veut dire tellement pour moi. Je dois écrire pour ceux qui vont me lire? En étant sûre qu'ils me comprennent, et qu'ils voient les choses comme je les vois?
Non, pour moi ce n'est pas ça la poésie.
Titre: Re : Re : Poésie et sens
Posté par: Anlor le 05 janvier 2012 à 18:48:18
Je me sens particulièrement visée par ce sujet et j'imagine que c'est peut-être à l'une de mes remarques qu'on fait référence...
Ben oui moi aussi je pense que la magie de la poésie, c'est aussi ça...Que chacun puisse y lire ce qui fait écho en lui..

Si je dis "la terre est noire"...C'est clair et pourtant je suis persuadée que cette phrase résonne différemment en chacun de nous. Si tout veut dire la même chose pour tout le monde, on y perd quelque chose je crois.
Donc moi aussi ça me gonfle qu'on me demande ce que ça veut dire...Ca veut dire tellement pour moi. Je dois écrire pour ceux qui vont me lire? En étant sûre qu'ils me comprennent, et qu'ils voient les choses comme je les vois?
Non, pour moi ce n'est pas ça la poésie.
Qu'on soit bien d'accord, je n'attaque personne, hein! C'est juste que j'aimerais comprendre pourquoi dans certains cas je peux être transportée par un texte auquel je n'entends strictement rien et dans d'autres je voudrais savoir de quoi on parle et je me trouves un peu bête face à un auteur qui me sors que j'ai qu'à écouter ma sensibilité et sinon c'est pas grave, chacun sa vie, chacun son chemin...

Je crois quand même qu'il y a une différence entre évoquer des images qui peuvent toucher la sensibilité de chacun  (ton exemple Sensei va dans ce sens je trouve, le noir reste une couleur très connotée, les sonorités en r peuvent aussi avoir leur effet -plus l'effet en contexte bien sûr) et un hermétisme qui se justifie uniquement par les sentiments qu'il évoquent chez son auteur et seulement chez lui.

Je persiste à dire que si on écrit pour soi, on ne le montre pas.
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Sensei le 05 janvier 2012 à 18:54:40
La difficulté je trouve, c'est que lorsqu'on veut être clair, on tombe assez vite dans des choses rebattues.
En tout cas c'est mon problème quand j'écris et ça m'a été reproché: les parties très personnelles on me dit : "ça veut rien dire ton truc",pour les choses plus limpides, on me reproche de faire du déjà vu.

Après c'est peut-être juste que je ne sais pas le faire...C'est tout à fait probable  :)
Titre: Re : Re : Poésie et sens
Posté par: ernya le 05 janvier 2012 à 19:19:29
La difficulté je trouve, c'est que lorsqu'on veut être clair, on tombe assez vite dans des choses rebattues.
En tout cas c'est mon problème quand j'écris et ça m'a été reproché: les parties très personnelles on me dit : "ça veut rien dire ton truc",pour les choses plus limpides, on me reproche de faire du déjà vu.

Après c'est peut-être juste que je ne sais pas le faire...C'est tout à fait probable  :)
ben le truc c'est arriver à être clair tout en présentant les choses sous un point de vue qui soit pas déjà-vu. Pas facile, c'est sûr, d'un autre côté, qui a dit que la poésie était chose simple ?
Mais être hermétique en tout cas, comme l'a dit Lo', ça n'a rien d'original. Ca a déjà été fait. :mrgreen:
Et puis c'est aussi ça un des buts de la poésie : partir de soi (ou pas) pour parler à tous. Le truc dur c'est d'arriver à rester le plus proche de ce qu'on veut dire tout en étant plus ou moins clair pour les autres. Ils auront peut-être pas la même image que nous qui s'affichera dans leur esprit, mais c'est mieux, si ça s'en approche un peu. ^^


Je ne répèterai pas tout ce qu'a dit Anlor, je partage le même point de vue qu'elle.

Mais je crois qu'on dérive de la question initiale d'Anlor. Bien sûr que c'est cool de pouvoir chacun se façonner sa petite image, sa représentation etc. Et je pense que personne ne défendra une littérature où il n'y aura qu'un seul sens strict et définitif.
Mais le problème que soulève Anlor, arrête-moi si je me trompe, c'est quand les gens ne veulent pas expliquer UNE image ou UNE référence dans leur texte. Parce qu'évidemment qu'on lit chacun les textes selon notre propre parcours et du coup de manière différente, mais ça n'empêche qu'un sens doit dominer. Si à la fin du texte, on a rien compris, pour moi, y a un problème. Parce que se cacher derrière "chacun son  interprétation", ça peut aussi être une façon de ne pas reconnaître qu'on s'est peut-être foiré avec notre image. C'est surtout ça qui me gêne perso. Si l'interprétation d'un texte est laissé à la propre interprétation de chacun et qu'on peut rien dire dessus, et surtout pas poser de questions, ben excusez-moi, hein, mais ne postez pas pour avoir un commentaire si vous trouvez que de toute façon il y a un sens, que le texte a été écrit avec vos tripes et que si un lecteur n'aime pas parce qu'il n'a pas compris, c'est qu'il est fainéant ou braqué.
Mais je crois que c'est un gros problème en poésie, ça. Maintenant tout est poésie, donc plus rien ne l'est vraiment. Tout texte peut se prétendre poème, tout le monde peut se prétendre poète. Et du coup on ne peut plus rien critiquer puisque tout, même la dernière des merdes écrites, peut se dire poésie. Moi, je trouve ça triste d'abaisser à ce point l'art mais bon je suis une sale réactionnaire. Par exemple, si on reproche un truc à quelqu'un dans une nouvelle, il l'acceptera beaucoup mieux que si on lui dit "cette image-là dans ton poème, je vois pas DU TOUT ce que tu veux dire" parce que voilà en poésie, maintenant, on ne peut plus rien dire. Du moins, c'est l'impression que j'ai. La poésie, ça ne se critique plus, on l'apprécie ou on se tait, on l'aime ou on la quitte. :mrgreen: Ben voyons.

 Voilà, que personne ne se sente visé surtout, je m'emporte vite quand j'ai la migraine et moi aussi, c'est un sujet que j'ai à coeur.^^

Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Gros Lo le 05 janvier 2012 à 20:34:40

Moi je pense que le lecteur n’est pas débile, et que si sincèrement il ne comprend rien, alors qu’il parle la même langue et qu’il est de la même culture, et qu’en plus de ne rien comprendre il n’en tire aucun plaisir esthétique (genre Mallarmé et ses onyx ouh ça ne veut rien dire mais c’est beau quand même) c’est que ça n’est pas sincère du côté de l’auteur. Il faut qu’on puisse faire une différence entre, d’une part, le poème qui vient des entrailles, qui est saturé d’introspection, autoréférentiel et tout ce qu’on veut, et d’autre part le poème qui ne vient de nulle part, une éjaculation verbale parce que l’auteur a voulu se branler avec un clavier.
Le meilleur moyen dont on dispose pour faire la part des choses, je pense que c’est la cohérence. On peut apprécier la cohérence d’un poème même si on est étranger aux perceptions qu’il dévoile, on peut y déceler une harmonie, toute secrète qu’elle puisse être. Si le poème est issu d’un travail sincère, ça se sentira, des choses se répondront entre elles, même si on a du mal à appréhender ces choses.
Si c’est pas le cas, ça donne :

Dans les inflexions du soir mangé de termites
il y a de gros ventres et des fleurs haletées,
Je les dévore avec de grands rictus tristes
et leur gout me remplit d’âcreté
Je finis par m’endormir sur une poubelle,
la nuit est pleine et la lune est sous l’aisselle.


Vous êtes convaincus maintenant ? :chut:
Titre: Re : Re : Poésie et sens
Posté par: Kasprzak le 05 janvier 2012 à 20:40:48

Je finis par m’endormir sur une poubelle,
la nuit est pleine et la lune est sous l’aisselle.


Merde c'est pas mal ça  :mrgreen:
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Treva le 05 janvier 2012 à 21:06:32
Je me sens obligé de mettre mon avis ici, car j'ai eu ce débat de nombreuses fois avec un ami:
"Qu'est-ce que la poésie ? Où s'arrête la beauté, où commence la description?"

Je suis de ceux qui estiment que la poésie est effectivement un effort de la part de l'écrivain de la recherche de beauté profonde dans son écriture, à tel point qu'à terme les mots agencés deviennent un art, un sillon qu'il creuse pour que repose son essence.

Il est évident qu'aucuns poètes n'a le même style, la même sensibilité, vocabulaire ou sens du rythme. Il n'empêche que tous écrivent avec leurs tripes et leur sang.
Ecrire de la poésie exige un total abandon de pudeur, une totale liberté d'esprit, à tel point que son art deviennent une porte ouverte sur son être profond.

Ainsi, et même si l'on peut ne pas aimer le texte écrit, le lecteur sentira (s'il a  un minimum de sensibilité) si le poète se livre ou s'il ne fait que décrire ce qu'il ressent...

Pour moi, la poésie est la porte de l'âme: elle s'y déverse. Au lecteur le soin se la boire, de s'y noyer ou de la fuir.

"Et le reste n'est que littérature."
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Sensei le 05 janvier 2012 à 22:12:25
Je trouve que Loredan a vraiment trouvé les mots justes...En tous cas, je suis vraiment d'accord.

Vouloir absolument décortiquer toutes les images du poème pour savoir ce qu'il y a dans la tête et le ventre de celui qui écrit est un acte assez violent de démystification du texte qu'il a sorti de ses tripes...Perso, j'ai l'impression qu'on regarde mes entrailles.
Titre: Re : Re : Poésie et sens
Posté par: ernya le 05 janvier 2012 à 22:21:22
Citer
Vouloir absolument décortiquer toutes les images du poème pour savoir ce qu'il y a dans la tête et le ventre de celui qui écrit est un acte assez violent de démystification du texte qu'il a sorti de ses tripes...Perso, j'ai l'impression qu'on regarde mes entrailles.
ben si ton texte tu l'as vraiment sorti de tes tripes, on les voit tes entrailles. :mrgreen: Et c'est pas forcément plus mal, ça veut dire que t'as été vraiment sincère, c'est plutôt cool.
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Milora le 06 janvier 2012 à 16:15:04
J'ai pas grand chose à apporter à la conversation, si ce n'est que je suis en tout point d'accord avec l'avis d'ernya. ^^
C'est aussi surtout qu'en poésie y a un certain snobisme, comme en peinture ou en sculpture, qui fait que de nos jours, on peut avoir une bouteille en pastique posée sur un piédestal et considérer ça comme de l'art... La poésie me fait un peu le même effet. Comme dit ernya, tout et n'importe quoi se dit poésie.

A titre personnel (mais je ne pense pas être un cas unique ^^^), les oeuvres hermétiques, si je sens à la fin qu'il y a un fil conducteur mais que je n'ai pas réussi à le suivre, je peux apprécier. Mais il faut que j'aie le sentiment que, si je décortique le poème, si je le lis davantage, en grattant un peu la surface, je vais trouver quelque chose, de posé, de réfléchi. (Je n'utilise pas "réfléchi" par opposition à la spontanéité ou à ce qui vient des tripes. J'oppose texte réfléchi à texte écrit "comme ça", qui ne veut rien dire et ne prétend rien dire - qui, en fait, se donne les allures de poème hermétique mais qui en réalité est juste un assemblage de mots).
Par contre, si arrivée à la fin, je n'ai strictement rien compris et que je n'ai pas cette impression que quelque chose m'a échappé, je passe mon chemin sans accorder d'attention au texte.
C'est un peu comme quand on lit une de mes nombreuses citations qui apparaissent partout, sur internet, sur les agendas, etc. Souvent, la phrase est toute simple mais cache plein de sens. Un poème hermétique est un peu pareil à mes yeux. Il faut que je sente qu'il y a quelque chose derrière les mots.

Je pense que, quand on lit un texte au sens opaque, on a le sentiment au début que les mots constituent une sorte de fil rouge, auquel on s'agrippe et qui va nous entraîner quelque part - même si pour le moment on ne voit pas où. Si au bout de quelques lignes, on s'aperçoit qu'en fait il n'y a pas de fil, que c'est juste un assemblage vain, on décroche. De la même façon, si, à la fin, on s'aperçoit que ça ne nous a amené nulle part, on passe aussi son chemin.
Après, ce fil rouge peut être un sens, mais il peut être d'autres choses : une métaphore filée, un jeu de sonorités, d'images, etc. Même une sorte de non-sens, mais assumé (je pense aux trucs surréalistes, dont le sens est en quelque sorte le non-sens... Je me comprends, mdr.). Ça rejoint ce que disait Loredan sur la cohérence.
Mais il faut qu'il y ait quelque chose, un but, un sentiment d'achèvement qui fait du poème un texte en soi et pas un assemblage incohérent ; et il faut que le lecteur le sente.

Je ne vise personne ici non plus (je ne t'ai même jamais lue, Menthe), mais je trouve que l'excuse "ça vient des tripes" est souvent un peu facile. T'as pas aimé/pas compris ? C'est tant pis pour toi, parce que de mon côté, ça venait des tripes. Euh oui, mais, comme disait ernya, quand on écrit, peint, etc., on fait un acte qui s'adresse à un lecteur, à un autre. C'est assez facile d'écrire quelque chose de personnel. Après, que ce qui en résulte soit suffisamment mis en forme pour toucher quelqu'un d'autre,  je trouve que c'est là que réside la difficulté - et l'intérêt.
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Sensei le 06 janvier 2012 à 17:09:31
Sans vouloir éviter les vraies questions, je suis intimement persuadée que cela reste une question de goût...
Certains voudront tout comprendre et d'autres n'en ressentiront pas le besoin et cherchent autre chose en poésie.

Pas de vérité absolue sur cette question.
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Milora le 06 janvier 2012 à 17:40:08
Je pense qu'il y a effectivement une question de goût : un bonne œuvre peut plaire ou ne pas plaire (je trouve Roubaud sans la moindre espèce d'intérêt, alors que ça émeut certains jusqu'aux larmes).
Mais un texte raté sera raté pour tous ses lecteurs  ;)
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Menthe le 06 janvier 2012 à 19:59:56
@Milora : peu de chances que tu me lises, je suis très pudique pour mes instantanés (parce que oui je fais des instantanés et pas de la poésie, je harponne l'oiseau en plein vol pour le planter directement sur les mots, je ne cherche pas à l'accompagner  :mrgreen:)

Je pense qu'au fond nos idées sont quand même plus ou moins semblables sur le sujet. Si on résume, même si on n'aime pas ou ne comprend pas tout ça ne veut pas dire que ce n'est pas de la poésie, mais tout texte se réclamant l'être ne l'est pas forcément non plus.
Après, pour détailler plus et préciser mieux, il faudrait élargir le débat à la consistance et l'essence de l'art, et là, parbleu, on n'est pas couché...
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: lulli le 27 janvier 2012 à 08:10:07
En tant que lecteur : je me contrefous de ce que l'auteur a pu dire ou penser, il n'y a que mon interprétation qui compte.

Du coup, quand j'écris, j'aime pas forcément tout expliquer. D'autant plus que je jongle sur l'absurde, le non-sens et les rapprochement de mots par sonorité.

Je pars du principe qu'on doit tous bosser : celui qui écrit certes mais aussi celui qui lit. Et le lecteur a le droit de ne pas aimer et d'interpréter comme il l'entend ce que l'auteur écrit... En fait, le point de vu de l'auteur me semble toujours illusoire.

Quand on lit du Michaud, qu'est-ce qui compte le plus ? compréhension ou ressenti personnel ?
(Michaud, pour moi est une sorte de modèle en terme de licence poétique).

Citer
C'est aussi surtout qu'en poésie y a un certain snobisme, comme en peinture ou en sculpture, qui fait que de nos jours, on peut avoir une bouteille en pastique posée sur un piédestal et considérer ça comme de l'art...
C'est un peu dommage de rester sur ce genre d'exemple qui commence à franchement dater (ceux qui le font encore ont oublié à qui il le devait !). Duchand, ça commence à être vraiment vieux et éculer : on ne met plus d'objet en musée, c'était une idée d'un temps qui avait ça raison d'être (et qui interrogeait la société sur la place des objets entre autre). A force de ne parler que de ce type d'art en fait j'en arrive à penser qu'on ne connais vraiment rien à l'art actuel dont les modèle sont de plus en plus flous... D'ailleurs combien d'artistes vivants et en activité sommes nous capable de citer ? L'art évolue plus vite que nos clichés !

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mais je trouve que l'excuse "ça vient des tripes" est souvent un peu facile
C'est pour moi, l'inverse de ce qui est intéessant d'ailleurs... Si ça vient des tripes alors le sens doit être limpide (car les peines ça s'exprime de façon simple et claire)... Pour moi, l’hermétisme doit venir d'un travail laborieux plus que d'un lâché de tripes. C'est mon avis pour tout en fait : le jeter d'idées sur le papier donne, que ça soit hermétique ou pas, des résultats bien moins intéressants à lire qu'un texte travaillé (qui peut parler en filigrane de la même chose mais qui le met en scène différemment).
Enfin personnellement, je trouve peu d’intérêt au texte écrit sur soi, quand on va mal, sans trop de retravail... c'est rare que ça fonctionne vraiment bien (manque de construction pensée).

Pour moi, s'il y a débat sur le sens il faut que ça soit pour des raisons de travail. Travail sur le non-sens par exemple ou l'absurde, ou même un travail pur : écrire un texte qui doit éveiller le dégout par tous les moyens possibles (consonance, figure de style, déconstruction du phrasé etc).

Mais dans ce cas, il y a un but et il est porteur de sens en lui même (il n'est pas creux) !

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Vouloir absolument décortiquer toutes les images du poème pour savoir ce qu'il y a dans la tête et le ventre de celui qui écrit est un acte assez violent de démystification du texte qu'il a sorti de ses tripes...Perso, j'ai l'impression qu'on regarde mes entrailles.
En fait, un texte n'est pas le corps de la personne qui écrit, ni même son "bébé" comme on aime à le croire... enfin, je ne vois pas mes textes de la sorte, ce sont des travaux, les décortiquer ne remet pas en cause ce que l'auteur est mais ce qu'il écrit. Ne pas avoir de distance entre soi et ses textes c'est dangereux : on ne peut pas écrire des textes qui plaisent à tous...


Loredan parle de sincérité et je n'y entend absolument rien : depuis quand les auteurs doivent être sincères ? ça veut dire quoi déjà ?
On peut être sincère dans sa démarche d'écrire, ok, à la rigueur, mais pour le reste je ne comprend pas ce genre d'obligation tacite : sois sincère sinon tu écrira mal !
On peut pourtant travailler sur la forme, avoir un objectif qui ne soit pas sur le fond et parvenir à faire quelque chose de bien ficelé et qui vaut le coup ! L'OULIPO le prouve assez, la contrainte peut apporter un regain au signifiant, la sincérité dans la démarche à la rigueur, mais dans le fond, je vois pas trop à quoi ça sert...
Puis à la lecture il est dur de savoir si l'auteur est sincère ou pas : il peut vouloir défendre l'inverse de ce qu'il pense, vouloir écrire un texte dans un style qui lui parle peu, pour ce mettre à l'épreuve - et ça peut fonctionner très bien.
Titre: Re : Re : Poésie et sens
Posté par: Meilhac le 28 janvier 2012 à 13:23:34
En tant que lecteur : je me contrefous de ce que l'auteur a pu dire ou penser, il n'y a que mon interprétation qui compte.

Du coup, quand j'écris, j'aime pas forcément tout expliquer.
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mais je trouve que l'excuse "ça vient des tripes" est souvent un peu facile
C'est pour moi, l'inverse de ce qui est intéessant d'ailleurs... Si ça vient des tripes alors le sens doit être limpide (car les peines ça s'exprime de façon simple et claire)... Pour moi, l’hermétisme doit venir d'un travail laborieux plus que d'un lâché de tripes. C'est mon avis pour tout en fait : le jeter d'idées sur le papier donne, que ça soit hermétique ou pas, des résultats bien moins intéressants à lire qu'un texte travaillé (qui peut parler en filigrane de la même chose mais qui le met en scène différemment).
Enfin personnellement, je trouve peu d’intérêt au texte écrit sur soi, quand on va mal, sans trop de retravail... c'est rare que ça fonctionne vraiment bien (manque de construction pensée).

Loredan parle de sincérité et je n'y entend absolument rien : depuis quand les auteurs doivent être sincères ? ça veut dire quoi déjà ?
On peut être sincère dans sa démarche d'écrire, ok, à la rigueur, mais pour le reste je ne comprend pas ce genre d'obligation tacite : sois sincère sinon tu écrira mal !
On peut pourtant travailler sur la forme, avoir un objectif qui ne soit pas sur le fond et parvenir à faire quelque chose de bien ficelé et qui vaut le coup ! L'OULIPO le prouve assez, la contrainte peut apporter un regain au signifiant, la sincérité dans la démarche à la rigueur, mais dans le fond, je vois pas trop à quoi ça sert...
Puis à la lecture il est dur de savoir si l'auteur est sincère ou pas : il peut vouloir défendre l'inverse de ce qu'il pense, vouloir écrire un texte dans un style qui lui parle peu, pour ce mettre à l'épreuve - et ça peut fonctionner très bien.
+ 1, je suis très d'accord avec beaucoup de choses que dit lulli.
notamment sur la sincérité (moi aussi j'ai du mal à comprendre ce que ça veut dire. être sincère quand on donne une opinion, je vois ce que ça veut dire. Etre sincère en art, je n'"y entends rien" comme dit lulli. 8). à moins que ça veuille dire "ne pas faire de concessions par rapport à ce que les autres veulent lire. écrire ce que soi-même on trouve beau".

sur ce qui sort des tripes, là aussi bien d'accord. Je constate que les choses que j'aime lire ou écouter, c'est des choses travaillées... l'art brut, bof. L'écriture spontanée façon Kerouak, bof. 8)

Et pareil, non seulement je me fous de ce qu'a voulu exprimer un auteur, de ses intentions, mais + que ça : quand j'apprends quelles ont été les intentions de l'auteur, ça m'éloigne de l'oeuvre, ça m'éloigne de moi, ça m'éloigne de mes sensations, ça m'éloigne de ce que je peux trouver de jouissif dans une oeuvre, ça m'éloigne du plaisir en fait. Et il m'est arrivé de prendre soin de ne surtout pas avoir d'informations sur "ce-que-voulait-dire-l'auteur" pour pouvoir mieux jouir de son oeuvre, de son style, etc.
 ^^

D'une manière  générale d'ailleurs, les procès d'intention ("son livre est pas mal, mais il l'a écrit dans tel but malsain" ; "il fait semblant d'aimer ça, mais c'est par snobisme" ; etc.) je trouve ça souvent injuste (quand quelqu'un me dit qu'il aime quelque chose, fût-ce une bouteille de plastique sur une table, qu'est-ce qui me permet d'affirmer qu'il simule? au nom de quoi réduirais-je ce goût affirmé à du snobisme ?) et stérile (quand une oeuvre me plait, pourquoi devrais contenir ou retenir mon goût pour cette oeuvre sous prétexte que l'auteur, en la créant, avait des desseins immoraux ou malsains?).
 ;)
Titre: Re : Re : Re : Poésie et sens
Posté par: ernya le 28 janvier 2012 à 13:54:49

+
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1, je suis très d'accord avec beaucoup de choses que dit lulli.
notamment sur la sincérité (moi aussi j'ai du mal à comprendre ce que ça veut dire. être sincère quand on donne une opinion, je vois ce que ça veut dire. Etre sincère en art, je n'"y entends rien" comme dit lulli. 8). à moins que ça veuille dire "ne pas faire de concessions par rapport à ce que les autres veulent lire. écrire ce que soi-même on trouve beau".
pour moi, être sincère en art, c'est se dévoiler sans fioritures. C'est arrêter de cacher ce qu'on pense/ éprouve réellement derrière des formules alambiquées, des métaphores à tout va, bref, c'est éviter tout artifice littéraire. Et je pense que c'est très difficile d'être vraiment sincère en art. Il y a une grande différence entre écrire en voulant être sincère et l'être véritablement. J'ai lu beaucoup de gens sur ce forum qui me répondaient qu'ils avaient été sincères en écrivant le texte alors qu'à l'arrivée leur texte était tellement saturé de métaphores et de formules pompeuses qu'on n'y voyait aucun embryon d'entrailles. On n'est jamais sincère si à la fin le lecteur n'a pas compris de quoi on parlait ou n'a pas été ému. Si c'est sincère, on sera ému. Si le lecteur ne l'est pas, c'est que ça ne l'était peut-être pas. Quand on veut être sincère et parler vraiment de ce qu'on ressent, ben ça demande un certain sacrifice de soi, ça demande d'exposer sans voiles et sans artifices ce qu'on est, c'est pas du tout évident en soi.

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D'une manière  générale d'ailleurs, les procès d'intention ("son livre est pas mal, mais il l'a écrit dans tel but malsain" ; "il fait semblant d'aimer ça, mais c'est par snobisme" ; etc.) je trouve ça souvent injuste (quand quelqu'un me dit qu'il aime quelque chose, fût-ce une bouteille de plastique sur une table, qu'est-ce qui me permet d'affirmer qu'il simule? au nom de quoi réduirais-je ce goût affirmé à du snobisme ?) et stérile (quand une oeuvre me plait, pourquoi devrais contenir ou retenir mon goût pour cette oeuvre sous prétexte que l'auteur, en la créant, avait des desseins immoraux ou malsains?).
Si t'as aimé une oeuvre, tu l'as aimée. C'est débile d'aller contre à cause de la personnalité de celui qui l'a écrit. L'oeuvre et l'auteur sont deux choses totalement différentes.
Mais sinon, oui, y a beaucoup de simulation dans l'art, il ne faut pas croire que tous les artistes sont sincères, l'art, c'est aussi de l'illusion, faut pas l'oublier.  :huhu:
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: lulli le 28 janvier 2012 à 19:12:23
Pour moi, tu mélange complètement deux choses : le style et la sincérité. Et celons ta vision des choses un style épuré est plus sincère qu’un style florissant (on peut voir les fioritures comme positives dans certain cas). Écrire c’est forcément utiliser un artifice pour dire ce qu’on pense ou ce qu’on veut (ce qui est fort différent). Finalement, écrire c’est faire l’effort de mettre en phrase, c’est faire des choix stylistiques mais aussi de vocabulaire et savoir en jouer.

De plus, on peut aussi ne pas vouloir écrire avec ses tripes, et être dans le juste. J’écris du gore et du violent dans un style à l’os (comme tu sembles l’aimé) or je n’y suis pas sincère dans le sens où j’écris ces textes dans un but qui n’est pas littéraire mais réactif : je tente de dégoûter le lecteur. En gros : je joue, non pas sur mon propre dégoût mais sur celui que les autres peuvent ressentir… C’est par les retours qu’on m’en fait que je sais si un tel texte est réussi (celons moi) ou pas… Mais où est la sincérité dans ma démarche sommes toutes très oulipienne (énormément de contrainte stylistique pour parvenir à ce qui me convient) ? Pourtant tu dirai que c’est des entrailles à nue, peu être... mais surement pas les miennes !

Prendre de la distance avec ce qu’on écrit me semble très important et propice à la démarche du retravail…

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« On n'est jamais sincère si à la fin le lecteur n'a pas compris de quoi on parlait ou n'a pas été ému. »
Pourtant, si j’écrivais un texte réellement sincère, je pense vraiment que le lecteur serrait moins toucher que par mes faitaisie… Parce qu’émouvoir ça ce travail ! En fait c’est ça qui me vient le plus : le travail peu apporter tout, l’émotion, la fantaisie et l’illusion d’une sincérité si c’est ce que le lecteur veut y voir (l’auteur, lui il y met ce qu’il veut ou peu !)

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« Quand on veut être sincère et parler vraiment de ce qu'on ressent, ben ça demande un certain sacrifice de soi, ça demande d'exposer sans voiles et sans artifices ce qu'on est, c'est pas du tout évident en soi. »
Je suis un peu de ton avis, mais je pense que si on trop souffert d’une chose on est pas forcément apte en écrire un texte potable dessus (parce qu’écrire sur sa propre douleur à un biais énorme : on ne travail plus la forme parce que le fond nous submerge)…

En faite, plus je te lis, plus je pense que le travail vaut bien mieux que toute les histoires écrite sur une base réel (à moins d'en avoir la force, on s’enlise vite dans le pathos a faire de l'auto-fiction), bref sincère ? je suis toujours pas convaincu que ce soit un atout !
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: ernya le 28 janvier 2012 à 19:50:35
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Pour moi, tu mélange complètement deux choses : le style et la sincérité.
ben les deux peuvent être liés, il me semble, non ? Ils ne le sont pas TOUJOURS mais de toute façon ça serait absurde de parler d'une règle absolue en littérature : chaque texte a sa propre logique. Donc non je ne confonds pas, je parle du cas précis où les deux se rejoignent.

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  Mais où est la sincérité dans ma démarche sommes toutes très oulipienne (énormément de contrainte stylistique pour parvenir à ce qui me convient) ?

j'ai envie de dire que la vocation de l'OULIPO n'a jamais été d'être sincère, xD. Leur truc, c'était les contraintes, les jeux de réécritures, l'introduction de maths dans la litté. Rien à voir pour moi avec la sincérité. Peut-être que je n'étais pas claire : on peut tout à fait ne pas être sincère dans un texte. Etre sincère n'est pas une règle absolue qu'on doit respecter à tout prix. Tout dépend de ce qu'on veut faire. Si j'ai envie d'écrire un truc drôle, qu'est-ce qu'on s'en contrefout de la sincérité !  Mais quand on veut faire un texte personnel, oui, pour moi, c'est mieux d'être sincère et d'en payer le prix (c'est-à-dire aller vraiment au fond des choses sans se cacher derrière une métaphore qui voile/cache/ enrobe ce qu'on voulait dire au départ)

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« Quand on veut être sincère et parler vraiment de ce qu'on ressent, ben ça demande un certain sacrifice de soi, ça demande d'exposer sans voiles et sans artifices ce qu'on est, c'est pas du tout évident en soi. »
Je suis un peu de ton avis, mais je pense que si on trop souffert d’une chose on est pas forcément apte en écrire un texte potable dessus (parce qu’écrire sur sa propre douleur à un biais énorme : on ne travail plus la forme parce que le fond nous submerge)…
c'est bien pour ça que je dis que c'est galère. Et puis tu peux écrire un texte personnel sans te conforter dans le pathos, hein. Notre vie n'est quand même pas faite que de malheurs.

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En faite, plus je te lis, plus je pense que le travail vaut bien mieux que toute les histoires écrite sur une base réel (à moins d'en avoir la force, on s’enlise vite dans le pathos a faire de l'auto-fiction), bref sincère ? je suis toujours pas convaincu que ce soit un atout !
En fait, lulli, je crois que tu te méprends sur ce que je pense. J'essayais d'expliciter ce qu'on disait à propos de la sincérité en poésie. Je ne faisais pas de discours sur l'écriture en général. Chaque texte a sa propre logique d'écriture, on est d'accord là-dessus. Et je ne suis pas non plus en train d'établir une hiérarchie entre "textes de fiction" et "autofiction". Je tenais juste à expliciter ce que moi, j'entendais sous le terme de sincérité en art (et en particulier en poésie vu que ce topic à l'origine traite de la poésie). Lo' a sûrement sa propre vision de la chose. Tout comme toi.
En tout cas je ne suis absolument pas en train de dire que tous les textes doivent parler de ta petite personne parce que c'est comme ça qu'on atteint l'art, ce n'est pas du tout ce que je voulais dire. Je parlais bien des textes qui veulent être personnels en reprenant ce que les autres disaient avant (c'est le problème des topics qui ont du succès, on perd rapidement le fil initial de la conversation  :mrgreen:) : pour moi, si ton texte sort vraiment de tes tripes, il n'y a aucune raison que le lecteur bute sur tes images. Si tes images sont absconses, c'est que tu t'es foiré quelque part et qu'en quelque sorte tu n'as pas été sincère, que tu ne tiens pas véritablement à te mettre à nu. En soi, ce n'est pas bien grave, si tu t'en fiches d'être sincère et ben tant pis, mais si tu voulais l'être ben c'est qu'il y a quelque chose qui coince et qu'il faudrait modifier.

Ensuite je pense que tu peux être sincère dans un texte sans que ce texte parle de toi ou que tu sois le personnage principal de ce texte.  Si tu préfères, je rapproche la sincérité du ton juste.  ^^
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: lulli le 28 janvier 2012 à 23:16:30
J'ai pas le temps de tout reprendre, mais je suis bien plus proche de ton avis une fois que tu lui rend sa complexité ! On ne peu pas vraiment généraliser... un texte sincère peu être nul et inversement, ça dépend.


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pour moi, si ton texte sort vraiment de tes tripes, il n'y a aucune raison que le lecteur bute sur tes images. Si tes images sont absconses, c'est que tu t'es foiré quelque part et qu'en quelque sorte tu n'as pas été sincère, que tu ne tiens pas véritablement à te mettre à nu. En soi, ce n'est pas bien grave, si tu t'en fiches d'être sincère et ben tant pis, mais si tu voulais l'être ben c'est qu'il y a quelque chose qui coince et qu'il faudrait modifier.

Quand il y a trop de figure de style complexe et qu'on oublis qu'un clitoris n'est pas un bouton de rose ça me gonfle... En fait, je suis de ton avis sur un point : trop de fioriture nuit au texte... Mais j’avoue que personnellement je le rapproche plus d'une timidité, ne pas osé dire crument... comme si ça pouvais blesser. Et souvent, c'est un choix de l'écrivant d'être alambiquer...
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Mello le 07 février 2012 à 22:02:35
Oh ! Mon sujet de dissertation !
Bon, quand ma prof me l'aura rendue, cette foutue dissert', je vous la recopierai, ça vous donnera une idée.

Mais globalement, la poésie à trois "sens" :
- donner un sens au monde, les sentiments etc. (poésie lyrique)
- transmettre un message (poésie didactique ou engagée)
- laisser le lecteur interpréter comme il veut, cacher le sens (c'est le cas de la poésie symbolique et surréaliste)

Après, je m'étalerais plus tard, ce sujet m'a assez dégoûté pour un bon moment :D
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: koutoumi le 05 juillet 2012 à 17:46:58
"Si l'interprétation d'un texte est laissé à la propre interprétation de chacun et qu'on peut rien dire dessus, et surtout pas poser de questions, ben excusez-moi, hein, mais ne postez pas pour avoir un commentaire si vous trouvez que de toute façon il y a un sens, que le texte a été écrit avec vos tripes et que si un lecteur n'aime pas parce qu'il n'a pas compris, c'est qu'il est fainéant ou braqué."

Je suis plutôt d'accord avec cette analyse. Cependant le truc, je pense, c'est que chaque personne écrivant un poème a, au préalable, une visé, un but. A la fin le sens de l'ensemble peut être voilé mais il est quand même présent. Par conséquent les commentateurs se doivent de demander à l'auteur des explications et éviter de lui dire que son poème est fait de mots mis bout à bout, sans soucis apparent de sens. 


"parce que voilà en poésie, maintenant, on ne peut plus rien dire. Du moins, c'est l'impression que j'ai. La poésie, ça ne se critique plus, on l'apprécie ou on se tait, on l'aime ou on la quitte.  Ben voyons."

Au contraire, c'est tellement facile de critiquer de la poésie en disant : "je ne comprend pas donc c'est de la merde"
Tu dis que tout le monde peut écrire de la poésie, c'est sans doute vrai. Mais c'est encore plus vrai pour les nouvelles, où aucun talent particulier est necessaire.
En outre la longueur plutôt courte du poème fait qu'il est plus facile de le lire puis de le critiquer, qu'un roman d'une trentaine de pages. 
Donc peut être que tout le monde se dit poète, mais moi je rajouterais que beaucoup se pensent exégètes dès qu'ils aperçoivent un poème totalement obscure. (je dis ça sans te viser nécessairement, Ernya).


"Moi je pense que le lecteur n’est pas débile, et que si sincèrement il ne comprend rien, alors qu’il parle la même langue et qu’il est de la même culture"

La maitrise de la langue française ainsi que la culture générale diffère selon les individus.
Tout le monde n'a pas le meme degrès d'intelligence. Tout le monde ne connait pas la mythologie grec sur le bout des doigts.
Tout le monde n'a pas lu du Artaud ou du Breton dans sa vie. Tout le monde n'a pas fait des etudes de lettres.
Donc un texte est appréhendé et compri de differente façon selon le lecteur.
Mais après si tout le monde te dis que ton poème est obscure et incompréhensible c'est qu'il l'est réellement ; en somme l'avis general prime sur un avis individuel.

J'ai fait une preface dans mon recueil ou j'ai essayé d'expliquer comment je voyais l'écriture poétique, je mets un petit extrait  :

"A partir de quand les écrits d'un anonyme nombriliste, dépassent le simple stade de faire-valoir ?
Est-ce le lecteur qui fait du travail d'un écrivaillon un mets comestible, ou est-ce « l'écrivain » lorsqu'il le décrète ?
L'écrivaillon qui se dit écrivain, écrit en vain des litres de mauvais vin puis oblige le lecteur à l'ingurgiter.
Recouvrir de hiéroglyphes d'or le papyrus d'Horus n'est pas chose facile, pour les jeunes immortels qui se risquent à l'écriture.
Pour les milliers de nuits brûlées à l'encre héroïne de Chine, l'auteur de ce recueil rend hommage aux écrits vaillants des écrivaillons"



Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Milora le 05 juillet 2012 à 18:11:38
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"Moi je pense que le lecteur n’est pas débile, et que si sincèrement il ne comprend rien, alors qu’il parle la même langue et qu’il est de la même culture"

La maitrise de la langue française ainsi que la culture générale diffère selon les individus.
Tout le monde n'a pas le meme degrès d'intelligence. Tout le monde ne connait pas la mythologie grec sur le bout des doigts.
Tout le monde n'a pas lu du Artaud ou du Breton dans sa vie. Tout le monde n'a pas fait des etudes de lettres.
Donc un texte est appréhendé et compri de differente façon selon le lecteur.
Mais après si tout le monde te dis que ton poème est obscure et incompréhensible c'est qu'il l'est réellement ; en somme l'avis general prime sur un avis individuel.
Je suis pas entièrement convaincue...
Enfin, si, tu as raison, mais je crois que ce n'est pas ce que contestait l'auteur de la phrase que tu as relevée (flemme de rechercher dans le topic ; c'est ernya ?)
Déjà, la maîtrise de la langue française, elle est supposée chez le lecteur. Je veux dire : tu vas pas te dire "j'écris avec des mots faciles au cas où mon lecteur parlerait mal français" :D Du si tu dis "quelque chose noir" en affirmant que "noir" est un verbe, tu sais très bien que le lecteur va tiquer et se demander ce que c'est que ce truc. Libre à toi, après, de justifier assez ta "licence poétique" pour que le lecteur se dise "ah, ok, c'est bien trouvé !" et non pas "mais n'importe quoi mon gros, retourne lire le Bescherelle"  :-¬?
Après, pour la culture... Oui... et non. Déjà quand on dit "de la même culture", ça veut pas dire que le lecteur va partager le même horizon de références que l'auteur, ou que le lecteur d'à côté. Mais on peut pas nier qu'y a une culture commune, très souvent. Je veux dire que si tu lis une oeuvre de poésie, je sais pas, chinoise, ou médiévale, bref, venant d'un monde qui a(vait) un horizon culturel en bonne partie différent, eh bien très souvent, il va te falloir un peu d'adaptation pour comprendre. Enfin je veux juste dire que dire "mais le lecteur n'a pas la même culture que moi, c'est normal qu'il n'ait pas compris" n'est pas une 'excuse'.
Ou alors, tu écris juste pour une franche de la population particulière. Y en a qui le font, hein ! Tu lis Roubaud et si t'es un lecteur lambda, tu te dis "euh, mais, ok, moi aussi je peux écrire ça, en prenant des mots au hasard dans le dictionnaire". Après, si tu connais par coeur tous les classiques de la poésie depuis le XVIe siècle, ou que t'as un prof qui te l'explique, tu vas te dire "ah d'accord, ce vers est une citation de St Machin, et ce poème-là un pastiche de la structure de Truc, et c'est normal que ce vers-là soit le seul qui m'ait plu dans le bouquin : c'est une citation de Rimbaud...". (Cela n'empêchant en rien de te dire que Roubaud abuse sérieux  :mrgreen: ). Bref, oui, tu peux faire une poésie élitiste qui nécessite d'avoir des connaissances particulières. Tu peux. Après, je suis pas sûre que ce soit là que réside l'intérêt de l'écriture mais, comme disait Sensei y a quelques mois, c'est question de goût.
Et surtout, surtout, ça ne veut pas dire que c'est forcément bon, et que le lecteur a tort parce qu'il n'a pas les clefs pour comprendre. Je veux dire que c'est pas une conséquence sine qua  none à écrire un truc bizarre  :D

Après, pour ce que tu dis de l'avis général... Pas totalement. Je veux dire qu'il peut arriver qu'un texte ne plaise pas à la majorité, mais qu'il touche réellement quelques lecteurs. Est-ce que ça veut dire qu'il est mauvais ? Là le débat devient philosophique  :D Mais disons que l'avis général est difficile à évaluer. Twilight a beau battre les records de vente, on ne me fera pas penser que c'est un chef d'oeuvre de la littérature. Et à son époque, Flaubert a fait un flop. Donc l'idée d'avis général c'est quand même à manier avec prudence. D'autant que dans notre cas, l'avis général d'un forum d'écriture ça peut être assez peu représentatif (déjà parce que sur 10 lecteurs, les goûts personnels faussent la statistique ; ensuite, parce que c'est pas parce que quelqu'un dit "j ador c tro bien!!!!!!§!" que c'est vraiment sincère... Enfin, on n'a pas le cas sur le MDE - j'espère ;D )

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Tu dis que tout le monde peut écrire de la poésie, c'est sans doute vrai. Mais c'est encore plus vrai pour les nouvelles, où aucun talent particulier est necessaire.
Alors là j'ai tiqué  :D C'est pas les mêmes compétences pour écrire un poème et pour écrire une nouvelle. Et la nouvelle peut sembler plus immédiatement accessible parce qu'on se dit qu'il suffit d'aligner des mots comme dans la vie de tous les jours et d'avoir eu une idée d'histoire en se levant le matin. Mais je trouve pas qu'une nouvelle soit spécialement facile à écrire. C'est une forme littéraire, comme le poème, ou comme le roman, qui a ses propres enjeux et ses propres difficultés.
Et d'ailleurs, la question de l'hermétisme peut se poser dans les mêmes termes pour la prose, pour les nouvelles, que pour la poésie...

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Donc peut être que tout le monde se dit poète, mais moi je rajouterais que beaucoup se pensent exégètes dès qu'ils aperçoivent un poème totalement obscure. (je dis ça sans te viser nécessairement, Ernya).
J'ai pas trop compris ce que tu voulais dire...  :-\
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: koutoumi le 06 juillet 2012 à 02:51:06
Mmh... je t'ai écouté (enfin, lu) et je suis pas plus que ça convaincu par tes arguments. Mais bon, chacun perçoit l'écriture comme il le veut.

mais quand même, il y a toujours des exceptions mais en règle générale c'est l'avis de la majorité qui transforme les écrits d'un écrivaillon, en "oeuvre". (mais je suis d'accord twilight est une daube monumentale !!)

La phrase :

"Donc peut être que tout le monde se dit poète, mais moi je rajouterais que beaucoup se pensent exégètes dès qu'ils aperçoivent un poème totalement obscure"

est pour répondre à Ernya quand elle dit que n'importe qui peut se prétendre poète. (Exégète = critique littéraire plutôt mystique)
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Anlor le 06 juillet 2012 à 09:26:43
Cependant le truc, je pense, c'est que chaque personne écrivant un poème a, au préalable, une visé, un but. A la fin le sens de l'ensemble peut être voilé mais il est quand même présent. Par conséquent les commentateurs se doivent de demander à l'auteur des explications et éviter de lui dire que son poème est fait de mots mis bout à bout, sans soucis apparent de sens.
Oui mais là tu parles d'un forum idéal où il est possible de demander des explications sans jamais qu'on te répondre "Nan mais t'sais, pour moi ça a un sens mais je peux pas te le dire parce que t'sais sinon c'est plus de la poésie quoi." Et malheureusement, on doit souvent faire face à ce genre de personne. Ce sujet était né à la suite de plusieurs "débats" dans la section poésie à propos de textes dont les auteurs revendiquaient l'hermétisme comme une sorte d'esthétique.

D'ailleurs la phrase d'Ernya voulait plutôt dire qu'il est beaucoup plus facile de se dire poète dans la mesure où tu as toujours la possibilité de dire qu'il y a une recherche dans la forme, que tu n'as pas choisi les mots aux hasards quand bien même le résultat est incompréhensible. Et puis, tu peux même affirmer que tu as effectivement mis des mots bout à bout sans réfléchir mais qu'il s'agit d'une forme d'art censée représenter le hasard de la vie humaine, la contingence de tout un monde en piochant dans le dictionnaire. Voilà, "tout le monde peut se dire poète" parce que tu peux faire passer n'importe quoi pour de la poésie tant que tu as les arguments qui vont avec.
Dans un sens, c'est pareil dans les nouvelle et les romans. J'avoue (mais je crois que ça s'est vu) que j'ai du mal avec les nouvelles qui nous font du trash pour le trash, parce qu'on n'est pas dans un monde de bisounours, parce qu'il y en a marre des phrases toutes lisses et de la pudeur de certains auteurs. Je suis désolée, mais quand un auteur se met à décrire une scène de cul en utilisant le plus de vocabulaire familier possible sous prétexte d'une esthétique qui veut renverser les codes, pour moi il se touche en se payant le luxe de passer pour un avant-gardiste sans avoir à travailler son texte, sans avoir à réfléchir.

Bon, je me suis embarquée dans un petit hors-sujet je crois, mais pas si hors-sujet que ça, dans le sens où il me semble que le problème vient surtout de ce culte du "happening", du choquant que l'on confond avec l'artistique. Pour faire de l'art, il faut secouer le lecteur, lui montrer que l'art c'est pas seulement Racine ou Hugo. Seulement voilà, l'urinoir de Duchamp ça se comprend mais qu'on ne me fasse pas croire qu'une exposition de meubles IKEA dans une salle de musée aujourd'hui ne soit pas un simple foutage de gueule.

Voilà, je ne sais pas si j'étais très claire ; je me suis surement embrouillée dans mes arguments, comme d'habitude...  :mrgreen:
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: koutoumi le 06 juillet 2012 à 12:42:48
"quand un auteur affirme que décrire une scène de cul en utilisant le plus de vocabulaire familier possible sous prétexte d'une esthétique qui veut renverser les codes, pour moi il se touche en se payant le luxe de passer pour un avant-gardiste sans avoir à travailler son texte, sans avoir à réfléchir. "

Totalement et complètement d'accord  :D
Tout ce que je peux ajouter à cela c'est : AMEN !  ;)


"Seulement voilà, l'urinoir de Duchamp ça se comprend mais qu'on ne me fasse pas croire qu'une exposition de meubles IKEA dans une salle de musée aujourd'hui ne soit pas un simple foutage de gueule."

Alors toi je te kiff ! MDR
Mais tout de même la frontière est plutôt ténue entre l'art dit abstrait - qui a une visé, un but, une utilité - et l'art pour l'art (de Gautier) qui permet surtout à l'auteur d'étaler sa maestria, son verbiage, son vocabulaire.
les meubles d'ikea ont un but utilitaire, l'urinoir également. Duchamp a paraphé l'objet et a ainsi fait de lui une oeuvre d'art.
Cependant, dans sa forme générale l'objet artistique reste un urinoir, elle a donc une utilité.
Bref la frontière entre écrire pour se toucher et écrire pour véhiculer une idée, un message est vraiment imperceptible.

Mmh... j'ai comme l'impression que j'ai pas mal dévié du sujet de départ  :)


Non tu as été parfaitement clair  ;)
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: pascal2 le 15 juillet 2012 à 02:48:50
"Du coup, j'aurais bien aimé avoir l'avis de chacun sur ce sujet, histoire qu'on mette les choses au clair."

Le poème n'a de sens que pour le poète qui l’écrit.
Pour le peintre aussi pour laquelle une partie de son interprétation échappe à lui-même et aux autres.
Car chaque lecteur reconstruit l'œuvre à son image,
et l'œuvre devient ainsi plurielle, se démultipliant à l'infini,
comme autant de mêmes lectures d'un même livre par autant de lecteurs.

Le poète se suffit à lui-même. Il écrit pour lui d’abord. Et sous un besoin impérieux.
Ne peut être remis en cause que la forme du poème.
Mais le fond appartient au mystère du poète, à ses contradictions, à ses ambitions ou renonciations.

Il n'appartient pas au lecteur de juger le poète. Simplement de juger l'œuvre sachant que
le jugement n'engage que le seul critique, et non la totalité de l'œuvre qui est plurielle.

En bref le même poème peut plaire ou déplaire.
Et chaque œuvre doit garder son mystère.
Un poème n'est pas en effet une démonstration mathématique.
Sinon il y aurait des universités pour fabriquer des poètes non ?

La poésie échappe ainsi à la raison, et même à la logique,
même s'il apparait dans les lignes des apparats de logiques....

Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Milora le 15 juillet 2012 à 10:01:13
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Il n'appartient pas au lecteur de juger le poète. Simplement de juger l'œuvre
Certes.

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Sinon il y aurait des universités pour fabriquer des poètes non ?
Malheureusement, il commence à y en avoir.  :relou: (plus exactement, ils sont en train d'ouvrir des masters en "création littéraire". C'est aberrant, mais passons.)

Par contre...
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Mais le fond appartient au mystère du poète, à ses contradictions, à ses ambitions ou renonciations.

Moui...

L'hémoragie de tes désirs
S'est éclipsée sous l'azur bleu dérisoire
Du temps qui se passe
Contre duquel on ne peut rien

Mais comme moi, dis toi
Qu'il est tellement plus mieux
D'éradiquer
Les tentacules de la déréliction
Et tout deviendra clair


Savourez le mystère du poète.  :huhu:
Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: Tomoyo le 15 juillet 2012 à 13:52:25
Je savoure, je savoure, Mil  :huhu:

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Le poème n'a de sens que pour le poète qui l’écrit.
Oui m’enfin, si c’est pour que tout le monde lui dise « comprend paaaaaas », je vois pas pourquoi il le fait lire…
-   C’est normal que tu ne comprennes pas, il n’y a que moi qui sache ce que ça veut dire
-   Alors pourquoi tu le postes ?
-   Pour voir si quelqu’un me comprendrait…
Tout ça je l’interprète comme « je le fais pour me confirmer à moi-même que je suis seul ».  :huhu:
ceci dit ça peut être légitime...
Mais ce serait ouvrir le débat du : on poste /écrit pour soi, pour les autres, ou pour les deux… :D

Sinon je rebondis sur le thème un peu général du « ce qu’a voulu dire l’auteur ».
En école on a eu un module, il fallait créer une sculpture dans un espace type parc urbain.
On disposait de quoi faire des maquettes. Je savais pas quoi faire, j’ai chopé le polystyrène, du fil de fer, hop je découpe, je fixe, la gouache, bam je badigeonne et je me barre. Le lendemain, on passe un par un devant tout le monde pour « expliquer » notre sculpture et là j’étais en panique « bah bah bah d’où faut une explication !? ». Arrive mon tour, j’ai baratiné un truc disant que le dôme signifiait la spiritualité, les couleurs la vie etc. etc. Bref j’ai eu 15 et là grande révélation : on peut faire de la m**de et faire passer ça pour une réflexion et ça marche, et du coup l’Art en a pris un bon coup dans mon esprit. Voilà,  je rejoins juste Anlor qui disait :
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Voilà, "tout le monde peut se dire poète" parce que tu peux faire passer n'importe quoi pour de la poésie tant que tu as les arguments qui vont avec.

Je n’apporte pas de réflexion au sujet, mais c’est vrai que la définition de l’Art est une question que je me pose souvent  :\?… et la fameuse phrase « on critique l’œuvre et pas l’artiste » est difficile à assimiler par l’auteur parce qu’une création est toujours personnelle. ::)

Titre: Re : Poésie et sens
Posté par: pascal2 le 16 juillet 2012 à 03:11:38
Si vous êtes venu sur ce forum en pensant naivement qu'en écrivant des textes ici, en faisant de l'humour potache et en commentant les copains vous allez comprendre 20 siècles de poésie et de littérature, je crois que vous avez vu gros, très gros... rires