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16 avril 2024 à 06:24:21
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes mi-longs » KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]

Auteur Sujet: KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]  (Lu 915 fois)

Hors ligne Milibay

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KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]
« le: 12 avril 2021 à 09:51:40 »
Salut, salut...
Je décide enfin à poster le début de Kitsunaries.
Pourquoi ? Pour savoir si je m'acharne avec raison ou non.
Le texte est en cours d'écriture. Les choses peuvent donc un peu changer, être réécrite. Je cherche avant tout à avoir un avis sur le fond (savoir si on entre dedans, si on a envie de savoir la suite, si les perso sont crédible, sur l'univers... etc) que sur la forme, mais faite comme bon vous semble :)

Pour rappel, il s'agit d'un roman (oneshot) mixant fantasy japonaise et SF, visant un lectorat plutôt YA.

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.

Lien vers le carnet de bord du projet : https://monde-ecriture.com/forum/index.php?topic=37288.0

C'est partie ! Premier poste le 12/04/2021



SOMMAIRE:
Prologue - A lire rapido mais pas à commenter / il va sans doute virer
Chapitre 1 : 3285 mots
Chapitre 2 : 2409mots
« Modifié: 14 avril 2021 à 08:49:09 par Milibay »

Hors ligne Milibay

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Re : KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]
« Réponse #1 le: 12 avril 2021 à 09:57:30 »
A LIRE :
J'hésite grandement à virer (ou à le remplacer par une scène plus narrative) ce prologue. Donc, ne prenez pas la peine de le décortiquer. En fait, je veux juste savoir si je le garde ou non, mais peut-être que je n'aurais la réponse qu'une fois les autres chapitres lu, j'imagine.


Posté le 12/04/2021

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PROLOGUE


      Au début, il n’y avait rien.
      Rien, mis à part le néant.
      Puis vinrent les deux Kami : Raiden et Azuli.
      Ces entités, opposées l’une de l’autre, s’animèrent, se confrontèrent, se percutèrent, pour finalement s’unir et se confondre.
      Ainsi naquit notre monde. Un monde à deux visages.


      En premier, apparurent les Yokaï. Issus de l’essence d’Azuli, ces êtres aux pouvoirs exceptionnels possédaient le don de la magie. L’énergie jaune irradiait leur chair et leur permettait de contrôler l’eau, la terre, le feu… la nature toute entière !
      Puis vinrent les humains. Bien plus fragiles que leurs aînés, mais d’une intelligence exceptionnelle, ces êtres apprirent à contrôler l’énergie bleu. Tous ce que la nature ne leur avait pas offert, ils l’inventèrent, le transformèrent, le façonnèrent. 
      Si les deux peuples vécurent en paix un temps, l’opposition de leurs espèces ne tarda pas à les rattraper. Pour survivre, les humains devaient exploiter la nature : déraciner les arbres, creuser la pierre, dompter l’eau… Les Yokaï virent en l’homme l’essence même de la destruction.
La guerre fut inévitable.
      Bien moins puissant, les humains perdirent la première bataille. Mais le temps joue en la faveur de celui qui sait évoluer, aussi se terrèrent-ils pour mieux rejaillirent, deux cents ans plus tard, armés de leurs machines, toujours plus nombreuses, toujours plus performantes…
Ainsi est notre monde.
      Depuis sa création, tout n’est que dualité, et nous sommes comme ancrés dans cette guerre perpétuelle, où le vainqueur s’alterne pour mieux assouvir l’autre. Les rancœurs du passé alimentent les guerres de demain.
      Raiden et Azuli.
      Magie et technologie.
       Mais, quand on se bat depuis si longtemps, on en oublie jusqu’à la raison même du conflit…



Hors ligne Milibay

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Re : KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]
« Réponse #2 le: 12 avril 2021 à 10:07:41 »
Le chapitre 1, posté le 12/04/2021. 3285 mots.

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CHAPITRE 1


ALOÏS

Arkanta, capitale humaine
Quartier du Consulat

       Autour de moi, la pénombre.
       Je m’avance dans cette pièce immense où seul l’écho de mes pas résonne. Des piliers en pierre transpercent le sol pour s’élever si haut que je ne peux en distinguer la voûte. À chacun de mes gestes, des volutes brumeuses dansent dans le halo de ma lampe et une brise glaciale glisse désagréablement sur ma nuque.
De quoi bien vous mettre dans l’ambiance !
       L’appréhension est à son paroxysme. L’excitation également. Je sais qu’à tout moment, il peut jaillir pour refermer son piège sur moi. À ce niveau, la moindre erreur devient fatale.

       — Allez… marmonné-je entre mes dents serrées. Montre-toi. Je sais que tu es là…

       Mon cœur pulse à ma poitrine. Mes muscles se crispent pour flirter avec la rupture.
       Rien à faire ! Malgré les années d’entraînement, ce passage me rend toujours aussi nerveux.
       Un pas, encore un autre... puis un bruit retenti. D’un reflex maitrisé, je me retourne, l’œil dans le viseur, la joue contre la crosse. J’observe le vide qui m’entoure. Rien ! Du moins, rien que mes simples yeux ne peuvent percevoir.
       De ma main libre, j’enclenche la vision à infrarouge. Ma visière holographique change de couleur et c’est tout le décor qui se métamorphose : il se teinte de vert pour prendre une aura spectrale dérangeante.
       Inspire, expire… Je dois garder mon calme ! Si je laisse l’angoisse m’envahir, alors je n’aurais plus la moindre…
Une tache rouge traverse mon champ de vision.
       Sa découverte m’arrache un sursaut et je pivote sur moi-même, mais déjà, elle a disparu. C’est alors qu’un long beuglement résonne tout autour de moi. Il transperce l’air en un écho caverneux, le genre à vous flanquer la chair de poule. Figée dans l’horreur, je tressaille.
      Allez, réagis ! Ne reste pas planté là comme un idiot !
       La tache rouge refait son apparition sur la gauche. Je me décide enfin à appuyer sur la gâchette. Les balles de plasma jaillissent en une suite de flashs lumineux, mais trop tard : la cible a déjà déserté les lieux. Je me retrouve à nouveau seul dans l’immensité nocturne…
       Le souffle court, le cœur battant à tout rompre, je retiens un grognement : 

       — Bon sang !

       Changement de tactique !
       J’abaisse mon arme et pianote à toute vitesse sur le clavier numérique de mon bracelet de commande. Je valide, et mon fusil se transforme aussitôt en une matraque plasmique. Ses rayons d’énergie bleues irradient de petits faisceaux lumineux qui chassent les ténèbres alentour.
       Un nouveau mugissement retentit. Plus près celui-là… beaucoup trop près.
       À peine ai-je le temps de me retourner qu’il m’apparait enfin : un buste humain surpuissant, des jambes arquées se finissant sur des sabots et une tête terrible de buffle. Le cuir rouge de son museau ruisselle de sueur, ses muscles tressaillent et ses yeux… Ah ! Ses yeux… Voilà la dernière chose que je perçois avant le choc : deux petites billes lumineuses, profondément enfoncées dans son horrible crâne, et qui me dardent d’une haine farouche.
       La collision est violente. Le souffle m’en est coupé. Une douleur me traverse le thorax de part en part et l’injure que je veux lâcher se transforme en un gargouillis ridicule. Je quitte le sol pour le retrouver, quelques mètres plus loin, en un plat monumental. La respiration difficile, je me redresse avec peine.
       Déjà, la créature charge à nouveau.

       — Bordel de…

       Tant pis pour la douleur ! J’enclenche mon bouclier sonique afin de me protéger et…
       Attendez… Ah, non ! Je me rate… Un bouton trop à droite : j’enclenche les propulseurs de mes bottes. Dommage. Mon cerveau met quelques secondes à saisir ce que je viens de faire. Lorsqu’enfin, mes neurones se connectent, un étrange cocktail de honte et de lassitude me traverse.

       — Oh, non…

       Le déclic de l’allumeur retentit, le mécanisme s’enclenche et je suis propulsé en arrière. Je me sens un peu comme une fusée qui aurait foiré son décollage. Balloté, rebondissant contre les pylônes ou les pierres mal encastrées, je deviens une véritable une boule de flipper.
       Dans un effort surhumain – et surtout avec beaucoup de chance – je réussis quand même à atteindre mon bracelet de commande et coupe l’alimentation.

       — Si j’étais toi, je ne ferais pas ça, retentit une voix.

       Désincarnée, elle résonne tout autour de moi sans source précise.
       J’ouvre de grands yeux emplis d’appréhension.

       — Qu… quoi ?

       Je ne cerne que trop tard sa mise en garde : les propulseurs de mes bottes se coupent. Ma folle course s’achève… et c’est alors que je comprends ce qui cloche : en dessous de moi, le sol a disparu. Un regard en bas et là, prise de conscience : je viens de finir ma course dans une crevasse s’ouvrant sur les entrailles de la terre. Une grimace s’étire sur mon visage, mon estomac me remonte dans la gorge et je plonge dans le vide.
       Durant un bref instant, juste avant de perdre la vie, je prends conscience du ridicule de la situation.
       Bordel ! Mais quel looser je fais…


***
[/b]


       La vision se coupe en un flash lumineux, tandis qu’une légère décharge transperce mon corps tout entier. Voilà la désagréable sensation du retour à la réalité ! Un long râle m’échappe tandis qu’autour de moi, le décor de la fosse laisse place à un plafond trop blanc, à des murs insipides et à un mobilier design des plus impersonnel. Lentement, ma chambre se dessine sous mes yeux.
 
       — Je dois avouer que là, tu as fait fort ! raille une voix, la même m’ayant mis ne garde quelques secondes plus tôt.

       Je ne sais pas ce qui m’agace le plus chez elle : son léger grésillement mécanique, témoin de ses origines robotiques, ou bien le cynisme à peine voilé qui en transpire.
Je soupire. Allongé sur le dos, les bras en croix, je mets quelques instants avant de réussir à m’asseoir et à ôter mon casque de réalité virtuelle.

       — Je n’arriverai jamais à passer ce niveau… m’apitoyé-je.

       Tandis que je décroche les électrodes de ma combinaison, un léger souffle d’air balaye mon visage et A.I. se pavane juste sous mes yeux.

       — Si ça peut te consoler, ce niveau est réputé pour être le plus difficile de Conslider. Près de quatre-vingt-sept pour cent des joueurs meurent durant la charge du minotaure. Quoique, dans ton cas, cela s’apparente plus à un suicide… Ce qui te fait entrer dans un pourcentage bien moindre. Selon mes statistiques, seulement un virgule quarante-sept pour cent des joueurs décide de se jeter délibérément dans la fausse. Félicitation, Aloïs ! Tu fais partie d’une minorité !

       Pour toute réponse, je lui adresse un regard, mélange de lassitude et dédain. Sentant mon agacement, A.I. garde le silence et prend de la hauteur.
       Pas le moindre bruit lors de ses déplacements aériens. Son corps sphérique en titane, aussi léger qu’une plume, ne nécessite qu’une impulsion minimale qui ne provoque pas plus de décibels que le battement d’aile d’un papillon. Ajoutez à cela les deux grandes oreilles photovoltaïques en feuille dorée que je lui ai bricolée, et A.I. se retrouve doté de six degrés de liberté. Silencieux et aussi mobile qu’un drone : cela fait de lui le robot-espion parfait ! Quel dommage qu’il ne sache pas se taire plus de deux secondes...

       — Je devrais retirer le sarcasme de ta carte psychique, grogné-je avec rancœur.
       — C’est de ta faute, réplique-t-il. C’est toi qui m’as ajouté le libre arbitre et la capacité d’évoluer.
       — Oui, et bien, quand je vois le résultat, je commence à regretter…
 
       Bon, OK ! Je suis de mauvaise foi. A.I. est irritant, hautain et sans filtre, mais je ne le changerais pour rien au monde. Non. Ce qui m’agace réellement à cet instant, c’est de m’être complètement ridiculisé. Deux semaines que j’essaye de passer ce niveau et rien à faire ! À chaque fois, je me laisse submerger par l’appréhension et je me retrouve démuni. 

       — Si tu y tiens tant que ça à passer ce niveau, tu n’as qu’à me laisser faire, suggère le petit robot. Avec moi, ce minotaure n’aurait pas la moindre chance. L’intelligence artificielle placée dans ce jeu est d’une stupidité sans nom ! Je lui règle son compte en moins de dix secondes….

       Passée ma frustration, je prends une grande inspiration et me relève enfin. Un maigre sourire s’étire sur mes lèvres.

       — Non, non… Laisse. Je veux y arriver tout seul. Je finirai bien par y parvenir.
       — Si tu aimes souffrir, alors là, je ne peux plus rien pour toi.

       Pas de réponse. Pourquoi je m’obstine ? Sans doute parce que ce qui me plaît dans Conslider, ce n’est pas seulement de passer les niveaux, mais bien les sensations procurées par le jeu. L’aventure, l’inconnu, l’impression de voyager et de découvrir des choses, l’illusion d’un semblant de vie sociale en parlant aux PNJ… Tout cela estompe un peu ma réalité : celle d’un jeune homme qui n’a jamais quitté la demeure familiale et que l’on autorise à peine à sortir de ses appartements. L’extérieur, la vraie vie… tout cela, je ne peux que la vivre par procuration, à travers mes écrans. A.I. est encore ce qui se rapproche le plus pour moi d’un ami.
       Je me laisse tomber dans l’immense canapé de cuir blanc. Il est si profond que l’on y tient plus allongé qu’assis. En face de moi s’étend un écran plat de la taille d’une toile de cinéma. Les films y sont projetés grandeur nature et la qualité HD est à vous flanquer le vertige. Certains éléments sont même projetés en 3D pour assurer une meilleure immersion.

        — Tu n’es pas censé réviser pour ton examen de lundi ? suggère A.I. en me cachant la vue.

       Je le chasse d’un geste de la main.

       — On verra plus tard. Je peux bien prendre la journée pour moi, non ? Ce serait la moindre des choses…

       La légère note amère de ma dernière phrase est tout à fait justifiée, puisqu’aujourd’hui est le jour de mon dix-septième anniversaire. Un évènement que je passerai comme chaque année, seul. Avec un peu de chance, on me fera un menu spécial ce soir, avec de la pizza et un gâteau en dessert. Quoique mon alimentation ultra-maitrisée m’interdise le lactose, le sucre additionnel et tout additif industriel. Arf ! Adieu pizza et cheesecake !



       Les minutes s’écoulent dans la procrastination la plus totale. J’écoute à peine les commentaires que A.I. balancent au sujet des pubs défilant à l’écran – une suite de critiques désobligeantes – quand un spot m’extirpe enfin de l’inertie dans laquelle je suis tombé.

       « Ce soir, TBM, la chaîne connectée, diffusera en exclusivité la final du TDC ! »

       Tout un tas d’images s’enchaine à grande vitesse, montrant quelques combats épiques de Conslider, suivis du portrait des meilleurs joueurs. Un arrêt un peu plus long est fait sur l’un d’entre eux, et je reconnais aussitôt son visage :

       — Herman Stevson !

       Je suis toutes les retransmissions de sa chaîne depuis bientôt un an. Son gameplay est incroyable et il est considéré comme le plus habile des joueurs de haut niveau.
Dans un dernier flash lumineux, les mots « Tournois des Champions » s’affichent et je me redresse du fond de mon sofa, comme hypnotisé par le contour miroitant des lettres projetées en 3D.

       — Eh bien voilà ! déclame A.I.. Tu sais ce que tu vas faire de ta soirée, maintenant. Quoi de mieux que de regarder un bon tournoi en savourant un rôti de viande maigre, accompagné d’une sauce sans matière grasse et de ses petits légumes vapeur ?
       — On va y aller.

       Le robot émet une sorte de son strident, un grésillement que l’on peut comparer à un ricanement dans son cas.

        — Allons… tu n’y penses pas ? Le fils du Grand Consul, au milieu d’une horde de supporters en folie, sentant la transpiration et le fast-food ? Allons, Aloïs… Il est temps de revenir à la réalité. Personne ne t’autorisera jamais à te rendre là-bas, même avec une armée de garde du corps.

       Je vrille sur lui un regard à la fois déçu et attristé. Bien sûr… je sais bien que cela est impossible. C’est déjà la croix et la bannière pour obtenir le droit de me rendre aux jardins, alors dans un tournoi de gamers…

       Malgré son manque d’empathie lié à sa condition de machine, A.I. perçoit clairement ma peine, aussi sa voix se fait-elle moins grinçante :

       — As-tu pensé au moins aux microbes et à la saleté ? Tu pourrais attraper une saloperie, là-bas. Et puis, regarder le tournoi ici revient au même, à la différence près que tu auras une meilleure visibilité des combats, et un canapé moelleux contre lequel te blottir. Je sais que tu veux sortir d’ici, mais c’est pour ta sécurité. Ton père fait de son mieux pour te protéger, tu le sais.

       Je détourne le regard. Mes poigs se resserrent malgré moi et une grimace traverse mon visage de part en part. Me protéger ? Cela fait trois ans qu’il me tient enfermé ici, comme prisonnier d’une tour d’ivoire. Depuis le jour du drame… ce jour où Mère a perdu la vie. Un attentat lors d’une visite politique. Personne n’aurait pu le prévoir, mais depuis, Père semble avoir peur de tout. Je me retrouve bloqué dans un écrin de velours, privé de ma liberté de vivre ma vie. Si au début, accablé par la mort de ma mère, je me suis laissé porter par ma peine et un sentiment d’insécurité constant, cela fait maintenant un moment que je ne supporte plus cette séquestration.
       Mes yeux se posent sur le cadre photo posé sur la table basse. Un portrait de famille qui se veut chaleureux, sur fond de pique-nique au parc. Mon père avait quitté son uniforme ce jour-là pour se parer d’une tenue plus décontractée, mais on apercevait encore la broche du consulat à sa poitrine. Ma mère, elle, portait une longue robe en mousseline qui lui tombait jusqu’aux chevilles, ainsi qu’un chapeau haute-couture par-dessus sa longue chevelure auburn. Moi, quatorze ans à peine, je semblais plus absorbée par l’idée de manger une tartine de confiture plutôt que de regarder l’objectif.
       Je me saisis de la photo, une petite pince à l’âme.
       C’était bien entendu une mise en scène. On nous demandait à l’époque de reconstituer certaines banalités de la vie quotidienne afin de permettre au peuple de s’identifier à nous. Malgré tout, je me souviens de cette journée comme d’un excellent souvenir. Une fois les caméras parties, nous avions profité quelques heures d’un moment de détente à trois, sans nous soucier des convenances ni des retombées médiatiques.
       Mon attention s’attarde un instant sur le visage de mon père. Les mêmes traits, la même tignasse blonde, les mêmes yeux bleus… Selon Mère, j’étais son portrait craché, en plus jeune. Un soupire m’échappe et je repose le cadre à sa place : une ressemblance purement physique, alors.
       Depuis sa mort, Père se montre distant, voire inexistant. Depuis combien de temps ne l’ai-je pas vu, d’ailleurs ? Il est tout le temps en déplacement et obtenir une audience avec lui me semble plus complexe que ce fichu niveau de Conslider.
       Un soupire m’échappe.

       — Aloïs ?

       Je ne réponds pas. Ma vision se perd un instant dans le flou tandis que des idées, des sentiments défilent à toute vitesse dans mon esprit. Ma peine, le souvenir d’une balade en bateau, ma solitude, le jour où la porte de ma chambre s’est refermée sur la silhouette de mon père, ma frustration…
       Une sonnerie me tire de mes mauvaises pensées et je relève mon bras pour observer l’écran de mon bracelet de commande. Une vignette ronde pulse au rythme de la musique et à l’intérieur, le visage de mon père m’observe avec sévérité.
       Mon cœur manque un battement et j’adresse un regard ahurit à A.I..

       — C’est…
       — Décroche, m’encourage-t-il. Allez.

       Je ne peux cacher mon excitation. Il m’appelle ! Il s’en est souvenu.
       Mon doigt tremble presque lorsque j’appuie sur le bouton.

       — Oui ? entamé-je.
       — Bonsoir Aloïs.

       Douche froide. La voix qui résonne n’est pas celle de mon père, mais celle de son adjoint. Son larbin, si vous préférez. Non pas qu’il soit méchant, au contraire même, mais le voir prendre la place que devrait occuper mon père commence sérieusement à me taper sur le système.
       Ma réponse se fait froide. Tout mon enthousiasme s’est envolé.

       — Bonsoir monsieur Arnould…
       — Je tenais à vous appeler de la part de votre père. Il ne peut communiquer avec vous aujourd’hui. Vous comprenez, il est très occupé. Malgré tout, il tient à vous souhaiter un excellent anniversaire.
       — Ah. Super. Merci de m’en tenir informé.
       — Il m’a demandé de vous faire parvenir un petit quelque chose pour l’occasion et il espère que cela vous plaira. Vous devriez l’avoir ce soir, au dîner.
       — Chouette… Hâte de découvrir ça.

       S’il n’a pas senti le sarcasme dans ma voix, c’est vraiment que cet homme est stupide.

       — Bien. Il ne me reste qu’à vous souhaiter une agréable journée, Aloïs. Je vous ferai savoir lorsque le Grand Consul pourra passer vous rendre visite.
       — Merci, c’est gentil.

       Il raccroche.
       Si mon bracelet n’était pas accroché à mon bras, je l’aurais sans doute balancé contre le mur. Dégouté, je me jette en arrière et me camoufle le visage entre les mains. Ma respiration s’emballe, la gorge me serre et quelque chose, au fond de mes entrailles, se presse. Les signes annonciateurs d’un début de crise. Bon sang, je dois me calmer.

       — Même pas foutu de m’appeler lui-même une fois dans l’année…

       Silence autour de moi. Même A.I. ne sait pas quoi répondre à cela. En même temps, y a-t-il quelque chose à dire ?
Combien de temps je reste ainsi, à observer le plafond, pris entre l’envie de hurler et de pleurer ? Lentement, ma colère et ma peine se mélangent pour se transformer en une boule de révolte.
       Non ! C’était injuste ! Personne n’a le droit de m’imposer cette vie-là. Personne, et surtout pas mon père, cet homme qui brille si bien par son absence que j’en oublie presque le son de sa voix. C’est décidé ! Je ne me laisserai plus traiter de la sorte.

       — Aloïs… que fais-tu ? demande A.I. alors que je me lève et récupère mes affaires pour les mettre dans un sac aux parois renforcées.

       De l’argent, ma carte diplomatique, deux barres de céréales hyperprotéinées, du matériel mécanique et informatique…

       — On va y aller à ce tournois, A.I. !

       Ce dernier émet un son discordant, caractéristique de ses moments de paniques, puis ses yeux ne forment plus que deux gros ronds sur l’écran lui servant de visage.

       — Quoi ? Mais… Mais tu as pensée à…
       — Ne t’inquiète pas. Personne ne me reconnaîtra.

       J’enfile mon casque de réalité virtuelle. Lorsque je l’allume, la visière holographique descend pour recouvre tout le haut de mon visage. Les seules choses visibles sont ma bouche, mon menton et ma tignasse blonde à l’arrière de mon crâne.

       — Mais… mais… mais… Comment veux-tu sortir d’ici, enfin ? C’est impossible !

       Après avoir couplé le sac à mon jet pack, je le place sur mon dos, puis adresse un clin d’œil futé au robot, pour finalement me diriger vers le dressing. Enfin… dressing… disons plutôt l’immense pièce de cinquante mètres carrés servant à entreposer mes habits et mon linge. Au fond se trouve une trappe. Assez large, elle sert habituellement à évacuer les affaires sales, mais avec un peu de volonté, elle laissera passer un adolescent pas trop enrobé. Finalement, l’alimentation ultra-surveillée à ses avantages.
       J’ouvre la trappe. A.I. et moi nous penchons pour observer le conduit qui descend à pique, direction les sous-sols de l’immeuble.

       — Tu rigoles, j’espère ? tente une dernière fois de m’en dissuader le robot.
       — Oh, que non !

Hors ligne Mizumi

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Re : KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]
« Réponse #3 le: 14 avril 2021 à 08:11:12 »
Hello ! Merci pour ce chapitre ! :) J’attendais avec impatience que tu publies cette histoire ici, et je ne me suis même pas rendue compte que tu l’avais fait !  :D

Voici mon avis après la lecture du chapitre 1.

Alors, au niveau de l’immersion, le fait d’écrire à la première personne et au présent rend cela bien plus facile. La situation du personnage provoque une certaine empathie. Néanmoins, je m’attendais à pire :D. Quand il reçoit l’appel du secrétaire, j’ai vraiment cru qu’il allait lui parler de complètement autre chose. Enfin, je suppose que c’est lui qui a pensé à tout, et pas le père d’Aloïs. Le robot est plutôt cool, même si je m’attendais à un comportement peut-être plus exacerbé au niveau de ses sarcasmes.

Concernant l’univers, comme j’ai lu le carnet de bord, je devine une bonne partie de là où tu nous emmènes donc mon avis est moins objectif par rapport à quelqu’un qui aurait seulement lu le chapitre 1. Cela va de même avec le prologue. Sans le carnet de bord, et ce dernier, le lecteur ne peut pas savoir qu’il y a un aspect “magie” à ton histoire avec seulement ce chapitre. Si j’essaie de te donner mon avis avec seulement cette lecture je suppose que je m’attendrais à une histoire politique (avec le père et l’assassinat de la mère), dans un futur plus évolué que le notre mais pas tant que ça. Car au final la chambre d’Aloïs ne nous projette pas non plus dans un futur SF hyper développé.

Sinon j’attends la suite avec impatience, j’ai envie de voir Aloïs goûter à la liberté, et se prendre une mandale sous la forme d'Izumi.  :D

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.
Limites sans cesse repoussées,
Plaisir infini,
Ecriture.

Recueil de nouvelles :
Of Knighthood and Kingdoms

Texte Album :
La Quête de Naïa

Hors ligne Milibay

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Re : KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]
« Réponse #4 le: 14 avril 2021 à 08:38:54 »
Merci beaucoup pour ton passage Mizumi  :calin:

Oui, je n'ai pas avertie qu'il y avait un chapitre. Je ne sais aps trop ou dire ça.

Citer
Néanmoins, je m’attendais à pire :D. Quand il reçoit l’appel du secrétaire, j’ai vraiment cru qu’il allait lui parler de complètement autre chose. Enfin, je suppose que c’est lui qui a pensé à tout, et pas le père d’Aloïs. Le robot est plutôt cool, même si je m’attendais à un comportement peut-être plus exacerbé au niveau de ses sarcasmes.
Penses-tu que c'est un tort ? Dois-je à ton avis encore plus appuyer la situation et le caractère de A.I. ? (peut-être te faudra-t-il lire la suite avant de me répondre ceci-dit. C'était sans doute un peu court.)

Citer
Concernant l’univers, comme j’ai lu le carnet de bord, je devine une bonne partie de là où tu nous emmènes donc mon avis est moins objectif par rapport à quelqu’un qui aurait seulement lu le chapitre 1. Cela va de même avec le prologue. Sans le carnet de bord, et ce dernier, le lecteur ne peut pas savoir qu’il y a un aspect “magie” à ton histoire avec seulement ce chapitre. Si j’essaie de te donner mon avis avec seulement cette lecture je suppose que je m’attendrais à une histoire politique (avec le père et l’assassinat de la mère), dans un futur plus évolué que le notre mais pas tant que ça. Car au final la chambre d’Aloïs ne nous projette pas non plus dans un futur SF hyper développé.

Oui. Je comprend. A savoir que je ne voulais pas non plus un monde de SF trop poussé. J'imagine quelque chose avec unpeu près 50/100 ans de plus que nous max. POur la magie, je comprend aussi. J'essaye de créer une fracture justement là-dessus avec le chapitre 2. Chapitre 1 Aloïs/SF/Humain et Chapitre 2 Izumi/Magie/Yokai.
J'avais hésité à poster le chapitre 2 tout de suite. Ton commentaire me fait donc penser que en effet, l'un va avec l'autre. Ils sont très court et introduisent les deux mondes. Je pense que ton avis après le chapitre 2 sera très intéressant ^^

Citer
six degrés de liberté
Ah, c'set un therme un peu trop technique ^^ C'est un therme aéronautique. Cela indique le nombre de directions dans lequel un appareil volant peu se déplacer. Par axemple, un avion à 2 degré de liberté (il peu avancer et monter). L'hélicopter en à 6 (avance, recul, gauche, droite, bas, haut ^^)

Hors ligne Milibay

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Re : KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]
« Réponse #5 le: 14 avril 2021 à 08:47:40 »
Le chapitre 2, posté le 14/04/2021. 2409 mots.


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CHAPITRE 2

IZUMI


Arkanta, capitale humaine
Quartier Yōkai


       — Reviens ! Tu ne paies rien pour attendre !

       Le Tanuki me talonne. C’est que, pour un gros plein de soupe, il a de l’endurance ! Je l’ai sous-estimé, je dois le reconnaitre. Mais avec son air pataud et sa bedaine protubérante, je l’imaginais davantage exceller dans un concours de nourriture plutôt que dans la course à pied.
       Un hurlement à réveiller les morts s’élève. D’un coup d’œil en arrière, j’aperçois le yōkai s’ébrouer. Son visage, tout humain qu’il fut, se met à muer : sa mâchoire s’allonge, des crocs en jaillissent, puis une fine fourrure noire recouvre sa peau.
       Enfin ! Il se décide à montrer son vrai visage : celui d’un humanoïde à tête de blaireau. Il lui en aura fallu du temps avant d’abandonner cette apparence ridicule d’humain. Vouloir camoufler sa nature de yōkai sonne pour moi comme une insulte. Cela revient à renier sa véritable nature et tout ce qui nous compose !
Je me reconcentre ; la route défile sous mes pattes brunes. Tel une fusée rousse, je remonte l’allée bordée de boutiques ambulantes : ici, un vendeur de fruits, là un marchant d’objets ésotériques… Une odeur de viandes grillée flotte dans l’air, se mélangeant à la fragrance de l’encens brûlant dans les petits temples dispersé aux quatre coins des rues.
       Je slalome entre les passants et les aéronefs. Mon poursuivant, lui, y mets moins de délicatesse : le fracas qu’il provoque sur son passage remonte jusqu’à moi, accompagné des cris mécontents des badauds qu’il renverse.
       Il ne me lâchera pas, cet imbécile ! Bon, changement de tactique !
       Usant de ma queue comme d’un gouvernail, je donne une impulsion sur la droite. Aussitôt, je bifurque pour m’engager dans une ruelle plus étroite, moins passante. Quelques moteurs de climatiseurs accrochés au crépi ronronnent, tandis qu’une porte ouverte laisse deviner l’intérieur miteux d’une cuisine de restaurant.
Lorsque la distance me semble suffisante, je bondis pour me percher sur la tranche d’une enseigne lumineuse. Quelques ampoules ont grillé, mais en se concentrant on arrive encore à y lire : « Yōkai Street Food ».
       Je me retourne. Aussitôt, la transformation s’enclenche. Mes fines pattes de renarde s’épaississent, ma colonne se redresse en un craquement sonore, et mon faciès s’aplatit. Cela m’est toujours pénible d’abandonner ma forme animale, mais au corps à corps, une paire de mains et de pieds peut faire toute la différence.
Mon beau pelage roux s’évapore, laissant apparaître une peau tricolore : noisette dans le dos, blanche crème sur le ventre, et brune aux extrémités des membres. En quelques secondes, la petite renarde laisse place à une jeune humanoïde.
       Humanoïde, oui. Humaine, non ! J’ai mon honneur ! Mon teint coloré, mes oreilles pointues et ma queue de kitsune ne laissent aucun doute possible quant à mes origines.
       D’un geste habile, je me saisis du coutelas pendu à la ceinture cerclant ma taille. Mon unique habit ! Le seul que j’enfile lorsque je pars en mission. Quoi de plus pénible qu’un pantalon lorsque vous devez vous métamorphoser en urgence ? Mais ma nudité ne me gêne en rien. Ce genre de complexe, c’est l’apanage des humains, pas celle des yōkais. Pourquoi camoufler ce dont la nature nous a doté ?
       Le Tanuki s’immobile à quelques mètres de là. Ses deux petits yeux noirs me détaillent avec haine.

       — Tu vas regretter de m’avoir volé, Kistunette ! On ne se moque pas de moi impunément.
       — Ce médaillon ne t’appartient pas, que je sache, rétorqué-je en jouant les équilibristes sur mon perchoir. Je ne fais que reprendre ce que toi, tu as volé.

       Autre détail : le pendentif suspendu autour de mon cou. L’objet de ma quête ! Une pierre blanche, taillée en forme de goutte. A quoi sert-elle exactement ? Possède-t-elle quelques pouvoirs magiques ? Aucune idée ! La seule chose que je sais, c’est le prix que m’en donnera Kaz, et pour l’heure, j’ai d’autres chats à fouetter. Enfin… d’autres blaireaux.
       Le Tanuki laisse s’échapper un rire gras, ce qui donne une drôle de sonorité lorsque vous possédez un museau.

       — Va pas me parler de justice, toi ! raille-t-il. Vous autres les Kitsunes, vous êtes tous des roublards ! Des indésirables ! Une bonne chose que les humains aient décidé de réduire votre population. Pour une fois qu’ils font quelque chose de bien, ceux-là…

       Mon air assuré se fige, mon envie de raillerie se coupe, et un frisson me remonte le long de la colonne. Cette espèce de… Il ose !
       Je descends de mon perchoir pour le darder avec férocité, les oreilles basses.

       — Redis moi ça ! sifflé-je d’une voix menaçante.
 
       Le Tanuki ricane avant de s’avancer. Il est si imposant que chacun de ses pas fait trembler la terre sous ses pieds.

       — Dans ma boutique, j’ai également des nuisibles, tu vois ? Ils grouillent dans les murs, se camouflent sous les meubles, ils sont partout et vivent aux dépends des autres… je ne connais qu’un seul moyen de régler le problème, figure-toi. Veux-tu savoir lequel ?

       Son gros poing frappe contre la paume de sa main dans un geste des plus explicites.
       Je frémis à nouveau face à son sourire malsain, face à cette volonté de faire mal qui illumine son regard… S’en est trop ! Se moquer d’un évènement aussi tragique que le génocide des miens place cet enfoiré en dessous des humains sur l’échelle de mon estime.
       Dans un geste vif, j’incise la paume de ma main droite, puis je m’accroupis pour la plaquer au sol. Aussitôt, mon sang communique avec la terre, et aussitôt, le lien se crée. Ce lien qui me relit à la nature, à la Kami, à l’énergie jaune. Je sens toute une vie fourmiller là, juste en dessous de mes pieds ; des graines qui germe, aux racines qui s’étirent. Notre essence ne fait plus qu’une et leurs mouvements deviennent les miens.
       Lorsqu’un tremblement se propage dans la ruelle, l’imbécile cesse enfin de pouffer. J’entraperçois une lueur de doute dans son regard, juste avant qu’une immense racine ne transperce le goudron pour le frapper de plein fouet. La Tanuki est propulsé contre un mur. Le choc est tel que la pierre se fend sous son poids et le yōkai blaireau retombe en avant comme une crêpe molle.

       — Ah ! Tu veux jouer, petite garce ? rage-t-il en se redressant avec difficulté. Très bien ! Jouons, alors !

       Il se mord la main pour la plaquer à au sol. Et, à mon tour, je suis prise d’un doute : quel élément maitrise les tanukis, déjà ? Ne serait-ce pas…
       Ma réflexion s’en coupe là. Sous mes pieds, le sol se gondole. Une véritable vague remonte la ruelle et les pauvres bâtiments qui la bordent se fissurent en un craquement sonore. Je tente une esquive : un bond de près de trois mètres pour gagner de la hauteur, mais une nuée de cailloux jaillie pour me bombarder. J’esquive le premier, le deuxième… après cela, c’est l’hécatombe. Je me retrouve précipité à terre, ensevelit sous une pluie de débris. Ma chair se fend à plusieurs endroits et un coup à la tête m’assomme à moitié.

       — Enfoiré… réussi-je à grommeler avant de lancer la riposte.
       
       Ma main se colle au sol et l’arbre le plus proche, un pauvre marronnier qui ne demande rien à personne, se courbe pour me servir de bouclier. J’envoie tout ce qu’il me reste en énergie jaune en direction de mon assaillant. Racine et plantes vivaces se tracent un chemin vers le Tanuki pour lui ôter ses appuis. Aussitôt, la pluie de cailloux cesse et je peux enfin me redresser.
       Debout, malgré mon état déplorable, je fais face à l’ennemi. Lui aussi semble désappointé, quoi que moins contus. Un face à face silencieux s’étend avant qu’il ne se décide à prendre la parole :

       — Allez, kitsunette ! Rends-moi le médaillon et on arrête là !
       — Appelle moi encore une fois comme ça, et je t’étripe de haut en bas ! répliqué-je en brandissant mon coutelas.
       — Soit pas ridicule… tu t’es regardé ? T’es amoché. Allez, sérieux… Tu as quoi ? La cinquantaine ? Je vais mettre ton impudence sur le compte de la jeunesse. Je t’épargne, mais on arrête de jouer et tu me rends ce qui est à moi !
J’ouvre la bouche pour une réponse des plus salée, lorsqu’un vrombissement dans mon dos m’alerte. Un glaçon me tombe dans l’estomac.

       Merde ! Pas eux…
       Je lève les yeux sur le ciel que la nuit teinte progressivement de noir. Des lumières le fendent en traçant des sillons rouges. De vrais boulets de canon ! Elles tombent droit sur nous, ne se redressant qu’au dernier moment, et nous encerclent sans ménagement.
       Bon sang, que je les déteste ces foutus drones ! Ces persécuteurs de yōkai !
       Le plus gros d’entre eux, arborant une allure de pieuvre cyclope, dresse vers nous l’un de ses tentacules mécaniques. Son œil écarlate balaye la scène, constatant les dégâts afin d’établir la contravention.

       — Citoyens yōkais, vous venez de commettre plusieurs infractions ! braille sa voix de synthèse.

       Je ne connais que trop bien la suite et un soupire las m’échappe. Mes yeux se ferment et je laisse mollement ma tête s’abaisser. Journée de merde !

       — Vous venez de vous porter responsable des délits suivants : Article 205.3.2 : usage de la magie dans un lieu publique. Article 125.3.7 : dégradation de la voie publique incluant l’usage de la magie. Article 27.365.9 : dégradation de biens immobiliers incluant l’usage de la magie…7

       La liste s’allonge encore et toujours lorsqu’un grognement s’élève. Je me retourne à temps pour apercevoir le Tanuki charger les drones. Deux d’entre eux finissent en miettes sur le sol, leur circuit émettent de petites décharges d’énergie avant de totalement s’éteindre. Le yōkai blaireau en profite pour prendre les jambes à son cou, mais avant qu’il n’atteigne le bout de la ruelle, deux officiers mécaniques lui envoie déjà une décharge. Et s’il y a bien une chose que les yōkai ne supportent pas, c’est bien l’électrocution par énergie bleu. Le pauvre bougre émet un cri qui se transforme en râle de souffrance, avant de s’affaisser. Sa carcasse fumante s’étale sur le goudron fissuré, le poil hérissé et libérant une odeur de grillée qui me vaut un haut-le-cœur. Ce spectacle navrant ne semble nullement émouvoir la troupe de drones, dont le leader continue à débiter sa liste d’infractions.

       — …faisant usage de la magie. Article 28.34.2 : Nudité dans un lieu public…
       — Article 28.34.5.

       Mon intervention l’arrête net et il tourne son viseur dans ma direction.

       — Je vous demande pardon ?
       — L’article sur la nudité, c’est n’est pas le 28.34.2, mais le 28.34.5.

       Moment de silence. Le robot semble rechercher dans sa carte mémoire la véracité de cette information. Des données s’affichent à tout vitesse sur son écran numérique, puis il finit par acquiescer en gesticulant de haut en bas.

       — En effet. Merci.
       — De rien. 
       — Bien ! Maintenant, je vais vous demander de lever les mains, pattes ou toute autres appendices en l’air afin que nous puissions procéder à votre arrestation.

       Une iris se referme sur son viseur, et les LED incrustées dans son corps d’acier virent au rouge.
       Ok. Ça commence à chauffer.
       Sans attendre, je plonge au sol. Lorsque ma main écorchée rencontre le goudron, la réaction est immédiate : l’arbre courbé se redresse d’un coup et envoie valser deux drones dans le décor, puis un véritable geysers de racines fend le sol pour me propulser dans les airs. La bande de circuits rouillés n’a pas le temps de comprendre quoi que ce soit que, déjà, j’ai atteint les toits et repris ma forme de renarde. Mais mon répit est de courte durée : les drones ont la dents dures et niveau course-poursuite, ce sont des as. Très rapidement, le vrombissement de leur moteur résonne dans mon dos.
       Réflexion à moi-même : en hauteur, je suis une cible facile ; alors, la première occasion, je plonge pour rejoindre le capharnaüm des ruelles.
       Si Arkanta vie principalement le jour, le quartier Yōkai, lui, prend des airs de fourmilière dès le soir venu. Entre les boutiques ésotériques, les marchands ambulants, les dealers de rêves et les maisons de plaisances, les rues foisonnent de couleurs et de lumières. Une diversité de formes et de races défile à la lueur des lanternes volantes. Un spectacle magnifique au premier regard, mais qui dissimule la pauvreté et la misère. Ici, des milliers de Yōkai vivent dans la crainte de la loi humaine.

       — Citoyen yokai, au nom du Grand Consul, arrêtez-vous ! Toute non-coopération de votre part vous rendra coupable de l’injonction 45.213.6 : outrage à l’autorité et résistance à…

       Mais ferme-la !
       Les drones me collent comme une nuée d’abeilles qui ne désire qu’une seule chose : me piquer le derrière. Leurs projectiles d’énergie bleue pleuvent autour de moi et m’obligent à slalomer pour ne pas finir rôti, au même titre que ce pauvre Tanuki. Les décharges frappent au hasard, explosant le chariot d’un marchand de nouilles, une statue de gardien, ou bien même, un vieil aéronef volant à contre sens.
       Pas de chance.
       Nouveau regard en arrière : les boites de conserve me rattrapent ! Bien ! Il me faut changer de tactique. Peut-être sont-ils plus rapides, mais moi, je connais ce quartier comme ma poche.
       Je bifurque. Mon parcours m’emmène dans des ruelles de plus en plus étroites, des cours escarpées, des allées dissimulées. Je prends même la liberté de passer par une fenêtre et la pauvre habitante de l’appartement, une vieille Umioshô à la carapace blanchie, pousse un hurlement d’effroi à mon intrusion. Après une course poursuite qui me semble durée une éternité, je réussi enfin à prendre de l’avance. Je profite d’être hors de vue pour plonger dans une pile de cartons. Roulée en boule au milieu de laitues et de sachets de pousse Mongo, je lève le museau pour apercevoir la silhouette de quatre drones. Leurs rayons rougeoyants scannent les recoins de la ruelle, mais fort heureusement, ils passent à côté du monticule de cagettes sans se douter de rien et finissent par reprendre de la hauteur pour disparaître de mon champ de vision.
Tapis dans le noir, je prends conscience que j’ai arrêté de respirer.
       Ouf… il s’en est fallu de peu cette fois-ci !
       Mon regard vrille sur le pendentif en forme d’hameçon, toujours suspendu à mon cou.
       Kaz, j’espère sincèrement que ta saloperie d’amulette en valait le coup

Hors ligne Mizumi

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Re : KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]
« Réponse #6 le: 14 avril 2021 à 11:15:44 »

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Oui, je n'ai pas avertie qu'il y avait un chapitre. Je ne sais aps trop ou dire ça.
> je ne sais pas s’il y a quelque chose de prévu à cet effet, mais tu pourrais le mettre sur le carnet de bord comme ça ce qui ont commenté dessus recevront une notification ?

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Penses-tu que c'est un tort ? Dois-je à ton avis encore plus appuyer la situation et le caractère de A.I. ? (peut-être te faudra-t-il lire la suite avant de me répondre ceci-dit. C'était sans doute un peu court.)
> je n’avais pas développé mon avis justement car c’est assez court, néanmoins je pense aussi que A.I est différente de ce que j’imaginais parce qu’elle est empathique vis à vis de Aloïs, après tout ce temps passé avec lui on peut facilement supposer qu’il n’est pas aussi sarcastique avec lui qu’avec une personne qu’il estime moins.

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Oui. Je comprend. A savoir que je ne voulais pas non plus un monde de SF trop poussé. J'imagine quelque chose avec unpeu près 50/100 ans de plus que nous max. POur la magie, je comprend aussi. J'essaye de créer une fracture justement là-dessus avec le chapitre 2. Chapitre 1 Aloïs/SF/Humain et Chapitre 2 Izumi/Magie/Yokai.
> Bonne idée, je vais voir ça donc :)

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Ah, c'set un therme un peu trop technique ^^ C'est un therme aéronautique. Cela indique le nombre de directions dans lequel un appareil volant peu se déplacer. Par axemple, un avion à 2 degré de liberté (il peu avancer et monter). L'hélicopter en à 6 (avance, recul, gauche, droite, bas, haut ^^)
> j’ai appris quelque chose là :p

Par rapport au chapitre 2 :

Je savais qu’Izumi me plairait !

J’adore ce chapitre, je le trouve bien plus immersif, sûrement parce que l’action est concentrée d’une seule traite. Les combats sont bien maîtrisés, et rythmés. J’apprécie comment tu distilles des éléments d’histoire au fur et à mesure sans vraiment t’arrêter pour faire un paragraphe dessus (ce que tu avais un petit peu plus fait dans le précédent). Pareil pour la description des lieux.

Comme Izumi a un caractère plus incisif et fort, je la trouve plus intéressante mais ça c’est complètement personnel. Je me pose quelques questions niveaux lore par contre, puisque tu t’inspires des yokaï, est-ce que tu reprends leurs particularités ? Par exemple les tanukis peuvent se transformer, ou les kitsune peuvent avoir plusieurs queues et changer de forme ?

Je pense que si le prochain chapitre les fait se réunir, ça fera une entrée en matière assez intéressante. Toutefois, je me demande si pour captiver le lecteur ce ne serait pas plus intéressant d’inverser l’ordre, et de commencer par Izumi.


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Re : KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]
« Réponse #7 le: 14 avril 2021 à 11:47:01 »
Merci beaucoup Mizumi !  :coeur:

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je n’avais pas développé mon avis justement car c’est assez court, néanmoins je pense aussi que A.I est différente de ce que j’imaginais parce qu’elle est empathique vis à vis de Aloïs, après tout ce temps passé avec lui on peut facilement supposer qu’il n’est pas aussi sarcastique avec lui qu’avec une personne qu’il estime moins.
Ah oui, en effet : . A.I. est capable de créer de l'affection, et il en a pas mal vis à vis d'Aloïs. Il est donc 'soft' avec lui (même si parfois, il est un peu déroutant). C'est un robot "nounou" on va dire. Il est plus violent avec Izumi qu'il n'aime pas du tout, et il possède ses défauts (trop bavard, un peu imbus de lui même...). Mais il à une intelligence assez "humaine" quelque part. (c'est rigolo car j'utilise plutôt "il" moi, vu qu'il a une voix plutôt masculine et que c'est un robot, mais en effet, tu utilises le "elle" qui est très approprié puisque c'est une intelligence artificielle)

Oui, Aloïs et Izumi sont très différents, voir parfaitement opposés. C'est le but, avec le côté ying/yang et dualité que je veux faire passer dans le roman.
Aloïs est plus jeune et naïf. Poli, diplomate et il n'est  clairement pas la "têtebrulée" qu'est Izumi. Une amie m'a dit que elle, justement, elle n'aimait pas Izumi. Faut dire qu'elle est parfois harde et possède aussi pas mal de défauts xD Mais ce que j'espère surtout, c'est  que le duo matche bien.  (même si ça se castagne au début... )

Je note ton idée d'inverser les chapitres. Je vais attendre de voir ce qu'en disent les autres, mais en effet, c'est sans doute une très bonne idée !
 Le passage avec Aloïs est plus lent et posé, c'est sur. On rentre donc peut-être moins dedans. J'ai plus d'affect pour le perso d'Aloïs que d'Izumi, de mon côté. Donc ça joue sans doute en ma défaveur sur certains passages ou izumi mériterait d'être plus en avant.

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puisque tu t’inspires des yokaï, est-ce que tu reprends leurs particularités ? Par exemple les tanukis peuvent se transformer, ou les kitsune peuvent avoir plusieurs queues et changer de forme ?
Hum... je m'inspire, mais je ne respecte pas forcément tout.
Izumi est jeune, elle n'a qu'une queue mais oui, certains Kitsune en ont plusieurs, et plus ils sont vieux, plus ils blanchissent.
Mais je prends des liberté, clairement. Chaque Yokai dans mon monde à deux formes : une humanoïde et une animale, même si ce n'est pas le cas dans le mythe. J'invente aussi quelques "yokai" pour avoir des animaux que je souhaite faire apparaître, et qui n'existent pas forcément dans la culture japonaise.
J'emploie leurs noms et les éléments qui m'intéressent du yokai d'origine, mais je les change pour coller à l'histoire ou m'arranger.
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Hors ligne Mizumi

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Re : KITSUNARIES [Fantasy japonaise/SF]
« Réponse #8 le: 14 avril 2021 à 14:01:53 »
Je pensais exactement à ça pour les tanuki  :D :D :D
Limites sans cesse repoussées,
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