Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

04 mai 2024 à 21:40:18
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Ultraviolence

Auteur Sujet: Ultraviolence  (Lu 147 fois)

Hors ligne Shendo

  • Tabellion
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Ultraviolence
« le: 14 avril 2024 à 13:12:59 »
Bonjour,

Dans un cadre journalistique, j'ai écrit un petit billet d'humeur. Il porte sur l'ultraviolence, il est donc en parfaite concordance avec l'actualité tragique de ces derniers jours.

Bien à vous,

Il est des mots qui apparaissent, soudainement, au creux de notre propre dictionnaire ; celui que l’on met tant de temps à édifier pour des raisons de richesses linguistiques. Et quelles richesses. La langue de Molière n’a rien d’égal, rien d’obtus. C’est l’histoire d’un zigzag permanent, composé d’exceptions et de passé qui, quand il n’est pas composé, a le culot de s’appeler « simple ». Non, rien n’est simple ici bas, ni au pied de la butte Montmartre ni au bistro rural. Ce n’est pourtant pas un exposé sur notre langue symphonique que je m’apprête à vous dresser, je laisse à quelconque Immortel la lourde tache - mais jouissive pour ces damnés du bon mot - d’agrémenter règles grammaticales aux notions tentaculaires que régit avec brio l’orchestre sémiotique.
   L’ultraviolence est un mot que mon traitement de texte souligne en rouge, par de fins traits espacés, signifiant qu’il y a un couac dans la matrice. Viendra-t-il un jour verdir le jardin des innombrables fleurs odorantes, ces mots que l’on aime sentir à travers le papier, à travers l’écran, à travers certaines bouches, à tel point qu’il nous donne parfois l’envie de le retrouver exactement défini au creux du Petit Robert ? Les récents événements poussent à croire que son cheminement médiatique s’accaparera bientôt de la page « U ». En 2024, qui n’a pas vu un mineur se faire justice ? Pire, un enfant ? Qui n’a jamais entendu, entraperçu 150 centimètres droit debout, fier de son allure et de la langue fourchue qui lui sert de menaces avant d’y joindre les actes ? Ah, peut-être qu’il y a vingt an seuls les noms d’oiseaux jactaient… Loin est ce temps. Je ne suis pas bien vieux, je n’écoute pas CNEWS tous les jours (bien que j’apprécie Pascal Praud comme je tiens à ma routine France Inter), je ne lis pas Schopenhauer sur mon balcon un jour de pluie, je ne crache sur personne et préfère constater que d’offrir le luxe du jugement à mon propos ; je suis simplement l’un des soixante-huit millions de spectateurs. Le film n’est pas bon, n’est plus bon. Il est violent, injuste et commence à me suivre lors du coucher. L’écran s’allume : le jeune s’approche de la voiture, somme au conducteur de sortir pour une raison exclusivement détenue par le Smartphone (les joies du montage), et le frappe. Vigoureusement, frénétiquement, on eût dit qu’aucun coup ne suffit à exprimer la haine de l’agresseur. Il est jeune, cet agresseur. Vingt-trois ans, tout au plus ? L’agressé est sonné. L’air quarantenaire doublement hébété ; il ne sait pas ce qu’il lui arrive. Il a bien tenté de calmer le jeunot, dont l’âge est sensiblement celui de son fils, mais il n’y parvient pas. On lit bien plus que la surprise dans ses yeux, on y voit le désarroi.
   Ce matin, métro. Pas trop de boulot, le dodo sera gentiment pour ce soir, les siestes méridiennes me rendent lourd. Durant le trajet, la musique retentit dans mes oreilles. Pas au point de me briser le tympan, alors j’entends cette femme réprimander deux jeunes situés en face d’elle. Encore une quarantenaire (j’espère ne pas me tromper sans quoi si par le plus grand des hasards me lisez-vous, pardonnez-moi) face à une jeunesse trompeuse de par ses traits enfantins. Tandis que l’un deux, vêtu d’un jogging vert et noir, avale sa cigarette électronique, l’autre a décidé de se détendre les jambes sur le siège d’en face. « Il n’y a personne, c’est bon », argue-t-il. Oui, c’est vrai. Enfin non, ça ne l’est plus, au prochain arrêt un vieil homme, masque sur le nez et vieille canne, sera monté. Le jeune s’en fout, il est au spa, massé par sa propre ânerie. La femme lui fait comprendre que le wagon ne lui appartient pas, que ses pieds salissent le siège. « Déjà sale », lâche-t-il. La femme monte d’un ton : ils rigolent. De deux : ils jacassent. De trois : il s’agacent. Les pubères semblent être adeptes des bévues, mais leur apogée semble avoir été atteinte dès lors qu’ils prononcent ces mots : « ta gueule ». La femme a l’oeil hagard. Encore une surprise. Elle zieute autour d’elle dans l’espoir de mélanger son émotion avec l’un des dix spectateurs. Quelques sièges plus loin, une autre femme, approximativement le même âge, paraît interpellée, mais se tait. Le vieux monsieur a trouvé une place, sa canne aussi. Moi, je suis resté statique, la musique en moins. « On s’habitue, c’est tout », prophétisait M.Brel.
   

Hors ligne Cendres

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Re : Ultraviolence
« Réponse #1 le: 14 avril 2024 à 21:27:46 »
Merci Shendo pour ton texte.

Il ne parle pas d'ultra violence, mais de la violence ordinaire. Celle qui se produit tous les jours et depuis, certainement, toujours.

Est-ce que la société est plus violente où c'est simplement qu'on voit mieux la violence ?
Les jeunes qui se comportent mal, ça existe, mais leur ainé ne se comportent souvent pas mieux. Souvent ils oublient comment ils étaient à leur âge.

Comme disait Socrate :"Les jeunes d’aujourd’hui aiment le luxe, méprisent l’autorité et bavardent au lieu de travailler. Ils ne se lèvent plus lorsqu’un adulte pénètre dans la pièce où ils se trouvent. Ils contredisent leurs parents, plastronnent en société, se hâtent à table d’engloutir les desserts, croisent les jambes et tyrannisent leurs maîtres. Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans."
« Modifié: 14 avril 2024 à 21:34:00 par Cendres »

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Re : Ultraviolence
« Réponse #2 le: 15 avril 2024 à 06:14:14 »
Un texte bien écrit Shendo. Après souhaitais tu lancer un débat ou recevoir des avis sur ton texte
Au niveau du texte lui même, je soulignerais juste le passage avec référence à un film... je n'ai pas compris si il s'agissait d'un film ou si le mot film constituait une allégorie pour un fait de société. Peut-être aussi, ta métaphore avec le passé simple... un poil capilotracté, disait mon prof il y a 40 ans.
Au niveau du sujet, je suis assez d'accord avec Cendre quand elle dit : Est-ce que la société est plus violente où c'est simplement qu'on voit mieux la violence ?
Ce que je reprocherais au grand média c'est peut-être bien de rester au niveau du fait divers, de collecter les actes morbides, de ne pas entrer dans le vif, de ne pas faire le boulot. Parler et montrer la violence ça marche, ça attire, ça fascine. Ma mère ( 88 ans) a passé l'aprem a suivre les rebondissements ( en fait rien) suite à la découverte des os du petit Emile. On peut s'interroger : qu'est ce qu'ils foutent ? Les journalistes. Tu me diras, pour plein de sujet aussi, ça reste en surface, ça reste au niveau du compte rendu spectaculaire pour de nombreux sujets. C'est peut-être nous qui voulons ça puisque que l'on laisse, les médias, perdre leur capacité de raisonnement et devenir des machines à fric, peut-être parce que l'on aime bien fermer les yeux?
D'autres questions :qu'est qu'une économie de guerre ? Rien qu'un mot ronflant pour laisser croire, là encore fermer les yeux.
Pourquoi, alors que le mur s'approche à grande vitesse, il ne se passe rien.
Que  se passe t-il dans l'esprit d'un enfant pour que l'empathie, capacité qui a servi une temps à nous différencier des animaux ( que les bêtes en soient dépourvues, apparait désormais comme moins évident), pour que l'empathie ne soit pas si évidemment intégrée ? Y a t-il un virus ? Une mutation ?
Donc, je reprocherais à ton texte de ne pas, lui aussi, entrer dans le vif.
Tu me diras c'est un billet d'humeur. Alors, il nous manque peut-être aussi ton humeur. Au début on s'attend à ce que tu partes sur une traverse, que tu restes sur le mot, que tu joues avec ça. Mais tu reviens (brusquement presque) sur la violence et essentiellement celle des enfants ou des jeunes, ce qui n'est pas la définition de l'ultraviolence. Curieusement, quand on cherche ultraviolence sur internet, on bascule sur l'art, film ou musique. ON pourrait se demander si ultraviolence n'est pas un concept.
 Le réflexe des adultes et souvent de citer la violence des jeunes pour s'en disculper. Oui, on pourrait se demander où est la nôtre donc ? S'interroger sur celle ci, sur la violence des lieux d'éducation par exemple. La violence à laisser des gens se noyer dans la méditerranée n'est pas celle des enfants. Non, elle est celle des autorités, des adultes qui la constituent et qui offre ce spectacle horrible, ignoble à la jeunesse, qui la laissent considérer qu'il s'agit de normalité, qui laisse considérer à une grande partie du monde ( ceux qui veulent franchir les méditerranées, essentiellement des jeunes d'ailleurs) que les sociétés que nous sommes vivent à leur dépens, que nous les sacrifions pour notre permanence.
B
Bref, un vaste sujet

B
« Modifié: 15 avril 2024 à 06:18:44 par Basic »
Tout a déjà été raconté, alors recommençons.

Page perso ( sommaire des textes sur le forum) : https://monde-ecriture.com/forum/index.php?topic=42205.0

blog d'écriture : https://terredegorve.blogspot.com/

Hors ligne Shendo

  • Tabellion
  • Messages: 41
Re : Ultraviolence
« Réponse #3 le: 15 avril 2024 à 10:05:18 »
Bonjour à tous les deux,

Je vous remercie tout d'abord pour votre lecture, je vois qu'elle a suscité une réflexion, intéressante qui plus est !

L'ultraviolence est un mot que je considère alambiqué. Il ne définit pas uniquement le degré de violence, il marque aussi son évolution et sa fréquence. Son évolution est intiment liée à la sphère des réseaux sociaux. Tout est filmé, commenté ; le nombre de visionnage influe sur une pseudo notoriété, laquelle fait croître un peu plus la violence. Quant à la fréquence, cela est plus compliqué. Je n'ai pas les chiffres en ma possession. Néanmoins, contentons-nous de parler de ressentis (on rentre alors un peu plus dans l'humeur du billet). Avez-vous l'impression que les jeunes sont plus violents qu'en 2010 ? Si non, pourquoi ? Si oui, les médias existaient déjà, en parlaient déjà. Le sujet est en effet très vaste parce qu'il comporte moult sujets sociétaux.

La violence s'est considérablement insinuée dans notre quotidien. L'affaire du petit Emile a mis en émoi la France dans le sens où elle évoque celle du petit Grégory. L'empathie nationale n'est pas à mettre en doute, elle était bel et bien là. Quant à l'empathie journalistique, j'ai envie te dire qu'elle est se croise avec sa déontologie. Sur le terrain, bien évidemment que l'empathie suinte sur le front et les questions des journalistes (peut-être pas tous je te le concède), mais elle ne peut se permettre de prendre trop de place, surtout dans un faits divers aussi complexe. Les forces de l'ordre ont tout de même pris 8 mois pour trouver le bambin.

Concernant le terme d'économie de guerre, je suis d'accord qu'il entre dans ces fameux éléments de langage, encombrants à souhait. Ce sont des termes politiques, que reprennent certains journalistes (pas forcément à tort d'ailleurs) sans prendre le temps de le définir.

Enfin, il me paraît évident que les jeunes n'ont pas l'apanage de l'ultraviolence. "Les adultes sont tellement cons qu'ils nous feront bien une guerre", disait M.Brel. Encore.

 


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