Immobile, il la regarde. Ses rougeurs tentatrices attirent son œil gourmand ; il salive déjà. Son corps longiligne recouvert d'une robe noire comme minuit est solidement campé au sol, il ne bouge pas ; toute sa convoitise se voit dans ses yeux jaunes de serpents, brillants, vifs, ses beaux yeux de démon qui ne regardent que cette chair tendre dont le sang qui suinte lui semble le plus délicat des élixirs.
A peine sent-il le froid qui entre par la fenêtre ouverte, brise fraîche d'un été qui s'achève ; il ne remarque rien, pas même l'enfant qui se cache dans un coin, et dont il s'occupera plus tard. Plus tard... Car maintenant est dédié à cette chair rouge et à ce sang dont elle est gorgée. Il s'imagine déjà, les dents plantée en elle, s'abreuvant de délices... Il ne quitte pas la proie des yeux, elle est immobile, l'innocente.
Alors, d'un bond, il saute. Son corps robuste et sombre se déploie, tout entier tendu vers sa proie. Ah ! qu'il se sent impressionnant, ainsi dressé, avec celle qu'il convoite à sa merci, inerte et froide entre ses crocs cruels ! Il se sent plus puissant que l'ours, plus terrible que le dragon, plus rapide que le ninja. Le prédateur ultime, qui d'un regard vous envoûte, qui d'un geste vous domine. Et cette proie, de toute son âme il la désirait. Sans doute l'eut-il chassée jusqu'au fond de l'océan. Quoique, il n'aime pas vraiment l'eau...
C'est alors que l'homme entre. Ses yeux s'agrandissent - il crie, avec dans la voix quelque chose de désespéré.
"M'enfin, chérie ! Je t'avais dit de pas laisser la viande pour le carpaccio sans surveillance sur la table !"
Le chat en s'enfuyant butin en bouche fit tomber la bougie, qui fut soufflée.
(Mots de Rain : dragon, ninja, vallée, océan et ours. La pauvre vallée n'a malheureusement pas trouvé sa place dans ce petit texte tout moisi. Désolée pour elle.)